Contenu du sommaire : La guerre est finie ? 1918 et après en Europe centrale

Revue Revue des Etudes Slaves Mir@bel
Numéro vol. 94, no 4, 2023
Titre du numéro La guerre est finie ? 1918 et après en Europe centrale
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Xavier Galmiche, Paweł Rodak p. 473-476 accès libre
  • En cale sèche : les « marins-révolutionnaires » Tchèques et Slovaques de la révolte de Kotor - Paul Lenormand p. 477-492 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le 1er février 1918, la marine austro-hongroise fut secouée par une mutinerie de plusieurs de ses navires ancrés en baie de Kotor (côte adriatique). Parmi les révoltés se trouvaient des hommes de toutes les nationalités de l'Empire. Ils furent rapidement réprimés et plusieurs fusillés pour l'exemple. Parmi eux, les Tchèques furent particulièrement concernés, puisqu'une partie des victimes était originaire de Moravie. La monarchie des Habsbourg s'effondra en novembre 1918, conduisant les marins à retourner sur leur terre natale. Pour les désormais citoyens tchécoslovaques, la victoire était amère, puisque leur nouveau pays était privé d'accès à la mer. Contraints de se reconvertir professionnellement, ils maintinrent néanmoins des liens étroits, à travers un mouvement associatif. Quoique leur action ait été marginale et largement méconnue, certains anciens marins continuèrent d'animer leur petite communauté jusqu'aux années 1980. Ces hommes traversèrent le siècle en s'adaptant aux régimes politiques successifs, sans jamais se départir de leur nostalgie pour la vie maritime, dont ils ont légué des traces poétiques et mémorielles.
    In February 1918, the Austrian-Hungarian Navy faced a major mutiny, when hundreds of sailors rebelled against their commanding officers. Among the rebels were men of all the Empire's nationalities. Many were imprisoned and a few were executed after the Admiralty retook control of the vessels. One of the mutineers was of Czech origin, and his memory never faded among Czech sailors. As the Habsburg monarchy collapsed in November 1918, sailors left for their homeland. However, the independence of Czechoslovakia was synonymous with the loss of access to the sea. Former sailors had to find new jobs, but they nonetheless maintained strong ties by creating an association in the 1920s. They survived in the new political environment up to the 1980s, though their community remained marginal. What mattered to these men was their spiritual connection to the sea: they expressed their bitterness but also their powerful nostalgia through commemorative actions and poetic interpretation.
  • Une nuit d'ivresse de novembre 1918 de Miroslav Krleža - Daniel Baric p. 493-506 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La césure que représentent la fin du régime austro-hongrois et l'avènement immédiat d'une nouvelle dynastie est reflétée dans le texte intitulé Une nuit d'ivresse de novembre 1918, qui s'insère dans le journal de Krleža. Entre œuvre littéraire et réflexion profondément politique, le journal se présente comme un genre hybride, comportant des textes qui font écho au déroulement de la chronologie, mais qui furent rédigés à des dates ultérieures. Une chronologie non linéaire lie ces différents moments, entre l'événement fondateur de novembre 1918 (en tant que jeune auteur cherchant une reconnaissance publique), la phase de mise au point définitive du texte en 1952 (comme de l'un des auteurs majeurs de la Yougoslavie socialiste) et l'élaboration véritable du texte en 1942 (alors qu'il est reclus chez lui et redoute une arrestation). Ces trois moments permettent de saisir l'interprétation que donne Krleža d'une fin d'une guerre qui n'en est pas vraiment une et le rôle que lui-même souhaite s'assigner dans ces événements.
    The break represented by the collapse of the Austro-Hungarian regime and the immediate advent of a new dynasty is clearly reflected in A Drunken Night in November 1918, a text embedded in Krleža's diary. Part literary work, part political reflection, the diary is a hybrid text, with elements echoing the unfolding chronology of events, but which were written at later dates. A non-linear chronology links these different moments, which include the foundational month of November 1918 (when Krleža was a young author in search of an audience), the final stage of working on the text in 1952 (after he had become one of the most acclaimed authors in socialist Yugoslavia), and the period when the text was actually elaborated in 1942 (when Krleža was secluded at his home in Zagreb, in fear of being arrested). These three different periods allow us to grasp Krleža's interpretation of the end of a war that was by no means conclusive, and the role he himself wished to play in the unfolding events.
