Contenu du sommaire : Entre guerres et ruptures, la protection dans les relations internationales II
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 144, hiver 2010 |
Titre du numéro | Entre guerres et ruptures, la protection dans les relations internationales II |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Entre guerres et ruptures, la protection dans les relations internationales II
- Une évaluation du parcours de la Suisse en tant que puissance protectrice à « double mandat » pour le Royaume-Uni et l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale - Neville Wylie p. 3-21 Pour expliquer le succès de la Suisse en tant que puissance protectrice après 1939, les chercheurs se réfèrent souvent à un certain nombre d'« avantages comparatifs » dont jouissait la Confédération sur ses concurrents. Cet article examine le parcours de la Suisse en tant que puissance protectrice et analyse ses avantages comparatifs, à savoir sa position de puissance à double mandat (après 1941), d'État neutre le plus considéré d'Europe et de foyer spirituel du mouvement de la Croix-Rouge. Sans dénigrer les réalisations de la Suisse, l'article fait valoir que Berne n'a pas profité de la position avantageuse de la Suisse autant qu'elle aurait pu le faire.In explaining Switzerland's success as a protecting power after 1939, scholars frequently refer to a number of “comparative advantages” enjoyed by the confederation over its competitors. This paper examines Switzerland's record as a protecting power and evaluates its comparative advantages: namely, its position as a dual mandate power (after 1941), as Europe's most revered neutral state, and as the spiritual home of the Red Cross movement. While not belittling Switzerland's achievements, the paper argues that Berne did not benefit from Switzerland's advantageous position as much as it might have done.
- La représentation des intérêts étrangers de Vichy par la Suisse à l'ombre de l'Occupation et de la France libre - Daniel Bourgeois p. 21-35 Henri Michel a pu parler de « neutralité » du régime de Vichy dans l'« Europe nouvelle ». Mais la dynamique de la guerre et les défis de la France libre brisent par étapes l'ampleur et la qualité de ses relations diplomatiques et le contraignent à recourir à la Suisse pour représenter ses intérêts dans les États qui ont rompu avec lui. Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord accélère le processus. La Suisse accepte d'autant mieux les mandats de Vichy qu'ils confortent un État très important pour elle sous l'angle du bon voisinage, des intérêts économiques et de l'indispensable transit vers l'Atlantique. La protection suisse s'avère efficace pour toute une série de tâches administratives et d'aide aux Français de l'étranger, mais ne peut rien lorsqu'elle se heurte à des enjeux importants pour l'occupant. Elle est également péjorée par l'ambition de la France libre de substituer sa légitimité à celle de Vichy.According to Henri Michel it is possible to use the concept of “neutrality” of the Vichy regime in “New Europe”. However, the war dynamics and the challenges of Free France broke the importance and the quality of its diplomatic relations and forced Vichy to ask Switzerland to represent its interests in the states which had broken off diplomatic ties. The Anglo-American landing in North Africa speeded the whole process up and Switzerland accepted Vichy's mandates, all the more since they strengthened an important state with regard to good neighbourly relations, economic interests and the indispensable transit to the Atlantic. Swiss protection turned out to be efficient in administrative tasks as well as helping French residents abroad, but totally inefficient when confronted with key issues of the occupying power. The efficiency of the protection was also limited by the ambition of Free France to impose its legitimacy over that of Vichy.
- « Un moyen précieux de maintenir de bonnes liaisons » : la Suisse, puissance protectrice de l'Italie au cours d'une décennie tourmentée (1940-1949) - Johannes Schneider p. 37-49 De la dictature fasciste aux premiers gouvernements républicains de l'après-guerre, tous recoururent à la Suisse pour la protection de leurs intérêts à l'étranger. La Confédération a représenté l'Italie pendant les années 1940 dans une trentaine de pays, des États-Unis à l'Australie, en passant par l'Égypte. L'analyse des sources révèle que la défense des intérêts italiens n'était pas, pour les autorités helvétiques, une activité désintéressée : la puissance protectrice se positionne comme un interlocuteur incontournable sur la scène internationale et tire des avantages de son travail en faveur des belligérants. À la demande de Rome, la sauvegarde des intérêts italiens est poursuivie à contrecœur, bien au-delà de la fin des hostilités : Berne craint qu'un arrêt net ne porte atteinte aux relations bilatérales et fasse perdre les mérites du service rendu pendant la guerre.All Italian governments, from the fascist regime to the first democratic post-war administrations, sought Switzerland's help to protect their interests in enemy countries. The Swiss Confederation represented Italy during the 1940s in over 30 countries, from the United States to Egypt and Australia. Protecting Italian interests was not a selfless act, as documents tell us: Switzerland, with its unique position as intermediary between the main belligerents, obtained some advantages as well. On Rome's request, Switzerland did not step down as protecting power after the end of the war, but continued unwillingly to take care of Italian interests for several years: otherwise, the Swiss Government feared it would lose the credit and all the benefits of the protection of Italian interests during the war.
