Contenu du sommaire : Les musées au prisme de la communication
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
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Numéro | no 61, 2011 |
Titre du numéro | Les musées au prisme de la communication |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos ? Éloge de la diversité - Monique Veaute p. 9-10
- Introduction : Regard sur les arts, les sciences et les cultures en mouvement, à travers les débats qui agitent l'institution muséale... - Paul Rasse, Yves Girault p. 11-16
- Sélection bibliographique - p. 17-18
I. Les transformations de l'institution
- Le temps des musées et le temps du patrimoine - Dominique Poulot p. 23-29 L'histoire des musées est intimement liée à celle des constructions patrimoniales, à partir de la fin du XVIIIe siècle et du début de l'âge des nationalités. L'appel à des incarnations populaires du national conduit à mettre l'accent sur des collections capables de renvoyer aux origines collectives de la nouvelle communauté imaginaire. Le musée d'histoire entend alors servir d'atelier à l'historien et de miroir à un monde disparu dont il convient de se réclamer, et qu'on a besoin d'incarner de manière convaincante. Les contradictions des objectifs et des démarches sont devenues évidentes au cours du XXe siècle, nourrissant des lectures opposées du rôle du musée comme de la manipulation des patrimoines.A time for history, a time for heritage
The history of museums is closely tied to the history of heritage building, which began in the late 18th century with the advent of the Nation. As the summons went out for popular incarnations of the national, the emphasis was on collections that could evoke the collective origins of the imaginary new community. The history museums would then serve as a workshop for historians and would mirror a vanished world to which a claim could be made, and which needed to be convincingly portrayed. The contradictions inherent in these aims and approaches became obvious during the 20th century, nourishing controversy over the role of museums and the manipulation of heritage. - L'organisation des musées : une évolution difficile - André Desvallées, François Mairesse p. 30-37 Le monde muséal a considérablement évolué ces dernières années ; des notions telles que le développement touristique et économique, ou la performance, ont largement pris le pas sur les préoccupations sociales, voire sur la conservation du patrimoine. Dans une logique mondialisée, quelques grands « musées superstars », à l'instar du musée Guggenheim de Bilbao, imposent largement leur logique de fonctionnement, au détriment de nombre d'établissements de taille plus modeste.Le rôle particulier de l'État, en France, contribue au développement d'une infrastructure muséale exceptionnelle, partiellement pour maintenir sa position dominante au niveau des flux de migration touristique. Mais ce renouveau patrimonial induit également un changement de culture sur le plan organisationnel. Des personnels purement administratifs remplacent les personnels scientifiques à la tête des établissements. L'autorité publique et l'intérêt économique encourent le risque de prendre le dessus sur l'intérêt scientifique et patrimonial.Managing museums: an uneasy transition
The world of museums has changed considerably in recent years, with concerns for tourist and economic development, or performance, largely overshadowing social and even heritage conservation concerns. Following the logic of globalisation, a few “superstar museums”, like the Guggenheim in Bilbao, have been imposing their own modus operandi to the overall detriment of more modest establishments. The particular role of the State, in France, has contributed to the development of an outstanding museum infrastructure, in part to sustain a dominant position in terms of incoming tourist flows. However, this new perspective on heritage has also brought a change in the culture of museum organisation. As scientific staff are replaced by purely administrative staff at management level, the interests of the public authorities and the economy are increasingly liable to outweigh the interests of science and heritage. - Le pouvoir sémiotique de l'espace : Vers une nouvelle conception de l'exposition ? - Jean Davallon p. 38-44 La question du statut de l'espace est au cœur même de la sémiotique des expositions. Revenir sur l'évolution des technologies de mise en exposition – spécialement l'évolution de la muséologie de point de vue – est proposé comme moyen pour aborder l'importance accordée à l'espace dans la conception de certaines des expositions actuelles et, tout particulièrement, pour comprendre la manière dont l'espace est utilisé afin de faire signifier celles-ci. L'examen de deux expositions emblématiques de cet usage de l'espace – le plateau des collections du Musée du Quai Branly et les expositions d'ouverture du Centre Pompidou-Metz – est l'occasion de montrer les enjeux communicationnels d'un tel usage.The semiotic power of exhibition spaces
