Contenu du sommaire : Consommer en ville au Moyen-Âge

Revue Histoire urbaine Mir@bel
Numéro no 16, juillet 2006
Titre du numéro Consommer en ville au Moyen-Âge
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Consommer en ville au Moyen-Âge

    • Espaces, acteurs et structures de la consommation dans les villes médiévales - Frédérique Lachaud p. 5-16 accès libre
    • Cultures de production, de distribution et de consommation en milieu urbain en Angleterre, 1100-1350 - Derek Keene p. 17-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'étude a pour objet les espaces et les constructions utilisés par le commerce de détail et la manufacture dans les villes anglaises entre 1100 et 1350, à partir, en particulier, des conclusions que l'on peut tirer d'une étude de détail d'une partie du centre des affaires à Londres. Elle délimite l'environnement physique de ce commerce et le réseau dense des liens entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs. La demande aristocratique était importante, mais vers 1300 les produits étaient vendus à un vaste éventail social. De plus, le plancher d'accès à ce commerce de détail était situé à un niveau bas. On appréciait largement les nombreux plaisirs et les risques, voluptueux à plus d'un titre, associés au fait de faire des achats dans ce cadre. C'est ce phénomène, lié à la variété et à la densité des produits en jeu, qui justifie l'usage du terme «culture» pour désigner ce monde des biens.
      Cultures of production, of distribution and of consumption in English towns, 1100-1350 The paper examines the spaces and buildings used for shopping and manufactures in English cities between 1100 and 1350, concentrating in particular on the conclusions to be drawn from an intensive study of a part of the central business district of London. It delineates the physical environment of retail trade and the dense network of linkages between producers, distributors and consumers. Aristocratic demand was important, but by 1300 products were sold to a very wide social range. Moreover, the threshold of access to this retail trade was low. The many pleasures and risks, both sensuous and sensual, associated with shopping were widely appreciated. This, in conjunction with the variety and density of commodities involved, justifies the use of the term «culture» to denote this world of goods.
    • Les caves, le négoce et les marchands de vin à Lille et Douai au Moyen Âge - Jean-Denis Clabaut p. 39-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les villes du Nord de la France, le patrimoine médiéval n'a pas été épargné par les conflits qui ont jalonné les siècles. C'est bien souvent en sous-sol que se trouvent encore les traces des constructions privées urbaines, sous la forme de grandes caves voûtées, maçonnées en pierre. Des inventaires systématiques menés à Lille et Douai ont permis de mettre au jour un patrimoine riche et souvent bien conservé, dont l'étude permet d'apporter des données très utiles sur l'urbanisation médiévale et la structure de la ville. L'étude de ces grandes caves, construites entre le XIIe et le XVe siècle, met en évidence l'importance du commerce et du stockage du vin dans l'économie médiévale. Les barriques qui arrivaient aux ports fluviaux des villes après les vinifications, étaient encavées dans des conditions de conservation idéale dans ces vastes volumes voûtés, et constituaient un produit de forte valeur ajoutée, source importante de la richesse de la bourgeoisie urbaine.
      The use of cellars for trade and transactions and the wine merchants at Lille and Douai in the Middle Ages. The medieval heritage of the towns of Northern France has been badly damaged by armed conflicts, and it is usually underground that traces of urban private buildings may be seen, in the shape of vast vaulted stone cellars. Systematic inventories carried out at Lille and Douai have uncovered useful evidence about medieval urbanisation and town structure. The study of these large cellars built from the twelfth to the fifteenth century reveals the significance for the medieval economy of the trade and storage of wine. Immediately after vinification had taken place, barrels of wine were transported to the river ports of towns and were stored in these extensive spaces in ideal conditions for the keeping of wine. This product had a significant surplus value, and was an important source of wealth for the urban bourgeoisie.
    • Nourrir la ville : L'exemple de la boucherie vénitienne à la fin du Moyen Âge - Fabien Faugeron p. 53-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La seconde moitié du XVe siècle marque une rupture dans le relatif équilibre qui prévalait jusque-là à Venise entre ravitaillement urbain et consommation. À ce titre, le secteur de la boucherie se révèle particulièrement sensible. Mal accompagnée par les rigidités de la politique annonaire, l'augmentation de la demande en viandes entraîne des dysfonctionnements croissants avec d'importantes conséquences sur la définition et l'exercice de la profession. Dès 1301, la suppression de l'organisation en métier avait ouvert le secteur à des acteurs et à des investisseurs multiples: marchands de bestiaux, patriciens, étrangers. Cette contribution se propose d'étudier les mutations de la boucherie à travers un registre des concessions d'étals effectuées aux marchés de Saint-Marc et de Rialto entre 1402 et 1484. Elle entend ainsi analyser une période de transition qui prélude à la grave crise du ravitaillement urbain du début du XVIe siècle, et éclairer un domaine longtemps négligé du monde du travail vénitien.
