Contenu du sommaire : La question anthropologique

Revue L'Homme et la société Mir@bel
Numéro no 181, 3e trimestre 2011
Titre du numéro La question anthropologique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial. Du contexte, de la situation et de la domination - Michel Kail p. 5-9 accès libre
  • La question anthropologique

    • Réflexions autour du paradoxe de l'acte de connaissance en anthropologie - Michel Kail, Richard Sobel p. 11-16 accès libre
    • Lorsque tous dérivent ensemble, personne n'a conscience de dériver - François Flahault p. 17-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La conception de l'être humain sur laquelle se fondent les sciences économiques nous vient des Lumières. Aujourd'hui, elle se révèle obsolète. Cet article commence par examiner les sources de cette anthropologie, notamment la controverse entre augustinisme et humanisme.Ensuite, trois postulats sont contestés : 1) Au lieu que l'individu existe de lui-même par nature, la question d'exister se pose à lui, et il ne peut la résoudre par lui-même. 2) Au lieu de faire des choix rationnels indépendamment des autres, sa manière d'exister et de penser est liée à celles des autres. 3) Au lieu de se limiter naturellement par lui-même et d'être ainsi à même de vivre en bonne entente avec les autres, l'être humain est animé d'un désir d'exister sans limites.Enfin, l'article propose quelques remarques sur l'argent et sur le fait que lorsque tout le monde dérive ensemble, personne n'a conscience de dériver.
      The Enlightenment has provided the conception of human being on which economic sciences are grounded. Two centuries and a half later, it appears that this anthropology is obsolete. This paper begins by examining the sources of this anthropology, in particular the controversy between augustinism and humanism. Then, it challenges three postulates : first, instead of having a naturally given certainty of existing, human being is deeply concerned by the question of existing and cannot solve it by himself alone. Second, instead of making rational choices independently of others, his way of being and thinking depend of those of others. Third, instead of being able to limiting himself naturally and, therefore able to live in harmony whith others, human being is animated by a boudless desire of existing.Finally, the paper presents some remarks on money and on the fact that, when people drift together, none of them is conscious of going adrift.
    • Le territoire de l'Homme. La socio-anthropologie face aux biologies - Salvador Juan p. 33-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On a récemment commémoré le deux centième anniversaire de la naissance de Darwin. Au moment où le naturalisme reprend de la vigueur dans les sciences sociales, il n'est peut-être pas inutile d'examiner les tumultueuses relations de la biologie et de la socio-anthropologie sous l'angle des territoires et des frontières disciplinaires respectives. Cet article s'attache d'abord à montrer comment la sociobiologie redevient à la mode. Dans un second temps, il rappelle les premières réticences face à la confusion animalité-humanité tout en montrant ses manifestations académiques contemporaines. On tente, enfin, de tracer les limites et de cerner l'originalité — ou le “ noyau dur ” — des sciences socio-humaines à partir d'une définition de l'accès au symbolique et des sédimentations historico-institutionnelles.
      The territory of Man. Socio-anthropology against biologies
      One recently commemorated the two hundredth birthday of the birth of Darwin. In the moment where the naturalism takes again strength in social sciences, it is perhaps not useless to examine the tumultuous relations of biology and socio-anthropology under the angle of the fields and the respective disciplinary borders. This article initially sticks to show how the sociobiology come back in vogue. In the second time, it recalls the first reserves in front of the confusion animality-humanity while showing his contemporary academic demonstrations. One tries, finally, to trace the limits and to determine the originality — or the “ hard core ” — of socio-human sciences from a definition of the access to the symbolic system and historico- institutional sedimentations.
