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Revue | Politiques et management public |
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Numéro | vol 12, no 2, juin 1994 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'évaluation des établissements d'enseignement supérieur : expérience et résultats - François Luchaire p. 1-9 Le Comité National d'Evaluation des Universités est une autorité administrative indépendante ; elle ne reçoit donc d'instruction de personne. Ses membres sont nommés par le Président de la République sur présentation de grands corps de l'Etat ; ses rapports adressés au Président de la République sont publiés ; les Universités ont toutes réclamé leur évaluation qui leur permet de mieux se connaître elles-mêmes. Les principaux problèmes rencontrés par le Comité ont été ceux de "l'orientation sélective". Le Comité a constaté l'existence de rapports étroits entre les Universités et les entreprises ; cela se traduit par une multiplication des filières dites professionnelles qui, cependant, respectent parfaitement l'équilibre nécessaire entre la culture générale et l'apprentissage du métier. Le Comité a recommandé un partenariat entre l'Université, l'Etat et les collectivités territoriales sans, pour autant, que soit remise aux régions la pleine compétence pour tout ce qui concerne l'enseignement supérieur ; il a constaté l'insuffisance des moyens en locaux, en personnels enseignants et surtout en personnels non enseignants. Enfin, il a observé l'extrême variété des solutions choisies par les Universités pour ce qui concerne leur gestion et leurs rapports avec les unités composantes.
- Peut-on manager la recherche et l'innovation ? - Michel Crozier p. 11-16 Manager recherche et innovation apparaît impossible dans les termes habituels du management quantitatif et du contrôle de gestion. Et pourtant, il est indispensable de bien manager des investissements désormais considérables et dont la réussite est décisive pour le succès des entreprises. Il faut comprendre qu'avec la contribution la plus immatérielle de l'esprit humain ce sont les hommes et leurs relations qui sont en question et non plus les choses. C'est par une meilleure compréhension qualitative des phénomènes humains, de la gestion des interfaces, du développement des personnes plus que de la gestion des carrières que l'on peut créer les conditions du succès de l'invention et de la diffusion des innovations.
- De l'administration du savoir - Jeanne Hersch p. 17-24 L'administration du savoir est à la fois indispensable à la recherche et contraire, par nature, paradoxalement, à certains de ses besoins essentiels. Elle tend, par souci de justice et de simplicité, à considérer le champ de la recherche comme plus homogène qu'il ne l'est, à le simplifier et le rigidifier, et à sous-estimer le risque, le tâtonnement, la mobilité des hypothèses.
- Savoirs et formulation des politiques : un modèle de prévision - François Lacasse p. 25-51 Le modèle transpose celui d'une firme produisant des services différenciés sur plusieurs marchés aux activités de mobilisation et d'utilisation des savoirs pertinents à l'élaboration et à l'évaluation des politiques au sein de l'administration publique. La référence est l'analyse économique des effets prévisibles de différents instruments d'intervention gouvernementale. On constate que les savoirs effectivement utilisés à cette fin seront systématiquement biaises et tronqués, de façon prévisible, par les impératifs de bonne gestion des ministères, par les intérêts des demandeurs d'action gouvernementale et des services opérationnels qui les servent.
- Territorialisation des savoirs, savoirs territorialisés ? - Josée Jeanneret p. 53-74 Dans le cadre des évolutions récentes nées de la décentralisation en France, on peut faire le constat d'un paradoxe apparent : alors que le système politico-administratif est décentralisé, les modes d'organisation, d'élaboration et de production des savoirs restent encore très largement dominés par une logique de centralisation. On peut faire cependant l'hypothèse que la décentralisation fait naître de nouvelles demandes et de nouveaux modes de construction des savoirs qui passent par une construction politique et intellectuelle et que celle-ci est fonction des enjeux historiques propres à la période. Posées en termes de politiques publiques, ces réflexions conduisent à explorer les rapports qu'entretiennent l'Etat et la communauté scientifique avec le territoire local, entendu ici comme un territoire institutionnel, politique, social et culturel. Comment s'opèrent les médiatbns, comment s'élabore le système d'acteurs afin de permettre la prise en compte de préoccupations nouvelles ? A partir de l'évaluation d'expériences régionales menées sur le territoire français dans le champ de l'urbain, ce texte montre comment, dans ce domaine, deux systèmes de médiations coexistent aujourd'hui, l'un mis en place au niveau national selon les logiques propres à l'Etat centralisé et dans lequel les tentatives de territorialisation demeurent relativement inopérantes, l'autre permettant de repérer les conditions d'émergence de savoirs territorialisés.