      Feeding the town: the case of Venetian butchers in the late Middle Ages In the second half of the fifteenth century the precarious balance between urban supply and consumption that prevailed in Venice was disrupted. In this context, the activity of butchers became a particularly sensitive issue. Badly supported by the inflexible policy of annona, the increase in the demand for meat led to growing malfunctions with extensive consequences on the definition and exercise of the profession. In 1301 already, the suppression of the craft had opened this sector to a large number of actors and investors: cattle dealers, patricians, foreigners. The paper examines these transformations through the study of a register of concessions of stalls on the markets of San Marco and Rialto between 1402 and 1484. It provides an analysis of this transitional period before the deep crisis of urban supply that took place in the early sixteenth century and throws some light on a sector of Venetian activity that has long been neglected by historians.
    • La bouche et le ventre de Paris - Laurent Vissière p. 71-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La ville médiévale est un microcosme bruyant, et l'on s'intéresse de plus en plus à ce que l'on a appelé son «paysage sonore». Car la vie urbaine est rythmée par un certain nombre de bruits plus ou moins spécifiques: les cloches, bien sûr, mais aussi les criées publiques et les embarras de la rue. Ces phénomènes se retrouvent partout de manière similaire, mais il faut donner une place particulière aux cris des petits métiers ambulants. Bien que ceux-ci soient communs à toutes les villes de l'Occident, ceux de Paris ont occupé très tôt, dès le XIIIe siècle, une place extraordinaire, tant dans la vie quotidienne que dans l'imaginaire collectif. Le cri de Paris devient en effet à cette époque motif littéraire – le cri s'intègre aux dits et aux farces –, mais, également sujet littéraire et artistique: poètes, chansonniers et graveurs les prennent pour thème. Ce thème connaîtra ensuite, en France et en Europe, une diffusion tout à fait étonnante jusqu'au XXe siècle. L'étude de ces textes pose différents problèmes: les cris de Paris doivent être considérés comme un genre littéraire à part entière, mais ils offrent aussi un éclairage direct sur la vie quotidienne de la capitale (et pas seulement sur celle du petit peuple). Or on a toujours eu tendance à les considérer, littérairement et historiquement, comme des témoignages amusants certes, mais anecdotiques, voire folkloriques. La finalité et le public de ces documents sont d'ailleurs problématiques, mais dès le XVIe siècle, ils sont souvent mis en rapport avec les premiers guides de la capitale, dont ils complètent la description – voire le portrait. Ne voir en eux que moqueries ou dérision du petit peuple semble bien hasardeux.
      The mouth and stomach of Paris The medieval town was a noisy microcosm, and its «sound landscape» is attracting growing interest. Urban life in the Middle Ages was regulated by a number of sounds that were more or less particular to towns: not only bells, but also the noise from public markets and the background noise from the streets. Of particular interest are the cries of the small peddlers who were to be found in all Western towns. By the thirteenth century, the cries of Parisian peddlers already held an unusual place in the daily life as well as in the collective imagination. In that period the Cries of Paris became an artistic theme: they were an integral part of Dits and farces, and were the subject of popular literature. This theme, which is to be found in poetry, in music and later in engraved pictures, was to enjoy a surprising success in France and in Europe as a whole until the twentieth century. The study of the texts of the Cries of Paris raises, however, a number of issues: they were a literary genre, but they also illuminate some aspects of daily life in the capital (and not only that of the more modest section of the population), and there has always been a tendency to consider them, whether in literary, artistic or historical studies, as amusing but anecdotal testimony, part of the folklore. It seems essential to go beyond this reductive vision, and to try to understand in which context these pieces were written, with what aim in mind and for which public: for instance, they are often found together with the first guidebooks of the capital, whose description they completed.
    • La première description des métiers de Paris : le Dictionarius de Jean de Garlande (vers 1220-1230) - Frédérique Lachaud p. 91-114 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Souvent cité par les historiens du Paris médiéval, le Dictionarius de Jean de Garlande demeure un texte méconnu. Cette première description des activités parisiennes, qui retrace ce que l'auteur a pu observer dans les rues de la ville, est en fait un traité lexicographique destiné à enseigner le vocabulaire de la vie quotidienne à de jeunes étudiants: à ce titre, il relève de traditions variées d'enseignement du latin, mais prend également place dans le contexte des efforts de l'école de Saint-Victor pour créer une terminologie savante du monde des objets. Son contenu permet de saisir l'atmosphère de la rue médiévale et quelques aspects de l'activité commerciale et artisanale, tels les marchands ambulants, les métiers féminins, les divisions au sein des métiers. Mais il reflète aussi une approche spécifique du fait urbain, faite à la fois de fascination – le traité peut être considéré comme un contribution au genre de la laus urbis – et de répulsion devant ce que l'auteur considère comme la turpitude morale de la ville.
