Contenu du sommaire : Les approches sociologiques de l'intégration européenne. Perspectives critiques
Revue | Politique européenne |
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Numéro | N°25, printemps 2008 |
Titre du numéro | Les approches sociologiques de l'intégration européenne. Perspectives critiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les approches sociologiques de l'intégration européenne. Perspectives critiques
- Une sociologie de l'intégration européenne ? - Sabine Saurugger p. 5 Il s'agit dans cette introduction de situer les approches sociologiques de l'Union européenne par rapport à d'autres approches théoriques qui étudient le processus d'intégration communautaire. L'objectif de cet article est d'illustrer l'hétérogénéité des approches sociologiques portant sur l'intégration européenne. Elles sont abordées par trois axes structurants. Un premier axe se concentre plus particulièrement sur les définitions des approches sociologiques de l'intégration européenne. Une deuxième partie s'intéresse aux problématiques centrales qui me semblent partagées par la majorité des chercheurs s'inscrivant dans les approches sociologiques. Enfin, une dernière partie présente plus particulièrement, parmi cet ensemble de recherches, les approches critiques.The aim of this article is to study the heterogeneity of sociological approaches concentrating on the European integration process. The objective is to situate these sociological approaches in relation to the epistemological backgrounds of other conceptual frameworks. This is done in three steps. While a first part of the article concentrates on the definition of sociological approaches to European integration, a second part will look more closely at the central puzzles that are shared by the majority of researches working in the sociological tradition. A third and last part will then present more precisely critical approaches to European integration.
- Les institutionnalistes (américains) devrait-ils lire les sociologues (français) ? - Frédéric Merand p. 23 Cet article traite des accords et désaccords entre le néo-institutionnalisme et la sociologie politique d'inspiration bourdieusienne dans l'étude de l'Union européenne. L'objectif est d'avancer des façons concrètes d'intégrer l'acquis sociologique dans le corpus néo-institutionnaliste. Pour ce faire, je démontre d'abord comment l'importance accordée par les néo-institutionnalistes aux normes et aux règles fait place chez les sociologues politiques à une théorie des champs plus englobante. Je propose ensuite d'ajouter le conflit et la domination (chers aux sociologues politiques) aux mécanismes de changement institutionnel développés par les néo-institutionnalistes, notamment les conséquences inattendues, l'entrepreneurship, l'innovation sociale et l'isomorphisme. Finalement je souligne l'intérêt qu'il y aurait pour les néo-institutionnalistes à délaisser la dichotomie abstraite entre logique des conséquences et logique de l'à-propos en faveur d'une conception générique de la pratique, validée par l'enquête de terrain.Should (American) Institutionalists Read (French) Sociologists ? Focusing on European Union studies, this article deals with agreements and disagreements between the new institutionalism and Bourdieu-inspired political sociology. My objective is to suggest concrete ways to integrate the sociological acquis into the neo-institutionalist literature. To do so I first show how the importance given by new institutionalists to rules and norms gives way to a broader theory of fields in French sociology. I then propose to add conflict and domination (dominant in political sociology) to the institutionalist toolbox of mechanisms of institutional change, such as unanticipated consequences, entrepreneurship, social innovation, and isomorphism. Finally I argue that it would be sound for neo-institutionalists to go beyond the abstract dichotomy between the logic of consequences and the logic of appropriateness by adopting a more generic conception of practice, tested by fieldwork.
- La sociologie historique et politique de l'Union européenne : un point de vue d'ensemble et quelques contre points - Didier Georgakakis p. 53 Cet article dresse un panorama de la centaine de travaux relevant de la sociologie historique et politique de l'UE parus en France ces deux dernières années (en particulier autour de la sociologie de la connaissance et de celle des trajectoires et des positions des agents et de groupes qui peuplent l'espace politique européen), puis il livre quelques pistes de réflexions sur leurs apports possibles au débat international, notamment en ce qui concerne l'analyse de l'espace politique et institutionnel central de l'UE.The historical and political sociology and the European Union : an overview and some commentaries This article raises a panorama of the hundred of papers relating to historical and political sociology of the EU published in France these last two years (particularly around sociology of knowledge and sociology of trajectories and positions of the social agents and groups who compose the european political space). Then it delivers some tracks on their contribution to the international debate, notably in analysing the EU political and institutional central space.