- Savoir et politique : mutations de valeurs dans le cadre de la coopération scientifique et technique européenne - Christine Mironesco p. 75-97 Sur le plan des changements de valeurs, la coopération scientifique et technique européenne présente un intérêt certain. Ses programmes constituent des appels politiques adressés aux centres de recherche et aux industries, séparément et/ou en collaboration. Ces appels sont manifestement entendus, si l'on en juge par le nombre de projets entrepris. Les participants ont donc mis en veilleuse les principes traditionnels de liberté académique et de liberté d'entreprise ; ou alors, ils ont ré-interprété ces principes de manière notoire. L'objet de cette étude est de mettre en évidence l'amorce d'un tel changement. Il s'agit d'une analyse exploratoire, basée sur une vingtaine d'entretiens non-direct'ifs, réalisés en Suisse et a Bruxelles, d'octobre 1989 à septembre 1990. Les personnes interrogées sont des participants aux programmes EURATOM, COST, ESPRIT, EUREKA. Elles ont été invitées à s'exprimer librement sur les processus de décision qui se trouvent à l'origine des projets d'une part, et d'autre part sur la collaboration avec d'autres acteurs scientifiques ou économiques que suscitent les programmes européens.
- Les institutions face aux stratégies des laboratoires de recherche - Philippe Mustar, Philippe Larédo p. 99-114 L'exercice des choix stratégiques des organismes de recherche s'est longtemps focalisé sur le recrutement et la carrière des chercheurs. Les transformations qu'a connues notre système de recherche depuis une quinzaine d'années amènent pourtant de plus en plus les responsables à se poser la question du suivi des laboratoires et des réseaux dans lesquels ils s'insèrent. Mais comment suivre la stratégie de ces laboratoires ? C'est à cette question que ce texte apporte des éléments de réponse en présentant la méthodologie et les indicateurs choisis pour étudier et caractériser plus de cent laboratoires (représentant plus de 4 000 chercheurs) d'un grand organisme de recherche. Cette enquête a permis de dégager trois profils stratégiques de laboratoire qui mettent à mal les classifications auxquelles nous étions habitués.
- La création d'entreprise par les chercheurs : une donnée sociologique nouvelle en France - Henri Dou, Elio Flesia p. 115-133 En France, on avait tendance à présenter le chercheur-fonctionnaire comme quelqu'un ne s'intéressant pas assez aux applications de ses recherches. Or, des comportements nouveaux apparaissent depuis quelques années. Un nombre accru de chercheurs n'hésitent pas à prendre une part active au montage (et parfois au capital) d'une entreprise. Les études dans ce domaine sont extrêmement rares. Pour notre part, nous avons observé pendant plus de 10 ans l'évolution de la situation dans une région française (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Nos observations portent surplus de 70 entreprises (incluant 16 entreprises ayant disparu) créées par des chercheurs. Elles ne prétendent pas avoir une quelconque valeur statistique mais sont indicatives de tendances qui, selon nous, sont sociologiquement significatives. De plus, bon nombre de ces entreprises créées par des chercheurs ont été à l'origine de la naissance en cascade d'autres entreprises par effet d'essaimage ou d'induction. Il nous semble - crise économique oblige - que les pouvoirs publics pourraient consacrer à ce phénomène un peu plus d'attention.
- La structuration du pouvoir dans les organisations universitaires - Vincent Lemieux p. 135-149 L'exercice du pouvoir dans les universités a fait l'objet d'études et de recherches qui sont arrivées à des conclusions diverses. Dans certaines utopies l'université demeure le lieu d'un pouvoir collégial. Dans d'autres écrits l'université apparaît comme un milieu politique, avec les stratégies, coalitions et négociations que cela suppose. D'autres auteurs proposent de voir les universités comme des bureaucraties professionnelles, tandis que dans certains écrits les universités sont vues comme des anarchies organisées. Ces quatre modes de structuration du pouvoir correspondent à ceux que nous avons distingués dans un ouvrage théorique récent (La structuration du pouvoir dans les systèmes politiques). Ce sont l'anarchie, où il n'y a qu'un ordre partiel entre les acteurs dont aucun n'est prédominant ; la hiérarchie, où il y a un ordre partiel, avec un acteur prédominant ; la stratarchie (ou structuration "politique") où il y a un ordre total, avec un ou des acteurs prédominants ; et la coarchie (ou collégialité) où il y a un ordre total, sans acteur prédominant. L'examen des processus de gouverne prenant place dans une organisation universitaire montre que chacun de ces quatre modes de structuration du pouvoir peut se réaliser. La formation d'un mode de structuration plutôt que d'un autre semble liée fonctionnellement aux types de couplage entre l'université et son environnement externe, ainsi qu'aux types de couplage entre les composantes internes de l'université. La communication est fondée sur les travaux qui ont traité de la structuration du pouvoir dans les universités, ainsi que sur une recherche empirique, faite il y a quelques années, sur un certain nombre de processus de gouverne qui se sont déroulés dans une organisation universitaire du Québec.
