Contenu du sommaire
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | Vol. 20, 3, 1989 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le fiasco politique de la Roumanie - Daniel N. Nelson p. 5-16 Durant les premiers quinze ans du règne de Nicolae Ceausescu en Roumanie, son régime était considéré d'un ?il favorable par les Occidentaux qui imaginaient que sa politique étrangère et militaire originale leur ouvrait une possibilité de défendre leurs intérêts au sein du Pacte de Varsovie. Mais au cours des années quatre-vingt, ce capital de sympathie s'est évaporé et la quasi-totalité des signataires des Accords d'Helsinki reconnaissent aujourd'hui que le gouvernement de Ceausescu a gravement violé les droits de l'homme. Le rejet de la politique réformiste de Mikhail Gorbatchev par Ceausescu et sa politique de systématisation (sistematizare, programme de restructuration des villages), cause de tensions au sein même du Pacte de Varsovie, ont encore détérioré l'image de marque de la Roumanie dans le monde. Bref, Ceausescu a « réussi » à s'aliéner aussi bien l'Est que l'Ouest. A l'intérieur de la Roumanie, sa politique d'austérité absolue et sa politique de répression lui ont enlevé le soutien de la population dont il bénéficiait dans les premières années. Le Parti, l'armée et le peuple attendent sa mort, en espérant être débarrassés par la même occasion de l'encombrante famille Ceausescu tout en étant conscients que les dégâts provoqués par 25 ans de règne seront presque impossibles à redresser.Romania's political demise During the first decade and a half of Nicolae Ceausescu's rule in Romania, his regime found favor in the West because of its distinctive foreign and defense policies that suggested an opportunity for Western interests within the Warsaw Pact. Particularly in the 1980s, this image has evaporated, and virtually the entire group of CSCE participants now recognizes the Ceausescu government as having committed serious human rights abuses. Further damaging to the international political fortunes of Romania has been Ceausescu's refusal to acknowledge any value in the reformist policies of Mikhail Gorbachev, while engaging in policies (such as the sistematizare - rural resettlement program) that create volatile tensions within the Warsaw Pact. Thus, Ceausescu has « succeeded » in alienating both West and East. Within his own country, his policies of backbreaking austerity and political repression have brought a total reversal of the public support he enjoyed early in his rule. Party, army, and public now await his passing, hoping to avoid a continuation of the Ceausescu family, but cognizant that the damage wrought by two and a half decades will be almost impossible to repair.
- La « nouvelle pensée » politique occidentale de l'U.R.S.S - Gérard Ouimet p. 17-38 D'aucuns admettent volontiers que l'U.R.S.S. présente, depuis déjà plusieurs années, les signes prodromiques d'un profond marasme économique, d'un sévère désabusement social et d'une pernicieuse inadéquation politico-institutionnelle. En conséquence de quoi, Mikhaïl Gorbatchev, en accédant au pouvoir en mars 1985, se voit confronté hic et nunc à l'impérieuse obligation de contrer Pétiolement du dynamisme de la société soviétique. Qui plus est, il n'y a pas que la situation interne du pays qui nécessite un assainissement immédiat. Les avatars de la diplomatie du Kremlin au cours des deux dernières décades atteignant un niveau paroxystique avec l'affligeante intervention en Afghanistan, indiquent indubitablement que sur la scène internationale le statut de super-puissance de l'U.R.S.S. devient de moins en moins crédible. C'est ainsi que conscient du caractère urgent ? pour ne pas dire dramatique ? de l'actuelle conjoncture dans laquelle se trouve plongée l'U.R.S.S., Mikhaïl Gorbatchev entend énergiquement substituer à la décrépitude de certaines composantes structurelles et fonctionnelles anachroniques du régime l'attrait d'éléments nouveaux, seuls susceptibles de générer un appui, tant interne qu'externe, combien essentiel à l'actualisation pleine et entière de la présente réforme. L'adoption d'une orientation réformiste ne permet toutefois pas