- Protection des intérêts étrangers et bons offices dans l'espace sino-coréen au début des années 1950 - Michele Coduri p. 51-64 Au début des années 1950, la Suisse fut sollicitée pour ses bons offices en Chine où les ressortissants étrangers des pays n'ayant pas reconnu la République populaire de Chine se trouvaient sans protection. En participant à deux commissions neutres, une forme particulière de bons offices, la Suisse contribua à la mise en œuvre du cessez-le-feu en Corée et rendit ainsi des services à la communauté internationale. Le contexte particulier, où une révolution communiste et un processus de décolonisation se superposaient, engendra des défis spécifiques qui permettent d'explorer les conditions nécessaires, les limites de l'action, les dynamiques des processus et le rôle de la coopération internationale lorsqu'il faut intervenir pour protéger les ressortissants et les intérêts de pays tiers.In the early fifties, Swiss good offices were requested in China, where citizens of countries which did not recognize the People's Republic of China were without protection. By taking an active role in two neutral commissions, Switzerland contributed to the implementation of the ceasefire in Korea to the benefit of the international community. These activities were deployed in a context where a communist revolution and a decolonization process were taking place at the same time. This context produced specific challenges which allowed the exploration of the necessary conditions, the limits of action, the dynamics of processes and the role of international cooperation when intervening to protect foreign nationals and interests.
- La protection des intérêts britanniques en Égypte par la Suisse en 1956 : une stratégie de compensation - Eva Pfirter p. 65-71 Le mandat pour la Grande-Bretagne en Égypte, de 1956 à 1959, a été difficile à remplir. Le gouvernement égyptien a compliqué le travail de la puissance protectrice suisse de manière considérable. Malgré tous ses efforts, la puissance protectrice n'a pu protéger que partiellement les civils britanniques, le personnel diplomatique et les prisonniers de guerre, ce qui relevait de ses devoirs principaux. La défense des intérêts britanniques en Égypte en 1956 était également problématique du point de vue d'une politique neutre. Non seulement elle n'a pas contribué à un changement de politique des bons offices, mais elle a démontré de manière exemplaire les problèmes de conception de la politique extérieure suisse des années 1950, politique dans laquelle les bons offices étaient censés compenser l'absence de la Suisse dans l'onu.The mandate for Great Britain in Egypt from 1956 until 1959 was problematic to carry out. The Egyptian government massively complicated the Swiss protecting power's work. Despite considerable effort, they could fulfil their main tasks only partly in protecting British civilians, diplomatic staff and prisoners of war. The defence of British interests in Egypt in 1956 was also problematic from a politically neutral point of view. It not only contributed to a change of the politics of good offices, but also typically showed the problems regarding the conception of Swiss foreign policy in the 1950s, where the absence of Switzerland within the un should have been compensated by the good offices.