The status of spaces is a question that lies at the very heart of the semiotics of exhibitions. This article offers a review of the changing technology of exhibition design – especially as applied in a museum's approaches to points of view – to address the importance given to space in the design some of today's exhibitions and, in particular, to understand how spaces are used to make them meaningful. Two exhibitions that are emblematic in terms of the use of space – of the Quai Branly museum collections and the opening exhibition for the Centre Pompidou-Metz – are analysed here to highlight the communicational issues underlying their uses of space. - Les écritures de l'exposition - Serge Chaumier p. 45-51 L'article vise à rendre compte de l'évolution muséographique qui conduit du classique musée d'objets, donnant à voir, à l'exposition qui veut faire comprendre, puis à l'exposition de discours, qui entend théoriser à partir des objets, puis avec ceux-ci. Étape ultérieure, l'exposition peut aller jusqu'à s'autonomiser et parler par elle-même au travers de formes de scénographie signifiante développant des métadiscours. La logique hypertextuelle que l'on voit se déployer récemment se situe à différentes échelles, entremêlant et se jouant des niveaux de discours. L'exposition devient plus complexe, mais aussi plus passionnante par les dispositifs qu'elle met en œuvre et les postures auxquelles elle convie les visiteurs.Scripting an exhibition
This article charts the changing course of museum design, from classic displays of objects to be looked at and exhibitions that seek to bring understanding, through to discursive exhibitions that offer theories – about the objects displayed and then with those objects. Taking these developments still further, exhibitions can even take on a life and expression of their own, through the meta-discourses that develop in the different and significant forms of exhibition design. The recently deployed hypertext approach appears at different levels, intermingling and playing on different levels of discourse. Exhibitions are becoming more complex, but also more fascinating thanks to the variety of design methods used and the different stances that visitors are brought to adopt. - Sociologie de la démocratisation des musées - Jacqueline Eidelman, Anne Jonchery p. 52-60 Les nombreuses études de publics réalisées dans les musées et les expositions depuis un quart de siècle en France mettent en évidence une institution muséale aussi plurielle que ses publics. Elles montrent comment les caractéristiques de la visite se sont transformées, qu'il s'agisse du contexte, de l'organisation, de la nature de l'expérience de visite ou de son usage après coup. Elles relativisent également la thèse d'une reproduction sociale mécanique de l'intérêt pour les musées et par là même de la nature des publics. Pour autant, le scepticisme persiste. Trois nouveaux analyseurs des changements à l'œuvre sont mobilisés pour achever de convaincre : la gratuité d'accès aux collections, la compagnie du visiteur, les temps sociaux de la visite.The sociology of democratisation in the world of museums
The many studies undertaken on museum visitors in the last quarter of a century in France clearly show that museums are as widely diverse as their visitors. They show how far the characteristics of museum visits have changed, whether in terms of context, organisation, or the nature and experience of a museum visit and its aftermath. They also bring a more relative perspective to the idea that interest in museums, and therefore types of museum visitors, are mechanically reproduced in society. Scepticism on this point nevertheless remains, and this study brings in three new analytical criteria to help overcome this : free access to museum collections, the company of the visitor and the social moments of museum visits. - L'image du musée dans le cinéma de fiction - Annie Van-Praët p. 61-63
- Succès universel de l'institution muséale et des grandes expositions blockbuster - p. 64-65
- Le temps des musées et le temps du patrimoine - Dominique Poulot p. 23-29
II. Les enjeux esthétiques du musée dans le jeu de l'art contemporain
- Le musée pour l'installation d'art contemporain - Boris Groys p. 69-75 Ces dernières années, des musées d'art contemporain sont apparus partout dans le monde occidental et au-delà. Le nombre de ce genre de musées augmente en permanence. Le touriste d'aujourd'hui, qui se rend dans une grande ville, s'attend à y trouver un musée d'art contemporain, de la même manière qu'il s'attend à y trouver un restaurant italien ou un cinéma. Dans la plupart des cas, ces attentes sont confirmées. Dans le pire des cas, le touriste va apprendre que le musée d'art contemporain est encore en construction et qu'il sera ouvert l'année suivante. Quoi qu'il en soit, cette acceptation si facile de la notion de « musée d'art contemporain » par la culture d'aujourd'hui n'est pas sans importance. Traditionnellement, le musée d'art constituait un endroit dans lequel l'art du passé était collecté, conservé et montré au beau milieu de la vie contemporaine. Mais que signifie construire un musée d'art contemporain ? Que signifie « muséographier » la contemporanéité elle-même ?Museums for contemporary art installations
