Contenu du sommaire : Spécial : Le bloc de l'Est en question

Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire
Numéro no 109, janvier-mars 2011
Titre du numéro Spécial : Le bloc de l'Est en question
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

  • Articles - Construire le bloc de l'Est

    • Imaginer la démocratie populaire : L'Institut de l'économie mondiale et la carte mentale soviétique de l'Europe de l'Est (1944-1948) - Lars Haga p. 12-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article, fondé sur le concept de carte mentale, étudie la façon dont les Soviétiques ont tenté de décrire les pays d'Europe centrale et orientale sous domination communiste durant la seconde moitié des années 1940. Il s'appuie notamment sur le cas de l'Institut de l'économie et de la politique mondiales de l'Académie des sciences. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il n'existait pas de langage cohérent en URSS pour décrire l'Europe centrale et orientale. Puis émergea le concept de « démocratie populaire », modelé par les exigences et les contraintes politiques du stalinisme finissant. Ce concept fut influencé par la nécessité de distinguer les « démocraties populaires » à la fois de l'Occident et de l'URSS et de justifier la domination politique soviétique sur la région.
      Imagining the People's Democracy: The Institute of World Economics and the Soviet Mental Map of Eastern Europe (1944-1948)`/titrebThis article explores the Soviet development of a conceptual framework in the article referred to as a “mental map” to describe the Communist-dominated and eventually Communist-ruled states of East Central Europe in the second half of the 1940s. It is based on the example of the Institute of World Economics and Politics of the Soviet Academy of Sciences. At the end of World War II, there was no coherent language within the Soviet Union to describe the countries of East Central Europe. Eventually, a common political definition emerged, that of “People's Democracy”. The content of this definition was shaped by the political demands and constraints of late Stalinism. In particular, it was influenced by the need to delimit people's democracies from both the West and the Soviet Union, and to justify Soviet political dominance in East Central Europe.
    • Les partis communistes du bloc de l'Est : un objet transnational ? : L'exemple des écoles supérieures du parti - Michel Christian p. 31-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les partis communistes passent pour les institutions les plus uniformisées du bloc socialiste. Cet article montre qu'à côté des relations asymétriques et bilatérales organisées autour du parti communiste d'Union soviétique, se sont aussi développées des relations horizontales entre les partis du bloc socialiste. Il se fonde pour cela sur les sources des écoles supérieures du parti en RDA et en Tchécoslovaquie, en examinant leurs relations mutuelles, mais aussi leurs relations avec leurs homologues du parti communiste d'Union soviétique et des autres partis du bloc entre 1945 et 1971. On constate ainsi la diversité des organisations et la mise en place d'échanges horizontaux, y compris au sein des partis communistes. En revanche, ces échanges sont toujours restés subordonnés à des fins diplomatiques ou idéologiques s'enracinant dans un cadre avant tout national. En ce sens, ils n'ont que très partiellement favorisé la naissance de pratiques transnationales.
      Are The Communist Parties of the Eastern Bloc A Transnational Subject? The Case of the Party's Schools of Higher Education`/titrebIt is widely assumed that Communist parties were the most uniform institutions of the socialist bloc. This paper shows that besides the asymmetrical and bilateral relations organized around the Communist Party of the Soviet Union, there were also horizontal relations among Socialist bloc parties, as evidenced by documents found in the higher education schools' archives of the GDR and Czechoslovakia. I examine the mutual relations of the party schools as well as their relations with their Soviet Union Communist party colleagues and other parties within the bloc, from 1945 to 1971. This leads to the conclusion that organizational diversity and horizontal exchanges were always part of the picture, including in the communist parties. The exchanges were nevertheless used for diplomatic or ideological purposes, primarily national ones. In this sense, such exchanges only marginally led to the emergence of transnational practices.
    • Construire le bloc de l'Est par l'économie ? : La délicate émergence d'une solidarité internationale socialiste au sein du Conseil d'aide économique mutuelle - Simon Godard p. 45-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Seule la coopération politique et militaire des démocraties populaires et de l'URSS a longtemps été l'objet de recherches historiques sur les organisations internationales communistes. L'économie constitue pourtant un élément central et partagé de la pensée marxiste à laquelle se réfèrent les États d'Europe de l'Est. L'histoire du Conseil d'aide économique mutuelle (CAEM) permet de déconstruire la notion de bloc de l'Est à travers l'étude de la formation d'un espace transnational de l'expertise économique, seul espace où les démocraties populaires ont eu un réel pouvoir de contestation du modèle soviétique et établi une circulation horizontale des problématiques et modèles économiques. Le CAEM revendique son autonomie et milite pour la reconnaissance d'un intérêt communautaire supérieur à la simple juxtaposition des intérêts des États membres. Forum de discussion permanent, il permet une acculturation transnationale progressive, limitée mais réelle, des experts qu'il accueille.
