Contenu du sommaire : Cultures populaires et cultures savantes dans les Amériques
Revue | Amerika |
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Numéro | No 6, 2012 |
Titre du numéro | Cultures populaires et cultures savantes dans les Amériques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Sergio Delgado, Néstor Ponce
- L'anarchisme latino-américain, la littérature et les arts, ou comment rendre populaire la culture savante et savante la culture populaire - Joël Delhom Cet article propose un aperçu général du statut de la culture et des pratiques artistiques dans les mouvements anarchistes en Amérique latine à la charnière des XIXème et XXème siècles.This paper offers a general survey of culture and arts in Latin-American anarchists movements (end xixth- early xxth c.).
- Religion populaire et crise identitaire en Amérique latine - Jean-Louis Benoit La religion populaire est la religion du peuple par opposition à la religion savante du clergé. En Amérique latine les religions indiennes et la religion catholique se sont souvent mêlées dans des pratiques syncrétistes. Les pèlerinages offrent un culte encadré où se manifeste la piété populaire. Des catholiques se sont engagés dans un mouvement social et politique de défense du peuple dans le cadre de la théologie de la libération. L'Église condamnera cette utilisation de la pensée marxiste, parfois tentée par l'action violente. Jacques Maritain a influencé un autre mouvement politique : la démocratie chrétienne qui vise à appliquer les principes de la doctrine sociale de l'Église. Dans les années 70, alors que triomphe la théologie de la libération, l'Église perd ses fidèles au profit de sectes et des évangéliques. Elle y répond en encourageant les mouvements charismatiques et les communautés nouvelles qui remettent au premier plan la ferveur communautaire, le sacré, la prière. Le culte marial permet une expression particulièrement forte de la religion populaire. Le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe est un exemple de cette dévotion, qui réunit les peuples latino-américains et marque leur identité.Popular religion is the religion of the people as against the clergy's scholarly religion. In Latin America, Indian religions and the Catholic religion have often mingled in syncretic practices. Popular piety manifests itself in the organised form of worship of pilgrimages. Some Catholics have engaged in a social and political movement of popular defence within liberation theology. The Church passed condemnation of such a use of Marxist thinking and the lure of violent action that it occasionally nursed. Jacques Maritain influenced another political movement, namely Christian democracy the aim of which is to enforce the principles of the Church's social doctrine. In the 1970s, with liberation theology on the ascent, the Church was losing its faithful away to sects and evangelical Christianity. Its answer was to encourage charismatic movements and new communities that restored to the foreground community fervour, the sacred and prayer. Marian worship permits a particularly powerful expression of popular religion. The sanctuary of Our Lady of Guadalupe is an instance of this form of devotion that brings together Latin American peoples and influences their identity.
- Ka tere te vaka. Kai Kai rapanui - Tamara Vidaurrázaga Kai Kai is an ancient rapanui practice, consisting of giving shape to a spin storyteller ideogram, wich story is told trhough a recitation called « patautau ». Acordding to Ramón Campbell, the practice of kai kai is the oldest tradition of rapa nui culture, which makes it even more meaningful, since it can shed light on how rapa nui imaginary was before western colonization, following Gruzinsky. Untill now, interpretations of kai kai classify it as a game, wich implies -to eurocentric and western eyes- that it would not be any trascendental practice in rapa nui culture, but a mainly childish practice, with the one propouse of amuse. However, this practice endures untill now by oral teaching inside families, study groups and, reacently, in formal education. Is this kai kai classification inocent ? Or it rather shows a colonizing view of this practice, which puts it in a recognizable place to western eyes ? We believe it is an interesting task to review existing bibliography about kai kai, and unravel some of colonialist features emerging of this « mere game » classification, unraveling also the permanence or the evolution of this view in those who have studied the practice of kai kai.
