Contenu du sommaire
Revue | Revue Française de Sociologie |
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Numéro | 1987, 28-1 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Facteurs institutionnels de la diversité des carrières scolaires - Marie Duru, Alain Mingat p. 3-16 L'article vise à apporter des résultats empiriques, obtenus à l'aide d'une méthodologie rigoureuse, dans le débat central en sociologie de l'éducation, concernant la génération des inégalités sociales dans les carrières scolaires des élèves. Il s'attache notamment à quantifier le poids respectif des inégalités de réussite dans le système scolaire ? telles qu'elles se génèrent petit à petit au long de la scolarité ? et des inégalités comportementales et institutionnelles ? qui se forment dans la période très courte des moments d'orientation. On montre que les inégalités de réussite n'ont qu'un impact limité pour expliquer la diversité sociale des carrières scolaires alors que c'est dans les moments d'orientation que se génère l'essentiel des différences. En centrant l'analyse sur ces moments d'orientation, on observe que les procédures ont tendance à entériner les demandes familiales, elles-mêmes socialement biaisées. Toutefois, la prise en compte de la demande n'explique qu'une part minoritaire des différenciations sociales propres aux procédures d'orientation. On montre alors que les biais sociaux spécifiques à la procédure viennent majoritairement de pratiques différenciées des collèges non sans rapport avec les caractéristiques sociologiques de leur public.Marie Duru, Alain Mingat : Institutional factors in the diversity of school careers. The article aims at bringing empirical results, obtained by use of a rigorous methodology, to the main debate on the sociology of education, concerning the generation of social inequalities in the school careers of students. It pays particular attention to quantifying the respective weight of achievement inequalities in the school system ? such as they occur little by little throughout the schooling process ? and behavioral and institutional inequalities which are formed in the very short period of educational guidance. It will be shown that achievement inequalities have but a limited impact on explaining the social diversity of school careers, whereas educational guidance generates the largest parts of the differences. By centering the analysis on these moments of guidance, it can be observed that the procedures tend to confirm family requests, which are themselves socially biased. Nevertheless, consideration of the request explains but a small part of social differentiations inherent to guidance procedures. It will be shown, therefore, that specific social biases to the procedure come principally from the different educational practices of secondary education establishments not without connections to the sociological characteristics of their public.
- La construction sociale du risque : le cas des ouvriers de la chimie face aux dangers industriels - Denis Duclos p. 17-42 L'auteur montre, à propos de la perception des risques industriels par des travailleurs de la chimie (en France et aux Etats-Unis), que le degré de vigilance face aux dangers n'est pas une fonction directe de leur réalité, ni de l'information dont on dispose sur eux. L'attitude face aux risques apparaît comme socialement construite. Si l'on peut observer, dans cette construction, des effets de partage de la représentation collective entre groupes ou catégories de protagonistes, ces oppositions tendent également à participer à l'élaboration d'une conception assez homogène caractérisant le contexte d'usine. Ce « consensus » peut avoir pour effet de gommer ou d'invalider d'autres perceptions des risques (notamment pour la santé ou pour l'environnement). Une « réserve » de perceptions différentes paraît néanmoins subsister chez les individus concernés et se manifeste par ia juxtaposition, dans les mêmes entretiens, de discours contradictoires sur les dangers de la chimie. Ces contradictions peuvent en même temps être interprétées comme des rappels de la matérialité du risque, hors de ses définitions normatives.Denis Duclos : The social construction of risk : the case of chemistry workers confronted with industrial dangers. Dealing with the degree of perception of industrial risks by chemistry workers (in France and in the United States), the author shows that the degree of care with regard to danger is not a direct function of its reality, nor of the prevailing information on these dangers. The attitude when faced with risks seems to be socially built. If one can observe in this construction sharing effects of the collective representation between groups or categories of protagonists, these contradictions tend at the same time to participate in the elaboration of a rather homogeneous conception characterising the context of the factory. This « consensus » can erase or invalidate other perceptions of risk (particularly concerning health or the environment). One « reserve » of different perceptions nevertheless continues to exist among concerned individuals, and it shows up in the juxtaposition in the same discussions, of contradictory speeches on the dangers of chemistry. These contradictions can at the same time be interpreted as reminders of the materiality of risk outside its normative definitions.