- Institutions et acteurs : rationnalité, réflexivité et analyse de l'UE - Niilo Kauppi & Mikael Rask Madsen p. 87 La recherche sociologique sur l'Union européenne offer une alternative indispensable aux habituelles approches de l'UE dominées par l'économie, le droit, les relations internationales et les sciences politiques. Toutefois, jusqu'à présent, cette alternative sociologique a surtout consisté en l'adaptation de la terminologie sociologique telle que « construction sociale » ou « identité » et en l'introduction de nouveaux objets de recherche, telles que les conventions sociales réglementant la sécurité nationale ou les constructions discursives de l'Europe. Mais la sociologie fournit également les munitions intellectuelles pour une réévaluation bien plus fondamentale de certaines des presuppositions ontologiques et épistémologiques de la recherche sur l'UE, ainsi que pour une reconstruction de l'objet d'étude. Dans cet article, nous allons développer ce cadre d'analyse sociologique alternatif en explorant des notions clés telles que la rationalité et la réflexivité. À notre avis, ce sont là les outils indispensables pour expliquer ce qui reste l'une des plus grandes énigmes pour les études européennes, à savoir : comment l'Europe s'est-elle formée par l'interaction des institutions européennes et des acteurs dans le jeu de Bruxelles et à travers les frontières nationales. Ces présuppositions ontologiques et épistémologiques empêchent un grand nombre de recherches fondées sur les mêmes présupposés et les dualismes qu'ils produisent (individu-institution, socialisation-calcul stratégique, supranational-national...) de développer une description plus complexe et plus « consistante » de l'intégration européenne.Institutions and Actors: Rationality, Reflexivity and the Study of the EU Sociological research on the European Union provides a much needed alternative to mainstream EU-studies dominated by economics, law, IR and political science. However, until now this sociological alternative has mostly involved the adaptation of sociological terminology such as “social construction” or “identity” and the introduction of new objects of research, such as the social conventions regulating national security or the discursive constructions of Europe. Sociological theory also provides the tools for a more fundamental re-evaluation of some of the ontological and epistemological presuppositions of EU research and a corresponding reconstruction of the object of study of European studies. In this article, we will suggest a sociological framework by exploring key notions such as rationality and reflexivity. It is our claim that these are the tools necessary for explaining what remains one of the biggest issues of European studies, namely the interplay of European institutions and actors both within the Brussels game and across national frontiers. These epistemological and ontological presuppositions prevent a great deal of research based on the same presuppositions and the dualisms they produce (individualinstitution, socialization-calculation, supranational-national, etc.) from developing a more complex, “thick” description, of EU integration.
- L'Europe à contrepoint. Objets nouveaux et classicime théorique pour les études européennes - Julien Weisbein p. 115 Cet article plaide un double renversement par rapport aux modalités parfois routinisées de construction des objets de recherche au sein des European studies : un choix plus ouvert, voire imaginatif de terrains empiriques (qui peuvent dépasser le périmètre de compétence de l'UE et qui ne soient pas obligatoirement de nature politique) ; et l'utilisation de concepts, de problématiques et de notions classiques de la sociologie (comme la notion empruntée à Norbert Elias de configuration pour analyser les phénomènes relevant de la problématique de l'européanisation). A cette double condition, on peut ainsi établir une logique de contrepoint – c'est-à-dire de dialogue, d'enrichissement, de clarification et non d'opposition – avec les travaux menés par les spécialistes de l'intégration européenne.
