Contenu du sommaire : Religions, pouvoir et société
Revue | Le Courrier des Pays de l'Est |
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Numéro | no 1045, septembre-octobre 2004 |
Titre du numéro | Religions, pouvoir et société |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - p. 3
- Le Vatican et les pays d'Europe centrale. De l'Ostpolitik aux concordats - Rouxel Jean-Yves p. 4-15 L'histoire des peuples de l'Est a été forgée pendant près d'un demi-siècle par un système totalitaire, alors que pendant la même période, ceux de l'Ouest connaissaient la paix dans la démocratie et le respect des personnes. L'Eglise catholique plus que bien des gouvernements de l'Ouest a permis aux peuples de supporter les épreuves qu'ils ont connues à cette époque. Grâce à certains accords (qu'ils soient bilatéraux ou qu'il s'agisse de l'acte final d'Helsinki) et à de difficiles compromis, l'Ostpolitik du Vatican a permis de préserver ce qui pouvait l'être de la liberté religieuse, alors que les autres libertés étaient continuellement bafouées. Une fois élu, le pape Jean-Paul II ne manqua pas de faire valoir ses origines polonaises et usa d'une grande détermination pour faire changer les choses en Europe de l'Est. Il fit pour cela de fréquents voyages en Pologne ou dans les pays voisins. Parallèlement, le Saint-Siège engagea des négociations avec les nouvelles démocraties pour aboutir à de véritables accords respectant l'esprit du concile Vatican II, s'agissant de la nécessaire indépendance de l'Eglise et de l'Etat.The Vatican and Central Europe From Ostpolitik to Concordats For nearly a half century, the history of the peoples of Eastern Europe was forged by a totalitarian system, while those in the West experienced peace in democracy and human respect. More than the western governments, the Catholic Church enabled these peoples to transcend the burdens of this period. With various agreements (whether these be bilateral or the final Helsinki Act) and difficult compromises, the Vatican's Ostpolitik made it possible to preserve what could be saved of religious freedom, while other liberties were continually undermined. Once elected, Pope John Paul II did not hesitate in using his Polish origins and in exercising great determination to change things in Eastern Europe. With this in mind, he traveled frequently to Poland and neighboring countries. Concurrently, the Holy See engaged in negotiations with the new democracies in order to reach real agreements keeping with the spirit of the Vatican II Council and the requisite separation of Church and State.
- Les musulmans des Balkans. Ou l'islam de « l'autre Europe » - Clayer Nathalie p. 16-27 L'islam des Balkans n'est pas le résultat d'une émigration récente, mais de changements démographiques et religieux qui se sont produits au cours de la période ottomane (XIVe - début du XXe siècle). Comme l'islam d'Europe de l'Ouest, il est cependant généralement minoritaire. Les musulmans des Balkans ne forment pas non plus un groupe homogène et uni. Ils présentent en effet une importante diversité et hétérogénéité sur le plan ethnico-national, socio-politique et même religieux. Depuis la chute des régimes communistes, une nouvelle scène religieuse se dessine, fruit de l'action d'acteurs étrangers et surtout d'acteurs locaux, selon les différents contextes politiques et sociaux. Les musulmans des Balkans se sont en effet pour la première fois structurés politiquement. Des affirmations nationales de plus en plus nettes ont également entraîné de nouvelles articulations entre l'identité musulmane et les diverses identités nationales.The Balkans Muslims Or the Islam of the «Other Europe» Islam in the Balkans is not the result of recent emigration but of demographic and religious changes which took place during the Ottoman period (XIVth to the early XXth centuries). Like western European Islam, it is generally in the minority. The Balkan Muslims do not form a homogeneous and unified group. They are very diverse and heterogeneous on ethnic-national, socio-political and even religious levels. Since the fall of communism, a new religious scene is emerging as a result of the actions of foreign elements and, above all, local elements within differing political and social contexts. The Balkan Muslims have organized themselves politically for the first time. Increasingly, clear national affirmations have also resulted in new expressions of Muslim identity with regard to various national identities.