de considérer la rhétorique gorbatchévienne en matière de désarmement nucléaire, de démocratisation, de libéralisation culturelle et de respect des droits de l'homme comme une transformation « substantielle » du régime soviétique mais plutôt comme une adaptation « formelle » ayant pour unique but la revitalisation systémique du pays. En fait, la réalisation de la perestroïka, strictement motivée par des impératifs de survie, commande sur le plan international un climat serein, propice d'une part à l'implantation d'un « nouveau mode de pensée » socialiste mettant l'emphase sur la formation, la discipline et la responsabilité des agents de production (décideurs et exécuteurs) et, d'autre part, à l'octroi de fonds et de transferts technologiques occidentaux indispensables au processus de modernisation entrepris par la nouvelle équipe dirigeante. Pour autant que l'U.R.S.S. ait orchestré une ostensible campagne de séduction à l'endroit de l'Occident, elle n'en a pas moins renoncé à ses visées hégémoniques outre-frontières. Aussi, s'avère-t-il indispensable de bien saisir, au-delà du récursif discours soviétique pacifiste, les véritables intentions sous-jacentes à l'apparent rapprochement Est- Ouest amorcé par Moscou. Quelles sont les principales priorités de la présente politique occidentale de l'U.R.S.S. et en quoi celle-ci se démarque-t-elle des précédentes ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles tentera de répondre une analyse de la politique occidentale menée par Gorbatchev.The « new thinking » of Soviet occidental policy There are some who willingly admit that the USSR has for many years shown the precursory signs of profound economic stagnation, extreme social disillusionment and pernicious politico-institutional inadequacy. Consequently Mikhail Gorbachev, reaching power in March 1985, finds himself immediately confronted with the imperious obligation to counter the weakening of Soviet society's dynamism. Moreover, it is not only the country's internal situation that requires an immediate cleaning up. Over the past two decades, the Kremlin's avatars of diplomacy, reaching a paroxystic level with disastrous intervention in Afghanistan, indubitably indicate that on the international scene the USSR's status as a super-power is becoming less and less credible. Thus, conscious of the urgent ? if not dramatic ? nature of the USSR's present situation, Mikhail Gorbachev strongly intends to substitute the decrepitude of some anachronistic structural and functional components of the system with the appeal of new elements, alone capable of generating internal as well as external support, so essential to complete actualization of current reform. The adoption of reformist orientation, however, doesn't allow Gorbachev's rhetoric concerning nuclear disarmement, democratization, cultural liberalization and respect for human rights to be considered a « substantial » transformation of the Soviet system, but rather a « formal » adaptation whose only goal is the systemic revitalization of the country. In fact, the realization of perestroïka, strictly motivated by the necessities of survival, demands a calm climate at the international level, favourable on the one hand to the establishment of « new Socialist thinking » giving greater importance to the training, discipline and responsibility of production agents (decision makers and executors), and on the other hand, to the granting of funds and occidental technological transfers so essential to the modernization process undertaken by the new ruling team. In spite of the conspicuous campaign of seduction directed towards the West that she has orchestred, the USSR nonetheless has not renounced her hegemonic designs beyond her borders. Consequently, it is essential to clearly understand, beyond the recurrent Soviet pacifist talk, the real underlying intentions of apparent bringing together of East and West initiated by Moscow. What are the top priorities of the USSR's current occidental policy and how this policy distinguish itself from its predecessors ? Such are the fundamental questions which an analysis of Gorbachev's occidental policy will attempt to answer.
