Contenu du sommaire : Regards sur le politique en Chine aujourd'hui
Revue | Extrême-Orient, Extrême-Occident |
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Numéro | no 31, 2009 |
Titre du numéro | Regards sur le politique en Chine aujourd'hui |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La Chine des années 2000 : regards nouveaux sur le politique - Sébastien Billioud, Joël Thoraval p. 5
- Culture et démocratie : réflexions à partir de la polémique entre libéraux taiwanais et néo-confucéens contemporains - Sébastien Billioud, Sébastien Billioud p. 33-62 Dans les années 1950, une vive polémique opposa à Taiwan intellectuels libéraux et confucéens. Si les deux camps se rejoignaient dans leur opposition au communisme et leur promotion de la démocratie, ils divergeaient néanmoins dans leurs conceptions de la liberté et des idéaux moraux, de la relation entre l'individu et la communauté ou encore de la tradition. Le débat occidental entre libéralisme et communautarisme permet de remettre en perspective ces différences et de mieux comprendre la position des intellectuels confucéens ainsi que la contribution indirecte de leurs idées à la démocratie taiwanaise.During the 1950s, a fierce polemic erupted in Taiwan between Confucian and liberal intellectuals. Whereas both camps shared a common abhorrence for communism and a desire to promote democracy, they nevertheless shared different views on the relation between Confucian tradition and a democratic political system or on the relation between the individual and the community. The Western debate between liberalism and communitarianism makes it possible to put these differences into perspective and to better understand the stance of Confucian intellectuals as well as the indirect contribution of their ideas to democracy in Taiwan.
- La culture traditionnelle aujourd'hui : un devoir d'inventaire pour penser le politique - p. 63 Après l'avènement de la dynastie des Qin (221-207), le confucianisme a d'abord servi, dans l'histoire chinoise, d'alibi à des politiques dictatoriales d'inspiration légiste ou à la mise en coupe réglée du pays par des intérêts privés. Les véritables idéaux confucéens, par nature anti-légistes, ne purent en réalité s'exprimer qu'à de très rares occasions. Ce fut notamment le cas à la fin de la dynastie des Qing (1644-1912) quand les lettrés qui les incarnaient embrassèrent largement « les études occidentales ». Paradoxalement, et pour un ensemble de raisons complexes, on en vint pourtant à opposer radicalement l'Occident et le confucianisme. En prenant ce dernier pour cible, les grands mouvements politiques ou intellectuels du XXe siècle, tant réformistes que révolutionnaires, ont donc largement manqué ce qui aurait dû être leur cible véritable : un pouvoir centralisé écrasant l'individu. Deux conditions seraient aujourd'hui nécessaires pour qu'un confucianisme authentique puisse offrir des ressources pour sortir du piège dans lequel l'histoire l'a enfermé : il devrait d'une part se rapprocher de l'Occident et de ses valeurs démocratiques ; et, d'autre part, être capable de sortir de sa tour d'ivoire pour proposer au pays des mesures concrètes et applicables.Starting with the Qin (221-207) dynasty and throughout Chinese political history, Confucianism has been used widely to disguise legalism-inspired dictatorships or manoeuvres by private interests to plunder the country. True Confucian ideals (i.e anti-legalist ones) could only be expressed on rare occasions. One example is the end of the Qing dynasty (1644-1912) when their exponents widely embraced “Western teachings.” However, due to complex reasons and a series of misunderstandings, Confucianism ended up being systematically opposed to “the West” and came under fierce attack from most of the great political and intellectual movements of the 20th Century. These movements, be they reformist or revolutionary, in fact largely missed what should have been their true target: a centralized power oppressing the individual. Two conditions would be necessary for an authentic Confucianism to emerge today and escape from the traps it fell into in the past. Firstly, it should get closer to the West and its democratic values; Secondly, it should get out of its ivory tower in order to propose concrete and applicable measures.
- Le confucianisme de la « Voie royale », direction pour le politique en Chine contemporaine - Sébastien Billioud, Sébastien Billioud p. 103-123 À travers ses différentes acceptions, la démocratie est devenue en Chine contemporaine l'horizon indépassable du politique. Pourtant, pour la tradition politique confucéenne dite de la « Voie royale », le peuple n'a jamais constitué qu'une source de légitimité du politique, à égalité avec le Ciel (c'est-à-dire un ordre supérieur et transcendant) et la Terre (c'est-à-dire l'histoire et la culture). L'auteur souligne qu'il importe aujourd'hui de rétablir cet équilibre pour permettre à la Chine de sortir de l'ornière dans laquelle elle est enfoncée depuis plus d'un siècle. Il accompagne sa réflexion sur le politique de propositions institutionnelles à travers lesquelles un nouvel équilibre des types de légitimité pourrait selon lui trouver une traduction concrète.Across its different meanings, democracy has become the unavoidable paradigm of thought on “the political” in contemporary China. However, from the Confucian perspective of the “Kingly Way”, the people never represented more than one source of legitimacy of the political, along with Heaven (i.e., a superior and transcendent order) and Earth (embodying history and culture). The author of the article underlines how important it is today to establish a new balance in order to make it possible for China to set itself free from the situation it has been bogged down in for more than one century. Alongside his discussion on the political, he makes concrete proposals for institutional changes through which a new balance of different types of political legitimacies could emerge.