      The first description of the Parisian trades: the Dictionarius of John of Garlande (c. 1220-1230) The Dictionarius of John of Garlande is often quoted by specialists of medieval Paris but remains badly known. This first depiction of Parisian activities, which recreates what the author has seen in the streets of the town, is actually a lexicographical tract written in order to teach young students the vocabulary of everyday life. In this respect, it fits within a rich educational tradition, but also takes place in the context of the endeavours of Parisian schools to create an academic terminology for the world of objects. Its contents allow us to get a glimpse of the atmosphere of the medieval street and of the activities of some traders and craftsmen: peddlers, women's work, divisions of tasks within crafts. It also reflects a particular approach to the urban phenomenon, made of a mixture of fascination – the treatise may be seen as a contribution to the genre of the laus urbis – and repulsion faced with what the author considers to be the moral turpitude of the town.
    • Les nobles, les activités civiles et la vie urbaine dans l'espace francophone (XIIIe -XVe siècles) - Thierry Dutour p. 115-129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Rien n'est plus banal, dans l'espace francophone à la fin du Moyen Âge, que des nobles citadins. Ils exercent des activités supposant la résidence en ville, occasionnelle, courante, ou préférentielle, qui présentent les deux points communs d'être civiles et lucratives. Ils font carrière au service des pouvoirs, mais sont aussi présents dans le négoce et même le travail artisanal. Ces nobles tiennent une place de choix dans la vie urbaine (avec en particulier la participation à l'exercice des pouvoirs municipaux) et on est frappé par la proximité sociale entre nobles et non-nobles dans les élites, que manifeste par exemple l'importance accordée par les uns et les autres à l'instruction et à la compétence. L'insertion de nobles dans les sociétés urbaines atteste que l'état de noblesse n'est pas l'horizon ultime de la supériorité sociale mais avant tout une dimension de celle-ci, appartenant à un ensemble qui la dépasse, dans une évolution marquée par le poids croissant de l'urbanisation et des valeurs civiles.
      Noblemen, civil activities and urban life in French-speaking areas from the thirteenth to the fifteenth century The existence of urban nobles in the French-speaking world of the Middle Ages is an evidence. Their activities, which were both civil and lucrative, led them to reside in towns, whether occasionally, frequently or on a permanent basis. They served government but were also found in trade and even crafts. They held a preferential place in urban life through their participation to municipal power in particular, and the social proximity within the elite between nobles and non-nobles was striking: this is for instance revealed by the importance they gave to instruction and competence. The insertion of nobles in urban societies proves that to be noble was not the ultimate standard in matters of social superiority. Instead, it was only a dimension of that superiority and was part of a larger phenomenon, within an evolution marked by the increased weight of urbanisation and civil values.
  • Etudes

    • Le Corbusier et la querelle de Berlin - Nicolas Clemens p. 131-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1955, fort du succès des cités radieuses de Marseille et de Nantes-Rezé, Le Corbusier accepte l'invitation de Berlin à participer à la reconstruction du Hansaviertel, sous la forme d'une contribution à l'exposition internationale de Berlin, l'Interbau 1957. Pour l'architecte, cette collaboration ne peut se concrétiser que par la réalisation d'une «unité d'habitation de grandeur conforme», un concept orignal et hors-norme qui entre en total contradiction avec la réglementation en vigueur à Berlin. S'ouvrent dès lors deux années de querelle entre les autorités berlinoises avant tout intéressées par le prestige de l'architecte et Le Corbusier, n'entendant céder sur aucun point. L'unité d'habitation peut ainsi se lire comme le témoin architectural du rendez-vous manqué entre un des architectes essentiels du XXe siècle et l'un des plus grands chantiers de la reconstruction en Europe.
      Le Corbusier In 1955, following the success of his two «cités radieuses» in Marseille and Nantes-Rezé, Le Corbusier accepted Berlin's invitation to participate in the reconstruction of the Hansaviertel, contributing to the Berlin International Building Exhibition, Interbau 1957. For the architect, this collaboration could only be realized through the construction of an «unité d'habitation de grandeur conforme», an original and exceptional concept that came in complete contradiction to the livings standards prevalent in Berlin at the time. Thus began two years of disputes between the Berlin authorities, who were particularly interested in the architect's prestige, and Le Corbusier who did not intend to yield to the authorities on any front. As a consequence this building may be considered the architectural testimony of the missed rendezvous of one of the most significant architects of the 20th century and one of the largest building sites in Europe.
  • Sources

  • Lectures - p. 157-174 accès libre