    • Y a-t-il une économie sartrienne ? - Michel Kail, Richard Sobel p. 49-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En dépit de l'absence d'un exposé économique systématique dans l'œuvre de Sartre, nous soutenons qu'il y a bien une économie sartrienne, même si celle-ci est encore à développer. Le statut que Sartre réserve à la « rareté » lui permet de faire un pas supplémentaire vers la critique de l'économisme par rapport à celui déjà effectué par Karl Polanyi, qui s'est contenté de récuser la confusion entretenue entre l'économique et sa définition formelle. La rareté, nous enseigne Sartre, ne saurait en effet être soumise au traitement de la raison instrumentale, mais considérée, ajoute-t-il, comme un fait humain dans l'histoire. Aussi, l'analyse économique ne doit-elle pas s'appuyer sur la notion de « nature » et la thématique de l'homme confronté à la nature, en l'occurrence « ingrate », mais articulée sur la notion de « monde » telle que la philosophie sartrienne l'élabore.
      Despite the absence of a systematic analysis of economics in Sartre's work, we argue that there can indeed be said to be a Sartrean economics, even if it is one that still awaits development. The status which Sartre accords to the concept of Scarcity allows him to advance the critique of economism begun by Karl Polanyi, who, for his part, had been satisfied simply to challenge the reduction of economics to its formal definition. Scarcity, Sartre teaches us, should not be submitted to the process of instrumental reason, but considered as a fact of human history. Economic analysis, meanwhile, should not be based solely on the theme of man's confrontation with a typically ungrateful Nature, but articulated through the concept of World as elaborated in Sartrean philosophy.
    • « Un collectif plus ou moins bien articulé » : Sur quelques pages de la Critique de la raison dialectique et quelques silences de Bruno Latour - Jean Bourgault p. 75-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans Politiques de la nature, Bruno Latour critique l'écologie politique : elle s'en remet à des experts afin de clore les débats qu'elle ouvre, et tombe en fait dans des « embarras de paroles » qui révèlent que les oppositions sur lesquelles elle se fonde sont toujours déjà dépassées ; l'homme n'a cessé de faire proliférer autour de lui des objets hybrides, où s'entrelacent nature et culture. Il faut donc mettre en forme les procédures parlementaires par lesquelles on doit, si l'on pense comme collectifs les rassemblements humain/non-humain que le monde techniquement aménagé multiplie, donner la parole à tous les membres de la « collecte ». Cette proposition est à la fois proche et éloignée de la pensée sartrienne ; proche en ce que Sartre construit lui aussi une théorie des « collectifs » contre les pensées abstraites, proche en ce qu'elle rejoint, sans le dire, des positions que Lévi-Strauss critiquait chez Sartre — mais éloignée en ce que Sartre propose, lui, d'aborder en matérialiste la réalité du monde, qu'il nomme « pratico-inerte », et se méfierait sans doute de la figure « parlementaire » que Latour promeut.
      A more or less well organized collective
      In his book, Politics of Nature, Bruno Latour criticizes the political ecology because it has a recourse to experts in order to close the debates it contributes to open. The political ecology is prisoner of obsolete oppositions ; the human production has always been composed of hybrid objects that mix Nature and Culture. This article compares the sartrean position and the Latour'one about the theory of the « collectives » in a technical world.
    • L'histoire de la Révolution française peut-elle être dialectique ? Sartre, Lévi-Strauss, Benjamin - Sophie Wahnich p. 99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sartre, en travaillant conjointement sur la Révolution française et sur la Critique de la raison dialectique, cherche à dépasser ce qu'il appelle la vulgate marxiste en réinvestissant les faits précis du moment révolutionnaire. Il tente alors, dans la minutie de l'analyse, de produire une dialectique des situations qui est aussi une dialectique du passé et du présent, une dialectique de la liberté du sujet et des contraintes qui pèsent sur ses actes. C'est dans cette dialectique qu'il affirme que l'histoire est toujours à la fois l'histoire d'une situation et l'Histoire de l'humanité dans son ensemble, que chaque événement porte cette Histoire de l'humanité. Cet article s'arrête sur les quiproquos qui ont nourri le débat entre Sartre et Lévi-Strauss, montre comment ce débat a permis à François Furet d'affirmer que l'histoire de la Révolution est un objet froid, retraçant ainsi un certain usage non dit du débat intellectuel des années 1960 pour préparer celui des années 1980, renouant avec le temps capitaliste homogène et vide.