- Les religions et l'Etat en Russie. Une relation équivoque - Moniak-Azzopardi Agnieszka p. 28-38 Malgré une proximité constante entre le pouvoir étatique et les religions dites traditionnelles, définies par la loi sur la liberté de conscience de 1997, il est difficile de parler dans la Russie poutinienne d'une véritable politique confessionnelle. Les religions traditionnelles, dont la plus puissante, l'orthodoxie russe du Patriarcat de Moscou, propose au pouvoir une offre idéologique non négligeable. Elle constitue la base d'échanges entre les deux mondes : religieux et politique. Le dialogue développé autour d'elle produit des discours et des actes qui définissent clairement quelles sont les religions traditionnelles et celles qui sont indésirables sur le sol russe. Cependant, le soutien déclaré aux religions traditionnelles est la plupart du temps de façade, le pouvoir cherchant en fait à se les attacher. La situation religieuse en Russie poutinienne est donc complexe et difficile. Le débat sur la politique confessionnelle russe laisse apparaître des signes attestant du recul des libertés.Religions and State in Russia An Equivocal Relationship Despite continuous proximity of State and so-called traditional religions as defined by the 1997 Freedom of Conscience Law, it is difficult to refer to a real policy towards them in Putin's Russia. The traditional religions, including the most powerful, the Russian Orthodoxy of the Patriarch of Moscow, offer the authorities a non-negligible ideology, which constitutes the basis of discussion between the two worlds : religious and political. The dialogue which has arisen has resulted in actions which clearly define those religions which are traditional and those which are undesirable on Russian soil. The declared support for traditional religions is most often a facade as the State endeavors to co-opt them. The religious situation in Putin's Russia is, thus, complex and difficult. The debate of Russian confessional policy shows signs of reduced freedoms.
- Les Eglises ukrainiennes. Entre Rome, Moscou et Constantinople - Boyko Natalka, Rousselet Kathy p. 39-50 En Ukraine coexistent trois Eglises orthodoxes (des Patriarcats de Moscou et de Kiev, et autocéphale) et une Eglise gréco-catholique, mais aucune n'apparaît cependant comme un référent confessionnel pour une majorité de la population. Par ailleurs, le religieux n'est pas davantage un déterminant de la politique ukrainienne, le parti du pouvoir n'hésitant pas à louvoyer entre les Eglises en fonction des intérêts qu'il cherche à défendre et ces dernières, en quête d'un statut officiel, se gardant bien du moindre geste d'intelligence en direction de l'opposition. En revanche, il est, à l'évidence, l'une des composantes des trois pôles identitaires observés dans le pays - l'ukrainité, le soviétisme et la «créolité» qui mêle les héritages petit-russien, ukrainien, russe et soviétique -, mais sans que ceux-ci correspondent toujours à des logiques institutionnelles et de pouvoir. Ainsi, l'Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou affirme attester du rôle unificateur de l'orthodoxie en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, mais condamne du coup l'identité ukrainienne à l'immobilisme. En second lieu, le Patriarcat de Constantinople a fait savoir en 2000 aux Eglises orthodoxes autocéphale et du Patriarcat de Kiev qu'il était prêt à faciliter leur reconnaissance à condition qu'elles se réunissent, mais ni les dirigeants politiques ukrainiens, ni ceux de l'Eglise orthodoxe russe ne veulent entendre parler d'un centre spirituel qui se situerait en dehors du pays. Enfin, l'Eglise grécocatholique qui, durant la période soviétique, a le mieux incarné l'ukrainité, a pour principale préoccupation d'être reconnue par le Vatican, ce qui rencontre de nombreux obstacles à Rome. A cette difficile recherche d'un point d'ancrage s'ajoute, depuis le début des années 1990, la disparition progressive des différences confessionnelles au profit des clivages identitaires.The Ukrainian Churches Between Rome, Moscow and Constantinople There are three Orthodox Churches in the Ukraine (those of the Moscow and Kiev Patriarchs, and the autocephalous) and a Greco-Catholic Church, although none seems to be the main religious reference for the population. Nor has religion become a greater determinant in Ukrainian politics, as the party in power does not hesitate to move between the Churches according to its interests, while the latter, searching for official status, resist showing even the slightest gestures towards the opposition. On the contrary, it has shown to be one of the three elements in the axes of identity in the country : Ukrainianism, Sovietism and «Creolism» which mixes little Russian, Ukrainian, Russian and Soviet heritages, without always coinciding with the logic of institutions and power. The Patriarch of Moscow Orthodox Church confirms its desire to play the role of unifying of Russian, Belarussian and Ukrainian orthodoxy, but has immobilized Ukrainian identity. Secondly, in 2002, the Patriarch of Constantinople made it known to the autocephalous orthodoxy and to the Patriarch of Kiev that he was prepared to facilitate their recognition on the condition that they reunite, but neither Ukrainian political leaders nor the Russian Orthodox Church accept discussions of a spiritual center located outside of the country. Finally the Greco-Catholic Church, which best incarnated Ukrainianism during the Soviet period, is mainly preoccupied with its recognition by the Vatican which has met with numerous obstacles from Rome. To these difficulties in finding a locus, is added the progressive disappearance of confessional differences to the advantage of divided identities.
