Contenu du sommaire : Âges de la vie, âges à l'écran : passages, seuils, transitions et évolutions genrées

Revue Genre en séries : cinéma, télévision, médias Mir@bel
Numéro no 17, 2024
Titre du numéro Âges de la vie, âges à l'écran : passages, seuils, transitions et évolutions genrées
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction : la troublante articulation de l'âge et du genre à l'écran - Adrienne Boutang, Mathieu Arbogast accès libre
  • Dossier

    • Sexual Subjectivity of Ageing Women in the Series Grace and Frankie - Hela Dalal, Miri Rozmarin accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la rationalité politique néolibérale, les femmes âgées sont associées à une valeur sociale réduite, à l'impuissance et à l'asexualité. C'est dans ce contexte que nous avons entrepris d'examiner la représentation de la subjectivité sexuelle des femmes âgées dans la série télévisée Grace and Frankie. En nous appuyant sur la notion de « technologies du soi » de Michel Foucault, nous montrons comment les différentes pratiques des deux protagonistes de la série, Grace et Frankie, les aident à négocier avec le pouvoir normatif qui façonne leur position en tant que femmes vieillissantes. En décortiquant les différentes technologies du soi mises en œuvre par chaque personnage, nous démontrons comment elles parviennent à maintenir un sentiment de subjectivité sexuelle. Nous suggérons que la série télévisée identifie des options contemporaines pour des pratiques transformatrices, qui peuvent aider les femmes âgées dans leurs efforts pour faire face aux constructions néolibérales restrictives de la vieillesse.
      In neoliberal political rationality, older women are associated with reduced social value, powerlessness, and asexuality. It is against this background that we set out to examine the representation of older women's sexual subjectivity in the television series Grace and Frankie. Drawing on Michel Foucault's notion of “technologies of the self,” we show how different practices performed by the series' two protagonists, Grace and Frankie, help them negotiate with the normative power that shapes their positions as ageing women. By unpacking the different technologies of the self that each character performs, we demonstrate how they manage to sustain a sense of sexual subjectivity. We suggest that the television series identifies contemporary options for transformative practices, which may serve older women in their efforts to deal with restrictive neoliberal constructions of old age.
    • “Everything moves, ever forward”: Motherhood and Midlife in Pamela Adlon's Better Things - Corinn Columpar accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie Better Things (FX, 2016-2022) de Pamela Adlon comme l'une des rares séries télévisées don't le récit est focalise sur une mère, et non sur son/ses enfant(s), ce qui lui permet de représenter la cinquantaine comme une période de changement perpétuel. Plus précisément, l'article s'appuie sur l'étude de l'esthétique télévisuelle, des productions culturelles féministes, de l'expérience et de la subjectivité maternelles, pour étudier comment Sam, la protagoniste – et aussi, en filigrane, Adlon la créatrice de la série - sont représentées, comme un soi en construction, se développant à travers une interaction dynamique entre sa carrière, ses désirs, sa physiologie et la communauté familiale et amicale qui l'entoure. Par l'étude de ce processus, l'article met l'accent sur certaines caractéristiques déterminantes de Better Things, notamment sa structure fragmentée qui déroge aux exigences du format épisodique et sériel, son esthétique visuelle maternelle, à laquelle j'ai donné le nom d'esthétique télévisuelle de l'interruption ; et l'intérêt, qui va croître continument pendant les cinq saisons que durera la série, pour l'expérience du vieillissement.
      This article reads Pamela Adlon's Better Things (FX, 2016-2022) as the relatively rare television series that foregrounds a mother's drama, as opposed to that of her child/ren, and thereby represents midlife as a period of ongoing change. More specifically, it draws on discussions of televisual aesthetics, feminist cultural production, and maternal experience and subjectivity in order to explore the series's representation of protagonist Sam—and, by extension, creator Adlon—as a self in process, developing in dynamic interaction with her career, desires, physiology, and community of family and friends. In the process, it focuses on certain defining features of Better Things, including its fragmented structure, which sidesteps the demands of both episodic and serial form; its maternal aesthetics, which I dub a televisual aesthetics of interruption; and its increasingly greater interest, over the course of a five-season run, in the experience of aging.
    • « J'aimerais autant que ça arrive avant la ménopause ! » : Le premier rapport sexuel comme seuil déterminant dans les séries adolescentes (1992-2023) - Marion Ferrandery accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'étudier les représentations des seuils sociaux marquant les étapes entre la jeunesse et l'âge adulte, plus particulièrement l'entrée dans la vie sexuelle, dans les séries adolescentes diffusées en France entre 1992 et 2023. Parmi les étapes incontournables des trajectoires adolescentes, « la première fois » bénéficie d'une place particulière, permettant à la fois de structurer le récit, de nourrir la tension narrative et de faire évoluer les personnages. Les résultats présentés dans cet article reposent sur l'étude d'une première sélection de 11 programmes permettant d'identifier les seuils structurant le récit, et d'une seconde sélection de 17 séries abordant de façon détaillée l'entrée dans la vie sexuelle d'au moins un personnage. Une étude compréhensive des personnages, portant sur leurs aspirations, leurs déclarations ou leur modes de vie, permet de constater une grande régularité dans le temps des représentations sociales des étapes structurantes de cette période. Dans ce cadre, le premier rapport sexuel constitue un événement particulièrement important, abordé, traité et vécu de façon différenciée par les personnages féminins et masculins.