  • « La paix n'est que sur le papier » : l'année 1918 dans la production de Jaroslav Hašek - Jean Boutan p. 507-520 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Jaroslav Hašek (1883-1923) est célèbre dans le monde entier pour son roman les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Première Guerre mondiale, texte en partie inspiré par la vie de l'auteur sur le front de Russie. S'il reste de nombreuses zones d'ombre concernant le parcours de l'écrivain et journaliste praguois à la fin du conflit, son activité littéraire renouvelée à dater de son passage à l'ennemi, en 1916, permet de retracer l'évolution de sa production u regard des trois grands événements qui marquent pour lui la sortie de guerre : la chute de l'Empire austro-hongrois, la lutte des Légions tchécoslovaques pour l'indépendance nationale et l'engagement dans la révolution russe aux côtés de l'Armée rouge. Ce n'est qu'en 1920 que les conflits qui se poursuivent encore après l'armistice autoriseront l'écrivain à revenir au pays, désormais en possession des moyens littéraires qui se manifesteront dans le Brave Soldat Švejk. L'expérience de la guerre est ainsi devenue pour Hašek le creuset d'une écriture nouvelle.
    Jaroslav Hašek (1883-1923) is world-famous for his novel The Good Soldier Švejk and his fortunes in the World War, a text partly inspired by the author's life on the Russian front. While there are still many grey areas surrounding the life of the Prague writer and journalist at the end of the war, his renewed literary activity from the time he went over to the enemy in 1916 makes it possible to trace the development of his work in relation to the three major events that marked the end of the war: the fall of the Austro-Hungarian Empire, the Czechoslovak Legions' struggle for national independence and Hašek's involvement in the Russian Revolution alongside the Red Army. It wasn't until 1920 that the conflicts still raging after the armistice allowed the writer to return home, now in possession of the literary means that would make The Good Soldier Švejk remarkable. Hence, Hašek's war experience seems to have become the crucible for his new form of writing.
  • À l'est, rien de nouveau ? Władysław Broniewski (et la Pologne) au carrefour de l'histoire (1918-1921) - Mateusz Chmurski p. 521-534 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article propose une lecture du journal de guerre rédigé par le poète polonais controversé Władysław Broniewski (1897-1962) pendant sa participation aux conflits opposant la Pologne à l'Ukraine, à la Lituanie et à l'URSS, de 1918 à 1921. Abordant les études auto/biographiques sous l'angle de la pratique anthropologique, le journal de Broniewski est lu comme un patchwork de points de vue éthiques et politiques contradictoires enracinés dans les clichés et stéréotypes de la littérature polonaise du XIXe siècle. De l'inclusion progressive d'un discours colonial légitimant l'expansion militaire polonaise à l'Est au rôle de la violence de guerre traumatisante, se dessine entre les lignes un portrait de Broniewski cherchant avec hésitation de nouvelles inspirations littéraires, dans des formulations affirmatives, bien que souvent contradictoires. Ainsi le texte révèle à la fois la généalogie de son engagement communiste croissant et, plus largement, les difficultés à dépasser le stéréotype des « confins » (pol. kresy), cruciales pour l'idée de polonité jusqu'à nos jours.
    This article discusses the diary which the controversial Polish poet Władysław Broniewski (1897-1962) wrote while participating in the military conflicts opposing Poland to Ukraine, Lithuania and the USSR from 1918 to 1921. The article offers a reading of auto/biographical materials from the perspective of anthropological practice, so as to frame Broniewski's diary as a patchwork of contradictory ethical and political viewpoints rooted in the clichés and stereotypes of 19th c. Polish literature. While exploring the gradual inclusion into the diary of a colonial discourse that legitimizes Polish military expansion to the East, and the growing trauma caused by war violence, this study sheds light on Broniewski's efforts to find a new literary inspiration, through the affirmation of contradictory statements. This highlights both the genealogy of the poet's growing engagement with communism and the challenges raised by all attempts to abandon the mythical stereotype of the “borderlands” (pol. kresy), a crucial element to the idea of Polishness to this day.