      Shaping the Eastern Bloc through the Economy: The Difficult Genesis of a Socialist International Solidarity in Comecon`/titrebFor a long time, political and military cooperation of the People's Democracies and the USSR was the only focus of historical research on communist international organizations. Yet economy was central in Marx's philosophy, which was the theoretical basis of the political and social models in Eastern Europe. The Council for Mutual Economic Assistance's (Comecon) history helps to deconstruct the idea of an Eastern bloc through the analysis of the construction of a transnational space of economic expertise, the only one in which the People's Democracies had a strong possibility to challenge the Soviet model. It established a real horizontal circulation of economic issues and models. Comecon itself continually asserted its autonomy and promoted the idea of a common interest, which was more than the addition of the national interests of the member states. As a permanent discussion forum it led to a progressive, limited but real, transnational acculturation of the experts who were assigned to work with it.
    • L'Union des écrivains : Un modèle institutionnel et ses limites - Lucia Dragomir p. 59-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les politiques culturelles des États communistes entendent unifier les communautés des écrivains pour les diriger plus facilement vers des fonctions idéologiques précises et les contrôler. C'est ainsi qu'est créée l'Union des écrivains, institution littéraire monopolistique. Ce modèle est reproduit après la Seconde Guerre mondiale dans les pays d'Europe centrale et orientale passés sous régime communiste. Il est suivi tout au long de la période communiste autant par des stratégies internes que par une coopération intense avec les institutions homologues de l'espace soviétique. Les documents laissent pourtant transparaître des évolutions qui montrent les limites de l'Unions des écrivains, qui vont parfois jusqu'à la mise en doute du modèle et même jusqu'à la transformation de certaines unions en lieu de contestation du pouvoir politique, violant donc leur contrat initial. Les tensions internes des unions et certaines tensions enregistrées dans les échanges littéraires des « démocraties populaires » semblent nier l'existence d'une harmonie parfaite dans le bloc soviétique. Ces institutions représentent, de ce fait, un lieu propice à l'interrogation des significations et de la pertinence de la notion de bloc soviétique.
      The Writers' Union: An Institutional Model and its Limits. The aim of the communist states' cultural policies was to unify and homogenise the writers' communities in order to control and easily assign them precise ideological functions. The USSR thus created the Writers' Union, a monopolistic literary institution. After the Second World War this model was reproduced in East European countries that adopted communist rule. Individual countries' strategies as well as intense cooperation with similar institutions in the Soviet space followed the Soviet institutional model during all of the communist period. Nevertheless, documents suggest changes that showed the limits of the Writers' Union. In some cases, doubts were expressed about the model, and some unions even became protest platforms against the political power, which violated their initial agreement. Internal tensions in the unions and tensions in the literary exchanges contradict the existence of a perfect harmony within the Soviet bloc. These institutions thus provide a suitable ground for analyzing the meanings and relevance of the notion of Soviet bloc.
  • Articles - Le bloc de l'Est, entre global et national

    • Le réalisme socialiste et ses modèles internationaux - Jérôme Bazin p. 72-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article pose la question des modèles artistiques qui circulaient dans les pays socialistes, à partir de l'exemple des arts plastiques en RDA. Le seul modèle revendiqué était l'art soviétique, pourtant peu repris par les artistes est-allemands engagés dans la création du réalisme socialiste. Les formes réalistes instituées en modèle viennent plutôt des périphéries du bloc, d'Italie, de France et du Mexique. À partir des années 1960, la marginalisation du réalisme socialiste dans le monde de l'art socialiste ne marque cependant pas la fin de ces modèles, ni la fin d'une recherche à un niveau international d'une peinture manifestant une solidarité politique.