Museums of contemporary art have appeared everywhere in the Western world and beyond in recent years, and they are constantly increasing in number. Any tourist visiting a major city today expects to find a museum of contemporary art, just as they expect to find an Italian restaurant or a cinema. In most cases, this is indeed what they find. At the very least, tourists will find that the city's museum of contemporary art is still under construction and will open the following year. Whatever the case, the ready acceptance of the “museum of contemporary art” in today's culture is significant. Traditionally, an art museum was a place where the art of the past could be collected, curated and displayed right in the heart of the contemporary world. But what does creating a museum of contemporary art really mean? In other words, what does it mean “to make a museum exhibit” of contemporaneity itself? - Le musée protagoniste de l'art contemporain - Paul Rasse p. 76-83 Dans la période actuelle où prolifère la création artistique, mais aussi, où s'accélèrent les mutations et où tout devient consommation ; dans cette immense casse qu'est la postmodernité, les musées sélectionnent les éléments matériels ou immatériels jugés suffisamment significatifs pour mériter d'être conservés et transmis aux générations futures, comme le témoignage de la culture d'une époque. Nous défendons que dans le domaine de l'art contemporain, les musées jouent un rôle essentiel, sublime, qui confère à l'œuvre une aura extraordinaire. Dès lors, la problématique essentielle est d'ordre épistémologique. Par-delà le débat enflammé auquel se livrent les défenseurs ou les détracteurs de l'art contemporain officiel, deux questions essentielles demeurent, celle des processus par lesquels l'institution muséale construit la vérité esthétique, et celle des processus par lesquels les artistes accèdent à l'espace sacralisant du musée.The museum as a protagonist in contemporary art
In our time of proliferating artistic creation, but also of accelerating change and an all-pervading consumer culture, museums are trawling though the vast, sprawling breaker's yard of post-modernism to select the material or immaterial items they consider significant enough to be preserved for future generations as reflections of the culture of our time. We argue that in the field of contemporary art, museums have an essential role that adds an aura of the sublime to works of art. The essential question then becomes epistemological. Over and above the impassioned debates between those for and those against what is officially labelled as contemporary art, two essential questions remain: what are the processes through which the museum as an institution constructs aesthetic truth, and what are the processes whereby artists attain the sacrament of a museum exhibition? - L'art contemporain, Internet et le musée : Notes sur l'institution muséale et son pouvoir d'assimilation de la critique - Christine Bernier p. 84-89 Cet article explore l'utilisation que font certains musées des avancées technologiques et communicationnelles les plus actuelles. En prenant appui sur des théories et des exemples tirés principalement du contexte nord-américain, il s'agit d'examiner la présentation d'une œuvre d'art contemporain, No Woman, No Cry, de Chris Ofili, sélectionnée par la Tate Britain dans le Google Art Project. L'étude de ce cas récent montre comment l'institution muséale reconduit, sur le Web, les principes de pratiques qu'elle applique, depuis longtemps, dans les salles d'exposition et dans les messages adressés au public.Contemporary art, the Internet and museums
This article explores the use made in certain museums of the very latest advances in communication and technology. Drawing on primarily North-American theories and examples, we examine the presentation of a particular work of contemporary art, Chris Ofili's No Woman, No Cry, selected by Tate Britain from the Google Art Project. Our study of this recent case shows how museums apply the same principles of practice on the web as those they have applied for years in their exhibitions and their messages to the public. - Du musée-écrin au musée-objet : Les musées, outils de communication et gages de contemporanéité - Joseph R. Moukarzel p. 90-95 Les musées contemporains sont en pleine mutation, ils passent du statut de « temples de l'art et de la culture » à celui de pourvoyeurs d'activités culturelles et ludiques. Censés instruire, ils s'engagent dans la voie controversée de plaire en vue d'exister, le but ultime étant de drainer le plus de « clients » possible pour assurer la continuation. Et dans la mouvance, ils n'hésitent pas à s'exporter au même titre que les enseignes commerciales vers des cités-nations à la recherche d'une « présence » sur la mappemonde globalisée. Le Louvre-Abou Dabi est un exemple saillant de cette tendance mondialisée, tout comme Guggenheim, il devient un jalon mobile de l'art et de la culture. Dans cette phénoménologie de « l'existence par l'architecture », les œuvres architecturales deviennent des objets-outils de notoriété et de communication, plus inhérents au marketing qu'à la culture. Mais quelle part d'intérêt va pour les collections dans ce nouveau statut du musée ou le bâtiment est à lui seul un gage d'existence et de contemporanéité ? Et dans quelle mesure, la part de responsabilité publique qui incombe aux musées dans le développement culturel de la collectivité, risque-t-elle d'être compromise par les lois du marché ?Museums, from display cases to objects in themselves