  • « Au seuil d'un monde nouveau » fin de guerre, début du combat pour les âmes - Joanna Goszczyńska p. 535-549 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article porte sur l'interprétation de la fin de la guerre dans l'empire austro-hongrois offerte par les romans de l'écrivain slovaque Jan Hrušovský (Peter Pavol na prahu nového sveta / Peter Pavol au seuil d'un monde nouveau) et de l'écrivain tchèque Čestmír Jeřábek (Svět hoří / le Monde est en feu). Ces deux romans, caractéristiques du mouvement littéraire qui a souhaité démystifier la guerre, mettent en scène la rencontre entre les histoires personnelles et l'Histoire en marche. Le discours idéologique y côtoie également le discours politique, qu'ils soient monarchistes ou révolutionnaires. Le but de l'article est de montrer les réactions suscitées par la fin de la guerre et l'atmosphère contradictoire qui surgit de la désintégration de la monarchie, de même que les diverses visions du monde nouveau proposées par ces romans.
    The article focuses on the interpretation of the end of the war in the Austro-Hungarian Empire in the novels of the Slovak writer Jan Hrušovský (Peter Pavol na prahu nového sveta / Peter Pavol on the threshold of the new world) and the Czech writer Čestmír Jeřábek (Svět hoří / The World is burning). Private stories collide with fragments of History in both novels, which are part of the demystifying trend in war literature. Ideological discourse is intertwined with political discourse, the revolutionary one with the monarchist one. The aim of the article is to reveal the attitudes generated by the end of the war, to show the aporetic atmosphere associated with the disintegration of the monarchy, as well as various visions of the “New World”.
  • L'année 1918 et la longue durée de la Première Guerre mondiale - Danuta Sosnowska p. 549-561 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article est une réflexion sur la Première Guerre mondiale dans la culture tchèque. Bien que la première République tchécoslovaque ait émergé à la faveur des bouleversements entraînés par la guerre, le pays produisit une double lecture de cet événement et de ses conséquences. D'une part, la guerre y fut glorifiée par les créateurs de la « littérature des légionnaires ». De même, les arts visuels (le cinéma, la peinture, et jusqu'aux timbres-poste), ainsi que l'architecture et diverses formes d'art commémoratif (les plaques commémoratives, les monuments) célébrèrent le sacrifice patriotique comme l'élément clef ayant permis de conquérir la liberté. Mais la culture tchèque produisit également un discours critique sur la guerre, sa barbarie et son absurdité. Des textes anti-guerre y apparurent très tôt, alors même que le conflit était encore en cours. L'article examine plusieurs écrits de ce type, dus à Richard Weiner et Jan Weiss. Non contents d'offrir des descriptions de la brutalité et de l'absurdité de la Première Guerre mondiale, ils donnent un tableau plus large des bouleversements culturels, sociaux, éthiques et économiques qu'elle entraîna et qui allaient faire le lit des catastrophes à venir. En ce sens, ces textes portent sur la Première Guerre mondiale envisagée dans sa longue durée.
    The article presents a reflection on World War I in Czech culture. Although the First Czechoslovak Republic emerged from the post-war changes in the new state, there was a dual reading of the event and its aftermath. On the one hand, the war was glorified by the creators of “legion literature”. Visual arts (film, painting, even postage stamps), architecture and various forms of commemoration (plaques, monuments) also recalled that patriotic sacrifice was the key to freedom. The specificity of the Czech reading, however, was that it was equally vocal in its criticism of the war, its barbarity and senselessness. Anti-war texts appeared quickly, while the turmoil of the war was still going on. Two authors of such texts are discussed in the article: Richard Weiner and Jan Weiss. These texts offered not only descriptions of the brutality and absurdity of the First World War. They also provided a broader picture of the cultural, social, ethical and economic changes that were preparing the ground for a new catastrophe. In this sense, they captured the long duration of the First World War.