      Socialist Realism and its International Models. This article explores the question of the artistic models circulating in socialist countries, focusing on the plastic arts in the GDR. The only declared model was the art of the Soviet Union, but East German artists, who were involved in the creation of socialist realism, showed little interest in Soviet art. Realist forms set up as models actually came from the peripheries of the bloc, from Italy, France and Mexico. From the 1960s on, the marginalisation of socialist realism in the socialist art world did not mean the end of these models nor the end of an international search for an art that manifested political solidarity.
    • L'industrie de la défense hongroise : De la soviétisation à l'occidentalisation - Pál Germuska p. 89-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article, fondé sur des archives militaires confidentielles et sur celles du Conseil d'aide économique mutuelle (CAEM), retrace l'histoire de l'industrie de la défense hongroise des années 1950 aux années 1980. La première partie décrit la soviétisation massive de ce secteur et ses conséquences : changements technologiques radicaux, adaptation aux standards soviétiques GOST et production de missiles. La deuxième montre comment l'industrie de la défense fut progressivement réinsérée dans l'économie civile entre 1953 et 1961. Les usines militaires développèrent alors une structure duale, qui les aida à affronter les difficultés de cette période de transition. La troisième analyse les coopérations économiques et la division du travail au sein du CAEM, en soulignant l'important degré d'intégration des productions militaires. Elle éclaire aussi les failles de cette coopération, qui obligèrent la Hongrie à rechercher des partenariats en dehors du bloc soviétique. Enfin, la dernière partie s'attache aux années 1970-1980, marquées par les transferts de technologies, légaux ou illégaux, avec l'Occident et par l'exportation d'un savoir-faire et d'armements vers le tiers-monde.
      The Hungarian Military Industry: From Sovietization to Westernization. This article, based on formerly top-secret military and Comecon sources, presents some new evidence concerning the long-term history of the Hungarian military industry, from the early 1950s to the 1980s. The first part shows the consequences of the massive Sovietization in this sector – the radical change in technologies, the adaptation of the Soviet GOST-standards, and the skyrocketing war production. The next part shows how the military industry was put back into the civil economy between 1953 and 1961. The war plants developed a dual production structure that helped them deal with the lengthy transitional period. The third part analyses Socialist economic cooperation and division of labour within the CMEA/Comecon, emphasizing the high level of integration in military production. It also highlights some important failures of the cooperation that forced Hungary to seek new ties outside the Soviet bloc. The last part examines the main technological and economic questions of the 1970s and 1980s: how could a socialist state legally or illegally acquire state-of-the-art technologies? How did Hungary procure Western licences, and how was it possible to sell the new developments of the military industry in the Third World?
    • « Nous ne pouvons pas renoncer à notre histoire » : Quand la question macédonienne met à l'épreuve la notion de bloc communiste - Tchavdar Marinov p. 101-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article est consacré à l'évolution de la politique du régime communiste bulgare sur la question macédonienne et à ses polémiques avec la Yougoslavie titiste sur ce sujet. Entre 1944 et 1948, les deux pays négocient, sous l'auspice de Staline, l'établissement d'une grande fédération sud-slave avec la participation de la Bulgarie. Celle-ci entreprend l'imposition de l'identité nationale macédonienne dans la seule partie de la Macédoine géographique qui lui appartient, la région du Pirin. La rupture entre Tito et Staline en 1948 révoque cette politique et entraîne la réhabilitation progressive du nationalisme traditionnel bulgare par les autorités à Sofia. Dès les années 1960, le régime de Todor Živkov lance une politique nationaliste qui dénonce l'existence d'une nation macédonienne et revendique l'appartenance historique bulgare de la Macédoine. Cette ligne provoque une série de controverses avec la Yougoslavie, sur l'histoire de la Macédoine, la langue slave locale et les droits des personnes qui se considèrent comme Macédoniens en Bulgarie.
      “We Cannot Give Up Our History”: When the Macedonian Question puts in the Notion of Communist Bloc to the Test. The article deals with the development of communist Bulgaria's policy on the Macedonian question and with the polemics between this country and Titoist Yugoslavia over the same question. Between 1944 and 1948, the two states negotiated, under Stalin's auspices, the establishment of a big South-Slavic federation, including Bulgaria. The Bulgarian communist regime attempted to impose Macedonian national identity in the only part of geographical Macedonia that belonged to it, the region of Pirin. The Tito-Stalin break in 1948 stopped this policy and led to the progressive restoration of traditional Bulgarian nationalism by Sofia authorities. As of the 1960s, Todor Živkov's regime launched a nationalist policy negating the existence of a Macedonian nation and claiming the Bulgarian historical character of Macedonia. This policy brought about a series of controversies with Yugoslavia about Macedonia's history, the local Slavic language as well as the human rights of people in Bulgaria regarding themselves as Macedonians.