Contemporary museums are rapidly evolving from “temples of art and culture” to providers of cultural and recreational activities. Although supposed to be instructive, they are embarking on a controversial policy of pleasing the public in order to exist, the ultimate aim being to draw as many “customers” as possible to secure their future. And in pursuing these aims, they have been exporting themselves, just like any commercial brand, to nation-cities seeking a “place” on the globalised map. The Abu Dhabi Louvre is a striking example of this global trend, as is the Guggenheim, which has now become a movable landmark in the arts and culture landscape. This phenomenon of “existence through architecture” is turning architectural works into objects as well as tools to enhance communication and notoriety, a development that has more to do with marketing than with culture. But given this new status, where the building itself guarantees the museum's existence and contemporaneity, how much interest is there in its collections? And to what extent is every museum's share of public responsibility for collective cultural development likely to compromised by “market forces”? - Des foires-musées aux musées du marché - Patrick Barrer p. 96-99
- Les FRAC : une autre manière de rendre la culture accessible - Bernard de Montferrand p. 100-101
- Le mariage de raison du musée d'art et du Web - Valérie Schafer, Benjamin Thierry p. 102-105
- De nouvelles médiations numériques au service de la culture augmentée - Brigitte Chapelain p. 106-108
- Le musée pour l'installation d'art contemporain - Boris Groys p. 69-75
III. Le musée de société, débats sur les cultures du monde
- Les musées de société : le point de bascule - Michel Côté p. 113-118 Quel(s) regard(s) les musées de société posent-ils sur les sociétés ? Le musée fait partie des institutions structurantes d'une société, notamment par son rôle de création et de partage de savoir : en ce sens, il est à la fois miroir d'une société et lien critique. Préoccupés par les enjeux contemporains tels que la diversité culturelle, la numérisation, la mondialisation, le développement des activités culturelles ou encore le développement durable, les musées de société doivent sans cesse s'adapter, créer et innover en jonglant avec les paradoxes inhérents à toutes civilisations. À travers des exemples français et québécois, cet article présentera un point de vue critique sur les défis et les enjeux des transformations opérant au sein des musées de société, que ce soit au niveau du discours tenu sur la diversité culturelle, de la mise en muséographie de l'autre, de la mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel ou encore de l'engouement grandissant des visiteurs. Du fait de sa mission et de part sa dynamique, le musée de société ne serait-il pas le point de bascule qui permet d'offrir une lecture intégrée des sociétés ? Si oui, quel monde souhaite-t-il construire ? De quel monde souhaite-t-il être témoin ?Social museums: a tipping point towards social integration?
How do social museums view societies? Museums are one of the main structural elements of any society, in particular because of their role in creating and sharing knowledge: in this sense, they are both a mirror and a critique of society. Because of their concern for contemporary issues such as cultural diversity, digitisation, globalisation, the development of cultural activities and even sustainable development, social museums have to constantly adapt, create and innovate while dealing with the inherent paradoxes of any society. Through examples from France and Quebec, this article offers a critical perspective on the issues and challenges arising from current developments in social museums, from discourses on cultural diversity, designing exhibitions on other cultures and ways of presenting the material and immaterial heritage, to the increasingly popularity of these museums among the public. Given their mission and their dynamics, could the social museum be a tipping point in the advent of an integrated interpretation of society? If so, what kind of world does it aim to build? What is the world it aims to reflect? - D'entreprise ou de société ? Deux opérateurs « historiques » et leurs musées, EDF et Orange - Pascal Griset, Léonard Laborie p. 119-124 Cet article traite de deux expériences muséales portées par des entreprises, mais qui pour autant ne se présentent et ne se pensent pas comme des « musées d'entreprises ». Il s'agit du Musée EDF Electropolis à Mulhouse et de la Cité des Télécoms à Pleumeur-Bodou. Derrière se tiennent deux entreprises aux histoires assez parallèles, quoique décalées dans le temps : EDF et France Telecom (bientôt Orange), toutes deux sont des opérateurs de services publics en réseaux, avec leurs spécificités opérationnelles et, du coup, patrimoniales. Devenues propriété de l'État, elles ont connu une situation de monopole avant d'être confrontées à un changement de statut et, concomitamment, à la concurrence, ce qui n'a pas manqué de renouveler la question de leur identité et de réinterroger leur soutien à des musées dont elles étaient, en partie mais pas exclusivement, le sujet.Corporate or social? Two long-established utility companies and their museums EDF and Orange