- Régulation et réforme en U.R.S.S - Gérard Roland p. 39-70 Cet article propose d'examiner les contraintes de régulation ou d'équilibrage de la perestroïka en U.R.S.S. aujourd'hui. Dans une première partie, l'auteur pose la question de l'équilibre dans une économie de type soviétique : comment se fait-il que les décisions décentralisées d'agents économiques interdépendants, dans une économie fondamentalement non marchande et où les plans sont notoirement et nécessairement déséquilibrés, n'aboutisse pas au chaos, mais puisse produire une certaine cohérence ? Tout en montrant l'importance de la question de l'équilibre, l'auteur en propose une analyse dans une optique de rationalité limitée. Il identifie 6 procédures fondamentales de régulation et montre comment leur interaction peut aboutir à l'équilibre. La deuxième partie de l'article mobilise les résultats de la première partie pour analyser le processus de réformes en cours en U.R.S.S. L'analyse des contraintes d'équilibrage permet de comprendre la stabilité du mode de régulation existant et d'expliquer les échecs de réformes partielles comme la gospriernka, l'épisode des gosza- kazy en 1988, l'incapacité à réduire le pouvoir des ministères, ainsi que l'échec d'autres réformes partielles dans le passé. L'auteur montre l'incompatibilité fondamentale de long terme entre le processus de démocratisation actuel, d'une part, et le mode de régulation existant, d'autre part. Finalement, il examine les problèmes liés à la suppression de la planification imperative dans une économie de pénurie. Il montre aussi que le processus même de transition vers le modèle de l'économie réformée produira probablement une économie mixte plutôt que le socialisme de marché imaginé par les économistes réformateurs.Regulation and reform in the Soviet Union This article tries to explore the regulation or equilibration constraints of perestroïka in the Soviet Union today. In a first part, the author adresses the question of equilibrium in a Soviet-type economy : why don't the decentralized decisions of interdependent economic agents, in a non-market economy with blatantly unbalanced plans, lead to chaos ? Why do they produce a certain consistency after all ? The author argues that this question is highly relevant and proposes a bounded rationality approach to analyze it. He identifies 6 fundamental regulation procedures and shows how their interaction may lead to equilibrium. The second part of the article uses the results on equilibrium to analyze the current reform process in the Soviet Union. The focus on the constraints of equilibration allows to understand the stability of the existing mode of regulation and to explain the failure of partial reforms like Gospriemka, the Goszakazy episode of 1988, the failure of measures designed to curb ministerial power, as well as previous partial reforms. It is especially argued that there is a fundamental long term incompatibility between the process of democratization on one hand and the existing mode of regulation on the other hand. Finally, the problem of removing imperative planning in a shortage economy is discussed. The author also shows that the transition path of radical reform is more likely to produce a mixed economy than the market socialism blueprint worked out by reform economists.
- La criminalité économique en U.R.S.S., ses formes et son ampleur - Luc Duhamel p. 71-92 Pour traiter de l'importance prise par la criminalité économique en U.R.S.S., nous nous servons comme source première d'informations de la presse soviétique à l'ère de Gorbatchev. Nous identifions d'abord les produits qui sont les plus affectés :'en tout premier lieu, les produits alimentaires et l'alcool, puis, l'auto, les pièces de rechange, l'essence, les matériaux de construction, les vêtements, les devises occidentales, les cassettes et les disques. Les principaux types d'infractions reliés à ces biens sont : la spéculation, le détournement et la fraude. Nous présentons les façons les plus courantes de s'y prendre pour chacune de ces infractions. Tel crime a souvent à voir avec une catégorie précise de biens. Ainsi, en est-il de la spéculation qui concerne surtout les produits agricoles, du détournement qui prolifère dans l'agro-alimentaire et le commerce de détail et de la fraude qui abonde dans les usines et les aires de service. Un crime se référant à un bien déterminé a aussi à voir avec telle occupation, tel sexe, tel âge, telle région et telle ethnie. Les travailleurs du transport spéculent beaucoup sur les produits agricoles, mais aussi sur d'autres biens de consommation. Ils dérobent aussi beaucoup d'essence. Les employés du commerce de détail et de l'agro-alimentaire détournent énormément sur les lieux de travail. Signalons d'autres occupations, fortement marquées par cette criminalité : comptables, policiers, douaniers, agents de sécurité, etc. En U.R.S.S., l'État ne comble pas les besoins de la population pour une gamme de biens