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Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 453, mars-avril 2023
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  • Atermoiements - Hugues de Jouvenel p. 3-4 accès libre
  • Les cinq murs de l'intelligence artificielle - Bertrand Braunschweig p. 5-24 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le lancement, fin novembre 2022, de ChatGPT, un agent conversationnel développé par OpenAI, a fait grand bruit et suscité nombre de reportages et commentaires sur les performances et avancées de l'intelligence artificielle (IA). Pour autant, si les progrès en la matière sont effectivement impressionnants, un certain nombre de limites demeurent, et l'avènement d'une IA totalement autonome et parfaite relève encore de la science-fiction. Ainsi Bertrand Braunschweig, responsable de la coordination scientifique du programme français Confiance.ai, pointe-t-il ici cinq grands « murs » sur lesquels l'IA pourrait bien buter si l'on ne s'y intéresse pas suffisamment. Il présente ces cinq murs, qui sont celui de la confiance envers l'IA, celui de sa consommation énergétique, celui de la sécurité des systèmes qu'elle régit, celui des interactions homme-machine, et enfin celui de l'inhu­manité des machines. Puis il propose, en fin d'article, un certain nombre de pistes de travail et de recherche pour répondre aux défis posés par ces cinq murs : amélioration des architectures de réseaux, combinaison de modèles numériques et symboliques, interdisciplinarité renforcée, etc. S.D.
    The launch in late November 2022 of ChatGPT, a conversational agent (chatbot) developed by Open
    AI, received a great deal of attention and has prompted a lot of reporting and commentary on the performance of, and advances made by, artificial intelligence (AI). And yet, though progress in this area is indeed impressive, a number of limits remain and the emergence of a totally autonomous, perfect AI still lies in the realms of science-fiction. For example, Bertrand Braunschweig, in charge of the scientific coordination of the French programme 'Confiance.ai', points here to five major 'barriers' that could well hinder its development if insufficient attention is paid to them. He writes of these here: they have to do with trust in AI, its energy consumption, the safety of the systems controlled by AI, human-machine interactions and, lastly, the inhumanity of machines. In closing, he suggests a number of lines of work and research for meeting the challenges posed by the five barriers: improving network architecture, combining digital and symbolic models, increased interdisciplinarity and other measures.
  • Décarboner les mobilités : Sept scénarios pour la France aux horizons 2040 et 2060 - Dominique Auverlot, Alain Sauvant p. 25-42 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du déve­loppement durable (IGEDD) ont conjointement réalisé une étude prospective sur les transports et la mobilité aux horizons 2040 et 2060 dans la perspective de réalisation de l'objectif de la neutralité carbone que s'est assigné la France. Dans ce cadre, sept scénarios ont été produits, qui intègrent tant la mobilité des personnes que celle des marchandises ; cinq scénarios ne prennent pas en compte l'objectif de neutralité carbone comme donnée d'entrée et sont donc plus exploratoires (dits de forecasting) ; deux scénarios (dits de backcasting) ont pour contrainte d'atteindre la neutralité carbone du transport. Dominique Auverlot et Alain Sauvant, qui ont coordonné cet exercice, en présentent ici les caractéristiques (approche, méthodologie…) et les grands enseignements, à savoir les sept scénarios, qui vont d'un scénario un peu plus optimiste que le tendanciel à des scénarios très ambitieux soit en termes de sobriété des comportements, soit sur le plan technologique. Il en ressort que seuls les deux scénarios de backcasting qui intègrent, par construction, l'atteinte de la neutralité carbone y parviennent. Forts de ce constat et des différents chiffrages réalisés lors de cette prospective, les auteurs présentent aussi neuf messages clefs à destination des décideurs politiques, de sorte que ceux-ci aient en main les principales cartes indispensables pour placer le secteur des transports (routier, aérien, maritime), et plus généralement la mobilité, sur la voie d'une réelle décarbonation. Dans un second article publié dans ce numéro, ils complètent leur analyse par un focus sur les technologies les plus pertinentes pour favoriser cette décarbonation des transports. S.D.