      « The French Revolution's history could be dialectical ? Sartre, Lévi-Strauss, Benjamin »Writing at the same time about the French Revolution, and his book, Critic of the Dialectical Reason, Sartre tries to overcomme the marxist vulgate and to produce a dialectic of situations, and so a dialectic of past and present, of freedom and necessity. This article gives a commentary on the misunderstandings between Sartre and Claude Lévi-Strauss and explains how François Furet took advantage of this debate to assert that the history of the French Revolution is a « cold subject ».
    • Femmes savantes sur le marché du travail cantonais - Monique Selim p. 121-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine les représentations que des jeunes femmes chinoises éduquées — en master et en doctorat — se font du marché du travail et de leur position dans les champs du travail. L'article repose sur une enquête anthropologique et l'auteure montre les effets d'injonctions paradoxales sur les jeunes femmes qui — hantées par la peur de ne pas réussir à se marier — contribuent activement à leur infériorisation dans tous les champs sociaux, professionnels et privés. L'image de la « femme restante » — actrice idéologique négative qui conduit les sujets à se conformer à la norme — est analysée dans son contexte de production : la Chine actuelle toujours dirigée par un État-Parti communiste ayant initié une croissance capitaliste remarquable. La force de la domination masculine dans ce paysage surprend le lecteur mais s'explique aussi par une hégémonie politique qui rend difficile, d'une manière générale, tout écart aux normes.
      Learned women and the cantonese employment market
      The subject of this article is the young educated chinese women's representations of the employment market and of their position in it. This article is based on an anthropological inquiry that discloses the fear of this young learned chinese women as the result of paradoxical injunctions. Their future is a contradictory one : they want to get married but this anxious wish makes them feel inferior for searching a job.
    • Pour en finir avec « l'intellectualisme » : la question de la rupture avec l'épistémocentrisme herméneutique dans l'?uvre de Pierre Bourdieu - Jean Zaganiaris p. 145-164 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De quelle manière peut-on s'interroger sur cette croyance académique visant à réduire le texte à ses significations intrinsèques et de quelle façon cette tentative de déconstruire ce type de mythologisation s'est elle-même transformée en une croyance tout aussi établie, selon laquelle les textes doivent être abordés à partir de leurs usages sociaux et non pas à partir d'une approche herméneutique ? À partir d'une lecture de la pensée de Pierre Bourdieu mais aussi des usages sociaux dont il a fait l'objet, il s'agit de comprendre ce que parler de « rupture avec l'anthropocentrisme herméneutique de la lecture » veut dire.
      To be done with “ intellectualism ” : the question of the rupture with the hermeneutic epistemocentrism in the Pierre Bourdieu's worksHow to understand the critic of the academic belief that texts could be reduced to intrinsic meanings has been turned into an academic belief that the texts must be interpreted according to their social uses. We would like to understand what does the rupture with the hermeneutic epistemocentrism mean ?
    • Fidélité de Günther Anders à l'anthropologie philosophique : de l'anthropologie négative de la fin des années 1920 à L'obsolescence de l'homme - Christophe David p. 165-180 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1920, Günther Anders (1902-1992), ancien étudiant de Husserl et de Heidegger, adhère au projet d'une anthropologie philosophique (Scheler et Plessner) en lui donnant une dimension plus métaphysique que descriptive. Il pousse cette approche à la limite, de diverses façons, mais lui reste néanmoins fidèle jusqu'au cœur des deux tomes de son opus magnum L'obsolescence de l'homme (1956 et 1980), et ce pour des raisons pratiques : à une époque où l'on proclame théoriquement la mort de l'homme et où l'humanité s'est dotée d'un arsenal nucléaire capable de l'anéantir réellement, on ne peut que rester fidèle à l'anthropologie.