et de service. Le transport, la construction de logements, la réparation de maisons et d'autos, la location de chambres et la production clandestine de biens comme les- vêtements sont dans une large mesure des services privés et illégaux, pour la plupart, jusqu'en 1987. La criminalité économique comprend des infractions commises surtout par les citoyens « ordinaires »-la spéculation, les détournements et le travail privé alors que d'autres crimes ont les faveurs de l'élite : le pot-de-vin, le népotisme et le favoritisme. Elle est très étendue dans les sphères supérieures du pouvoir central du temps de Brejnev, mais beaucoup moins après 1982. Dans les cercles dirigeants des républiques asiatiques, et transcausasiennes, dans certaines instances dirigeantes du Kremlin et dans certaines régions de Russie, elle continue d'être présente jusqu'en 1985 et même, parfois, au cours des premières années au pouvoir de Gorbatchev. Dans la population, en général, elle varie peu d'une période à l'autre, d'un leader à l'autre.Economie criminality in the USSR : forms and size This work evaluats the size of economic criminality in the USSR. The informations was gathered largely from soviet newspapers in the Gorbachev'era. Those goods most often associated with economic criminality are : first, food and alcool products, and, secondly, cars, spare parts, fuel, construction materials, clothing, money and audio- equipments. Speculation, embezzlement and fraud are the main types of infractions associated with these goods. We examine the more common ways to commit these infractions. Particular types of crimes are usually related to specific groups. For example, speculation is most often correlated with agricultural production, embezzlement with trade, and fraud with factories and gaz stations. Crimes in connection with particular types of products are also linked to different variables such as occupations, sex, geographical locations and ethnic groups. Workers in transport are often engaged in speculation related to agricultural products, they also steal quantities of fuel. Employees in trade network and food industry are largely involved in embezzlement in workplaces. Other occupations are strongly linked with criminal activities : accounting, police work, custom work and security work. In the USSR, the state do not adequately provide the population with variety of goods and services. Transport, home and cottage construction, car repair, home renovation, renting of room, shadow production of such goods like clothing, are, to a large extent, private services, most of them illegal until 1987. Economic criminality include infractions specific to ordinary citizens ? speculation, embezzlement, and private work ; most often, other infractions are in favor among the nomenklatura : bribery, nepotism and favoritism. Economic criminality is popular among the upper echelons of the ruling class in Moscow during the Brejnev's tenure, but less after 1982. In the leadership of asian and transcaucasian republics, of certain instances of power inside the Kremlin and in certain regions of Russia, corruption is present until 1985 and even during the first years of the Gorbachev's period. In the lower echelons of the society, generally speaking, minor changes occur from one period to another, from one leader to another.
- Les nouvelles coopératives soviétiques : essor et contraintes - Domenico Mario Nuti p. 93-109 De la fin de la NEP à une époque récente, les grandes fermes collectives (kolkhoz), quasiment impossibles à distinguer des fermes étatiques (sovkhoz), et les coopératives de consommation, notamment dans le domaine du logement, étaient les seules entreprises soviétiques de type coopératif. La dernière vague de réformes radicales en U.R.S.S. a provoqué une redécouverte et un dépoussiérage accéléré de la coopération. Après des déclarations encourageantes des autorités et l'adoption de décrets gouvernementaux en 1987, un projet de Loi sur les coopératives a été publié en mars 1988 puis approuvé, sous une forme considérablement modifiée en mai 1988 après d'amples débats publics. Depuis la fin de juillet 1988, le nombre total de coopératives soviétiques s'est élevé en un an de 3 709 à 32 561 et leur chiffre d'affaires de 29,2 millions à 1,04 milliard de roubles. L'auteur examine et compare les versions initiale et finale du texte de la loi. Il montre que cette loi encourage le développement du secteur non étatique et le cheminement de l'U.R.S.S. vers l'économie de marché mais qu'elle en limite également la progression. Certaines de ces limites sont dues à des dispositions précises de la loi : enumeration détaillée des secteurs d'activité concernés, absence d'un accès concurrentiel aux ressources, absence de liberté dans la fixation des prix. D'autres sont liées aux limitations générales imposées aux coopératives traditionnelles : politique restrictive de l'emploi, inefficacité dérivant des tentatives de maximiser le revenu de