      The purpose of this paper is to study the representations of the social stages between youth and adulthood, and more particularly the entry into sexual life, in teen-series broadcast in France between 1992 and 2023. Among the main stages of adolescent trajectories, “the first time” has a special place, allowing the story to be structured, the narrative tension to be fed and the characters to evolve. The results shared in this article are based on the study of a first selection of 11 programs allowing to identify the stages structuring the narrative, and a second selection of 17 series dealing in detail with the entry into sexual life of at least one character. A comprehensive study of the characters, focusing on their aspirations, their declarations or their lifestyles, allows us to observe a great regularity over time in the social representations of this period. In this context, the first sexual intercourse constitutes a particularly important event, approached, treated and experienced in a differentiated way by the female and male characters.
    • Jouer avec son âge : les carrières des comédiennes à l'épreuve du vieillissement - Louis Pastor accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore des trajectoires d'actrices qui doivent arbitrer entre stabilité économique, vocation artistique et dépendance vis-à-vis du regard des employeur·euses, dans un milieu aux inégalités structurelles et aux frontières professionnelles multiples. L'éloignement des réseaux théâtraux et les difficultés à obtenir des rôles après 50 ans dans l'audiovisuel, notamment à la télévision, génèrent une forme de désœuvrement et de remise en question individuelle. Selon leurs positions et leurs ressources, elles cherchent à diversifier leurs activités pour surmonter ces contraintes et se distribuer dans des rôles moins stéréotypés, offrant ainsi un éclairage sur les dynamiques de l'industrie du spectacle et les perceptions du vieillissement. En plus d'expliciter des stratégies employées par les comédiennes face aux discriminations dont elles font l'objet, l'enquête montre comment leur expérience du métier fournit le levier d'une critique des normes d'âge et des rapports de pouvoir dans ce milieu.
      This chapter investigates the professional paths of actresses who attempt to reconcile economic stability, artistic calling, and the mandatory dependence on employer's views, within an environment built on structural inequalities and numerous professional borders. The process of being removed from theatrical networks, along with the increasingly challenging task of being cast after the age of 50 in the audiovisual industry, especially on television, entail a sense of aimlessness, leading actresses to feel their professional and personal life choices called into question. Depending on their situation and on the resources allowed to them, they try to diversify their activities as a way overcome those hardships and perform less stereotypical roles. In this way, they offer an insight into the dynamics of the entertainment industry, and into the way aging is represented. Besides bringing to light the strategies actresses resort to in order to face prejudice, this study aims to show how their professional experiences allow them to cast a critical eye on age standards and power relations in this environment.
    • « Une scène de crime dans ma culotte » : les menstruations s'exposent à l'écran - Alexandra Mérienne, Marta Alvarez accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Souvent invisibilisées dans les médias et associées à des connotations négatives, les menstruations sont pourtant représentées dans certaines œuvres contemporaines qui cherchent à les normaliser et à les montrer de manière positive. S'appuyant sur vingt films et séries occidentaux et en adoptant une approche interdisciplinaire englobant anthropologie, études cinématographiques et de genre, cet article se propose d'analyser ces représentations. Il souligne spécifiquement comment les deux moments de transition que sont la ménarche et la ménopause sont présentés au XXIe siècle dans les récits audiovisuels et comment ces derniers offrent des représentations novatrices de leur ritualisation tout en remettant en question les imaginaires sociaux liés aux âges de la vie.
      Although often avoided in the media and associated with negative connotations, menstruation is represented in some contemporary works that seek to normalize it and show it in a positive light. Focusing on 20 films and series and adopting an interdisciplinary approach encompassing anthropology, film and gender studies, this article analyzes these representations. It specifically highlights how the two transitional moments of menarche and menopause are depicted in 21st-century audiovisual narratives, and how the latter bring innovative representations of their ritualization while challenging age-related social imaginaries.
    • « Sexy sirens in their sixties ». Vieillir en (post-)féministe dans And Just Like That… (HBO, 2022) - Audrey Haensler accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 2022, la chaîne de streaming HBO Max a relancé la franchise Sex and the City (HBO, 1998-2004) avec la diffusion du spin-off And Just Like That, dont l'intrigue se déroule dans le New-York contemporain, et dont les héroïnes sont désormais quinquagénaires. L'article explore la manière dont la série traite du vieillissement féminin de ses personnages, mais aussi de ses actrices, dans une perspective post-féministe et queer. Développant un discours parfois contradictoire sur l'âge de ses protagonistes, elle illustre le poids des injonctions genrées paradoxales qui pèsent sur le corps des femmes, et montre la difficulté de concevoir la vieillesse féminine dans une culture qui valorise la jeunesse à outrance. C'est finalement dans les possibilités queer, toujours déjà présentes dans le texte, mais poussées ici à leur paroxysme, que la série propose un discours plus radical et optimiste sur le vieillissement féminin.