This article investigates two museums which, although established by utility companies, were not intended as corporate museums: EDF's Electropolis museum at Mulhouse and the Cité des Télécoms at Pleumeur-Bodou. Behind these museums are two companies with a parallel though not entirely contemporaneous history: EDF and France Telecom (soon to become Orange). Both were established as public utility companies, with their own specific methods of operation, and thus formed part of the national heritage. On becoming state-owned, they effectively exercised a monopoly until the change in their status forced them into a competitive environment – which necessarily raised the issue of their identity as well as new questions on their support to museums that were partly, but not exclusively, dedicated to them. - La muséologie au défi d'une patrimonialisation post-industrielle : Le cas du bassin minier Nord ? Pas-de-Calais - Patrice de La Broise p. 125-130 Les formes et enjeux d'une patrimonialisation post-industrielle débordent la traduction littérale d'un patrimoine entendu comme héritage. Elle nous invite à considérer les traces de l'industrie – en l'occurrence de la mine – comme inscrites dans un processus toujours inachevé de protection, d'interprétation et de création, dont les enjeux ne sont assurément pas réductibles à la passion du collectionneur, ni même à la mise en tourisme d'un patrimoine envisagé comme vitrine culturelle d'une région. À partir d'un travail de recherche-accompagnement réalisé en 2002-2003 pour la région Nord – Pas-de-Calais, nous interrogeons les formes de communication et de patrimonialisation du bassin minier visant, notamment, à le faire reconnaître au titre d'un patrimoine mondial de l'Unesco. La problématique d'une reconversion prend ici son sens dans des formes actives d'interprétation culturelle, notamment artistique et environnementale, qui participent d'une relecture de l'activité économique et sociale passée et présente.Museology and the challenge of portraying the post-industrial heritage
The questions raised by post-industrial museums and their different forms challenge the idea of “heritage” taken as meaning an “inheritance”. They are an invitation to consider the traces of an industry – mining in this case – as part of an unfinished process of conservation, interpretation and creation, which is driven by more than a passion for collection or even the need to attract the interest of tourists in a heritage collection intended as a showcase for a region. A research and accompaniment project in 2002-2003 for the Nord – Pas-de-Calais region was our starting point for this investigation into the forms of communication and the treatment of heritage in this mining area, which was aiming, in particular, to achieve recognition as a Unesco world heritage. Here, the economic conversion issue takes on particular significance in the active forms of cultural – and especially artistic and environmental - interpretation that stem from new ways of envisaging economic and social activities past and present. - Construire une collection, représenter l'immigration : la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration - Nancy L. Green p. 131-137 Revenant sur les prémisses mêmes de la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration (CNHI), Nancy L. Green retrace la politique entourant le projet ainsi que le choix du bâtiment. Contestée depuis le début dans le fond comme dans la forme, la CNHI doit affronter le problème de ses origines et sa tentative de renverser la symbolique de la colonisation par une reconnaissance de l'immigration, elle-même sujette à des définitions multiples. Passant en revue différentes « options » dans la représentation des immigrés au sein d'un musée d'immigration – une chronologie des vagues d'arrivées, une présentation par groupe ou des choix thématiques –, l'auteur s'interroge sur les tensions entre historiens et scénographes, entre art et histoire au sein du musée, ainsi que sur l'idée de procéder par thèmes, finalement retenue. Si cette approche permet de souligner les similitudes dans l'expérience migratoire, elle peut également en gommer les spécificités. La CNHI elle-même représente un moment spécifique dans la représentation des immigrés en France.Creating a museum, representing immigration: France's National Centre of Immigration History