- Le christianisme en Asie centrale. Miroir des évolutions politiques - Peyrouse Sébastien p. 51-61 Majoritairement musulmans, les cinq Etats d'Asie centrale comptent aujourd'hui encore de nombreuses minorités européennes de tradition chrétienne (orthodoxe, protestante, catholique). Avec les nouvelles libertés accordées à partir de la perestroïka, chaque confession chrétienne a tenté d'asseoir sa présence et d'affirmer sa légitimité par rapport aux autorités politiques, vis-à-vis de la population et des institutions musulmanes, mais également face à une diversité confessionnelle chrétienne croissante. Les pouvoirs politiques ont pourtant souhaité garder un œil attentif sur le développement du phénomène religieux, en conservant certains moyens de contrôle datant du régime soviétique. La situation des chrétiens reste cependant très sensiblement différente entre d'une part le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, où malgré certaines pressions, les courants chrétiens bénéficient d'une véritable marge de liberté, et d'autre part l'Ouzbékistan et le Turkménistan, qui exercent une répression aujourd'hui systématique sur un grand nombre de confessions, en particulier protestantes. Mais l'islam n'est pas épargné, dans la mesure où il est plus «politique», certains courants remettant en cause les régimes en place. Les contrôles et répressions commises à l'encontre du fait religieux s'insèrent en réalité dans un cadre plus large, celui d'un fort durcissement autoritaire commun à l'ensemble des cinq Etats.Christianity in Central Asia A Mirror of Political Developments With a Muslim majority, the five Central Asian countries still count numerous European minorities with Christian traditions (Orthodox, Protestant, Catholic). Following on the new freedoms gained from Perestroïka, each Christian faith has endeavored to confirm its presence and its legitimacy not only with regard to political powers, the population and Muslim institutions, but also in light of the increasing diversification of Christian faiths. The political powers have, however, wanted to keep an attentive eye on the development of religious phenomena by maintaining certain controls dating from the Soviet regime. The situation of the Christians still differs substantially between Kazakhstan, Kyrgyzstan and Tajikistan, where, despite some pressure, the Christian faiths enjoy a real degree of freedom, and Uzbekistan and Turkmenistan which today systematically repress a great many groups, in particular the Protestants. Nor has Islam been spared to the extent that it is more «political», with some groups questioning the regimes in power. Checks and repression committed with regard to religion are part of a greater reality, the substantial tightening of authority within all five nations.
- Pétrole russe et investisseurs étrangers. Des intérêts divergents - Locatelli Catherine p. 64-76 La croissance de la production pétrolière russe depuis 2000 a renforcé l'intérêt des compagnies pétrolières internationales pour ce pays. Toutefois, les investissements dans ce secteur demeurent limités en raison de fortes contraintes institutionnelles, économiques et politiques. Trois facteurs sont plus précisément susceptibles d'expliquer cet état de fait. En premier lieu, les décisions d'investissements résultent de rapports de forces et de négociations complexes entre des acteurs aux intérêts contradictoires, l'Etat, les compagnies pétrolières russes et les régions. L'opacité et les incertitudes qui continuent de peser sur le droit de propriété augmentent le risque perçu par les investisseurs étrangers. Enfin, la volonté de l'Etat de reprendre le contrôle de l'industrie pétrolière pour la mettre au service de ses objectifs économiques et de sa politique étrangère accroît encore les incertitudes. Ces éléments devraient limiter l'implication des compagnies pétrolières internationales en Russie, ou tout au moins amener à définir des modalités particulières d'investissements.Russian Oil and Foreign Investors Diverging Interests The increase in Russian oil production since 2000 has strengthened the interest of international oil companies in the country. Investments in this sector remain limited, however, due to heavy institutional, economic and political restrictions. Three factors can explain this situation. First, decisions to invest result from power relations and complex negotiations between elements with contradictory interests : the State, the oil companies and the regions. With a lack of transparency, uncertainties continue to weigh heavily on property law increasing the risks perceived by foreign investors. Finally, the State's desire to regain control of the oil industry to serve its economic objectives and its foreign policy also increases uncertainty. These factors limit the implication of international oil companies in Russia or at least leads them to set up special conditions for investment.