- La Suisse et la représentation des intérêts américains à Cuba dans les années 1961-1977 - Thomas Fischer p. 73-86 La représentation des intérêts américains à Cuba par la Suisse est, à ce jour, le mandat de puissance protectrice le plus long de l'histoire. À la suite de la rupture des relations officielles entre Washington et La Havane en janvier 1961, les autorités suisses prirent en charge la représentation des intérêts américains sur l'île des Caraïbes, mandat qui est toujours en vigueur aujourd'hui. En septembre 1977, les officiers américains furent autorisés à retourner à leur ambassade dans la capitale cubaine pour traiter les affaires administratives, alors que le drapeau suisse continuait de flotter sur le bâtiment. C'est clairement durant la période de 1961 à 1977 que les Suisses firent face aux défis les plus difficiles à Cuba, et qu'ils furent chargés à plusieurs reprises de négociations avec le leader Fidel Castro dans le contexte de différends entre Washington et La Havane.Switzerland's representation of us diplomatic interests in Cuba is the longest lasting protecting power mandate in history. After the break of official relations in January 1961 between Washington and Havana, the Swiss authorities took over American interests on the Caribbean island and continue to do so today. In September 1977, American officers returned to their embassy in the Cuban capital to take care of administrative matters, but the Swiss flag still flew on top of the us embassy building in Havana. It was the period between 1961 and 1977, when the Swiss clearly faced the most challenging times with their mandate for the us in Cuba, and when they were repeatedly involved in direct negotiations with the Cuban leader Fidel Castro over a number of issues between Washington and Havana.
- La représentation des intérêts étrangers au Département fédéral des Affaires étrangères : témoignage d'un diplomate - François Nordmann p. 87-92 La représentation des intérêts étrangers est, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'un des fleurons de la diplomatie suisse : les services rendus à de nombreux États étrangers renforçaient la valeur de la neutralité. Associé en 1971 à la gestion par la centrale du double mandat confié à la Suisse par l'Inde et le Pakistan lors de la guerre d'indépendance du Bangladesh, l'auteur retrouva celle des intérêts étrangers treize ans plus tard en prenant ses fonctions d'ambassadeur de Suisse au Guatemala. Berne y représentait en effet les intérêts britanniques, à la suite de l'indépendance du Belize. La Suisse favorisa discrètement les efforts des deux pays pour renouer leurs relations en 1986, au milieu de péripéties parfois cocasses.Since World War II, the representation of foreign interests has been a central feature of Swiss diplomacy. Being of service to the international community enhanced the value of Swiss neutrality. In 1971, the author was detailed to work as a diplomatic trainee for the service dealing with the double mandate given to Switzerland by India and Pakistan, at war over the independence of Bangladesh. As ambassador to Guatemala, thirteen years later, he had to approach the question from a different angle. Guatemala having broken off relations with Britain in 1981 after Belize's independence, Switzerland was put in charge of British interests. The informal contacts leading to the renewal of full diplomatic relations in 1986, discreetly favoured by the Swiss, were not exempt from some savoury episodes.
- La protection dans la politique extérieure suisse d'aujourd'hui - Micheline Calmy-Rey p. 93-103 L'idée maîtresse qui sous-tend le mandat de puissance protectrice humanitaire, la protection de la population civile en période de conflit armé, est au cœur de la politique étrangère suisse. Par ailleurs, lorsque deux États en conflit rompent leurs relations diplomatiques, l'instauration d'un mandat de puissance protectrice contribue significativement à accroître la sécurité humaine. Le double mandat Russie-Géorgie récemment assumé par la Suisse démontre que le rôle de puissance protectrice garde toute sa pertinence. La Suisse a également développé son offre de bons offices et, au nom de sa neutralité active, a intensifié son engagement pour contribuer à empêcher ou à résoudre les conflits armés par des mesures concrètes de promotion civile de la paix et de renforcement des droits humains.The main notion that underlies the mandate of a humanitarian protecting power, namely the protection of civilians in times of armed conflict, represents a cornerstone of Swiss foreign policy. Furthermore, if two states break off their diplomatic relations in a conflict situation, the appointment of a protecting power contributes significantly to the increase of human security. The dual mandate for Russia and Georgia, which Switzerland has recently taken over, shows that the role of the protecting power maintains its pertinence. Switzerland has also advanced its offering of its good offices and, in the name of its active neutrality, has intensified its commitment to prevent or resolve armed conflicts by implementing measures to promote civilian peace-building and human rights.
- Une évaluation du parcours de la Suisse en tant que puissance protectrice à « double mandat » pour le Royaume-Uni et l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale - Neville Wylie p. 3-21
Notes de lecture
- Notes de lecture - Hélène Harter p. 111-112