chaque membre (ce comportement est assez courant) et disfonctionnement de l'investissement en raison de l'impossibilité de s'approprier les richesses créées grâce à l'auto-investissement. L'introduction d'actions pourrait résoudre ces difficultés mais la loi ne prévoit que des actions à taux de rendement variable, ne conférant pas le droit de vote et remboursables à leur valeur nominale (sauf en cas de liquidation de la coopérative où une participation à son capital net est, partiellement, possible). Le régime d'imposition des coopératives et de leurs membres ne résout pas le conflit entre égalité et efficacité. Dans ces conditions, il n'est pas certain qu'on puisse exploiter à fond l'« immense potentiel » des coopératives soviétiques.The new Soviet Cooperatives : advances and limitations From the end of NEP until recently, Soviet cooperative enterprises have consisted primarily of large collective farms (kolkhozy) virtually undistinguishible from state farms and of consumption cooperatives especially in housing. The latest wave of radical reform in the USSR has led to the important rediscovery and revamping of cooperatives ; after encouraging policy pronouncements and Government decrees in 1987, a Draft Law on Soviet Cooperatives was published in March 1988, and after considerable public discussion and modifications, it was approved at the end of May 1988. In the year ending July 1988, the total number of Soviet cooperatives grew from 3,709 to 32,561 while their turnover grew from 29.2 mn to 1.04 bn rubles. This paper reviews and compares draft and final texts of the Law, and stresses both the significant progress made through this legislation towards the development of the non-state sector and the « marketisation » of the USSR, and at the same time the limitations of the new legal regime on Soviet cooperatives. Some of these limitations are due to the specific provisions of the Law : the detailed list of sectors of activity, their lack of competitive access to resources, their inability to set prices. Some are related to the general limitations of traditional cooperatives : restrictive employment policy, inefficiency deriving from likely attempts at maximising income per member, and investment bias due to the non appropriability of self-financed investment. The introduction of shares might solve these problems but the Law envisages no more than variable interest bonds without vote, redeemable at face value (except in case of liquidation when a participation in cooperative net capital is possible, but only partially). The conflict between equality and efficiency in the taxation of cooperatives and their members has not been resolved. In these conditions it is doubtful whether Soviet cooperatives' « immense potential » will be fully realised.
- Quelques remarques concernant le Système de comptabilité sociale face au Système de comptabilité nationale des Nations Unies (S.C.N.) - Monique Meyer p. 111-133 En cette période de restructuration de l'économie soviétique, l'intérêt porté à la demande finale des ménages non seulement en biens matériels mais aussi en services, se traduit par une discussion quant à l'adéquation des concepts utilisés pour définir les grandeurs macro-économiques. Il en résulte ainsi une remise en cause des notions fondamentales de la comptabilité nationale soviétique appelée comptabilité du produit matériel, système des balances de l'économie nationale ou encore comptabilité sociale. Dans le cadre de cet article, on s'interroge sur les relations existant entre le système normalisé des Nations Unies, utilisé pour définir les agrégats et les différentes règles de comptabilisation des flux, et les agrégats et règles retenus dans le système de la comptabilité sociale. Il apparaît que si un examen superficiel peut conclure, sur la base d'une comparaison formelle des définitions, en une grande ressemblance, ces similitudes des termes recouvrent en fait des réalités différentes. Tandis que le système des Nations Unies sans se référer explicitement à aucune théorie économique retient de fait les définitions de la micro-économique, le schéma de comptabilité sociale repose quant à lui explicitement sur le schéma de reproduction élargie de Marx et la loi de la valeur travail. De telle sorte que les mêmes termes ont des significations différentes dans les deux systèmes. Le cadre de définition de la production implique celui de la délimitation entre les consommations et les transferts. Le principe de la productivité du seul travail se traduit par des différences d'enregistrement. Le mode de détermination des prix hors des mécanismes du marché ne permet pas de comparaison des valorisations. L'accent mis sur la répartition et non sur la production se répercute sur les catégories et les modes d'enregistrement retenus dans le modèle. La comptabilité nationale est un modèle simplifié des relations économiques. Le rapprochement du Système de comptabilité sociale apparaît ainsi non pas comme