- Prendre en compte la continuité historique pour penser le politique aujourd'hui - Sébastien Billioud, Sébastien Billioud p. 125-139 Avec la promotion par le pouvoir d'une « société d'harmonie », un nouveau consensus est en train de voir aujourd'hui le jour en Chine. Ce consensus est pour l'auteur le fruit de trois traditions qui se répondent : la première correspond à la politique d'ouverture et de réformes conduite depuis la fin des années 1970 ; la seconde est l'héritage maoïste et ses idéaux de justice sociale ; la troisième est la tradition confucéenne et son idée centrale d'harmonie, qui diffère de la lutte des classes à laquelle le Parti a fait longtemps référence. En prenant véritablement en compte le continuum entre ces différentes expériences historiques, la Chine pourra emprunter sa propre voie, celle d'une République socialiste confucéenne. Pour cela, une réévaluation de l'histoire récente, et notamment des soixante années de la République populaire, est nécessaire. On ne peut en effet plus opposer, comme on le fit longtemps, les trente années du maoïsme aux trente années de l'ouverture.With the promotion by the authorities of a “harmonious society”, a new consensus is taking shape in China. This consensus stems from the fact that three traditions are echoing each other: the first tradition points to the policy of reform and opening carried out since the end of the 1970s; the second encompasses the Maoist heritage and its ideals of social justice; and the third corresponds to Confucianism and its pivotal idea of harmony that contrasts strikingly with the idea of class struggle. It is only by taking into account the continuum among these three traditions that China will be able to proceed ahead on its own path, i.e the construction of a Confucian socialist republic. Therefore, a re-evaluation of recent history – and especially of the PRC's 60 years – is necessary. It is no longer possible to oppose, as has been done for a long time, the Maoist period and the thirty years of opening and reform.
- Leo Strauss et la Chine : une rencontre autour de l'ethos classique - Xiaofeng Liu, Joël Thoraval, Xiaofeng Liu p. 141-154 Pour l'auteur, l'un des introducteurs de Leo Strauss en Chine, l'intérêt que suscite cette pensée dans son pays tient d'abord au fait qu'elle permet de se défaire d'un siècle de quête continue de différents « -ismes » enthousiastes et aveugles, venus de l'Occident. À travers Leo Strauss, c'est donc la perspective d'une rencontre véritable avec l'ethos classique, tant occidental que chinois, qui devient possible. L'enjeu sous-jacent n'est autre que le rejet du relativisme sur le plan des valeurs et la critique radicale d'une modernité héritée de l'esprit des Lumières.For the author who contributed to introducing in China the work of Leo Strauss, the interest the latter has aroused in his country lies in the fact that it has provided some insights about how to bid farewell to one century of continuous blind enthusiasms for all kinds of “-isms” and ideologies drawn from the West. Through the mediation of Leo Strauss it is the perspective of a true encounter with a “classical ethos,” be it Western or Chinese, that becomes possible. What is at stake is nothing else but, on the one hand, the rejection of relativism in the field of values and, on the other hand, a radical critique of a modernity inherited from the Enlightenment.
- « Politique de dépolitisation » et « caractère public » des médias de masse - Hui Wang, Guillaume Dutournier, Hui Wang p. 155-177 Un processus de dépolitisation est aujourd'hui à l'œuvre tant en Chine que dans le reste du monde. Il touche à la fois les rouages de l'État et ces grands acteurs du politique au XXe siècle que sont les partis politiques. États et partis semblent désormais se transformer en organismes neutralisés d'administration dont la tâche revient simplement à gérer des intérêts divergents. Mais cette apparente neutralité masque en réalité un processus de tractation entre le pouvoir politique et les intérêts financiers de groupes d'intérêts. Les médias, tant en Chine que dans les démocraties occidentales, illustrent bien cette logique. Leur caractère prétendument public et transparent ne sert qu'à masquer un processus de reféodalisation qui s'opère au détriment de toute justice sociale.A process of depoliticization has been taking place both in China and in the rest of the world. It involves the state apparatus as well as the political parties, those great actors of the “political” during the 20th century. It is as if the state and political parties had now turned into neutralized organisms of administration and management charged only with the task of balancing sets of conflicting interests. However, such an outside neutrality actually hides a negotiation process between the political power and financial benefits of vested interest groups. The media, both in China and in Western democracies provide good illustration of the mechanism at work: their supposedly public and transparent character serves as a façade hiding a process of refeudalization detrimental to social justice.
- La démocratie et ses limites - Emmanuel Terray p. 179-187 L'auteur souligne combien, en dépit de la différence des contextes, les contributeurs chinois de ce numéro soulèvent, quant aux fondements et aux limites de la démocratie, des interrogations fort comparables à celles qui s'énoncent en Occident. Il entreprend de passer en revue quelques-unes d'entre elles : la question de la ou des libertés (liberté négative et positive, individualisme et communauté), le problème d'une exclusivité donnée à la légitimation par la souveraineté populaire (rôle de l'arrière-fond historique et éthico-religieux) et le débat sur les formes concrètes de participation politique, au delà du système représentatif. Il souligne aussi, dans un dialogue avec Qin Hui, la pertinence d'une prise en compte simultanée de la « grande » et de la « petite communauté » dans une vie politique démocratique.The author emphasizes that in spite of the totally different contexts, Chinese contributors to this issue raise a number of questions related to the foundations and the limits of democracy that echo debates in the West. He discusses a few of the issues: liberty (positive and negative, their link to individualism and community); the problem of popular sovereignty as the exclusive source of political legitimacy (role of history and of ethico-religious background) and the debate on the concrete forms of political participation, beyond a representative system. In a brief discussion with Qin Hui, he also stresses the relevance of taking into account both the «big» and the «small community» in a democratic political context.