Contenu du sommaire : Les ONG à l'heure de la "bonne gouvernance"
Revue | Autrepart |
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Numéro | no 35, 2005 |
Titre du numéro | Les ONG à l'heure de la "bonne gouvernance" |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les ONG à l'heure de la "bonne gouvernance"
- Éditrice scientifique : Laëtitia Atlani-Duault- Les ONG : acteurs d'une "gestion disputée" des services de base dans les villes africaines ? - Elisabeth Dorier-Apprill, Cécilia Meynet p. 19 Dans le cadre des principes de « bonne gouvernance », le système de gestion déléguée des services urbains de base auprès de petites ONG ou groupements s'est généralisé dans les villes africaines engendrant la multiplication de ces intervenants privés de type associatif. Dans les villes du Mali et du Bénin, après que les services municipaux en faillite en ont été dessaisis, des prestations de proximité comme la collecte des déchets ménagers ou l'entretien des rues sont systématiquement confiées à de petits opérateurs locaux sous contrat qui ont généralement le statut d'ONG. On s'intéressera ici à la complexité des trajectoires et du jeu d'acteurs de ces ONG et de la compétition qui en résulte sur les territoires urbains de leurs interventions, territoires d'intervention souvent âprement disputés et concurrentiels. Ces ONG sont à la fois fragiles et très souples, souvent extrêmement polyvalentes, capables de changer d'orientation, de domaine de spécialisation ou d'aire d'intervention au gré des grandes orientations des bailleurs de développement. Les tensions internes ne sont pas absentes de ces petits groupes locaux. Mais au-delà de ces péripéties, leur trajectoire montre de remarquables capacités d'adaptation au contexte, aux normes internationales et aux opportunités de financement, autant qu'une efficacité sociale indéniable dans la redistribution sociale du travail et des ressources et dans l'autopromotion de jeunes entreprenants qui parviennent ainsi à acquérir une visibilité et à s'insérer sur le marché de l'emploi formel.Are NGOs taking part in a “contested management” of basic services in urban areas of Africa?
The principles of “good governance” are bringing the generalized adoption of the system of “delegated management” of basic urban services to small NGOs or groups in African towns and cities. This is generating a surge in the number of private association-style operators. In towns in Mali and Benin, the function of local urban services, such as refuse collection or street cleansing and maintenance, removed from failing municipal authorities, are practically always entrusted to small local operators under contract. These operators usually have NGO status. This article looks at the complexity of the paths taken and of the role adopted by people active in these NGOs and of the resulting competition bearing on their particular urban territories of operation. These territories are often bitterly disputed and the object of fierce competition. Such NGOS are both fragile and highly flexible, often extremely versatile. They are capable of changing their line of strategy, field of specialization or zone of operation in line with the major strategies determined by the development donors. Internal tensions are common in these small local groups, yet, beyond these vicissitudes, their course of action shows remarkable abilities to adapt to the context, to international standards and to opportunities for funding. They also prove to be socially effective in the social redistribution of work and resources and efficient in the self-promotion of young entrepreneurs who thus succeed in acquiring visibility and in becoming integrated in the formal employment market. - ONG et politiques publiques d'habitat urbain : réflexions à partir de l'Équateur et du Vénézuela - Aurélie Quentin p. 39 Depuis le milieu des années 1990, les ONG participent de manière institutionnalisée à de nombreuses politiques sociales dans les pays en développement, leur intégration formelle aux politiques publiques d'habitat en Équateur et au Venezuela en est une illustration. Cette coopération avec le tiers-secteur est promue par les grandes institutions internationales dans le cadre de la doctrine de la bonne gouvernance, dont les mots d'ordre sont la privatisation, la décentralisation et la participation de la société civile. Derrière l'argument de dépasser la crise de gouvernabilité que connaissent actuellement les États latino-américains, tout en approfondissant la démocratie et l'équité, se cachent des enjeux de reproduction du système existant, utilisant les ONG comme des agents régulateurs. Cet article cherche à mettre en évidence les mécanismes d'instrumentalisation de cette catégorie d'acteur en analysant son rôle dans les programmes d'habitat social en Équateur et au Venezuela.NGOs and public urban housing policies. Examples from situations in Ecuador and Venezuela
