Contenu du sommaire : L'activité des clients : un travail ?

Revue Sciences de la société Mir@bel
Numéro no 82, mai 2012
Titre du numéro L'activité des clients : un travail ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'activité des clients : un travail ?

    • L'hypothèse de la mise au travail des clients - Sophie Bernard, Marie-Anne Dujarier et Guillaume Tiffon p. 3 accès libre
    • Signalétique du métro et politique de l'attention - Jérôme Denis et David Pontille p. 21 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la signalétique du métro parisien en tant que dispositif d'ordonnancement qui engage les usagers dans une forme de coproduction particulière du service de mobilité. À partir d'une analyse des documents internes et d'entretiens menés au sein de la RATP, il montre que ses concepteurs ont misé sur certains usages qui supposent de la part des voyageurs des attitudes et des compétences spécifiques. Quatre principales figures d'usagers anticipés sont ainsi identifiées qui reposent sur quatre formes d'engagement avec la signalétique : celle d'un voyageur qui contrôle son trajet en déchiffrant des informations, celle d'un planificateur qui anticipe en « computant » une série de données, celle d'un voyageur qui résout des problèmes en reconnaissant des formes, et enfin, celle d'un voyageur qui réagit presque automatiquement à des repères. Ces figures constituent le fondement d'une politique de l'attention pluraliste que la signalétique installe au cœur du service de mobilité.
      This paper studies the Parisian wayfinding system as an ordering apparatus that involves riders in a specific kind of service coproduction. Based on an analysis of internal documents and on in-depth interviews made within the transportation carrier, it shows that the wayfinding system designers anticipated some uses that imply particular attitudes and abilities from riders. Four main figures of anticipated riders are then identified that rely on four kinds of relationship with subway signs: the one who controls her trip by reading information; the one who anticipates her rides by computing a series of data; the one who solves problems by easily recognizing forms; and finally the one who reacts almost automatically to landmarks. These figures are the basis of the pluralistic politics of attention inscribed by the wayfinding system at the core of the mobility service.
    • La consommation par bons de réduction ou comment gagner du pouvoir d'achat par son attention - Emmanuel Kessous p. 41 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite du rôle de l'attention dans les relations marchandes et notamment des compétences attentionnelles nécessaires pour réussir à faire des affaires dans des marchés de grande distribution en mobilisant des dispositifs de captation et des disponibilités temporelles. À partir d'une vaste enquête portant sur les usages des coupons de réduction et les cartes de fidélité, nous montrons qu'il est possible d'associer cette activité cognitive à une production de revenus. Pour les consommateurs ayant la contrainte budgétaire la plus stricte, investir dans ces dispositifs collectifs de calcul est un moyen de récupérer « une marge arrière » financière compensant leur manque de perspective de promotion sociale. De ce fait, certains d'entre eux associent cette activité à un travail.
      This article deals with the role of attention in the market relations including attentional skills required to succeed in doing business in retail markets by using market devices and time. Based on an extensive survey of the use of coupons and loyalty cards, we show that it is possible to associate this activity with a cognitive production of income. For consumers with the most stringent budget constraint, be involved in these collective devices is a way to recover a “refund” by finding a financial compensation to the stagnation of their incomes. Thus, for some, this activity is similar to a work.
    • L'usage des codes-barres 2D comme "self-marketing" : travail du consommateur ou curiosité en jeu ? - Franck Cochoy et Aurélie Lachèze p. 59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'étudier l'introduction d'un dispositif technique d'assistance à la clientèle fondé sur l'usage d'un datamatrix. Ce dernier artefact se présente sous la forme d'un code-barres bidimensionnel que le consommateur doit activer lui-même s'il souhaite obtenir des informations, des offres ou des services additionnels sur le produit associé. La logique à l'œuvre semble ainsi marquer l'extension du « libre-service » – une forme de vente souvent considérée comme l'emblème de la mise au travail du consommateur – en « self-marketing » : désormais, le consommateur doit non seulement s'approvisionner lui-même en denrées, mais il doit également fournir un effort personnel pour acquérir de l'information commerciale. À partir d'une expérimentation portant sur la possible introduction de ce dispositif auprès du public, les auteurs montrent, notamment, que c'est paradoxalement la part de travail impliquée par la mise en œuvre du dispositif qui dresse des obstacles sur la route de sa possible adoption. Ils s'appuient sur les enseignements de ce cas pour examiner à quelles conditions et dans quel cadre l'idée du travail du consommateur peut ouvrir des perspectives fructueuses pour l'analyse sociologique des marchés.
