Contenu du sommaire : Loi Chevènement : Beaucoup de bruit pour rien
Revue | Plein droit |
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Numéro | no 47-48, janvier 2001 |
Titre du numéro | Loi Chevènement : Beaucoup de bruit pour rien |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Édito
- Décrue - p. 1-2
Loi Chevènement : Beaucoup de bruit pour rien
- Ouverture à la tête du client - Jean-Pierre Alaux p. 3-7 Fini le dogmatisme de la fermeture des frontières. Avec le gouvernement Jospin et sa « loi Chevènement », on serait passé à l'ère d'une maîtrise plus cool des flux migratoires. Du coup, la question de la présence des étrangers en France ne serait plus vécue comme un problème. Bref, tout baignerait depuis 1998. A y regarder d'un peu plus près, la réforme Chevènement s'apparente à un retour aux vieilles valeurs libérales pour lesquelles l'immigré est d'abord un instrument économique d'appoint. Une simple adaptation aux besoins de main-d'œuvre déclenchés par la reprise.
- Les subtilités du Conseil d'État - Danièle Lochak p. 8 Disposition libérale au départ, l'article 12 bis 7? qui a intégré, dans la législation sur les étrangers, le droit au respect de leur vie privée et familiale, a été sérieusement verrouillé par le ministre de l'intérieur dans sa circulaire d'application. Et le Conseil d'État, sur recours du Gisti, n'a pas trouvé grand chose à redire au fait que l'administration conserve intact son pouvoir discrétionnaire.
- Une vie familiale « subsidiaire » ? - Olinda Pinto, Haoua Lamine p. 12-14 Protéger la vie privée et familiale des étrangers ayant des liens « incontestables » en France, c'est-à-dire appliquer l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel était l'objectif déclaré du nouvel article 12 bis de l'ordonnance de 1945 et, plus spécialement, de son 7? alinéa. Mais de cette disposition prometteuse, les préfectures font une application on ne peut plus restrictive et continuent, comme par le passé, à refuser de prendre en compte la vie privée et familiale des étrangers. Du texte « généreux mais ferme » annoncé dans l'exposé des motifs du projet de loi Chevènement, l'administration ne semble avoir retenu que la fermeté.
- Papiers d'intérêt général - Antoine Bussy p. 15-17 Situations de non droit, complexité et flou entretenus du droit, dysfonctionnements de l'administration... Ceux des élus des quartiers populaires, qui voient dans l'admission au séjour ou la consolidation du statut juridique de chaque habitant une exigence de l'intérêt général, sont de plus en plus conduits à multiplier les interventions sur des dossiers individuels. Le clivage politique partage clairement ceux qui reconnaissent l'ensemble de leurs habitants et ceux qui peuvent se satisfaire d'un développement séparé et aspirent à « choisir » leur population.
- Les étrangers ont-ils une vie privée ? - Nicolas Ferran p. 18-21 Par un arrêt Préfet des Alpes Maritimes c/Maroussitch, en date du 28 avril 2000, le Conseil d'Etat vient de répondre que les étrangers ont droit au respect de leur vie privée en considérant que la reconduite à la frontière d'un ressortissant ukrainien, vivant en concubinage avec un Français depuis plusieurs années et justifiant par ailleurs d'une forte intégration en France, avait porté à ce dernier une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée.
- L'illusion d'une régularisation - Violaine Lacroix p. 22-25 La loi du 11 mai 1998 a instauré une procédure de régularisation permanente au profit des étrangers ayant séjourné de façon continue plus de dix ans en France, plus de quinze ans pour les étudiants. Or, ce dispositif ne fonctionne pas, les préfectures exigeant des preuves que des étrangers en situation irrégulière ne peuvent pas produire. Les sans-papiers restent donc sans papiers. Se trouve ainsi confirmée l'aberration de la législation en droit des étrangers.
- Le statut paradoxal des malades étrangers - Arnaud Veisse, Didier Maille p. 26-28 Parmi les innovations de la loi Chevènement, le droit au séjour pour raison médicale a été présenté par le gouvernement comme l'expression même de la cohérence de sa politique d'immigration : protégés de l'éloignement depuis 1997, les malades étrangers devaient pouvoir enfin disposer d'un titre de séjour de plein droit. Pourtant, dès les premiers temps d'application, le dispositif a dévoilé au grand jour l'une des tendances lourdes de la politique d'immigration : le grand écart entre droit formel et réalité pratique. Analyse d'un plein droit virtuel.
- La chaîne médicale : un intermédiaire de trop - p. 29
- La commission alibi - Marie Hénocq p. 30-32 Le rétablissement, par la loi Chevènement, de la commission du titre de séjour aurait pu constituer une garantie face à l'arbitraire de l'administration dans l'attribution ou le renouvellement des titres de séjour. La composition, le rôle purement consultatif, mais surtout la liberté qui est laissée aux préfets de convoquer ou non cette commission, font douter sérieusement de sa raison d'être.
- Une France qui se protège des persécutés - Jean-Pierre Alaux p. 33-34 « Un droit d'asile amené à devenir exemplaire dans toute l'Europe ». C'est ainsi que le ministère de l'intérieur présentait, en juin 1998, le nouveau dispositif sur l'asile mis en place par la loi Chevènement. Si l'exemple que veut donner la France est celui d'une protection optimum contre les demandeurs d'asile, alors notre système est vraiment un modèle.