From the beginning, the Cité nationale de l'Histoire de l'immigration (CNHI) project was plagued by both political and symbolic difficulties. Nancy L. Green discusses the choices made and the politics surrounding the choice of the building, a former colonial arts museum. How successful is the idea of using an old symbol of France's hubris at the height of her colonial empire to highlight the historical irony of her former colonies arriving to live in France? In analysing the multiple meanings of immigration itself and the different “options” available to represent a history of immigration in France – a chronological view of successive waves of immigrants, displays highlighting different groups – Green discusses the tensions between researchers and exhibition designers, between art and history as modes of representation, and the idea of the thematic approach, which was the option eventually chosen. While this approach brings out similarities in experiences of migration, it can also detract from an understanding of specific circumstances. The CNHI itself reflects a specific moment in the representation of immigrants in French history. - Des musées et des expositions dans le débat sur l'immigration en France - Marie-Sylvie Poli, Linda Idjéraoui-Ravez p. 138-143 Nous comparons ici deux expositions de musées français sur l'immigration : Repères et D'Isère et du Maghreb Mémoires d'immigrés. Notre analyse muséologique montre en quoi le monde des musées participe activement au débat de société récurrent en France sur ce thème ; chaque exposition défendant sa vision de l'immigration par ses modalités d'écriture muséographique.Museums and exhibitions in the debate on immigration in France
This article compares two exhibitions on immigration in French museums: Repères [Landmarks] and D'Isère et du Maghreb: Mémoires d'immigrés [Memories of immigration – from the Isère and from the Maghreb]. Our analysis shows how the world of museums actively contributes to the recurrent debate on immigration in French society, with each exhibition putting forward a view of immigration through the design choices made. - Les musées du Pacifique : un autre regard sur le monde - Peter Brown p. 144-147
- Les musées en Namibie au coeur d'une société en mutation - Fabienne Galangau-Quérat, Anne Nivart, Anne Jonchery p. 148-153 Cet article porte sur les dynamiques muséales dans le contexte de la construction identitaire. À travers l'étude en Namibie des différents types de musées qui maillent le territoire, deux types de fonctionnement se dégagent. Le premier est unifiant et centralisateur, représenté par le musée national, média qui affiche dans l'espace public la représentation officielle de la nation dite « arc-en-ciel ». Ce fonctionnement est traditionnel aux musées, dominant et structurellement centralisé. Le second modèle, diversifiant et territorialisé, se manifeste dans les dispositifs muséaux mis en place par les nombreuses communautés namibiennes. Modèle territorial et omnicentrique, il s'appuie sur la vision que les communautés ont d'elles-mêmes. Ces deux types de fonctionnement constituent aujourd'hui les deux axes du maillage muséal du territoire national namibien et participent au modèle orchestral de la communication.Museums in Namibia at the heart of a changing society
This article investigates the dynamics of museums in the context of identity building. A study in Namibia on the different types of museums scattered across the country brings out two different patterns. The first is unifying and centralising and represented by the national museum, which publicly promotes the official representation of Namibia as a “rainbow nation”. This, the traditional pattern for museums, is dominant and structurally centralised. The second pattern, which tends towards diversification and a territorial focus, is seen in the museums established by the many different communities in Namibia. This territorial and omnicentric pattern stems from the way communities perceive themselves. These two patterns have become the two main strands in the fabric of Namibia's museums and are integral to the way communication is orchestrated. - Un musée subliminal : le Musée africain de Tervuren - Pascal Dayez-Burgeon p. 154-155
- Les musées de société : le point de bascule - Michel Côté p. 113-118
IV. Entre vulgarisation et débat public, les stratégies des musées de science en question
- Comment les musées et centres de sciences s'exposent aux controverses socioscientifiques - Yves Girault, Grégoire Molinatti p. 159-166 Nous proposons, dans cet article, une analyse communicationnelle des différentes postures de traitement muséal de controverses socioscientifiques pour interroger leur signification en termes d'évolution des modèles mobilisés d'éducation scientifique et d'empowerment des citoyens. Plusieurs travaux montrent que certains centres de sciences privilégient une posture d'externalité en confinant les controverses à leurs dimensions scientifiques. Nous mettons ici l'accent sur des approches alternatives qui intègrent des problématiques controversées. Que ce soit en se positionnant explicitement comme acteur, comme organisateur ou comme témoin du débat public, les centres de sciences traduisent une tendance forte de médiation qui prend acte des reconfigurations contemporaines de la gouvernance des sciences en société. Il nous semble que les expériences dont nous rendons compte intègrent l'évolution des rapports de légitimité entendus en termes de choix scientifiques et techniques et inscrivent une prise de distance vis-à-vis du projet originel de valorisation des sciences.How museums and science centres become exposed to socio-scientific controversy