Sur Durkheim
- Durkheim et la mobilité sociale - Charles-Henry Cuin p. 43-65 Les réflexions qui suivent proposent quelques éléments d'analyse permettant de spécifier le rapport de la sociologie durkheimienne à la problématique de la mobilité sociale, en tentant d'élucider certaines ambiguïtés ? voire certains paradoxes ? d'une sociologie qui, dans ce domaine, semble avoir en permanence évité de conduire jusqu'à son terme une recherche théorique engagée à des moments pourtant particulièrement importants de sa démarche. Ainsi, on tentera de comprendre pourquoi Durkheim renonce, au moment même où il rencontre la question de la distribution sociale comme une question centrale de son analyse des conditions d'une division « spontanée » du travail, à approfondir aussi bien une recherche des conditions d'une distribution sociale égalitaire qu'une analyse des effets de celle-ci sur les destins individuels en termes de mobilité sociale. Par ailleurs, on montrera que, dans Le suicide, l'analyse durkheimienne intéresse uniquement la mobilité sociale engendrée par un état d'anomie sociale grave (une « mobilité anomique ») et ne légitime donc aucunement les hypothèses pessimistes que certains auteurs se réclamant de cette analyse ont formulées sur les conséquences individuelles et collectives de la mobilité sociale en général.Charles-Henry Cuin : Durkheim and social mobility. The following considerations suggest some elements of analysis which allow one to specify the relationship of durkheimian sociology to the problematics of social mobility, by attempting to elucidate certain ambiguities ? not to mention a number of paradoxes ? of a sociology which, in this domain, seems to have permanently avoided conducting to its logical outcome the theoretical research involved in particularly important moments of its advances. Thus, we will try to understand why Durkheim renounced ? at the very moment when he encountered the question of social distribution as a main question of his analysis for the conditions for a « spontaneous » work division ? to get to the core of both a research for the conditions of an egalitarian social distribution as well as an analysis of the effect of the same on individual destinies in terms of social mobility. Furthermore, it will be shown that in The suicide, the durkheimian analysis is only concerned with social mobility engendered by a state of acute social anomy (an « anomic mobility ») and does not therefore legitimize in any way the pessimistic hypothesis which certain authors claim kinship with this analysis have formulated on individual and collective consequences of social mobility in general.
- L'institution démotivée. De Fustel de Coulanges à Durkheim et au-delà - François Héran p. 67-97 La Cité antique de Fustel de Coulanges privilégie l'étude des formes instituées : droit, rites, formules, règles de parenté... Par là, elle annonce la « science des institutions » que devait être la sociologie selon Durkheim et rencontre des problèmes équivalents. La méthode de Fustel consiste à répartir dans deux âges séparés, protohistoire et histoire, la tension permanente qui définit les institutions. D'un côté, elles n'ont de sens que rapportées aux croyances qui les ont fondées, en l'occurrence la croyance dans la survie des ancêtres et la continuité du lien social. De l'autre, il s'avère qu'à l'époque historique les anciens y voyaient déjà de simples formalités. Cette « démotivation » inexorable des institutions, Fustel entrevoit qu'elle manifeste aussi l'avènement d'une certaine forme de rationalité. Une autre tension, liée à la première et également résolue sur un schéma évolutionniste, se manifeste dans la double nature du lien social, où s'opposent un principe d'exclusion et un principe universaliste. L'article examine la façon dont ces divers problèmes sont repris par Durkheim, mais aussi par Weber, dont on montre au passage qu'il avait lu La Cité antique, au point d'en décalquer certaines pages.François Héran : The deactivated institution. From Fustel de Coulanges to Durkheim and beyond. The ancient City by Fustel de Coulanges privileges the study of institutionalized forms : law, rites, formulae, rules of family relationships... In this way, it foretells of the "science of institutions" which sociology should be according to Durkheim and encounters equivalent problems. Fustel's method was to divide into two separate periods, proto-history and history, the permanent tension which defines institutions. On the one hand, they are only meaningful when linked to the beliefs which set them up, the belief, as it is, in the survival of ancestors, and in the continuity of the social bond. On the other, it has been established that at the historical epoch, people already saw these as simple formalities. Fustel foresees that this inexorable « deactivation » of institutions announces the coming of a certain kind of rational thinking. Another tension linked to the first and also resolved using an evolutionistic scheme, manifests itself in the double nature of the social bond, in which are opposed an exclusion principle and a universalist principle. The article examines the way in which these different problems are resumed by Durkheim, but also by Weber, who is shown to have read The ancient City to the point of reproducing several pages.