Contrapuntal Europe. New empirical objects and good old sociological theories in the study of EU questions This paper adapts to European studies the counterpoint logic in musicology, i.e. the relationship between two or more voices or melodies that are independent in contour and rhythm, and interdependent in harmony. The several melodies that are simultaneously played thus intertwine and form together a richer one. “Contrapuntal Europe” may thus bring two original objects in the field of European studies: “elsewhere Europe” and “otherwise Europe”. In the first section of this paper, it is argued that European integration affects social groups not only from above, i.e. through descending norms and patterns, but also from below: new empirical objects for scholars can thus be found elsewhere, through the indirect reflections of EU institutionalization. But the study of such new empirical objects doesn't require new paradigms: instead, notions widely used by scholars to understand what's going on in EU integration can be enlighten with “old” and “traditional” sociological tools. The second section discusses one of these specific to EU issues notions, namely “Europeanization”, through an old concept, namely figuration drawn from Norbert Elias' work, in order to demonstrate that the latter can considerably enrich the first. - L'Union européenne et la régulation des industries : vers une sociologie politique de l'économie - Bernard Jullien & Andy Smith p. 137 Informé par une ontologie, une épistémologie et des concepts forgés à l'aide d'une sociologie largement française, cet article propose de suivre dans l'abord des industries et de leur régulation en Europe une voie qui consiste à croiser les théories institutionnalistes développées en économie industrielle et en analyse des politiques publiques. Il montre ensuite que transformer ce cadre d'analyse en questions de recherche empiriques interdisciplinaires incite à structurer des recherches systématiques sur le gouvernement européen des industries. En incorporant une large palette d'organisations industrielles et politiques européennes, cette stratégie de recherche débouche enfin sur la formulation d'hypothèses clés sur la dynamique de ce gouvernement et, en particulier, sur le rôle qu'y joue la politique de la concurrence.
The European Union and the regulation of industries: Towards a political sociology of the economy Informed by an ontology, an epistemology and concepts forged with the support of a sociology that is essentially French, this article sets out to analyse the regulation of industries in Europe by adopting a perspective that combines institutionalist theories developed in industrial economics and public policy analysis. It then shows how transforming this approach into interdisciplinary empirical research questions provides a means of systematically studying the European government of industries. Finally, by encompassing a wide cross-section of European industrial organizations and policies, this research strategy generates hypotheses on the dynamics of this government and, in particular, of the role competition policy plays within it. - Action publique européenne : les cateurs stratégiques face à l'Europe - Sophie Jacquot & Cornelia Woll p. 161 Cet article s'intéresse à l'influence de la sociologie dans l'analyse de l'action publique européenne. Nous revenons notamment sur la notion "d'usage" que nous avons développée auparavant et plaidons pour une prise en compte plus systématique de l'action stratégique dans l'analyse des transformations européennes. Nous analysons les évolutions récentes des études européennes vers une prise en compte plus systématique de l'imbrication sociale des acteurs, ce qui permet d'étudier leur rationalité sans tomber dans certains pièges des approches du choix rationnel trop réductrices. L'analyse de l'action intentionnée permet de mettre en lumière trois dimensions spécifiques des transformations européennes : (1) les processus non contraignants et informels, (2) les effets de la circulation des acteurs entre les différents niveaux du système européen, et (3) l'importance des coalitions ambiguës et parfois inattendues qui se forment, souvent malgré des divergences profondes sur les objectifs à atteindre.A Sociological Perspective on Strategic Action in European Integration Many have noted that European integration theory has moved beyond the theoretical divide between intergovernmentalists and neo-functionalists that have marked the 1990s. While some authors simply abandon theoretical frames to concentrate on empirical puzzles, others have adopted positions stemming from international relations theory or comparative political science. The most important paradigmatic divide in European Union studies now seems to be between rationalists and constructivists or rational choice institutionalists and more sociological perspectives to the study of European integration that focus on the role of ideas and representation in the evolution of institutional settings. This article surveys recent studies that have adopted the latter perspective while at the same time concentrating on the strategic decision-making of intentional actors that are at the centre of rational choice approaches. By studying the contributions of such a middle ground perspective to the study of Europeanization in particular, we argue against a dichotomy between rational and constructivist approaches and highlight the centrality of fluid coalition patters and power relationships in the study of the European Union.