    France Stratégie and the French General Inspection for the Environment and Sustainable Development (Inspection générale de l'environnement et du développement durable; IGEDD) have jointly carried out a foresight study on transport and mobility up to the years 2040 and 2060, with a view to meeting the carbon neutrality target that France has set for itself. Within this framework, seven scenarios were produced, incorporating both the mobility of persons and goods; five scenarios do not assume the objective of carbon neutrality as given from the outset and are, therefore, more exploratory (forecasting scenarios); two so-called 'backcasting' scenarios operate on the assumption that the carbon neutrality of transport must be achieved. Dominique Auverlot and Alain Sauvant, who coordinated this exercise, detail its characteristics here (approach, methodology etc.) and the major lessons to be drawn from the seven scenarios. These range from one that is a little more optimistic than the trend scenario to others that are very ambitious, either in terms of voluntary self-restriction or technological solutions. It emerges that only the two backcasting scenarios, which incorporate carbon neutrality into the very way that they were framed, actually achieve it. Armed with this finding and the various costings arrived at in this foresight exercise, the authors also present nine key messages aimed at political decision-makers, so that they are equipped with the essential elements for setting the transport sector (by road, air and sea) and mobility more generally on the path to genuine decarbonization. In a second article published in this issue, they round off their analysis by focussing on the most relevant technologies for fostering this decarbonization of transport.
  • Quelles technologies pour décarboner les transports ? - Dominique Auverlot, Alain Sauvant p. 43-61 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans leur article publié précédemment dans ce numéro, Dominique Auverlot et Alain Sauvant ont présenté l'exercice de prospective mené par France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable sur les transports et la mobilité à 2040-2060, dans la perspective de réalisation de l'objectif de la neutralité carbone que s'est assigné la France. Pour compléter cette présentation et donner un exemple concret des dispositions qui pourraient accompagner cette transition vers la neutralité carbone, ils proposent ici un focus sur les technologies à mobiliser pour la décarbonation des transports. Les transports sont aujourd'hui le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (30 % des émissions) ; ils constituent donc une étape essentielle de la transition écologique. Les auteurs présentent ici les options technologiques ouvertes pour les décarboner, en commençant par la motorisation (électrique, hybride, hydrogène, biocarburants…) des véhicules utilisés en transport routier. C'est selon eux un angle incontournable dans une stratégie visant à atteindre la neutralité carbone. Côté transport aérien, il faut, selon eux, miser sur la recherche et privilégier la conversion vers les biocarburants. Enfin, dans le transport maritime, troisième pan du secteur, l'heure est aux expérimentations, comme le montre cet article, avec deux voies prometteuses : le gaz naturel liquéfié avec capture du CO 2 et l'électricité pour les courts trajets. Au final, si la technologie ne peut résoudre à elle seule tous les problèmes d'émissions des transports, elle constitue toutefois, avec l'incitation à la sobriété, un levier essentiel de la décarbonation. Les pouvoirs publics doivent donc en tenir compte dans les incitations politiques et économiques qu'ils établissent pour mettre en œuvre leur stratégie bas-carbone. S.D.
    In their article also published in this issue, Dominique Auverlot and Alain Sauvant present the foresight exercise carried out by France Stratégie and the French General Inspection for the Environment and Sustainable Development (Inspection générale de l'environnement et du développement durable; CGEDD) on transport and mobility up to the years 2040 and 2060, with a view to meeting the carbon neutrality target that France has set for itself. To round off that presentation and give a concrete example of the arrangements that might foster this transition toward carbon neutrality, they propose here a focussed study of the technologies to be brought to bear on decarbonizing transport. Transport is the main greenhouse-gas emitting sector in France today (30% of emissions); it therefore represents a key stage in ecological transition. In this article, Auverlot and Sauvant present the technological options available for decarbonizing transport, beginning with the conversion of road transport vehicles to new (electrical, hybrid, hydrogen, biofuel or other) forms of energy. As they see it, there is no alternative for a strategy that aims to achieve carbon neutrality. With air transport, they see no option but to invest in research, favouring conversion to biofuels. Lastly, in maritime transport, the third branch of the sector, it is time to experiment, as this article shows, with two promising technologies: using liquid natural gas with CO2 capture, and electricity for short journeys. In the end, if technology alone cannot solve all the emission problems created by transport, it is nonetheless one of the main levers to be used, alongside incentivizing self-restraint. The authorities must therefore take it into account in the political and economic incentives they set in place to implement their low-carbon strategy.