    • Du communisme national au national-communisme : Réactions à la soviétisation dans la Roumanie des années 1960 - Irina Gridan p. 113-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le retour en force du national dans la Roumanie des années 1960 comme une réaction à la soviétisation. Les dirigeants roumains exploitent alors habilement les sentiments russophobes de la population, dans le cadre d'une stratégie de légitimation interne et externe. Politique nationale de développement économique dans un premier temps, le communisme national évolue au milieu de la décennie vers un nationalisme d'État, à la fois politique et culturel, maniant une rhétorique ouvertement antisoviétique et tendant vers une définition de la nation en termes ethniques. L'analyse de cette maturation du national-communisme permet de voir que le cas roumain n'est nullement une exception à l'échelle du bloc soviétique. Par ailleurs, l'étude souligne que le ferment nationaliste de la politique menée dans les années 1960 par Gheorghe Gheorghiu-Dej puis Nicolae Ceauşescu n'est pas radicalement innovant ; il mobilise au contraire des processus de construction identitaire et des éléments fédérateurs déjà expérimentés par le nationalisme roumain du 19e siècle, puis celui de l'entre-deux-guerres.
      From National Communism to Romanian-State Communism: Reactions to Romanian Sovietization in the 1960s. This paper examines the resurgence of nationalism in the 1960s in Romania as a reaction to Sovietization. At that time, Romanian leaders skilfully exploited the populations' anti-Russian feelings through their internal and external legitimation strategy. At the beginning, there was a national Communist policy of economic development which led, in the middle of the decade, to a State nationalism, both political and cultural, wielding a patently anti-Soviet discourse and tending towards a definition of the nation in ethnic terms. The analysis of this development of Romanian state-communism makes it possible to see that the Romanian case is by no means an exception in the Eastern bloc. This work also shows that the nationalistic ferment of Gheorghe Gheorghiu-Dej's and Nicolae Ceauşescu's policy in the 1960s was not radically innovative. On the contrary, it used identity-construction and unifying procesess that had already been used in 19th century Romanian nationalism and the interwar period.
    • Frontière idéologique ou nationale : České Velenice, ville tchèque à la frontière avec l'Autriche - Muriel Blaive p. 129-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir explicité le contexte historique, cet article montre que l'existence même de Ceské Velenice, ville tchèque à la frontière du rideau de fer avec l'Autriche, est le fruit du nationalisme tchèque anti-autrichien. Il déconstruit la stratégie du régime communiste pour construire sa légitimité à la frontière du bloc de l'Est, stratégie qui a consisté à créer et tirer bénéfice d'un certain malentendu historique : l'idéologie communiste, qui justifiait la garde de la frontière avant tout pour des raisons idéologiques (empêcher les citoyens de s'enfuir), a réussi à se faire largement accepter en jouant sur le fait qu'elle était également perçue comme une mission patriotique visant à empêcher l'ennemi autrichien d'entrer. En somme, l'appartenance au bloc socialiste n'a pas été le déclencheur d'une solidarité intra-socialiste parmi les habitants de Ceské Velenice, mais l'habit provisoire d'un patriotisme anti-autrichien consubstantiel à l'identité nationale tchèque et qui a transcendé tous les régimes au 20e siècle.
      A National or Ideological Frontier? Ceské Velenice, A Czech City on the Austrian Border`/titrebAfter setting the historical context, this paper shows that the very existence of Ceské Velenice, a Czech city at the edge of the Iron Curtain on the Austrian border, was the result of anti-Austrian Czech nationalism. The author then deconstructs the Czechoslovak communist regime's strategy to build its legitimacy on the borders of the Eastern bloc, a strategy which created, and benefited from, a historical misunderstanding: communist ideology justified keeping the border primarily for ideological reasons (i.e. to prevent people from running away), but managed to gain widespread support among the locals by playing on the fact that they also saw it as a patriotic mission (to prevent the Austrian enemy from entering the country.) The article thus concludes that the Warsaw Pact membership was not the trigger of an intra-socialist bloc solidarity among the inhabitants of Ceské Velenice but the provisional outfit of an anti-Austrian patriotism consubstantial to Czech national identity, which transcended all 20th century regimes.