      At the end of the 1920's, Günther Anders (1902-1992), who studied under Husserl and Heidegger, adheres to the project of a philosophical anthropology (Scheler and Plessner), even if he gives it a more metaphysical than descriptive dimension. He pushes this approach to its limits, in various ways, but remains nevertheless faithful to anthropology to the heart of the two volumes of his main work The Antiquatedness of Man (1956 and 1980), and this for practical reasons : in an era when man's death is theoretically proclaimed and when men are equipped with a nuclear arsenal capable to really destroy themselves, one can only remain faithful to anthropology.
    • Anthropologie, anthropologie politique, anthropologie philosophique : un dialogue - Anne Gléonec, Étienne Tassin p. 181-213 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Composé tel un dialogue diderotien, cet article tente une situation de la pensée politique, demandant, d'une part, si une pensée de la politique doit nécessairement procéder d'une anthropologie et si, d'autre part, celle-ci doit être conçue comme une anthropologie philosophique ou une anthropologie politique. Question double qui fait d'emblée se rejoindre deux héritages ici centraux : celui d'Hannah Arendt et celui de Pierre Clastres. Et c'est justement en lecture critique de l'occidentalisme des catégories de la première, puis des limites de la conception de l'histoire du second — encore en dépendance de la triade si partagée du préhistorique, de l'anhistorique et de l'historique stricto sensu —, que nous tentons de montrer ici que l'anthropologie politique générale qu'appelait de ses vœux Clastres requiert encore elle-même son fondement dans une anthropologie philosophique, dont le propre ne serait pas la négation des avancées de l'anthropologie scientifique, mais leur reprise depuis une pensée en quête des dimensions ontologiques de l'existence humaine.
      Composed as a diderotien dialogue, this article task is to situate the political thought by asking, on the one hand, if a thought of the politics inevitably has to proceed from an anthropology and if, on the other hand, it must be conceived as a philosophical anthropology or a political anthropology. Straightaway, this double question situates our investigation within the legacies of Hannah Arendt and Pierre Clastres. And it is exactly in critically reading of the Occidentalism of Arendt's categories and of Clastres's limited conception of History — which still depends on the classical triad of Pre-historicity, A-historicity and Historicity — that we attempt to show that even the « general political anthropology » that Clastres envisioned must be founded on a philosophical anthropology. Such a « philosophical » anthropology would not serve to negate scientific anthropology and its discoveries, but rather would renew in them a thought that searches for the ontological dimensions of human existence.
  • Hors dossier

    • Aline et la vraie vie. Critique du modèle conceptuel de la classe ouvrière de Maurice Halbwachs - Laurent Aucher p. 215-232 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte s'inscrit dans le prolongement de l'article de Michel Verret, « Halbwachs ou le deuxième âge du durkheimisme » (1972), dans lequel l'auteur formule un certain nombre de critiques à l'encontre de la théorie des classes sociales du sociologue français Maurice Halbwachs. Pourtant, il s'en différencie en ce qu'il porte spécifiquement sur l'examen du modèle conceptuel de la classe ouvrière élaboré par Halbwachs, et que la critique de ce modèle s'appuie ici sur un exemple concret, le récit d'Aline, une ouvrière vierzonnaise d'une cinquantaine d'années interviewée à plusieurs reprises dans le cadre de ma thèse de doctorat. Le texte s'articule autour de deux parties : la première présente de manière synthétique le modèle étudié, la seconde confronte ce modèle au matériau empirique.
      Aline and real life. Criticism of the conceptual model of the working class, described by Maurice Halbwachs. The text follows Michel Verret's article, « Halbwachs or the second age of durkheimism » (1972), in which he expresses many critics towards the theory of social classes as developed by the French sociologist Maurice Halbwachs. Nevertheless the main differences lie on the way it focuses especially on the examination of the conceptual model of the working class, as developed by Halbwachs, but also on the criticism of this model based on a concrete example : the story of Aline, 50, a worker from Vierzon, I interviewed several times within the framework of my doctorate research. The text divides into two parts : the first shortly introduces the studied model and the second criticizes its operability by using the empirical material.
  • Notes critiques

  • Comptes rendus