      In 2022, HBO's streaming platform HBO Max revived the Sex and the City (HBO, 1998-2004) franchise with its latest installment, a spin-off entitled And Just Like That. The show takes place in contemporary New York, and portrays the lives of three of the four original protagonists, now in their fifties. This article explores how the series depicts its aging female characters, but also of the actresses who play them, in both postfeminist and queer terms. In its development of an at times paradoxical discourse on aging, And Just Like That illustrates the weight of gendered assumptions and double binds that weigh on women's bodies. Its contradictions underline how difficult it is to conceive of female aging in a society that presents youth as a cardinal virtue. Ultimately, the series' most radical and optimistic stance lies in its queer possibilities, always already present in the original text, but finally fully developed in this newest iteration.
  • Varia

    • Le placard éditorial de l'abstraction chorégraphique - Jean Capeille accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1950, des critiques états-unien.es débattent des spectacles d'une nouvelle avant-garde chorégraphique. Leurs comptes-rendus regroupent parfois ces œuvres sous les vocables de danse « abstraite » ou « avant-gardiste ». En parallèle à ces catégories, il n'est pas rare de croiser, dans leurs colonnes, des lexiques liés au queer dans ses diverses acceptions et notamment stigmatisantes. Certains de leurs termes font ainsi écho aux mots que le maccarthysme avait récemment popularisés pour discriminer les minorités sexuelles et leur imposer les nécessités du placard. Du côté de la défense de cette avant-garde, un jeune interprète nommé David Vaughan propose, dans le courrier des lecteurs de Dance Magazine en 1958, de penser celle-ci sous l'angle d'une « approche non-éloquente ». En refusant que le corps parle, sa valorisation d'une danse transparente – limitée à ses seuls mouvements, à voir plutôt qu'à interpréter – n'est pas sans continuer à alimenter « l'épistémologie du placard » structurée autour de la séparation entre le privé et le public, le visible et le dissimulé, les non-dits et le non-dire. Par-delà ces lignes de front, cet article se propose d'explorer, à travers la notion de « placard éditorial », les dynamiques critiques pre-Stonewall de l'abstraction chorégraphique.
      In the late 1950s, American critics debated the performances of a new choreographic avant-garde. Their reviews sometimes grouped these works under the terms 'abstract' or 'avant-garde' dance. Alongside these categories, it is not uncommon to find in their column some lexicons related to queer (in its various and often stigmatizing meanings). Some of their terms echo the words that McCarthyism had recently popularized to discriminate against sexual minorities and impose the necessities of the closet upon them. On the side of defending this avant-garde, a young performer named David Vaughan suggested, in the readers' mail section of Dance Magazine in 1958, to think of it from the perspective of a 'non-eloquent approach.' By refusing to let the body speak, his valorization of a transparent dance – limited to its movements, to be seen rather than interpreted – continues to feed into 'the closet epistemology' structured around the separation between the private and the public, the visible and the concealed, the unspoken and the speech reject. Beyond these front lines, this article aims to explore, through the notion of 'editorial closet,' the critical dynamics of choreographic abstraction before Stonewall.
    • Réalisatrices en séries : la représentation de la cinéaste abusive dans The L Word, The Deuce et Brand New Cherry Flavor - Noémie Alekanian accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le cinéma, la télévision, et plus récemment les plateformes, ont fréquemment exploré les conditions de leur production à travers la mise en scène de leurs coulisses, tant les plateaux de tournage que les bureaux des studios et des chaînes de télévision. Cet attrait de la fiction audiovisuelle pour la représentation de sa propre communauté professionnelle est toutefois mise au défi, depuis octobre 2017, par le mouvement #MeToo. À la suite des nombreux témoignages de travailleur·se·s, majoritairement des femmes, sur les violences et les discriminations subies au sein de leur environnement professionnel, le format sériel s'est emparé de ces thèmes en mettant notamment en scène plus de personnages de réalisatrices. Si l'on peut se réjouir de voir davantage de femmes à de telles positions, les séries semblent montrer des réalisatrices certes puissantes mais abusives. Cet article propose donc d'interroger la représentation de ces professionnelles sur le petit écran, à l'aune des enjeux soulevés par #MeToo, à travers l'analyse de trois séries : The L Word (2004-2009, Showtime), The Deuce (HBO, 2017-2019) et Brand New Cherry Flavor (Netflix, 2021).
      Film, television, and more recently VOD platforms have often explored the conditions of their production while filming what goes behind-the-scenes, including film sets and studio offices. Since October 2017, the film industry's interest in depicting its own professional community has been challenged by the #MeToo movement. In the wake of numerous testimonies from workers, mostly women, about the violence and discrimination suffered within their professional environment, the serial form has taken on these themes, including more female director characters on screen. While we can be pleased to see more women in such positions, TV series seem to show female directors who are powerful but abusive. This article focuses on the representation of these female figures on the small screen in the light of the issues raised by #MeToo and through the analysis of three TV series : The L Word (2004-2009, Showtime), The Deuce (HBO, 2017-2019) and Brand New Cherry Flavor (Netflix, 2021).