The NGOs have, since the mid 1990s, been involved in an institutionalized way in various social policies in developing countries. Their formal integration in public housing policies in Ecuador and Venezuela is an example. This cooperation with the tertiary sector is actively encouraged by the large international institutions, in the framework of the doctrine of good governance. The watchwords of this ethos are: privatization, decentralization and participation of civil society. Behind the argument for overcoming the crisis of governability that the Latin-American States are currently going through, while deepening democracy and equity, powerful interests hide that seek to perpetuate the existing system, using the NGOs as agents to regulate these. This article seeks to elucidate the mechanisms that lead to the instrumentalization of this category of actor by examining these organizations' role in Ecuador and Venezuela. - "Bonne gouvernance" contre "auto-gouvernance" ? Conflits, alliances et résistances autour d'un programme européen de développement rural en Colombie - Angela Santamaria, Xavier Zunigo p. 57 L'implantation d'un programme européen de développement rural dans le Cauca colombien génère un ensemble de conflits et de résistances de membres de la « communauté autochtone » de la région. La coordination mixte du programme entre experts internationaux, nationaux et autochtones et la création d'une nouvelle ONG locale imposées par la Délégation de la Commission européenne en Colombie, promotrice des principes de la « bonne gouvernance », a pour effet de bouleverser les relations de pouvoir établies et de faire perdre à une ONG locale, légitime pour les « autorités traditionnelles », le contrôle du programme. Les enjeux locaux, nationaux et internationaux de l'implantation du programme sont particulièrement explicites dans le cas des Écoles de justice en raison de leur position privilégiée dans le processus d'élaboration de la législation d'articulation entre juridiction nationale et autochtone. Les luttes pour leur contrôle permettent de saisir que l'opposition au modèle de la « bonne gouvernance », si elles prennent les formes d'une résistance culturelle, recouvrent également des stratégies de pouvoir pour le monopole de la gestion locale du programme de développement.“Good governance” working against “self-governance”? Conflicts, alliances and resistance surrounding a European programme for rural development in Colombia. The implantation of a European programme for rural development in the Cauca of Colombia is generating a whole set of conflicts and resistance from members of the region's “local community”. The effect of combined coordination of the programme between international, national and local experts and the creation of a new local NGO imposed by the European Commission Delegation in Colombia, promoter of “good governance” principles is to upset the established relationships and power balances and the loss by a local NGO, which is legitimate for the “traditional authorities” of the control over the programme. The local, national and international issues concerned with the implantation of the programme are particularly brought to light in the case of Schools of Justice because of their prominent position in the process of elaborating legislation for linking national and local systems of jurisdiction. Struggles for their control allow a grasp to be had of the opposition to the “good governance” model, if they take the form of cultural resistance, also cover power strategies for the monopoly of local management of the development programme.
- Le "projet Alizés-Électrique" ou les paradoxes du rapport de développement - Sophie Caratini p. 73 De 1994 à 1997, une ONG française, le GRET (Groupe de Recherche et d'Échanges Technologiques) réalise un « projet » d'électrification rurale en Mauritanie dont les schémas « de gestion » peuvent être rétrospectivement associés à la mouvance idéologique de la « bonne gouvernance ». Les premiers résultats d'une série d'enquêtes anthropologiques menées depuis 2002 en Mauritanie à la demande de l'AFD (Agence Française pour le Développement) puis de l'ADER (Agence du Développement de l'Électrification Rurale) sur le terrain villageois et institutionnel montrent que nombre de pratiques des professionnels du « développement » recèlent le désir de concrétiser un modèle d'organisation sociale porteur d'un fantasme d'ingérence politique. L'analyse des résistances provoquées par le « projet Alizés-Électrique » permet d'ouvrir quelques pistes de recherche sur l'ensemble du champ social défini par « l'Aide » et de s'interroger sur les logiques structurelles qui sous-tendent ce qu'il est proposé de nommer : « le rapport de développement ».The “Alizés-Electric project” or the paradoxes of the benefits of development
From 1994 to 1997, a French NGO, GRET (Groupe de Recherche et d'Échanges Technologiques) implemented a rural electrification “project” in Mauritania whose “management” plans can with hindsight be associated with the ideological tendency for “good governance”. The first results of a series of anthropological surveys conducted since 2002 in Mauritania at the request of the AFD (French Development Agency, Agence Française pour le Développement) then of ADER (Agency for the Development of Rural Electrification, Agence du Développement de l'Électrification Rurale), both in the villages concerned and at institutional level, show that beneath many practices of the development professionals involved lies a desire to concretise a model of social organization that carries with it a fantasy of political intervention. Analysis of the kinds of resistance aroused by the “Alizés-Electric Project” opens up lines of research on the whole of the social field defined by “Development Aid”. It prompts questions on the structural concepts which underlie what is suggested to be termed “the benefits of development”. - Le partage des responsabilités : les ONG, l'État et l'OMS face à la lèpre en Inde - Fabienne Martin p. 97 Cet article se donne pour objet de réflexion la notion