Contenu du sommaire : Bonnes vs mauvaises pratiques et théories en management
Revue | Revue française de gestion |
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Numéro | no 228-229, septembre-octobre 2012 |
Titre du numéro | Bonnes vs mauvaises pratiques et théories en management |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le management, un carré plus que sémantique - Jean-Philippe Denis, Alain Charles martinet p. 13-38 Adhérer, implicitement sinon explicitement, à certains cadres théoriques sans davantage d'interrogations quant à leurs présupposés épistémologiques n'a, pour la recherche en gestion, rien d'anodin. À la lumière d'une discussion des itinéraires exemplaires de chercheurs tels S. Ghoshal et C.K. Prahalad, cet article revient sur certains débats qui se posaient dans la période « précrise ». Il souligne les intenses efforts réflexifs qu'opèrent les contributions qui constituent ce numéro et formule des lignes de force nouvelles pour avancer dans le sens d'une recherche en sciences du management qui tire réellement toutes les conséquences du fait qu'éthique, validité épistémique et pragmatisme ne sauraient, sans dommages, être pensés de manière découplée.
Partie I - Retour sur les fondamentaux
- Gestion des ressources humaines, du travail et de l'emploi : Quelles « bonnes théories » pour infléchir les « mauvaises pratiques » ? - Rachel Beaujolin-Belletet, Géraldine Schmidt p. 41-57 La crise donne une visibilité exacerbée aux « mauvaises pratiques » de gestion des ressources humaines et relance le débat sur le rôle, la légitimité et les objectifs de la fonction RH dans les organisations : s'agit-il de rechercher, dans une logique mécaniste et normative, les effets des pratiques de GRH sur les performances ? S'agit-il plutôt d'imaginer de « bonnes pratiques » permettant de repenser le rapport de l'économique et du social ? Des ripostes théoriques aux « mauvaises pratiques » de GRH se sont développées dans différents champs des sciences sociales, qui conduisent à dévoiler ce qui est habituellement dénié : le fonctionnement pervers des organisations, l'activité, les rapports de force.
- La résilience du marketing - Bernard Pras p. 59-85 Quelle est la résilience du marketing ? En d'autres termes, quelle est la pérennité du concept marketing et de ses fondamentaux, de son objet, et son adaptation au fil du temps ? Quelle est la capacité de questionnement, transformation et remise en cause des chercheurs de la discipline, quelles sont leurs quêtes identitaires ? Comment la discipline a-t-elle traversé les chocs extrêmes qui marquent notre époque ? Dans quelle mesure le marketing intègre-t-il les questions de société, et comment ? Les théories en marketing sont-elles ancrées idéologiquement et peut-on parler de bonnes ou mauvaises théories ? Peut-on enfin parler de métamorphose du marketing et quelle est la place de l'intentionnel, de la volition, et de la résilience de la communauté ? En revisitant les « paradoxes du marketing », telles sont les questions auxquelles cet article tente de répondre.
- Vices et vertus de la responsabilité en stratégie - Franck Tannery p. 87-105 Depuis que Hans Jonas a fait du principe de responsabilité une pierre angulaire pour concevoir l'action collective et individuelle face aux risques d'errements politiques, économiques et sociaux, chacun peut constater une référence généralisée à cette idée de responsabilité. Il est normal que le champ théorique et pratique de la stratégie ait suivi ce mouvement. La référence à ce principe de responsabilité en stratégie permet de revenir, fort opportunément, sur des fondamentaux de la stratégie. Cependant, il est tout autant indispensable pour la stratégie de mieux comprendre les vices cachés et les insuffisances logiques de ce principe de responsabilité en tirant les conséquences d'analyses récentes de la philosophie morale et politique. Cette critique interne permet d'envisager les conditions auxquelles la stratégie peut contribuer à un gouvernement des sociétés complexes contemporaines.