      This article proposes to study the introduction of a technical device aimed at assisting consumers and based on the use of a datamatrix. This latter artifact is a two-dimensional barcode bar that the consumer has to activate herself if she wishes to get additional information, offers or services on the product where this code is affixed. The logic at work seems that of an extension of “self-service” –a form of sale often considered as the emblem of putting the consumer at work–into “self-marketing”: from now on, the consumer must not only supply herself in products, but she must also engage personal effort to acquire commercial information. With the help of an experiment on the possible introduction of this device near the public, the authors show, in particular, that it is paradoxically the share of work implied by the implementation of the device which draws up obstacles on the road of its possible adoption. They draw on the lessons of this case to examine in which conditions and within which framework the idea of the “consumer at work” may open fruitful avenues for the sociological analysis of markets.
    • La mise au travail des clients passionnés : le cas de la collaboration entre Alfa Romeo et les Alfistes - Bernard Cova p. 81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la moitié des années 2000 s'est développée une nouvelle logique commerciale dite de marketing collaboratif qui fait de la co-création de valeur le processus clé du rapport entre l'entreprise et ses clients. Au travers de l'étude de la manière dont l'entreprise Alfa Romeo a collaboré avec les alfistes – les fans d'Alfa Romeo –, ce papier cherche à faire une première contribution critique de cette nouvelle logique marketing et par là même des théories sociologiques de la mise au travail des clients. Pour ce faire, il utilise une approche de recherche-intervention centrée sur les pratiques des consommateurs et de l'organisation et leurs interactions.
      The strong emphasis on consumer collaboration from the mid-2000s onwards corresponds to the development of a new approach to market known as collaborative marketing. This new approach positions the co-creation of value as the core of marketing. Through the investigation of the way Alfa Romeo collaborated with the Alfisti – the Alfa Romeo fans –, this paper tries to make a critical contribution to the study of collaborative marketing and thereby of sociological theories which deal with the putting of consumers to work. In order to do so, it develops an action-research approach centred on consumers' and company's practices and their interactions.
    • Le consommateur responsable. La construction des capacités d'action des consommateurs par les mouvements militants - Sophie Dubuisson-Quellier p. 105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution propose de discuter la thèse de la mise au travail du client, développée en France par Marie-Anne Dujarier, ou celle de l'avènement d'un prosumer, qui constitue son équivalent anglo-saxon. À partir de l'analyse ethnographique des cadrages et des pratiques d'un mouvement militant visant à responsabiliser le consommateur, nous montrons que dans ce discours critique la construction de la réflexivité du consommateur nécessite de mettre au jour non pas sa contribution excessive au travail productif, mais précisément sa trop grande passivité. Les mouvements enquêtés vont alors s'attacher à remettre les consommateurs au cœur des processus économiques notamment à travers leur mise à contribution aux activités de production et de distribution. Ces résultats nous permettent de revenir sur la thèse de la mise au travail du consommateur pour insister sur la nécessaire prise en compte des formes de cette contribution et leur réinscription dans les rapports de force au sein des systèmes économiques. Nous défendons alors l'argument selon lequel, cette « mise au travail des consommateurs » ne peut être interprétée comme le signe d'une évolution profonde des économies libérales. Au contraire, elle doit être considérée comme consubstantielle à la relation d'échange qui, elle-même, suppose des formes d'engagement et de contribution entre les deux parties. Dès lors, la question qui nous semble devoir être explorée devient plutôt celle des variations possibles dans la capacité des consommateurs à négocier les termes de leur contribution.
      This paper proposes to discuss the argument of the increasing contribution of consumers within production system in capitalist societies. Based on the ethnographic study of frames and practices of an ethical consumption movement in France, we demonstrate that the empowerment of consumers and the construction of his/her reflexivity require an increase, instead of a decrease, of his/her contribution within productive activities. These results emphasize the role of the power relationship dynamic between producers and consumers within economic relations. We defend the idea that any economic exchange commitment and contribution between the two parties. Indeed, the question should not be about the increase or decrease of the consumers' contributions in modern capitalist societies, but rather the possible evolution through time and places of the capacity of consumers to negotiate the terms of their contribution within economic relationships.