- Culture populaire et séries télévisées - Marie-Christine Michaud The Sopranos est une série télévisée qui fait partie à la fois de la culture de masse et de la culture populaire américaine car elle repose sur des clichés facilement repérables et compréhensibles par l'ensemble de la population. La série joue avec les images associées à la communauté italo-américaine (mafia, virilité des hommes, soumission des femmes, valeurs sacrées de la famille) pour mieux les revisiter, ce qui permet aux téléspectateurs de s'identifier aux personnages. En fait The Sopranos ne dresse pas un portrait de la mafia aux Etats-Unis mais véhicule les valeurs de la société américaine (famille, loyauté, honneur) et, malgré son affiliation à la mafia et ses origines italiennes, Tony, le personnage principal, se présente comme un père de famille typique des classes supérieures américaines. La réévaluation des représentations populaires de la communauté italo-américaine a en même temps permis un glissement de la série vers la culture savante.The Sopranos is a TV serial which is part of both mass and popular culture in the United States because it lies on clichés that are easily recognizable and understandable by the entire population. The serial plays with the images associated with the Italian-American community (the mafia, men's virility, women's submission, the sacred values of the family) to better revisit them, which enables the audience to identity with the characters. Indeed, The Sopranos does not portray the mafia in the United States but conveys American values (such as the family, loyalty and honor), and, in spite of his affiliation with the mafia and his origins, Tony, the main character, is introduced as a typical head of family from the upper class. Meanwhile, the re-evaluation of the popular representations of the Italian-American community has enabled the TV serial part to shift to high culture.
- Le rock, au-delà du savant et du populaire - Claude Chastagner La musique rock est communément considérée comme une pratique populaire s'opposant aux pratiques plus savantes comme le jazz ou la musique classique. Pourtant une telle classification s'avère plus problématique qu'opératoire. Cet article propose de nouveaux critères d'interprétation (passif / actif, original / banal, centre / marge, masse / tradition) qui permettent un nouveau regard sur ces différentes pratiques culturelles.Rock music is commonly considered as a popular practice, contrasting with more high-brow and learned forms such as classical music or jazz. However, such labeling turns out to be more problematic than illuminating. This paper suggests new interpretative criteria (passive / active, original / commonplace, center / margin, mass / tradition) that may help to shed a new light on these, and other, cultural practices.
- Le message présidentiel au Mexique ou l'art de rendre populaire ce qui est impopulaire (1910 – 1976) - Elsa Carrillo-Blouin Le travail que nous présentons dans le cadre des Journées d'Etude de l'HCTI (Lorient, novembre 2007), fait partie d'un travail plus vaste portant sur le discours présidentiel au Mexique de 1877 à 1976. Ce sujet a été amplement développé dans le cadre de notre thèse de doctorat à l'université de Paris I-Sorbonne, thèse intégralement publiée par l'Institut de Recherches Juridiques de l'Universidad Nacional Autónoma de México en 1996. D'une manière générale, ce que nous appelons ici le « message présidentiel » est en fait, une sorte de bilan-rapport que chaque président effectue chaque année, face à la Chambre des Députés et au Sénat réunis en Congrès. Cependant, le « message présidentiel » proprement dit n'est en réalité que la partie la plus politique de ce discours, partie qui est sensée s'adresser à un public plus large. Nous verrons de quelle manière ce discours, qui ébauche également les lignes politiques pour l'année à venir, tente de rendre populaires des mesures qui vont souvent à l'encontre de ce qu'elles semblent prôner, jusqu'au moment où les clivages entre les attentes éveillées par le discours et les réalités avérées sont tels, que des chocs ou des ré-accommodements socio-politiques seront inévitables dans le devenir du PRI en tant que parti au pouvoir.The work presented during the HCTI study day (Lorient, November 2007) is part of a larger work dealing with Presidential speeches in Mexico from 1877 to 1976. This subject was developed in detail in my doctoral dissertation at the University of Paris 1-Sorbonne, the full version of which was published by the Institute for Legal Research at the Universidad Nacional Autónoma de México in 1996. In general, what we call the «Presidential message» is in fact a sort of assessment report presented each year by each President in front of the House of Deputies and the Senate gathered in Congress. In reality however, the «Presidential message» itself is only the most political part of this speech, the part which is supposed to address a larger audience. We shall study how these speeches, which also develop the broad political outlines for the year to come, attempt to render more popular certain measures which often run counter to what they seem to advocate, up to the point when the divisions between the expectations aroused by the speeches and the actual facts are such that shocks or social-political re-adjustments will be unavoidable in the future of the PRI as the party in power.