de « bonne gouvernance » à travers l'analyse des articulations entre ONG, État et institutions internationales. À partir de l'exemple d'une ONG active dans le domaine de la lèpre en Inde et dont nous considérons les champs et les modalités d'intervention, nous montrons comment se met en place un vaste processus participatif marqué par la délimitation fonctionnelle des tâches et le séquençage des responsabilités. Ainsi peut-on dire que la « bonne gouvernance » introduit, au-delà d'une participation chacun à son niveau à la diffusion des valeurs qui lui sont sous-jacentes, la fin du paradigme administratif reposant sur la dilution de la responsabilité. En cela l'« égalité » de l'ensemble des acteurs au détriment d'une prédominance de l'État fait de la « bonne gouvernance » un principe non pas tant de réduction du pouvoir de l'État que de réorientation de ses fonctions d'administration.The pardigm of responsibility sharing. The NGOs, the State and the WHO combating leprosy in India
This article aims to examine the notion of « good governance » by way of analysis of the inter-relationships between the NGOs, the State and international institutions. The Authors use the example of an NGO active in combating leprosy in India. They examine the fields and methods of intervention and draw conclusions as to how an extensive participatory process becomes installed that is marked by a division of labour and a programmed sequence of responsibilities. Their analysis brings out how “good governance” introduces, beyond a contribution of participants each at their levels to the spreading of the underlying values, the end of the administrative paradigm resting on the dilution of responsibility. The “equality” of all the actors to the detriment of a predominance of the State makes “good governance” a principle not so much of reduction of State power as of a reorientation of its administrative functions. - Les ONG au service de la gouvernance globale : le cas de l'Ouzbékistan - Bernard Hours p. 115 Cet article analyse la place des ONG en Ouzbékistan. Ce pays d'Asie centrale est soumis, depuis l'éclatement de l'URSS, à une forte pression occidentale à travers des normes de gouvernance peu mises en œuvre mais largement invoquées. Dans ce domaine, les ONG apparaissent d'abord comme une ouverture entre le monde intérieur clos d'une dictature nationaliste dure et l'univers global, externe, occidental. Des normes, des pressions, des financements y circulent. Des concepts s'y inscrivent, comme ceux de société civile, de droits, de gouvernance. La construction de la société civile a été invoquée par les ONG, en particulier jusqu'en 1995. Depuis, faute de résultats, l'approche est plus pragmatique, plus développementaliste. Les ONG mettent donc en œuvre une pédagogie de la société civile, plus qu'une réelle construction, face à un État vigilant et brutal. Les ONG apparaissent par conséquent comme étant au service de la gouvernance globale telle qu'elle est formulée par les États occidentaux. À leur tête, les USA jouent un rôle déterminant et premier dans les stratégies choisies et les moyens alloués aux ONG en Ouzbékistan.The NGOs serving global governance : the case of Uzbekistan
This article examines the place of the NGOs in Uzbekistan. This country in Central Asia has since the break-up of the USSR been coming under strong Western pressure expressed through prescribed standards of good governance. The latter are nevertheless rarely put into practice but widely evoked. In this, the NGOs appear first as an opening between the closed interior world of a hard nationalist dictatorship ands the outside: the global, Western universe. Much broadcast standards, pressure and funds circulate. With them come certain concepts, such as those of civil society, rights and governance. The building of civil society was evoked by the NGOs in particularly, up to 1995. Since then, in the face of lack of results, the approach has been more pragmatic, more developmentalist. The NGOs therefore diffuse the precepts of civil society, rather than implement a true construction, in the face of a State that is vigilant and brutal. The NGOs consequently appear to be acting in the service of global governance as formulated by the Western countries. Leading these, the USA play a prime determining role in the strategies chosen and the resources allocated to the NGOs in Uzbekistan. - Mauvaise gouvernance et ONG : l'exception nigériane - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 127 Véritable cas d'école de la mauvaise gouvernance, le Nigeria est régulièrement classé parmi les États les plus corrompus et les plus violents du monde. Autre caractéristique exceptionnelle en Afrique, il compte très peu d'ONG du Nord et ne dépend quasiment pas de l'aide publique au développement grâce à la puissance financière et politique que lui garantissent ses ressources pétrolières. De ce fait, il se démarque nettement du reste du continent et échappe davantage aux prescriptions normatives des adeptes de la « bonne gouvernance ». S'appuyant sur une société civile dont la vitalité n'est plus à démontrer, les ONG locales ne jouent pas moins un rôle important. À partir d'exemples concrets, l'article analyse ainsi leur genèse et leur développement dans une perspective historique, de l'Indépendance jusqu'à nos jours. Par la même occasion sont étudiées les fragilités intrinsèques d'un milieu associatif qui, à l'épreuve du politique, s'avère ne pas correspondre aux canons occidentaux de la bonne gouvernance, quitte à relativiser d'autant les espoirs placés dans la société civile en matière de démocratisation.Bad governance and NGOs: the Nigerian exception