- Le statut de la sociologie chez Simmel et Durkheim - Marc Sagnol p. 99-125 Au cours des années 1890, Simmel et Durkheim publient parallèlement leurs premiers ouvrages de sociologie et apparaissent comme deux figures de proue de cette discipline naissante. Cet article étudie de manière comparative les deux conceptions de la sociologie et montre que, bien que provenant de traditions différentes, Simmel et Durkheim ont plus de points d'accord qu'on ne le dit généralement, même si des divergences de fond rendaient toute collaboration impossible. Que la sociologie soit considérée comme principe heuristique ou comme science autonome micro- ou macro-sociologique, ou comme philosophie des sciences sociales, ou comme science sociale parmi d'autres, ou encore comme corpus des sciences sociales, les problèmes discutés il y a cent ans sont toujours d'actualité.Marc Sagnol : The status of sociology in Simmel and Durkheim. Throughout the 1890's, Simmel and Durkheim concurently published their first works of sociology and they appear as the two leading figures of this new-born discipline. This article studies the two conceptions of sociology comparatively and shows that, although coming from different backgrounds, Simmel and Durkheim have more in common than is generally believed, even if fundamental differences made any collaboration impossible. Whether sociology is considered as a heuristic principle or as an autonomous science ? micro or macro-sociological ?, or as a philosophy of the social sciences, or as a social science among others or still again as the social sciences corpus, the problems discussed a hundred years ago are still of the moment.
Débat
- A propos de l'interprétation du Suicide de Durkheim par Philippe Besnard - Claude Dubar p. 127-136
- Les sociologistes et le sexe. Réponse à Claude Dubar - Philippe Besnard p. 137-144
- Durkheim et la mobilité sociale - Charles-Henry Cuin p. 43-65
Les livres
- Baudelot Christian, Establet Roger, Durkheim et le suicide.__**__Taylor Steve, Durkheim and the study of suicide. - Philippe Besnard p. 145-147
- Nisbet Robert A., La tradition sociologique. - Monique Coornaert p. 147-148
- Simmel Georg, Les problèmes de la philosophie de l'histoire. Une étude d'épistemologie. - Marc Sagnol p. 148-150
- Mommsen Wolfgang J., Max Weber et la politique allemande, 1890-1920. - Pierre Bouretz p. 150-157
- Becker Howard S., Outsiders. Etude de sociologie de la déviance. - Philippe Besnard p. 157-158
- Becker Howard S., Outsiders. Etude de sociologie de la déviance. - Louis Pinto p. 158-160
- Blanchet Alain et alii, L'entretien dans les sciences sociales. - Nonna Mayer p. 160-164
- Gallie Duncan, Social inequality and class radicalism in France and Britain. - Michel Simon p. 164-172
- D'Arcy François (éd.), La représentation. - François Rangeon p. 172-174
- Goody Jack, L'évolution de la famille et du mariage en Europe. - François Héran p. 174-177
- Douglas Mary, Wildavsky Aaron, Risk and culture. An essay on the selection of technological and environmental dangers. - Denis Duclos p. 178-181
- Pinto Louis, L'intelligence en action : le Nouvel Observateur. - Michel Offerlé p. 181-184
- Maffesoli Michel, La connaissance ordinaire : précis de sociologie compréhensive. - Joffre Dumazedier p. 184-187
- Maffesoli Michel, La connaissance ordinaire : précis de sociologie compréhensive. - Jean-René Tréanton p. 187-191
- Résumés (anglais, allemand, espagnol) - p. 193-198