un simple problème technique, mais comme une nouvelle traduction des relations sociales, laquelle signifie une nouvelle conception de ces relations, et donc soit un abandon de la théorie de la valeur travail, soit une nouvelle interprétation de la théorie marxiste. C'est pourquoi en cette période de réforme, les discussions en ce domaine, considéré habituellement comme relevant de la pure technique, sont en plein essor.Some observations on the system of social accounting, compared with the United Nations system of national accounting (N.A.S.) During the current period of « perestroïka » in the Soviet economy, the attention being paid to households'final demand, not only for material goods but also for services, finds expression in discussion about the validity of the concepts used to define macro-economic magnitudes. This leads to renewed examination of the fundamental ideas of Soviet national accounting, known as material product accounting, the system of balances of the national economy, or social accounting. In the context of the present article, we consider the relationship between the standard system adopted by the UN, which is used to define aggregates, and the various rules for the accounting of flows, and the rules obtaining in the system of national accounts. It appears that, while a superficial examination, based on a formal comparison of definitions, may lead to the conclusion that there is a great similarity, these terminological similarities do in reality conceal very considerable differences. While the UN system, without explicit reference to any particular economic theory, does in fact apply the definitions of micro-economics, the principles of social accounting are, for their part, based explicitly on Marx's theory of expanded reproduction and the labour theory of value. This being so, the same terms have different meanings in the two systems. The framework of definition of production implies one of demarcation between consumption and transfers. The principle of the sole productivity of work is expressed by differences of registration. The method of price-fixing divorced from market mechanisms does not allow for any comparison of valorizations. The emphasis placed on distribution and not on production has repercussions on the categories and the recording methods used in the model. National accounting is a simplified model of economic relations. Thus, the comparison with the system of social accounting appears not as a simple technical problem, but as a new translation of social relationships, which means a new conception of these relationships, and therefore a departure from the labour theory of value, or a new interpretation of Marxist theory. It is for this reason that, during the period of reform, discussions in the domain, normally viewed as purely technical, are in full swing.
- Le développement des télécommunications : recherche comparative France-Bulgarie - Pierre Dubois, Claude Durand, Claude Gilain p. 135-152 Cet article présente quelques conclusions concernant la branche téléphonie d'une étude comparative France-Bulgarie portant sur les modes de prises de décision dans les entreprises industrielles et qui confrontait trois branches : l'habillement, la construction mécanique et la téléphonie. L'enquête sur la branche téléphonie s'est déroulée au cours de l'année 1985-1986. Trois aspects ont été plus particulièrement soumis à comparaison : le développement de la commutation électronique, c'est-à-dire le mode d'émergence d'un saut technologique très important ; le marché dans les télécommunications ; enfin l'emploi, à la fois quant à ses caractères et aux modalités de sa gestion. Nous avons pu mettre en évidence que les écarts entre les deux pays ne se situaient guère où on aurait pu a priori jes attendre (rôle de la puissance publique), mais concernait plutôt l'état du tissu industriel, l'insertion ou non au sein d'un marché porteur et surtout la situation du marché de l'emploi.Development of telecommunications : a comparative study France-Bulgaria This article offers some conclusions relating to the telephonic branch of a comparative study of France and Bulgaria, which had to do with methods of decision-making in industrial enterprises, and which compared three branches - clothing, mechanical construction, and telephony. The study of the telephonic branch was carried out during 1985-1986. Three aspects were particularly singled out for comparison : the development of electronic switchboards, i.e. the emergence of a very sizeable technological leap ; the market in telecommunications, and finally employment, both in its nature and its modes of administration. We have been able to bring out the fact that the dissimilarities between the two countries are not to be found where one would a priori have expected them (the role of the authorities) but have to do rather with the state of the industrial fabric, with the place in it of the market, the labour market especially.