  • « Seigneur, qu'ai-je fait ? » Poètes d'Europe centrale et orientale - Luba Jurgenson p. 563-576 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En amont et en aval de la Première Guerre mondiale, en Europe, émergent des mouvements d'avant-garde artistiques et littéraires (futurisme, dadaïsme), pour lesquels l'art est avant tout un « faire », sa puissance étant revendiquée à l'égal de la force religieuse des formules sacrées. Des événements extérieurs, en l'occurrence la guerre et ses conséquences, sont dès lors interprétés comme l'expression de son efficacité. En Europe centrale et orientale, ce moment coïncide avec de grands bouleversements sociaux et politiques – création de nouvelles nations, révolutions russes, guerres civiles –, donnant aux avant-gardes un « champ d'action » imaginaire plus vaste encore que dans les pays occidentaux et offrant la possibilité d'observer la manière dont celles-ci se voient responsables de ces nouvelles réalités et échouent en fin de compte à accomplir le programme de leur « prise en charge ».
    Pre- and post- World-War-I Europe saw the emergence of Avant-garde artistic and literary movements (Futurism, Dadaism), which considered art primarily as a form of “doing”, whose power was deemed equivalent to the religious force of sacred formulas. External events like war and its consequences were thus interpreted as the expression of art's effectiveness. In Central and Eastern Europe, this period coincided with major social and political upheavals – the creation of new nations, the Russian revolutions, civil wars – offering the avant-garde an even wider imaginary “field of action” than in Western countries. This specificity provides a unique opportunity to observe how Avant-garde poets saw themselves as responsible for these new realities, and how they ultimately failed to fulfill the task of “being in charge” of them.
  • 1918, naissance de la Deuxième République de Pologne - Alina Molisak p. 577-589 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article traite de la situation des Juifs de Pologne à la fin de la Grande Guerre et lors de la création de l'État polonais contemporain. Il présente les opinions et les exigences formulées par différentes organisations juives concernant les questions de citoyenneté, d'égalité des droits pour les minorités nationales, le problème de l'antisémitisme et des violences anti-juives.
    This article deals with the situation of Polish Jews after the end of the Great War and the establishment of the Polish state. Presented here are the demands and positions of various Jewish circles at the time, issues of citizenship, the problems faced by Jews demanding equal rights for national minorities and, of paramount importance, the issue of anti-Semitism and anti-Jewish violence.
  • Voisins ennemis : un cas micro-historique de la vie à Lwów dans les années 1930 - Jagoda Wierzejska p. 591-605 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article propose une analyse micro-historique des relations entre voisins dans la Lwów des années 1930, en l'inscrivant dans un contexte culturel, social et politique plus large. Son auteure y présente une étude de cas, reconstituée sur la base de documents d'archives. Ces documents mettent en lumière les interférences existant entre les communautés nationales et locales. Mais ils montrent également celles opposant les discours remplissant l'espace public à diverses formes de récits présentant et modelant les relations interpersonnelles, telles que les conversations entre voisins, les ragots et les petites intrigues. Les documents utilisés dans l'article illustrent les relations entre voisins de nationalités différentes (polonaise et ukrainienne), dont le mélange était caractéristique de la Lwów des années 1930. Ils comportent des dénonciations et des témoignages utilisés dans le cadre d'un procès aux conséquences funestes. L'analyse de ces documents éclaire les tensions entre la proximité physique (territoriale) de ces voisins et leur distance sociale et psychologique, de même que leur hostilité politique réciproque.
    The article is a microhistorical analysis of neighborly relations in Lwów in the 1930s, which it frames in a broader cultural, social and political context. The author presents a case study, reconstructed on the basis of archival documents. These documents illustrate the interference between the spheres of national communities and local groups, and between the discourses filling public space and the narratives presenting and reciprocally modeling such interpersonal relationships as neighborly conversations, gossips and intrigues. The material at the center of the study consists of documents describing the relationships between neighbors of different nationalities (Polish and Ukrainian), whose mix was characteristic of the population of Lwów. It includes denunciations and testimonies in a legal procedure with fateful consequences. The analysis of these documents sheds light on the tension between the physical (territorial) proximity of neighbors, and their socio-psychological distance, as well as their politically-motivated hostility.