  • Les nouvelles routes de la soie, dix ans après - Barthélemy Courmont, Frédéric Lasserre, Éric Mottet p. 63-75 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Quelques mois après la reconduction pour cinq ans de Xi Jinping à la tête du parti communiste chinois, et alors que les tensions diplomatiques se multiplient sur la scène mondiale dans un contexte de crises multiples (Covid, guerre en Ukraine, énergie…), où en est la grande initiative de développement lancée par Pékin en 2013 ? Il y a 10 ans, en effet, un ambitieux projet d'investissement dans les infrastructures de nombreux pays, la Belt & Road Initiative (BRI) ou « nouvelles routes de la soie », était lancé. Un long article de Rémi Perelman, en 2018, en avait présenté la genèse, la teneur et les objectifs divers de la Chine dans nos colonnes1. Barthélémy Courmont, Frédéric Lasserre et Éric Mottet prolongent cette analyse. Ils font ici le point sur cette BRI au caractère multiforme, qui a permis à Pékin de nouer diverses alliances économiques et stratégiques, et de changer substantiellement les équilibres géopolitiques dans les régions concernées (Asie centrale, Europe, Afrique, etc.) mais dont les objectifs initiaux, très ambitieux, évoluent en raison du ralentissement économique et d'une perception parfois négative de cette initiative. Les auteurs soulignent aussi l'émergence de projets alternatifs lancés par d'autres pays (États-Unis, Japon, Union européenne…), visant à concurrencer la BRI, et le souci de Pékin d'adapter son projet par souci de crédibilité : une BRI 2.0 se met ainsi en place. Indispensable à la Chine, dont l'économie est devenue très dépendante du reste du monde, cette BRI 2.0 devra, pour réussir dans la durée, faire face à une concurrence plus rude et éviter de renvoyer une image trop hégémonique auprès de ses partenaires. S.D. 1 Perelman Rémi, « Les nouvelles routes de la soie. Sur la nature des ambitions chinoises », Futuribles, n° 425, juillet-août 2018, p. 69-99.
    A few months after Xi Jinping was reappointed leader of the Chinese Communist Party for a further five years and with diplomatic tensions rising on the world stage in a context of multiple crises (Covid, war in Ukraine, energy etc.), how do things stand with the great development initiative launched by Beijing in 2013? Ten years ago now, an ambitious project of investment in the infrastructure of multiple countries, the 'Belt and Road Initiative' (BRI) or 'New Silk Roads' was launched. In 2018 a long article by Rémi Perelman in these pages had outlined its genesis and nature and China's various aims for the project. Barthélémy Courmont, Frédéric Lasserre and Éric Mottet take that analysis further. They provide an update here on this multifaceted BRI, which has enabled Beijing to forge various economic and strategic alliances and substantially change the geopolitical balance in the affected regions (Central Asia, Europe, Africa etc.), but whose initial — very ambitious — objectives have evolved, due in part to the economic slowdown and also to an at times negative perception of the initiative. Courmont et al. also stress the emergence of alternative projects launched by other countries (USA, Japan, EU etc.), aiming to compete with the BRI, and Beijing's concern to reshape its project for reasons of credibility: a BRI 2.0 is thus being rolled out. If it is to enjoy long-term success, this BRI 2.0., essential to a China whose economy has become highly dependent on the rest of the world, will have to both cope with sterner competition and avoid sending out an over-hegemonic image to its partners.
  • Tribune

    • Difficultés de recrutement des entreprises : une analyse économique comparative - Antonin Bergeaud, Gilbert Cette p. 77-87 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article d'Antonin Bergeaud et Gilbert Cette présente une analyse économique comparée des difficultés de recrutement dans les cinq plus grands pays de la zone euro. Les auteurs rappellent d'abord que ces difficultés sont généralement plus grandes dans les pays à faible taux de chômage (Allemagne, Pays-Bas), et qu'inversement elles sont moindres dans ceux qui ont un taux de chômage plus élevé (Italie, Espagne). Ils soulignent cependant que la France à cet égard est atypique, puisque les difficultés de recrutement y sont grandes alors que le taux de chômage reste élevé. Cela témoigne, affirment-ils, d'un désajustement particulier dans l'Hexagone entre l'offre et la demande de travail, qui peut résulter de différentes causes et diffère selon que les métiers sont plus ou moins qualifiés. Parmi les moins qualifiés, deux causes principales sont retenues : le niveau des rémunérations et les conditions de travail. Les conditions de travail relèvent, écrivent-ils, de la négociation collective qui ne peut être que favorable au progrès social. En revanche, s'agissant des salaires d'embauche, les auteurs soulignent, en s'appuyant notamment sur le taux d'emplois vacants, que ceux-ci sont insuffisamment attractifs en France, en comparaison des revenus de transfert associés au non-emploi. Ainsi affirment-ils que la réduction desdits transferts (indemnisation du chômage, revenu de solidarité active, réforme des retraites), comme cela se fait dans divers pays tels que le Danemark ou la Suède, permettrait d'améliorer en France le fonctionnement du marché du travail et serait bénéfique du point de vue économique. Leur propos est au cœur du débat que soulèvent les projets de réforme portés ces derniers mois par le gouvernement français. H.J.