  • Articles - Les circulations entre l'Est et l'Ouest

    • Par-delà la guerre froide : Les organisations internationales et les circulations Est-Ouest (1947-1973) - Sandrine Kott p. 142-154 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article s'interroge sur la permanence ou l'émergence de la circulation des savoirs et d'experts entre les deux Europe durant la guerre froide (de 1947 à 1973) en utilisant les organisations internationales saisies comme des espaces de circulation, des espaces sociaux transnationaux. L'Organisation internationale du travail et, secondairement, la Commission économique pour l'Europe sont au centre de la démonstration. La cristallisation de l'opposition Est-Ouest encouragée par le fonctionnement officiel des organisations internationales n'empêche pas la circulation des savoirs et savoir-faire dont la sérénité apparaît souvent en décalage avec la rhétorique des déclarations publiques. La permanence voire l'intensification de ces échanges s'enracine d'abord dans la nécessité de faire face aux même types de difficultés : reconstruction d'abord, modernisation de l'appareil productif ensuite. Elle est également l'héritage d'une acculturation croisée durant l'entre-deux-guerres dont les réseaux perdurent après la Seconde Guerre mondiale.
      Beyond the Cold War: International Organizations and East-West Circulations (1947-1973). The article questions the overall Cold War discourse by studying the circulation of knowledge and experts between both blocs. For this purpose, International Organizations (International Labor Organization and European commission for Europe by the United Nations) are used as laboratories and transnational social venues where Cold War discourses are produced but in the meantime where exchanges between both blocs are made possible and even encouraged. These exchanges are grounded in continuing relations between expert networks which have consolidated in the inter war period. But they also emerge from the necessity of facing common questions first in the period of reconstruction and then in a time of modernization.
    • Inspirées par le Sud ? : Les mobilisations transnationales Est-Ouest pendant la guerre froide - Kim Christiaens, Idesbald Goddeeris, Wouter Goedertier p. 155-168 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les premières décennies après la Seconde Guerre mondiale, la réaction sociale de l'Europe occidentale à la situation derrière le rideau de fer resta modeste. Malgré les efforts des exilés est-européens, les protestations à grande échelle ne firent leur apparition qu'après l'invasion soviétique de la Hongrie en 1956. Même dans ce cas-là, la constellation de pouvoir de la guerre froide mit des limites à l'idéalisme occidental et fit que le mouvement demeura éphémère. Après les accords de Helsinki en 1975, la question des droits de l'Homme dans l'Europe de l'Est gagna cependant peu à peu en importance. Dans les années 1980, la lutte de Solidarność en Pologne suscita un ralliement massif à travers toute l'Europe occidentale. Les caractères hétérogène et durable de ce mouvement s'expliquent par une « inspiration du Sud ». Les formes d'action, les réseaux et les idéologies des mouvements Est-Ouest s'inspiraient en effet de ceux des activistes Nord-Sud et des mouvements anticoloniaux.
      Inspired by the South ? Transnational East-West Mobilizations during the Cold War. In the early decades after the Second World War, Western European social reaction to the political situation behind the Iron Curtain remained relatively weak. Despite the efforts of Eastern European exiles, large-scale protests and acts of solidarity only manifested themselves after the Soviet invasion of Hungary in 1956. Even in that case, the Cold War constellation of power set limitations on Western idealism and made sure the movement was short-lived. After the Helsinki Accords of 1975, however, the issues of human rights and democracy in Eastern Europe were slowly gaining ground. In the 1980s, the struggle of Solidarność in Poland ignited a massive wave of solidarity across Western Europe. The heterogeneous and sustained character of this movement is explained with reference to a “Southern inspiration”. The forms of action, networks and ideologies of East-West movements East-west were indeed inspired by North-South activists and anti-colonial movements.
    • Transnationalisme social-démocrate et dissidents de l'Est pendant la guerre froide - Bent Boel p. 169-181 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La dissidence dans les pays de l'Est confronta les partis sociaux-démocrates occidentaux à un dilemme : comment manifester sa solidarité avec les opprimés de l'Est tout en œuvrant pour la Détente entre les deux blocs ? Alors que certains observateurs soulignent l'indifférence social-démocrate, d'autres pensent pouvoir identifier une « double stratégie », les dirigeants focalisant sur les rapports avec les gouvernements, les niveaux plus subalternes s'occupant des relations avec les dissidents. S'il est clair qu'une approche « réaliste » des relations internationales a poussé les sociaux-démocrates à donner la priorité aux relations avec les régimes communistes, il n'y en eut pas moins des efforts de la part de certains pour entretenir des relations avec les dissidents. Cela vaut aussi bien par rapport aux exilés de l'Est, que pour les oppositionnels en Pologne, en Tchécoslovaquie ou en RDA.