- Avons-nous besoin d'une sociologie des relations internationales pour analyser l'intégration européenne ? - Sabine Saurugger p. 193 Si on constate actuellement que la recherche sur l'intégration européenne insiste de plus en plus sur l'utilisation d'outils conceptuels et théoriques développés dans le cadre de la sociologie politique pour analyser l'Etat, l'aspect international de l'intégration européenne semble de plus en plus négligé. Toutefois, dans des contextes dans lesquels les Etats membres ont un pouvoir de décision aussi bien exclusif que partagé, il importe de ne pas comparer leur comportement à celui des citoyens. Afin de re-introduire les problématiques liées à la souveraineté étatique et les relations inter-et transnationales, cet article s'interroge sur la pertinence des outils développés par les approches sociologiques des relations internationales qui conceptualisent la puissance, la souveraineté et les normes internationales comme des construits sociaux.Is there a need for a sociology of international relations in European Studies ? While an increasing number of scholars use approaches employed to study domestic politics to analyse the European Union's political system, the intergovernmental aspect of the integration process seems to become less and less relevant. However, in areas where governments hold an exclusive or even shared competences, it is important not to compare their attitudes to those of individual citizens. States are composed and compound systems. To reintroduce the questions and problems linked to state sovereignty and inter- as well as transgovernmental relations, this article analyses the theoretical relevance of sociological international relations approaches which conceptualise power, sovereignty and international norms as social constructs.
- French follies ? - Anand Menon p. 217 L'objet de cet article est d'analyser de manière critique les spécificités des approches françaises sociologiques portant sur l'intégration européenne. L'auteur suggère des pistes de réflexion qui devraient mener à un usage optimal de l'ensemble de connaissances accumulé par des chercheurs – français inclus – sur l'Union européenne. Pour ce faire, il importe de faire émerger et de développer des concepts qui peuvent être utiliser pour comparer des phénomènes politiques et sociaux dans l'ensemble des pays européens et extra-européens. Selon l'auteur, les articles de ce numéro spécial de Politique européenne contribuent de manière significative à cette entreprise.This article provides a critical analysis of the contribution made by French political sociologists to the study of the European Union.. While expressing scepticism about the quest for specific national or disciplinary contributions, the author remains positive about potential uses for the utilization of the impressive body of knowledge that has been accumulated by researchers – including French researchers - on the European Union. This involves, not least, the potential to develop concepts that can be used to structure that knowledge and that can act as a basis for fruitful comparison across cases both within Europe and without. The various papers in this special issue suggest a number of important avenues to be explored in this regard.
- Une sociologie de l'intégration européenne ? - Sabine Saurugger p. 5
Varia
- Le patrimoine culturel, instrument de la stratégie de légitimation de l'Union européenne. L'exemple des programmes Interreg - Marie-Anne Guérin p. 231 L'Union Européenne participe à l'action collective patrimoniale, particulièrement par l'intermédiaire des programmes Interreg : comment peut-on interpréter cette entrée de l'UE dans un champ culturel fortement prisé dans la construction des Etats-nations ? Le patrimoine se présentant comme une construction symbolique à géométrie variable, la production patrimoniale transfrontalière peut être lue comme un moyen pour l'UE – faute de pouvoir offrir un grand récit géostratégique de légitimation de son autorité politique –, de se forger une identité culturelle de type « mosaïque merveilleuse ». Elle favoriserait ainsi des identités régionalisées partagées et un « bon voisinage ».Cultural heritage, implementing the EU legitimizing strategy. The Interreg Program as an example Today, the EU is involved in the heritage area, particularly through the Interreg Programmes : how can we interpret the EU's investment in the cultural field which is intrinsically linked to the nation-building process? Cross-border heritage production can be analysed as a way for the EU to forge a European cultural identity based on a “wonderful mosaic” pattern, given its inability to create a substantial geostrategic narrative to legitimise its political authority. The EU would thus favour shared regionalised identities and encourage mutual understanding.
- Le patrimoine culturel, instrument de la stratégie de légitimation de l'Union européenne. L'exemple des programmes Interreg - Marie-Anne Guérin p. 231
Chantiers de recherche
- Gouverner la mer : émergence et institutionnalisation d'une politique maritime européenne - Virgine Saliou p. 253
Lectures critiques
- Olivier Baisnée, Romain Pasquier (dir.), "L'Europe telle qu'elle se fait. Européanisation et sociétés politiques nationales", Paris, CNRS Editions, 2007, 316p. - Dorota Dakowska p. 261
- Palier Bruno, Surel Yves (dirs.), "L'Europe en action. L'européanisation dans une perspective comparée", Paris, L'Harmattan, 2007 - Rodica Plugaru p. 265
- Aurélie Decoene, "La libéralisation des services portuaires et la grève des dockers", Courrier hebdomadaire-CRISP, Bruxelles, 2007, n°1966-1967, 89p. - Michel Pigenet p. 271
- Auteurs - p. 275