- La plus belle théorie financière ne peut donner que ce qu'elle a - Michel Albouy p. 107-126 Avec la crise financière, il est tentant d'accuser les travaux et les théories financières de tous les maux. Pour certains, ces théories seraient à l'origine de mauvaises pratiques de management. Cet article1 avance l'idée que la plus belle théorie financière ne peut donner que ce qu'elle a et que les dysfonctionnements observés du système financier ne sont pas forcément imputables aux enseignements tirés à la suite de ces travaux. Dans une première partie nous faisons un tour d'horizon des mauvaises pratiques observées en finance sur les marchés et dans les entreprises. Ce constat est suivi d'une analyse de l'influence qu'a pu avoir la théorie sur ces mauvaises pratiques. Dans une deuxième partie nous étudions les limites de la théorie financière et son nécessaire renouvellement, notamment à partir du prisme de la finance comportementale. Nous avançons également l'argument que c'est la complexité des systèmes financiers mis en place qui ont engendré les mauvaises pratiques.
- Gestion des ressources humaines, du travail et de l'emploi : Quelles « bonnes théories » pour infléchir les « mauvaises pratiques » ? - Rachel Beaujolin-Belletet, Géraldine Schmidt p. 41-57
Partie II - Gouvernance et démocratie
- Au-delà du bien et du mal : La théorie et les pratiques de gestion - Anne-Laure Boncori, Xavier Mahieux p. 129-146 Partant du caractère dual des « bonnes » théories en sciences sociales et de gestion, nous développons dans cet article1l'argument selon lequel une même théorie peut engendrer à la fois de bonnes et de mauvaises pratiques, aussi bien en termes rationnels qu'en termes moraux. Afin d'illustrer nos propos, nous nous appuyons sur le cas de la théorie positive de l'agence et des pratiques affiliées que sont, d'une part, la technique d'incitation financière des stock-options et, d'autre part, celle du carried interest portée par la structure organisationnelle du private equity. Nous concluons à l'existence d'une forme de découplage entre théorie et pratique.
- Les enjeux de la gouvernance d'entreprise aujourd'hui : De meilleures théories pour de meilleures pratiques - Karen Moris p. 147-166 Le partage de la valeur créée par les entreprises soulève de nombreux débats. L'objectif de cet article1 est de montrer que la progressivité existant dans les théories de la gouvernance d'entreprise peut se retrouver dans certaines pratiques managériales. Deux études de cas confirment que de meilleures explications du processus de création de valeur de l'entreprise, par la théorie de la gouvernance disciplinaire partenariale plutôt que par celle de la gouvernance actionnariale, peut entraîner de meilleures applications permettant d'augmenter la richesse organisationnelle créée.
- De la démocratie en entreprise : Quelques résultats empiriques et propositions théoriques - Rémi Jardat p. 167-184 Sur la base de plusieurs études, menées depuis 2005 sur les banques coopératives françaises, est posée la question de l'interaction entre le régime politique de l'entreprise, sa performance et ses pratiques managériales au quotidien. En particulier, trois notions clés sont redéfinies pour pouvoir être transposées à toute organisation : la gouvernance (exercice du pouvoir souverain), le gouvernement au sens strict (l'exécutif organisationnel) et la gouvernementalité (mode d'obtention des comportements attendus d'un collectif).
- L'impensé de la RSE : La révision du cadre légal de l'entreprise - Kevin Levillain, Armand Hatchuel, Blanche Segrestin p. 185-200 La recherche sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) fait généralement l'hypothèse qu'un comportement responsable est compatible avec le cadre légal et l'approche stratégique standard de l'entreprise. Mais cette hypothèse n'est-elle pas trop restrictive ? Cet article* montre que de récentes innovations « par la pratique » aux États-Unis, bien que constructives en matière d'impact social et environnemental, ont dû s'extraire du cadre de recherche de la RSE. Il s'agit de nouvelles options juridiques qui révisent la mission et le cadre légal de l'entreprise. De telles innovations suggèrent que, pour penser de nouvelles formes d'action collective, la recherche en gestion devra mieux articuler les dynamiques du contractuel légal et de « l'attentionnel stratégique ».