Nigeria, often given as an example of bad governance, is frequently categorized as one of the world's most corrupt and violent States. Another exceptional characteristic, for an African country, is that very few NGOs from the industrialized countries are present. Nigeria practically does not depend on public development aid, thanks to the financial and political power guaranteed by its oil resources. This element sets Nigeria apart from the rest of the continent and falls even further outside the standardizing prescriptions of promoters of “good governance”. The local NGOs nevertheless play an important role, drawing on a civil society long shown to be full of vitality. The article takes concrete examples to examine how they generated and developed in a historical perspective, from Independence to the present day. The Authors also study the intrinsic fragility of the sphere of such associations which, under pressure from political powers, prove not be in line with the western ethos of good governance, even if it means playing down the hopes placed in civil society with regard to democratisation. - L'Union européenne et les sociétés civiles du Sud : du discours politique aux actions de coopération - Jeanne Planche, Philippe Lavigne Delville p. 143 Cet article met en perspective la politique générale de l'Union Européenne et sa façon de concevoir les actions concrètes concernant les sociétés civiles des pays du Sud dans le cadre des nouvelles politiques de « bonne gouvernance » et plus particulièrement de l'Accord de Cotonou. À partir de l'étude de textes d'orientation de politique générale de la Commission Européenne ainsi que de documents de cadrage de plusieurs projets d'appui aux acteurs non étatiques, nous analysons la vision qu'a l'UE de la société civile et de ses rôles mais aussi les décalages entre politique affichée et conception implicite de l'appui à la société civile telle qu'elle se lit à travers des textes plus opérationnels.The European Union and support to civil societies of the South : from political discourse to partnership aid actions. This article reviews the European Union's general policy and the way in which it devises concrete actions concerning the civil societies of countries of the South in the context of new policies of “good governance” and especially considering the Cotonou Agreement. The Authors study the European Commission's texts giving general policy strategy and the framework documents for several projects of support to non-State actors. They draw analyses of the EU's concept of civil society and its roles and also the gaps between the stated policy and the implicit perception of civil-society support schemes that can be detected from what is written in the documents intended for operations.
- La société civile à l'Organisation mondiale du commerce : vers une gouvernance plus équitable ? - Raphaël Canet, René Audet p. 161 La société civile occupe une place grandissante sur la scène internationale. En intégrant des organisations internationales fondamentales dans la régulation néolibérale des sociétés contemporaines comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la société civile réformiste entend infléchir le cours de la mondialisation néolibérale dans une perspective plus équitable, notamment à l'égard des revendications des pays du Sud et des secteurs défavorisés des sociétés concernées. Notre propos vise à comprendre dans quelle mesure le cadre d'action résultant de l'ouverture des structures institutionnelles et du mode de fonctionnement de l'OMC, notamment lors des Conférences ministérielles, permet de tenir compte des propositions de ce nouvel acteur dans l'élaboration des politiques commerciales. En somme, la gouvernance mondiale constitue-t-elle une réelle opportunité de changement des pratiques et de la culture politiques, ou se réduit-elle à une simple idéologie de légitimation d'un système mondial voué à la préservation des intérêts du secteur privé des pays du Nord ?Civil society takes a role in the World Trade Organization: towards a more equitable global governance? Civil society is taking an increasing role in the international arena. Reformists from the public are joining international organizations fundamentally involved in the new market-oriented regulation of contemporary societies, such as the World Trade Organization. They intend, by doing this, to influence the course of free-market oriented globalization to make it take on a more equitable vision, especially concerning the representations and claims of countries of the South and the underprivileged sectors of the societies concerned. The aim of the article is to gain understanding of the extent to which the room for action created by the opening up of the institutional structures to stakeholders and the way in which the WTO operates, in particular during ministerial conferences proposals from this new actor in drawing up trade policies. All in all, does world governance represent a real opportunity for changing political practices and culture, or does it simply boil down to an ideology for legitimizing a global system for protecting the interests of the private sector of the most industrialized countries?
- Les ONG : acteurs d'une "gestion disputée" des services de base dans les villes africaines ? - Elisabeth Dorier-Apprill, Cécilia Meynet p. 19