    • Le client : co-producteur de l'organisation ? - Gilbert de Terssac p. 127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les nouveaux schémas d'organisation mettent à contribution le client : il n'est plus le destinataire seulement de la production, mais un acteur qui intervient dans l'organisation interne de l'entreprise. Une première façon d'intervenir consiste pour le client à imposer une certification qualité, par exemple dans l'industrie chimique : le client oblige le producteur à rédiger de nouvelles procédures et surtout à les transmettre au client ; les petits secrets de production sont partagés. Deuxièmement, le client intervient dans l'organisation de la production de services indirectement grâce aux techniciens qui à France Telecom font remonter les attentes des clients : au nom du client, les agents participent aux décisions d'organisation. Troisièmement, le client intervient dans la planification de la production chez cet équipementier du secteur automobile : il oblige l'entreprise à aménager sa production en fonction de ses besoins et la contraint à se doter d'une organisation flexible. Au total, l'entreprise s'ouvre sur son environnement et permet au client d'intervenir pour adapter l'organisation à ses besoins : le temps des experts en organisation laisse place à un travail d'organisation permanent incluent le client.
      The news patterns of management involve the customer : he is not the only recipient of production anymore, but an actor who interferes in the inner management of companies. For the customer, a first way of intervening consists in imposing a quality certification, for instance in a chemical industry : the customer compels producers to elaborate new proceedings and, moreover, to transmit them to customers so that production secrets are now shared by different actors. Second, the customer indirectly interferes in the management of service production thanks to France Telecom technicians who provide information about customers'expectancy : in the name of the customer, the agents are thus participating to inner decisions. Third, the customer intervenes in the production planning of a car parts manufacturer: he compels the company to convert the production according to their needs and obligates them to adopt a flexible organization. Altogether, companies are opening themselves up to their environment and permit the customer to act on organizational management and to adapt the organizations to their needs : times for expert in management make place to a permanent managerial work that includes the customer.
  • Notes de recherche

    • Ethnographier les liens entre travail et domicile : manières de traiter un questionnement (1970-2010) - Anne Monjaret p. 143 accès libre avec résumé
      Les espaces de vie, qu'ils soient professionnels, résidentiels ou autres, sont des territoires que les ethnographes du domaine français, ethnologues et sociologues, n'ont pas négligés et ne négligent toujours pas. Comment ces derniers les ont-ils interrogés ? Ont-ils préféré les étudier en les distinguant ou en les articulant ? Autrement dit, ont-ils pris en considération les liens qui existent entre ces espaces ? Si oui, quand, de quelles façons et pourquoi ? Quel intérêt y a-t-il à ethnographier les liens entre travail et domicile ? Quelles sont les circonstances d'émergence des nouveaux questionnements ? Pour répondre à ces questions, nous nous proposons ici de revisiter les travaux de ces ethnographes, et ce à partir des années 1970, période où l'ethnologie contemporaine de la France, se développe. Cet exercice épistémologique n'est pas seulement l'occasion de dresser un premier tableau analytique sur le sujet mais, au-delà du cas de figure, il est surtout le moyen d'apporter un aperçu sur les dynamiques de la connaissance ethnographique sur près de 40 ans.
    • Une utilisation du consommateur internaute au-delà des communautés de marque : le travail effectif des consommateurs ordinaires sur les réseaux sociaux - Alessandro Caliandro p. 159 accès libre avec résumé
      Dans ce court essai théorique, la réflexion menée porte sur la façon dont les marques peuvent se servir du travail de consommateurs ordinaires, c'est-à-dire de consommateurs qui utilisent internet sporadiquement et qui ne font partie d'aucune communauté de marque. Elle s'attache en particulier à montrer comment ces consommateurs peuvent être conçus comme des travailleurs affectifs produisant de la valeur pour la marque, au moment où leurs interactions communicationnelles online sont capturées par certains dispositifs qu'ils créent eux-mêmes.
    • Travail ou participation du consommateur ? Consommer : une activité co-élaborée - Jean-Sébastien Vayre p. 168 accès libre avec résumé
      Qu'est-ce que consommer ? Dans une société de consommation, le consommateur est avant tout une figure abstraite mobilisée pour organiser la production et la distribution des marchandises. Les sciences sociales interprètent de deux façons l'acte de consommation. La « mise au travail » du consommateur renvoie directement à son exploitation. La « participation » du consommateur renvoie, quant à elle, à son émancipation. Nous verrons qu'il s'agit de notions d'actualité et qu'il est difficile de trancher entre ces deux perspectives. Aussi, proposons-nous d'appréhender la consommation comme une activité co-élaborée, ce qui rend possible de mieux repèrer ce qui relève de la mise au travail et/ou de la participation et permet, en même temps, de mieux tenir compte des enjeux empiriques sous-jacents.
  • Notes de lecture

    - p. 183