- La crise de l'industrie pharmaceutique en Pologne - Marta Alexandra Balinska p. 153-163 L'auteur tente de retracer l'évolution de l'industrie pharmaceutique en Pologne depuis la seconde guerre mondiale. Malgré un départ modeste et bien qu'elle n'ait jamais atteint un niveau technique élevé, la production nationale couvrait en 1956 70% des besoins du pays. Après l'arrivée au pouvoir de Gierek en 1970, sa politique d'investissement et d'importations massifs ont d'abord donné une véritable impulsion à cette industrie. La Pologne disposait de main-d'œuvre qualifiée dans ce domaine et a fortement bénéficié de la technologie occidentale et des gros investissements réalisés dans l'industrie chimique en général. L'industrie pharmaceutique a alors pris son essor. En 1973, les produits pharmaceutiques représentaient déjà 21 % de la totalité des exportations polonaises de produits chimiques et, deux ans plus tard, 30% de la production pharmaceutique étaient exportés. De fait, cette industrie était si florissante que, lorsque le secteur de la chimie a commencé à se détériorer en raison de l'énorme endettement et des « plans en valeur », faciles à « réaliser » par la seule magie des importations, l'industrie pharmaceutique a été mise à contribution pour compenser les pertes croissantes des autres industries en pleine décomposition. Puis le Comecon a décidé de charger la Pologne du développement de l'industrie chimique lourde, ce qui supposait un nouvel effort d'investissement de la part d'un pays sombrant inexorablement dans l'endettement. En 1978, la crise éclate dans toute son ampleur. Aujourd'hui, la situation est désastreuse. Selon des sources non officielles, 5 à 20 % des besoins en produits pharmaceutiques étaient couverts en 1986 par la production nationale. Les sources officielles admettent que le « plan » pharmaceutique n'a été réalisé qu'à 41 % en 1987. L'aspirine est une rareté depuis des années ; dans de nombreuses maternités, on manque de coton hydrophile, des salles de travail sont fermées faute d'anesthésiants..., etc. Les mêmes seringues sont utilisées pour plusieurs injections : les risques d'hépatite sont bien connus mais qu'en est-il du Sida ? Le gouvernement a réduit les importations et ne fait plus que des commandes au coup par coup. L'aide étrangère est la bienvenue et représente parfois jusqu'à 50 % des stocks des hôpitaux mais combien de temps la Pologne va-t-elle y recourir ? La santé publique se détériore dans des proportions alarmantes. Une réforme politique, comme première étape de la réforme économique, et une aide internationale constructive sont les seules issues possibles.The crisis of the pharmaceutical industry in Poland This article seeks to trace the evolution of the pharmaceutical industry in Poland since the Second World War. Although it began on a modest basis and never reached a high technological level, by 1956 national production was covering 70% of the country's needs. When Gierek came to power in 1970, his policy of mass investment and importation gave ? at first ? a big boost to the industry. Poland had skilled workers in the area, especially compared to other Comecon countries and greatly profited from Western technology and the important investments which were being made in the chemical industry as a whole. Thus, the pharmaceutical industry soared. In 1973 Pharmaceuticals already counted for 21 % of all Polish chemical exports and two years later 30 % of pharmaceutical production was being exported. In fact, the industry was doing so well that when the chemical sector began to break down owing to enormous loans and « value-plans » which could be easily filled simply by importing goods, it was made to compensate for the growing losses of other deficient industries. Then Comecon decided to attribute Poland with the task of developing heavy chemical industry, which meant even greater investments for a country sinking deeper and deeper into debt. The full crisis broke out in 1978. Today, the situation is disastrous. Unofficial sources estimate that in 1986 a mere 5 to 20 % of pharmaceutical needs were being covered by national production. Official sources recognize that only 41 % of the pharmaceutical « plan » was filled in 1987. Aspirine has been an extreme rarity for a few years now, many maternity wards have no cotton, operating rooms shut down for lack of anesthetics... and so on. The same needles are used for numerous injections : the dangers of hepatitis B are well known, but what about AIDS ? The government has reduced imports to case by case orders. Foreign charity is very helpful, sometimes contributing up to 50 % of hospital stocks, but how long can Poland go on this way ? Public health is deteriorating dramatically. Political reform, as a first step to economic reform, and constructive foreign aid are the only answers.
Revue des livres
- János Kornai, Contradictions and Dilemmas. Studies on the Socialist Economy and Society - Bernard Chavance p. 167-169
- Lech Walesa, A Way of Hope - Alexander J. Matejko p. 170-171
- Résumés des articles - p. 173-183