In this article, we offer a communicational analysis of the different stances taken by museums in their treatment of socio-scientific controversies, in order to explore their significance in terms of changing patterns in scientific education and citizens' empowerment. Several studies have shown that some science centres tend to adopt a distanced stance by confining controversies to their scientific dimensions. Here, we discuss alternative approaches in which the controversial issues are included. Whether explicitly taking up their stance as protagonists, organisers or witnesses to a public debate, science centres display a strong tendency towards mediation, thereby acknowledging contemporary reconfigurations in the governance of science in society. We believe that the experiences reported on here reflect awareness of a change in the balance of legitimating powers in terms of scientific and technical choices, and have effectively distanced themselves from the original idea of highlighting the value of science. - L'environnement et la participation au musée : différentes expressions culturelles des sciences - Joëlle Le Marec p. 167-174 L'environnement apparaît à des moments et sous des formes différentes dans les musées de sciences et les musées de société : entre les écomusées soutenus par le premier ministère de l'Environnement, et l'apparition du thème des crises environnementales et du développement durable dans les musées de sciences, on repère également des divergences fortes dans le sens des dynamiques participatives, les dimensions politiques des savoirs sur les relations entre l'homme et la nature, le développement d'une ingénierie des technologies sociales. Le musée apparaît dans cette perspective non pas comme un lieu de diffusion des sciences, mais comme un lieu d'expression culturelle des sciences, sciences de la nature, et sciences sociales.Environment and participation in museums: different cultural expressions of science
Since the support given to eco-museums by the first Ministry for the Environment and the emergence of environmental crisis and sustainable development as an exhibition theme, science museums and social museums have treated the environment at different times and in different ways. Considerable differences can be discerned in areas such as participatory dynamics, the political dimensions of knowledge on relationships between humans and nature and the development of social engineering technologies. Museums in this sense increasingly appear to be no longer places for disseminating science, but places for cultural expressions of science, natural sciences and social sciences. - Science, contexte politique et musées en Amérique latine - María Isabel Orellana Rivera p. 175-180 Cet article se concentre sur deux aspects : les liens très forts unissant le contexte politique et la création des musées en Amérique latine et le développement des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) pour parer la carence d'une éducation scientifique de qualité. L'argumentation est construite autour de quatre angles principaux : le contexte de création des premiers musées d'histoire naturelle ; l'émergence des communautés scientifiques, la prise en compte de la nécessité de la popularisation des sciences pendant le processus de transition à la démocratie et le développement des centres de culture scientifique, technique et industrielle à partir 1978.Science, political contexts and museums in Latin America
This article focuses on two aspects: the strong links between political context and museum creation in Latin America, and the development of centres of scientific, technical and industrial culture to remedy the gap in high-quality scientific education. Our argument here is built up from four main angles: the context in which the first natural history museums were created, the emergence of scientific communities, the acknowledged need for science popularisation during the transition to democracy and the development, since 1978, of centres of scientific, technical and industrial culture. - Les enjeux de la création d'Universcience : Entretien réalisé par Yves Girault - Claudie Haigneré p. 181-184
- Le laboratoire « en verre » : exposer la science en action au musée - Morgan Meyer, Peter Schüßler p. 185-187
- L'interaction sociale des musées des sciences de la vie : une mission amnésique ou impossible ? - Francine Boillot p. 188-190 En croisant les avancées théoriques de la muséologie des années 1980-1990 et quelques analyses d'exposition de sciences de la vie des années 2000, nous soulignons combien la mission d'interaction sociale du musée a du mal à s'exprimer. Celle-ci semble en butte à une inertie disciplinaire (facteur de désengagement citoyen et de neutralisation des débats) et à une inertie institutionnelle et pédagogique (facteur d'oppression de la participation), pourtant bien identifiées. Nous posons donc que cette résistance ne dépend plus d'une clarification de théories et de pratiques muséales, mais d'une mise en question profondément sociétale et politique, capable d'interroger l'immobilisme d'une société désespérément positiviste, élitiste, sécuritaire, comportementaliste voire béhavioriste.Social interaction in Life Sciences museums: mission impossible or collective amnesia?