- L'Etat et la profession universitaire en France et en Allemagne - Christine Musselin p. 151-173 Cet article repose sur une analyse des relations entre la profession universitaire et l'administration de tutelle en France et en Allemagne et de l'autonomie respective des disciplines et des gestionnaires de l'enseignement supérieur. En France, les relations sont fortes et fréquentes entre la tutelle parisienne et certains représentants de la profession universitaire qui influencent les décisions prises à travers de multiples mécanismes (consultations, expertises, groupes de réflexion,...) Dans les trois ministères de Land étudiés en Allemagne, en revanche, les relations avec la profession académique sont rares. Les ajustements entre les disciplines obéissent à des mécanismes plus locaux (sans régulation fédérale) qui contribuent à modifier leur poids relatif au sein de chaque Land. Cette comparaison nous permettra de conclure sur la nature des relations entre la profession universitaire et l'Etat dans les deux pays.
- Représentations de l'efficacité chez des cadres supérieurs d'une institution universitaire - Luc Brunet, André Savoie p. 175-186 Effectuée auprès des cadres supérieurs d'une multi-université, cette recherche met en évidence leurs représentations de l'efficacité de l'institution universitaire et, de façon plus spécifique, leurs critères pour juger de cette efficacité. De plus, l'étude identifie les approches causales qu'ils privilégient pour corriger les écarts d'efficacité jugés inacceptables. Finalement, leur modèle diagnostique implicite et ses conséquences potentielles sur le devenir de l'université sont discutés.
- Le cursus universitaire de mathématiques : une espèce en voie de disparition en France ? - Marie-Françoise Fave-Bonnet, Bertrand Girod de l'Ain p. 187-201 Pourquoi les échecs dans les études universitaires se poursuivent-ils en deuxième cycle, après l'"écrémage" des deux premières années ? Les interviews et les données statistiques recueillies dans trois départements de mathématiques font apparaître qu'un échec signifie plutôt une prolongation de la durée des études qu'un barrage. Cela renforce la très forte hétérogénéité de la population étudiante jusqu'à la fin du deuxième cycle. L'absence d'objectifs communs aux étudiants est frappante. Les enseignants déconcertés par cette hétérogénéité de publics et de demandes ont tendance à privilégier les contenus et le niveau nécessaires pour former des chercheurs. A cursus flou, parcours flou.........
- Des "grands prêtres" du droit au marché de l'expertise juridique : transformations morphologiques et recomposition du champ des producteurs de doctrine en droit des affaires - Yves Dezalay, Alain Bancaud p. 203-220 L'internationalisation du droit et la juridicisation des relations économiques conduisent à une remise en cause du mode de production et de diffusion du droit savant dans le domaine du droit des affaires. Au modèle traditionnel, marqué par une division professionnelle rigide et dominée par un corps de professeurs permanents et distants de la pratique, tend à succéder un nouveau système d'inspiration plus anglo-saxonne, caractérisé par la mobilité professionnelle et la revalorisation des praticiens. Le rattachement croissant des juristes-universitaires à des grands cabinets d'avocats est un des signes les plus manifestes de cette recomposition du champ professionnel. Pour l'expliquer, il ne suffit pas d'invoquer l'offensive de ces grosses structures de praticiens sur le terrain du droit savant. Cet investissement n'a d'effets que parce qu'il coïncide avec des transformations morphologiques et structurelles dans le champ des producteurs de doctrine : l'éclatement de la pyramide hiérarchique et des réseaux de clientèle qui permettaient à une "gérontocratie" de monopoliser l'essentiel de cette production savante et de la soustraire en partie aux règles de la concurrence marchande.
- Table ronde : "Politique de l'enseignement supérieur et crise du financement" - Jean Saide, Jacques Guin, Jean Bornarel, Alain Abecassis p. 221-257
- Note aux auteurs - p. 258-260