- Au-delà du bien et du mal : La théorie et les pratiques de gestion - Anne-Laure Boncori, Xavier Mahieux p. 129-146
Partie III - Connaissances et entreprise
- Des chercheurs sous influence ? : Réflexion sur la construction sociale d'une théorie - Philippe Very, Emmanuel Metais p. 203-216 Le monde dans lequel nous avons été éduqués et avons grandi influence nos modes de pensée et représentations de la réalité. Les chercheurs n'échappent pas à cette règle. Dans cet article, nous tentons de montrer comment la théorie de l'entreprise intelligente, conçue d'après son auteur pour préserver l'avantage des entreprises des pays industrialisés, a paradoxalement conduit à une forme d'aveuglement face à la montée en puissance de champions issus des économies émergentes. Cet article étudie l'idée qu'une conception hégémonique du monde a pu sous-tendre la réflexion sur les sources immatérielles de compétitivité des entreprises occidentales.
- L'économie informelle, une bonne « mauvaise pratique » ? - Yvon Pesqueux p. 217-229 Ce texte repose sur le constat que l'économie informelle est une situation tout aussi « conforme » que l'économie formelle et qu'elle peut être considérée comme une institution émergente, forme d'alternative aux institutions officielles insuffisamment institutionnalisées ou en voie de désinstitutionnalisation. On souligne l'ambivalence des regards portés sur l'économie informelle, à la fois appréciée et condamnée selon le cas par les pouvoirs publics des pays concernés ou par les auteurs des rapports des instances internationales et carrément ignorée par les théories des organisations. C'est pourtant un mode d'émancipation de ses acteurs.
- Les « bad » pratiques d'accompagnement à la création d'entreprise : Le cas des entrepreneurs par nécessité - Walid A. Nakara, Alain Fayolle p. 231-251 Cet article soulève la question de l'adéquation entre les pratiques actuelles d'accompagnement et les besoins des entrepreneurs par « nécessité ». L'étude qualitative exploratoire montre l'importance du réseau familial en tant que condition nécessaire pour sortir de l'isolement et celle de la relation de confiance basée sur l'affect entre certains accompagnateurs et des entrepreneurs par nécessité psychologiquement affaiblis. La croissance continue du nombre d'entrepreneurs par nécessité constitue un défi de taille pour les pouvoirs publics qui ont encouragé, parfois sans nuance, les demandeurs d'emploi à aller dans le sens de la création d'entreprise comme ultime solution pour sortir du chômage.
- Quand les postulats d'une théorie induisent de mauvaises pratiques : La « théorie des ressources » selon J.B. Barney - Xavier Weppe, Vanessa Warnier, Xavier Lecocq, Frédéric Fréry p. 253-268 La théorie des ressources, telle que proposée par J.B. Barney, repose sur des postulats (rareté, propriété) susceptibles d'induire de mauvaises pratiques stratégiques. De plus, elle ne permet pas d'expliquer la performance de business models fondés sur des postulats symétriques (profusion, accès) qui rencontrent pourtant, notamment au travers du crowdsourcing, un succès croissant. Il est donc nécessaire de révéler ces postulats implicites, de souligner leurs conséquences et de proposer une extension de la théorie des ressources, capable d'intégrer de nouvelles pratiques stratégiques.
- Pour une recherche en gestion conciliant rigueur et pertinence - Jérôme Barthélemy p. 269-283 On s'accorde généralement à reconnaître que la recherche en gestion est rigoureuse. Mais est-elle pertinente pour les entreprises et influence-t-elle leurs pratiques ? L'objectif de cet article est de faire le point sur une question fondamentale qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Après avoir constaté que la pertinence et l'influence de la recherche en gestion sont insuffisantes, nous identifions les principales sources du problème. Nous proposons également des pistes d'amélioration.
- Des chercheurs sous influence ? : Réflexion sur la construction sociale d'une théorie - Philippe Very, Emmanuel Metais p. 203-216