      This article by Antonin Bergeaud and Gilbert Cette offers a comparative economic analysis of recruitment difficulties in the five largest Eurozone countries. We are first reminded that these difficulties are generally greater in the countries with low levels of unemployment (Germany, Netherlands) and, conversely, less significant in countries with a higher unemployment rate (Italy, Spain). They do, however, stress that France is atypical in this regard, since it has major recruitment difficulties even though the rate of unemployment remains high. This attests, they argue, to a particular maladjustment between labour supply and demand, which may be caused by various different factors and differs between higher and lower skilled jobs. Among the lowest skilled, two main causes are identified: levels of pay and working conditions. Working conditions, they argue, are a product of collective bargaining, which can only be good for social progress. On the other hand, when it comes to starting levels of pay, they stress — pointing particularly to vacancy rates — that these levels are not attractive enough in France by comparison with the transfer payments associated with unemployment. They therefore assert that reducing those transfer payments (unemployment insurance, income support, pensions), as is happening in various countries such as Denmark or Sweden, would improve the operation of the labour market in France and be economically beneficial. Their argument is at the heart of the debate prompted by the reform projects undertaken in recent months by the French government.
  • Chronique européenne

    • Droits humains ou énergie : le dilemme - Jean-François Drevet p. 89-96 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Voilà maintenant plus d'un an que la Russie a envahi l'Ukraine, entraînant de vives réactions des pays occidentaux, Union européenne incluse, traduites notamment au travers d'une série de sanctions économiques. Ces sanctions, qui touchent en particulier le secteur énergétique (la Russie étant le premier fournisseur de combustibles fossiles de l'Union), ont eu pour conséquence de mettre en lumière l'extrême dépendance des Européens en matière d'énergie. La défense des valeurs démocratiques n'est pas négociable, mais elle a un coût. Et les alternatives pour contourner Moscou en matière énergétique ne sont guère plus vertueuses puisque la plupart des producteurs d'énergie fossile se situent au Moyen-Orient, dans des pays aussi réputés pour leur respect des droits humains que l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Qatar… De fait, en attendant d'avoir largement développé les énergies renouvelables, et à moins de repartir vers le nucléaire, voire le charbon, le dilemme défense de la démocratie et des libertés versus sécurité énergétique risque de perdurer. C'est ce que montre cette chronique européenne, rappelant l'histoire récente de ce dilemme et examinant ses perspectives de (non)-résolution à moyen terme. S.D.
      It is now more than a year since Russia invaded Ukraine, prompting sharp reactions from Western countries, Europe included — reactions expressed in, among other things, a raft of economic sanctions. In the event, these sanctions, which relate particularly to the energy sector (Russia being the EU's prime fossil fuel supplier), have shown up Europe's extreme energy dependency. The defence of democratic values is not negotiable, but it comes at a cost. And the alternatives for by-passing Russian energy are barely more virtuous, since most fossil fuel producers are to be found in the Middle East, in countries with such glowing human rights records as Iran, Saudi Arabia and Qatar… In fact, unless there is a renewed turn to nuclear power — and even coal — then, as we still await the extensive development of renewable energies, the dilemma between the defence of democracy and freedom, on the one hand, and energy security, on the other, is likely to persist. This is what this latest European Chronicle shows us, rehearsing as it does the recent history of this dilemma and the prospects for its (non-)resolution in the medium term. ∪
  • Actualités prospectives

  • Lu, vu, entendu