      Social Democratic Transnationalism and Soviet Bloc Dissidents During the Cold War. Dissidence in Soviet-bloc countries posed Western Social-democratic parties with a dilemma: how to demonstrate their solidarity with those living behind the Iron Curtain while maintaining their commitment to a policy of Détente? Some observers have highlighted social-democratic indifference; others have argued that a dual strategy was at work, the leadership focusing on relations with governments while lower levels provided support for the dissidents. A “realist” approach to international relations certainly induced most social democrats to prioritize relations with governments, but some circles – including top officials – concretely assisted Eastern European oppositionists, whether exiled in the West or still active in Poland, Czechoslovakia or the German Democratic Republic.
    • Les jeunes, l'Ouest et la police secrète tchécoslovaque : Immaturité ou diversion idéologique ? - Duane Huguenin p. 183-200 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1950, à l'instar de l'ensemble des pays européens, le régime communiste tchécoslovaque se trouve confronté à une occidentalisation croissante de la jeunesse du pays, notamment sous l'influence de la culture américaine. Ce phénomène inquiète suffisamment le parti communiste pour que la police secrète, la StB, soit mobilisée. Elle a pour mission de lutter contre cette « diversion idéologique » qui risque de ruiner les espoirs que le régime place dans la jeune génération. Néanmoins, ceci ne se traduit pas par une utilisation massive de la répression. Au contraire, dans son action envers les jeunes, la police secrète tchécoslovaque est constamment tiraillée entre deux impératifs : protéger une jeunesse vue comme vulnérable et lutter contre une influence occidentale considérée comme criminelle. Cette ambivalence de l'action policière persiste tout au long des années 1960 et empêche le régime communiste de saisir la portée de l'agitation qui règne alors parmi les jeunes.
      Youth, the West and the Czechoslovak Secrete Police: Immaturity or Ideological Diversion? In the late 1950s, youth become a social and political problem in most European countries, especially because of its attraction to American culture (jazz, rock, the beatniks, etc.). In Czechoslovakia, as in most communist countries, this American influence was called “ideological diversion” and treated as an anti-State crime. The regime's secret police, the StB, was called in to deal with this youth criminality. But police activity towards the youth constantly went from repression to educational measures, and even when crimes were committed, the youth was considered as an immature group that first had to be protected from bad influences. In fact, the Czechoslovak regime was unable to draw a clear line of action toward youngsters, and the secret police was more and more unable to deal with the increasing student turmoil in the 1960s.
    • Les échanges universitaires, la logique de bloc et l'esprit de guerre froide - Katherine Verdery, Justine Faure p. 201-212 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Katherine Verdery, anthropologue américaine spécialiste de la Roumanie socialiste, revient dans cet entretien sur plusieurs points importants de son parcours dans la guerre froide. Elle montre tout d'abord combien elle fut, intellectuellement et professionnellement, influencée par les effets structurants du conflit Est-Ouest. Elle souligne aussi combien la possibilité d'aller travailler sur le terrain, derrière le rideau de fer, changea sa perception du socialisme et lui permit de dissiper l'esprit de guerre froide. Elle revient enfin sur la question de la circulation des savoirs en anthropologie entre les États-Unis et la Roumanie, montrant que les obstacles rencontrés furent parfois créés par les contraintes de la guerre froide mais aussi souvent tout simplement liés à deux traditions intellectuelles différentes.
      East-West Scholar Exchanges, Bloc Confrontation and the Spirit of the Cold War: Interview of Katherine Verdery. Katherine Verdery, an American anthropologist specialized in the study of Socialist Romania, enlightens in this interview some important steps of her career during the Cold War. She first points out how Cold War was influent on her intellectual and professional development. She also stresses how fieldworks behind the “Iron Curtain” changed her analysis of Socialism and helped her to dissipate the effect of the spirit of the Cold War. Finally, she analyses why the circulation of anthropological knowledge between Romania and the United States was difficult: it was not only because of the constraints of the Cold War but mostly because of the differences between two original intellectual traditions.
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