  • Varia

    • Расхождения Новгородской 1 летописи и Новгородско-Софийских сводов на материале «Повести временных лет» - S. L. Nikolaev, T. L. Vilkul p. 607-622 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Parmi les monuments de la tradition annalistique de Novgorod, se trouvent la Version récente de la Première chronique de Novgorod (Novgorodskaja pervaja letopis′ – mladšij izvod) et le groupe dit de Sainte-Sophie de Novgorod (comprenant la Chronique de Novgorod dans le manuscrit de Karamzin – Novgorodskaja Karamzinskaja –, la IVe Chronique de Novgorod – Novgorodskaja IV-ja- et la Ire Chronique de Sainte-Sophie – Sofijskaja I-ja) qui sont liées entre elles de manière complexe. D'ordinaire, on y cherche des traces de la « Compilation primitive » qui précèderait le Récit des temps passés (Povest′ vremennyx let), et cependant, elles contiennent un texte identique à celui du Récit des temps passés, ou très proche, ce qui permet de se livrer à une comparaison rigoureuse de toutes les copies conservées. Pour affiner l'histoire textuelle des chroniques de Novgorod, on essaie de trouver des preuves de leur proximité avec les groupes de copies du Récit des temps passés (Chronique laurentienne – Lavrent′evskaja letopis′ et Chronique hypatienne – Ipat′evskaja letopis′). La théorie la plus communément admise est celle d'une contamination entre la branche hypatienne du Récit des temps passés et la Version récente de la Première chronique de Novgorod. On a également supposé que c'est la branche laurentienne qui a influencé le groupe dit de Sainte-Sophie de Novgorod, ou bien la copie de la Trinité, ou encore l'Hypatienne. Le propos de cet article est de tester systématiquement les leçons qui se différencient le plus fortement, là où, dans le même fragment la Version récente de la Première chronique de Novgorod et les chroniques de Sainte-Sophie diffèrent. Dans ce cas, la première suit l'Hypatienne et les autres la Laurentienne. Nous avons tenté d'expliquer ces cas où les deux principaux représentants de l'annalistique novgorodienne s'opposent entre eux. L'article analyse ligne à ligne, d'après les textes des principales copies conservées, plus de 40 fragments où l'on peut déterminer les leçons primitives et secondaires. Il s'avère que les leçons de la branche hypatienne et de la Version récente de la Première chronique de Novgorod transmettent les leçons primitives. Par conséquent, les deux branches sont proches quand elles donnent toutes deux la version primitive du Récit des temps passés. On doit donc considérer comme erronée l'hypothèse d'une contamination de ces deux traditions. Inversement, les rapprochements entre le groupe de Sainte-Sophie avec la branche de la Laurentienne peuvent être identifiés comme secondaires et sont situés du début du récit jusqu'aux années 1070. Il en résulte que soit ces textes ont une parenté très proche, soit le groupe de Sainte-Sophie de Novgorod est apparu à la suite d'une contamination avec une branche autonome de la Laurentienne, ou simultanément avec les copies de la Laurentienne et de la Chronique de Radziwiƚƚ (Radzivilovskaja letopis′). Dans ce cas, le chroniqueur novgorodien a eu recours à une version proche du manuscrit de la Laurentienne après sa séparation d'avec la Radziwill, ce qui se serait produit après le début du xiiie siècle.