- Asile territorial : un parcours lyonnais - Marion Gachet p. 35
- Tapis rouge pour les élites - Serge Slama p. 36-39 La création d'une carte de séjour temporaire « scientifique » délivrée aux chercheurs et enseignants étrangers du supérieur a été présentée par les pouvoirs publics comme une innovation majeure de la loi du 11 mai 1998. Pour ses promoteurs, cette carte devrait freiner le mouvement de fuite des élites scientifiques et universitaires de haut niveau vers les laboratoires et universités anglo-saxones. Pourtant, sa mise en place ne s'est pas traduite par l'abandon de toute suspicion à l'égard de cette population.
- Chercheurs étrangers : pas si privilégiés - Hélène Bretin p. 40-43 Les mesures concernant les scientifiques dans la loi de 1998 se caractérisent par une procédure allégée qui devrait faciliter leur mobilité et notamment leur éviter la procédure de demande d'autorisation de travail pour séjourner légalement en France. Qu'en est-il dans les faits ? A défaut de pouvoir dresser un tableau exhaustif de la situation, nous présentons ici une synthèse établie autour de quelques points, sur la base des informations recueillies auprès d'organismes habilités à recevoir des enseignants et/ou chercheurs étrangers1, et de la fondation Alfred Kastler.
- L'entrée des artistes - Nathalie Ferré p. 44-46 Mieux accueillir les artistes étrangers pour renforcer les échanges culturels de la France, tel était l'objectif de cette nouvelle carte « profession artistique et culturelle ». Les conditions posées par les textes témoignent cependant soit d'une méconnaissance de la réalité, soit d'une volonté de limiter les entrées. Elles ne concernent au bout du compte qu'un très petit nombre d'artistes.
- Une carte boudée par les retraités - Véronique Baudet p. 47-48 La loi du 11 mai 1998 a créé un nouveau titre de séjour, la carte portant la mention « retraité », avec pour objectif de faciliter la libre circulation des retraités étrangers entre leur pays et la France. Un peu plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, le bilan apparaît bien maigre. Les inconvénients l'emportant largement sur les avantages, la carte retraité n'a pas de succès.
- Les résistances au principe d'égalité - Olinda Pinto p. 49-51 Les prestations non contributives sont aujourd'hui attribuées aux étrangers sans que puisse leur être opposée la condition de nationalité. Au terme d'une longue bataille judiciaire, c'est la reconnaissance du principe de l'égalité de traitement qui a progressé. Dans la pratique, la mise en œuvre de ce principe se heurte néanmoins à quelques obstacles liés notamment à l'appréciation restrictive, par l'administration, des conditions de résidence et de ressources.
- Défaite ou victoire ? - Danièle Lochak p. 52-54 Par un arrêt du 30 juin 2000, le Conseil d'État a statué sur le recours du Gisti qui lui avait déféré la circulaire du 12 mai 1998 relative à l'application de la « loi Chevènement ». Certaines dispositions ont été annulées, d'autres non, d'autres enfin réinterprétées dans un sens que l'administration ignorera très certainement. Celle-ci continuera donc à appliquer la circulaire à la lettre sans se soucier de la lecture qu'en a faite le Conseil d'État. Ce qui pose à nouveau la question des effets réels des victoires remportées au contentieux.
- Ouverture à la tête du client - Jean-Pierre Alaux p. 3-7
Jurisprudence [Cahier central]
Actualité générale
- Des milliers de fantômes en camp - p. 55-58 Qui n'a jamais touché du doigt l'échec de la politique européenne de la fermeture des frontières pourrait utilement aller faire un tour du côté de Sangatte dans le Pas-de-Calais. Là, des milliers d'étrangers – juridiquement absents mais bel et bien présents – sont hébergés dans un gigantesque camp financé par le ministère de l'emploi et de la solidarité, et géré par la Croix-Rouge. On ne propose rien à ces exilés qui pourraient être des réfugiés. L'administration les laisse passer clandestinement en Angleterre tout en compliquant leur traversée de la Manche, juste pour avoir l'air de ne pas trop trahir le voisin européen.
- Les travailleurs sans titre et la justice - Emmanuel Terray p. 59-60 S'il faut en croire les pouvoirs publics, la législation réprimant le travail dissimulé, et en particulier son dernier avatar, la loi du 11 mars 1997, viserait exclusivement les employeurs directs ou indirects, et ne frapperait d'aucune manière les travailleurs impliqués dans les délits incriminés. Les pratiques judiciaires contrarient une telle évidence, pourtant confortée par la lecture des infractions considérées.
- Eau et plomb à tous les étages - Cécile Veyrinaud p. 61-63 Dénoncé par plusieurs associations depuis plus de dix ans, le problème du saturnisme a pris, au cours de l'été 2000, une tournure dramatique. Dans un immeuble de la Ville de Paris, des travaux d'éradication du plomb ont été entrepris en présence des occupants, tous africains, provoquant une aggravation importante de l'intoxication des enfants. L'association des familles victimes du saturnisme dénonce l'incurie des pouvoirs publics.
- Des milliers de fantômes en camp - p. 55-58