- Le chômage en Russie et en Ukraine - Logvinova Natalia p. 77-84 Avec la transition vers l'économie de marché, le chômage a rapidement gagné les pays issus de l'URSS, touchant les unes après les autres toutes les catégories sociales, des salariés du complexe militaro-industriel d'abord, aux cadres des institutions financières plus récemment. Peu étudié, ce phénomène présente dans ces pays des spécificités, comme l'instauration de congés administratifs sans solde, la généralisation des emplois à temps partiel ou non déclarés, le non paiement des salaires, toutes pratiques ayant permis aux entreprises de conserver leurs effectifs alors qu'elles tournaient au ralenti. Ces mécanismes d'adaptation et la faiblesse des indemnités expliquent le nombre réduit de chômeurs enregistrés et l'écart important entre les chiffres officiels et la réalité, par ailleurs très contrastée dans les deux pays selon les régions. Sur le marché du travail, les jeunes se trouvent dans une position nettement plus inconfortable que leurs parents durant la période soviétique et ils sont nombreux à ne pas trouver d'emploi correspondant à leurs qualifications. Enfin, la formation destinée à aider les chômeurs à se reconvertir professionnellement est encore peu développée, manque cruellement de moyens et est souvent sans rapports avec les besoins du marché du travail.Unemployment in Russia and the Ukraine With the transition to a market economy, unemployment has made great inroads in the ex-USSR countries, affecting all social categories one after the other, first military-industrial complex employees, and, more recently, executives in financial institutions. Little studied, this phenomenon differs between these countries, such as the creation of administrative leave without pay, the spread of part time or undeclared jobs, non-payment of wages. All of which enabled companies to maintain their workforce while working at a slower pace. These adaptation mechanisms and low indemnities explain the reduction in the number of registered unemployed and the substantial divergence between official statistics and the reality, which differs significantly between the two countries depending on the region. In the labor market, young people find themselves in a situation clearly less comfortable than their parents during the Soviet period and many do not find employment corresponding to their qualifications. Lastly, training aimed at aiding the unemployed towards professional recycling is little developed, with a cruel lack of resources and often unrelated to the needs of the labor market.
- La Ligue des familles polonaises. Montée en puissance d'un parti anti-européen - Czernicka Katarzyna p. 85-94 Les bons résultats obtenus par la Ligue des familles polonaises (LPR) fut l'une des principales surprises du scrutin européen du 13 juin 2004. La méfiance envers la classe politique facilite l'émergence des partis populistes dont la montée en puissance est un trait caractéristique de ces dernières années en Pologne. La Ligue a fait son apparition sur la scène politique polonaise à l'occasion du débat sur l'adhésion à l'UE. La clarté de ses slogans («Non à l'UE», parallèle établi entre Bruxelles et Moscou de l'époque soviétique) et le soutien de la puissante station Radio Maryja sont à l'origine de son succès. L'originalité de la LPR consiste en une omniprésence des références aux traditions faisant référence à un pays menacé. Ainsi, le répertoire des actions de la Ligue est éloigné de celui habituellement utilisé par les partis. A la suite de plusieurs élections, la position de la Ligue sur l'échiquier politique est devenue de plus en plus forte.The League of Polish Families The Rise of an Anti-European Party The positive results obtained by the League of Polish Families (LPR) was one of the main surprises of the June 13,2004 European elections. Distrust of political leadership has facilitated the emergence of populist parties, whose increase in strength is a characteristic trend in Poland over the last years. The League arrived on the Polish political scene during the EU membership debate. Its unambiguous slogans (“No to the EU”, comparison between Brussels and Moscow during the Soviet period) and its support from the powerful Radio Maryja station are the reasons for its success. The LPR's originality consists in omnipresent references to traditions, evoking a country under siege. Thus the repertory of League actions µdiffer from those habitually used by political parties. After several elections, the position of the League on the political scene has become increasingly stronger.
- Le Centre d'analyse sur les stratégies et les technologies de Moscou (CAST) - Rucker Laurent p. 95-97
- L'Est et l'Union européenne. Aout-Septembre 2004 - Rucker Laurent p. 98
- Entendu et lu - p. 99-103