      The relations between the Novgorod First Chronicle of the Younger Redaction and the so-called Novgorodian-Sophian group (Novgorod Karamzin, Sophian First and Novgorod Forth chronicles), all of which form the collection of Novgorodian annalistic texts, are complex. While usually considered to be mere reflections of the Initial Compilation, this collection also include a text, identical or very similar to the Primary Chronicle, which allows for a rigorous textological comparison of all extant manuscripts. Clarifying the history of Novgorod annalistic writing supposes to seek evidence of its possible affiliations with the various manuscripts composing the Primary Chronicle (both Hypatian and Laurentian). In this field, the most popular and discussed hypothesis concerns the contamination between the Novgorod 1 Younger and Hypatian branches. Scholars have also suggested that the Novgorodian-Sophian group was influenced either by the Laurentian and Troitsky branch, or by the Hypatian branch. This article offers a systematic study of variants from the excerpts where the Novgorod 1 Younger and Novgorodian Sophian group differ the most. This attempt shows that, in such occurences, the Novgorod 1 Younger follows the Hypatian version, whereas the Novgorodian Sophian group follow the Laurentian one. Examining about 40 fragments of main extant manuscripts where secondary variant readings can be identified by means of interlinear collation, we tried to clarify why the two main representatives of Novgorod annalistic writing stand in disagreement. We established that the Hypatian version and Novgorod First Younger Chronicle reflect the primary readings and therefore that their similarities go back to the original version of the Primary Chronicle. As a result, the closeness of the Novgorod First Younger Chronicle to the Hypatian manuscripts does not imply common innovations (and thus a close relationship), and the hypothesis about the contamination of the two branches should also be recognized as erroneous. On the other hand, the coincidences between the Novgorodian-Sophian and Laurentian versions from the beginning up to the 1070s can easily be identified as secondary variants. This either means that the two groups are closely related, or that their proximity has arisen as a result of a repeated contamination between an “independent (?) branch” and the Laurentian one. It is important that only part of the variants common to the Novgorodian-Sophian group and the Laurentian Manuscript are also shared by the Radziwill Manuscript. This suggests that the Novgorodian compiler used the Laurentian version after the divergence of the Laurentian and Radziwill subbranches, which we estimate to have occurred after the beginning of the 13th century.
  • Inédits

    • Julie Danzas, Lettres nocturnes 1939-1940 - Michel Niqueux p. 623-636 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Écrites (en français) dans l'« isolateur » d'Irkoutsk, où Julie Danzas (1889-1942), ancienne demoiselle d'honneur de la dernière impératrice puis moniale catholique arrêtée en 1923, passa quatre ans avant d'être transférée au camp des îles Solovki, ces « lettres nocturnes » étaient immédiatement détruites pour échapper aux fouilles. Julie les reconstitua de mémoire en 1939-1940 à Rome, où elle s'installa en 1939 après avoir été libérée en 1932 grâce à l'intervention de Gor′kij et de sa femme, puis rachetée en 1934 par son frère émigré pour pouvoir émigrer, et devenir la cheville ouvrière du Centre dominicain d'études russes Istina. Adressées à un ami imaginaire qui est son double rationaliste, ces lettres poursuivent la réflexion philosophique et historique de Julie Danzas sur le mystère de la vie et de la mort, la souffrance et la rédemption, la matière et l'esprit. Elles sont un témoignage sur la prison d'Irkoutsk, dernière étape pour beaucoup de condamnés à mort, qui complète Bagne rouge, – premier témoignage d'une femme sur le Goulag, paru en 1935 à Paris. Julie évoque aussi des souvenirs apocalyptiques de la guerre dans les marais d'Augustów, à laquelle elle prit part en tant que sous-officier d'un escadron de cosaques. À la fois historique et personnel, métaphysique et réaliste, ce témoignage enrichit notre connaissance d'une femme russe hors du commun.
      A former maid of honor to the last Russian Empress, then a Catholic nun, Julie Danzas (1889-1942) was arrested in 1923 and spent four years in a prison cell in Irkutsk, before being transferred to the Solovki Islands Camp. While in Irkutsk, she would write her so-called “Night-time letters” in French, before immediately destroying them to escape confiscation. After being freed in 1932 thanks to the intervention of Gorki and his wife, then “bought” in 1934 by her emigré brother in order to help her emigrate, Julie, who would later on become the kingpin of the Dominican Istina Center for Russian Studies, settled down in Rome in 1939, where she spent two years reconstructing her “Night-time letters” from memory. Addressed to an imaginary friend who is her rationalist double, these letters developed Julie Danzas' philosophical and historical reflections on the mystery of life and death, suffering and redemption, matter and spirit. They are also a testimony on the prison of Irkutsk, the last stop for many inmates sentenced to death. As such, they complete Bagne rouge, the first testimony of a woman on the Gulag, published in 1935 in Paris. In “Night-time letters”, Julie also brings up apocalyptic memories of the war in the Augustów swamps, a conflict in which she took part as a non-commissioned officer in a Cossack squadron. Both historical and personal, metaphysical and realistic, this testimony enriches our knowledge about an extraordinary Russian woman.
  • Comptes rendus

  • In memoriam