Contenu du sommaire : Du bon usage des images : Autour des codes visuels en Chine et au Japon
Revue | Extrême-Orient, Extrême-Occident |
---|---|
Numéro | no 30, 2008 |
Titre du numéro | Du bon usage des images : Autour des codes visuels en Chine et au Japon |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Claire-Akiko Brisset p. 7
I. Des images « lettrées » aux interprétations multiples
- Citations littéraires et interprétations philosophiques dans les peintures narratives du Récit de la Source aux fleurs de pêcher - Cédric Laurent p. 15-43 Dans les illustrations narratives de la Source aux pêchers des XVIe et XVIIe siècles, le développement de l'histoire sur plusieurs scènes donne lieu à une iconographie très riche, mal connue, qui trouve son origine dans les interprétations du récit. En effet, certains détails peints qui n'illustrent pas directement le texte sont loin d'être insignifiants ; ils convoquent d'autres textes autour des notions d'immortalité et de retraite. Entre autres motifs analysés ici, celui de la cascade peut être mis en relation avec une conception de l'immortalité nouvelle au XVIe siècle et pourrait trouver son origine dans des pratiques méditatives préconisées à l'époque.In the 16th and 17th centuries narrative illustrations of the Peach Blossom Spring, the unfolding of the narrative in several scenes offers a complex iconography drawing on various interpretations of the story: some details do not directly illustrate the text, but allude to other writings dealing with immortality and retirement. Among the patterns analysed in this paper, the waterfall could be referred to a 16th century-new conception of immortality, as well as to some meditation practices which were advocated at the time.
- Degrees of Clarity and Obscurity in Chinese Images - Alfreda Murck p. 45-66 Cet article a pour objet l'examen des relations entre des symboles visuels clairement visibles et délibérément cryptés. Reposant sur une base linguistique commune, l'éventail de ces codes visuels pourrait être comparé à une forme de comète, comportant en tête un amoncellement de messages émis sans contrainte, dans la partie médiane des jeux de mots et des allusions de plus en plus obscurs, les plus difficiles à saisir se trouvant dispersés dans la queue de la comète, voire tout à fait invisibles. Dans un contexte où les conséquences politiques pouvaient être sérieuses, une telle ambiguïté était tout à fait intentionnelle. Les contrastes entre les images lisibles et obscures sont examinés selon treize catégories : les destinataires, l'intention, la visibilité, le mode, la temporalité, la saison, les conséquences, le type d'exposition, les sources et les origines, l'oralité, le décorum, la quantité et la stabilité.This essay examines the relationship between clearly visible and deliberately concealed visual symbols. Sharing a linguistic basis, the range of visual code may be thought of as comet shaped, with freely broadcast messages clustering at the head, and increasingly obscure puns and allusions steaming along, with the most difficult to comprehend sprinkled at the tail end, or even invisible. In situations where political consequences were serious, ambiguity was purposeful and intentional. The contrast of reading clear and obscure imagery is considered via thirteen categories: audience, purpose, visuality, mood, temporality, seasonality, consequences, display, sources and origins, orality, decorum, quantity, and stability.
- Citations littéraires et interprétations philosophiques dans les peintures narratives du Récit de la Source aux fleurs de pêcher - Cédric Laurent p. 15-43
II. Codes et espace politique
- Encoding ?The Capital? in Edo - Timon Screech p. 71-96 Cet article se propose d'examiner la façon par laquelle Edo (l'actuelle Tôkyô) a été construite au sein de la plaine déserte de Musashi, et de quelle manière la capitale shôgunale est devenue le centre symbolique du pays au pont de Nihon-bashi. Nous montrerons également comment le plan d'Edo évoquait certains aspects cruciaux de l'ancienne capitale (Kyô ou Kyôto). Edo constituait une ville entièrement nouvelle et ses maîtres, les Tokugawa, pouvaient la façonner à leur guise. Dans la direction la plus importante, le secteur nord-est (la « porte des démons » ou kimon), ils choisirent de rassembler un certain nombre de bâtiments de façon à faire intentionnellement allusion à la capitale impériale. Il s'agissait là d'« encoder » de façon délibérée Kyôto au sein de la ville qui, après 1602, devint la capitale shôgunale. L'organisation d'Edo a déjà été considérablement étudiée, mais les points examinés ici n'ont jamais fait l'objet d'une analyse systématique.This paper investigates the way in which Edo (Tôkyô) was built in desolate Musashi Plain and how it was given a symbolic focus at the bridge of Nihon-bashi. We also reveal how Edo laid out to evoke, in certain crucial respects, the old capital of Kyô (Kyôto). Edo was a new city, and the Tokugawa could construct as they wished. In the crucial north-west sector (kimon), they chose to gather a group of buildings consciously referring to Kyô. This was a deliberate “encoding” of Kyô within the city which, after 1602, became the shogunal capital. Edo city planning has been much studied before, but the aspects addressed here have never been concertedly examined.