Through a comparative analysis of theoretical advances in museology in the 1980-1990 period and several analyses of life sciences exhibitions in the decade starting in 2000, we highlight the obstacles inhibiting the expression of a museum's mission of social interaction. Inertia, though well identified, seems to be the major stumbling block, whether at the disciplinary level (where it is a factor of citizens' disinterest and neutralises debates) or the institutional level (where it suppresses participation). We therefore argue that what is needed to overcome this type of passive resistance is not further clarification of museum theory and practice, but a profoundly societal and political reappraisal capable of challenging the immobility of a desperately positivist, elitist, security-obsessed and behaviourist society. - Que faire des musées de savants ? Le défi du Musée d'Anatomie de Turin - Giacomo Giacobini, Cristina Cilli, Giancarla Malerba p. 191-194 Le Musée d'Anatomie humaine de l'Université de Turin (Italie), créé en 1739, fut transféré en 1898 dans le bâtiment où il se trouve actuellement, dans des locaux caractérisés par une architecture monumentale. Il a été récemment restauré dans le but de retrouver l'atmosphère de l'époque, et en même temps, le projet à fait l'objet d'une réflexion attentive sur les possibilités de le transformer de musée savant en musée communiquant. Le Musée d'Anatomie humaine fait partie d'un pôle muséal turinois en développement qui comprend actuellement, en outre, le Musée des Fruits et le Musée d'Anthropologie criminelle « Cesare Lombroso ». Ces trois musées, qui accueillent presque 200 visiteurs par jour, offrent un bel aperçu du positivisme scientifique, qui fut particulièrement important à Turin.Scholarly museums for the modern age: Turin's Museum of Anatomy rises to the challenge
The University of Turin's Museum of Human Anatomy, founded in 1739, was transferred in 1898 to the building it still occupies, which is notable for its monumental style of architecture. It was recently restored to the atmosphere of its day, but during the project, careful consideration was given to possibilities for transforming this scholarly establishment into a communicational museum. It is one of those included in Turin's new museums project, alongside the Museum of Fruit and the Cesare Lombroso Museum of Criminal Anthropology. All three museums, which have about 200 visitors a day, offer valuable insights into scientific positivism, which was particularly influential in Turin.
- Comment les musées et centres de sciences s'exposent aux controverses socioscientifiques - Yves Girault, Grégoire Molinatti p. 159-166
Postface
- Les musées. Trois questions - Dominique Wolton p. 195-199
Varia
- La révolution peut-elle être gazouillée ? - Jean-Paul Lafrance p. 203-211 Peut-on parler d'une révolution 2.0 dans le cas de l'utilisation de Twitter et des réseaux sociaux numériques pendant la révolte des populations arabes dans la première moitié de 2011 ? Faut-il plutôt analyser le rôle et l'importance des outils de communication dans le processus de réveil des populations longtemps maintenues au silence par des régimes autoritaires ?Are tweets the stuff of revolution?
Does the use of Twitter and social networks sites during the Arab revolts in early 2011 amount to a revolution 2.0? Or would it be more relevant to analyse the role and importance of communication tools generally in the awakening of populations silenced for so many years by authoritarian regimes? - Printemps arabe : de l'imaginaire au réel : Les moyens d'information et de communication font la révolution - Lina Zakhour p. 212-218 Au vu de l'éclosion soudaine de ce « printemps arabe » qui a essaimé de pays en pays, cet article montre comment, à l'ère de la transparence et de la simultanéité, les moyens d'information et de communication ont créé un champ d'action propice au soulèvement contre les dictatures. Mais, si les réseaux sociaux numériques – Facebook en particulier –, les SMS, et les e-mails, ont donné aux citoyens les moyens de leur révolution, il est aussi question d'imagination constituante. En effet, les chaînes d'information en continu du monde arabe – Al Jazeera principalement –, ont alimenté un imaginaire révolutionnaire à coup d'images télévisuelles, et surtout de discours informationnel « ami », souvent protecteur, qui a en même temps insufflé des idées et du courage à des peuples arabes endormis depuis des décennies, qui soudain croient en une révolution possible et passent à l'action.The Arab Awakening: from imaginings to real life
This article shows how, in the sudden “Arab Awakening” and its domino effect as it spread from country to country, means of information and communication in an age of transparency and simultaneity opened up a sphere for action that could potentially trigger an uprising against dictatorship. But although the social networking sites – especially Facebook –, text messaging and emails gave citizens the means to revolt, there is also the question of the imagination that created that terrain. The 24-hour news channels in the Arab world, especially Al Jazeera, nourished the revolutionary imagination with telegenic images and especially a “friendly” and often protective informational discourse that, in parallel, inspired people with courage and ideas after decades of slumber, galvanising them into action.
- La révolution peut-elle être gazouillée ? - Jean-Paul Lafrance p. 203-211
Hommage
- Paul Baran (1926-2011) : Pionnier des réseaux distribués - Marcin Sobieszczanski p. 221-225