- Encoding ?The Capital? in Edo - Timon Screech p. 71-96
III. Image et texte : du bon usage de la cryptographie
- Art bouddhique et cryptographie : le « Salut des femmes » dans le Japon du XIIe siècle - Claire-Akiko Brisset p. 113-143 Venue de Chine, la pratique rituelle de la copie des sūtra bouddhiques connut une vogue extraordinaire au sein de la cour japonaise pendant les XIe et XIIe siècles. Avec le temps, ces copies devinrent de plus en plus luxueuses et se virent agrémentées de peintures chargées d'illustrer le contenu des textes sacrés. Appartenant à l'un des ensembles les mieux préservés du corpus, le Heike nôkyô (1164), une peinture présente des caractéristiques très intéressantes au regard de la problématique des codes visuels. Grâce à une stratégie cryptographique particulièrement complexe, elle propose une mise en image performative du dogme du « Salut des femmes » exposé dans le sūtra. Cet article se propose de revenir sur cette oeuvre qui, bien que très connue, n'a pas encore bénéficié de toute l'attention nécessaire.Originally coming from China, the ritual practice of hand-copying Buddhist sūtra was in great vogue at the Japanese imperial court during the 11th and 12th centuries. Over the course of time, these copies, decorated with the utmost possible care, became increasingly lavish. They were adorned further by paintings placed before the text they were meant to illustrate. Belonging to one of the best preserved examples of the corpus, the Heike nôkyô monumental set (1164), one painting offers very interesting features from the perspective of visual codes. Thanks to a particularly complex cryptographic strategy, it offers the performative pictorialization of “Women's Salvation” dogma explained in the sūtra. This paper focuses on this painting which, famous as it may be, has not yet been thoroughly explored.
- Le temps codé : les calendriers en images (egoyomi) au Japon - Marianne Simon-Oikawa p. 145-173 En 1765, quelques amateurs fortunés se passionnèrent pour de petits calendriers (koyomi) d'un genre nouveau, qui indiquaient à l'aide d'images (e) la longueur et l'alternance des mois de l'année à venir. Les « calendriers en images » (egoyomi) étaient nés. Comme dans un code, les informations calendaires devaient être déduites de l'observation d'éléments cryptés, inaccessibles au plus grand nombre, mais parfaitement connus des amateurs. L'analyse se propose, à partir d'exemples choisis, de dégager quelques-unes des règles utilisées pour crypter les informations à transmettre, et des compétences mobilisées pour les déchiffrer.In 1765, a new type of calendars (koyomi), in which the order of the long and short months of the year were indicated by the means of pictures (e), became extremely popular among well-to-do amateurs. These were called « picture calendars » (egoyomi). Like in a code, the length and order of the months had to be inferred from cryptic indications that could not be grasped by most people, but which were transparent to aficionados. Through the analysis of a few examples, the paper discusses the encoding and deciphering process at work in picture calendars.
- Art bouddhique et cryptographie : le « Salut des femmes » dans le Japon du XIIe siècle - Claire-Akiko Brisset p. 113-143
IV. Regards extérieurs
- Comment ne s'adresser qu'à quelques-uns ? Remarques sur la cryptographie de tradition alphabétique - Béatrice Fraenkel p. 175-185 Cet article se propose d'examiner le concept de cryptographie dans la tradition alphabétique occidentale selon trois paradigmes: celui du chiffre selon les propositions de Leon Battista Alberti (1404-1472), qui implique tout autant la communication que le secret; celui de l'échange épistolaire, selon la théorie élaborée par Georg Simmel (1858- 1918) – le contenu de la lettre étant cette fois préservé par l'habitusmoral de l'ethos lettré; et celui de l'allusion discrète qui, dans un contexte politique dangereux, exige du lecteur une attention particulière et un habitus cognitif susceptible de lui permettre de lire entre les lignes, selon Leo Strauss (1899-1973). Ces trois modalités permettent de garantir à des degrés divers et dans des contextes différents la protection d'un contenu, et servent de cadre à une réflexion plus générale sur le code.This paper focuses on the concept of cryptography within the Western alphabetical tradition, and underscores three paradigms : the cipher, which, according to Leon Battista Alberti (1404-1472), implies communication as much as secrecy; the epistolary genre according to Georg Simmel (1858-1918)'s theory, stating that the content of a letter is protected by the literati's moral habitus ; and, thirdly, the veiled allusion which, in a hostile political environment, requires from its readership the capacity to read between the lines, as shown by Leo Strauss (1899-1973). These three modalities of cryptography are meant to preserve the message from intruders, and may be seen as a framework for a broader reflection on codes.
- Une écriture en images : les armoiries parlantes - Michel Pastoureau p. 187-198 Dès les débuts de l'héraldique au XIIe siècle, les « armoiries parlantes» ont associé un signifiant iconique à un signifié onomastique (le nom de la lignée ou de l'individu) par une relation motivée, plus ou moins évidente à repérer et à interpréter. Cette relation 200 Résumés d'ordre linguistique pouvait être de plusieurs natures : figurations littérales ou monosémiques, jeux de mots, jeux d'homophonie ou rébus, parétymologies, etc. Dans le cadre de ce recueil sur les codes visuels, cet article a pour objectif d'en présenter les principales modalités et d'attirer l'attention sur le problème posé par le repérage et l'interprétation de ce lien philologique, parfaitement intelligible pour les contemporains et parfois indétectable aujourd'hui.Since the very beginning of heraldry in the 12th century, “canting arms” or “punning arms” associated an iconic signifiant (the coat of arms itself or its elements) to an onomastic signifié (the name of a lineage or an individual) thanks to a meaningful relationship, more or less easy to discover and explain. This linguistic relationship can take differents shapes : literal or monosemic representations, puns, homophony or rebus-like games, paretimologies or folk etymologies, etc. Within the framework offered by this book about visual codes, the purpose of this paper is to lay out these relationships, perfectly understandable for contemporaries and sometimes unseeable today, and to address the problem of their interpretation.
- Comment ne s'adresser qu'à quelques-uns ? Remarques sur la cryptographie de tradition alphabétique - Béatrice Fraenkel p. 175-185