- O coco de roda no quilombo - Gabriela Buonfiglio Dowling, Sara Melo The current work proposes an ethnographic study about the oral tradition of the contemporary quilombo Caiana dos Crioulos of the Paraiba ‘State, in northeastern of Brazil. Libraries and museums in Europe (as well as the Brazilians) have few references about the African-Brazilian culture, which appeared in black communities descended from slaves, and for this reason : this culture is primarily spread by oral tradition. In this context, this research is based on the practice of the coco de roda and the ciranda : two forms of dances and traditional songs. As this culture and its heritage resist or dynamize in front of the current social trends, given the pressures of Brazilian society ? Therefore, there is a cultural essential patrimony, present within the community, so striking that persists over time, after several generations. The worldview and vitality built on a symbolic core of social relations, which allows the community to preserve a collective memory and convey a certain popular tradition, even in the face of economic globalization and advancement of new techniques for diffusion and reinterpretation of the culture.
- Œil pour œil, cercueil pour cercueil - Laurent Aubague En 1934, Henri Cartier-Bresson séjourne au Mexique. Il y est accueilli par le célèbre photographe mexicain Álvarez Bravo. Ce dernier l'initie à l'univers urbain de la capitale. On peut établir des rapprochements entre les photos prises par Cartier-Bresson. C'est le cas d'une photographie où l'on entrevoit par la porte d'une boutique un empilement de cercueils. La comparaison entre la photo de chacun des artistes laisse entrevoir un curieux chassé-croisé entre surréalisme et expressionnisme.Henri-Cartier Bresson spends some time in Mexico (the country) in 1934. He is welcomed by famous Mexican photographer Álvarez Bravo who drags him into the urban world of the capital. One can make a link between Bresson's photos. On one of his shots, you can make out throught the half open door of a shop, a pile of coffins.Comparing both artist's pictures gives an idea of an « in and out » between expressionism and surealism.
- Net.art y experiencia popular urbana - Alicia Montes The purpose of this study is based on the convergence/interference of intermedia aids and in the crossing of different practices and cultures. A common horizon connects these encounters : aesthetics and politics, as opening and relocation of perception that rejects and questions the fixed places of that already given, and turns it all into a potential strategy of social praxis. From this viewpoint, the objective of the research is to depict and analyze the artistic and political implications of net.art produced by the group Iconoclasistas, a “communication and counter-hegemony resources lab” that, with the use of graphic art and research, generates ways of questioning the symbolic and ideological hegemony of discourses and representations that legitimate the naturalized order, by developing and promoting popular resistance strategies by means of creative work that affects symbolism in the Web 2.0, as well as in that of daily life (workshops, community action, demonstrations, creation of group stories, etc.).
- L'Hyperréalisme de Nicholson Baker, ou comment se refamiliariser avec le quotidien - Arnaud Schmitt Cet article se propose d'étudier la dynamique inhérente à deux romans de Nicholson Baker – The Mezzanine et A Box of Matches – et la façon dont celle-ci repose sur une dialectique populaire/savant, et plus exactement thématique populaire/récit savant. Après avoir défini la culture savante avant tout comme une culture de communauté, comme cela a été fait par le philosophe Hilary Putnam à travers son concept de « division linguistique du travail » (« linguistic division of labor »), nous tentons de démontrer qu'être savant en littérature n'est pas lié à ce que l'on dit, mais à la façon dont on le dit. En d'autres termes, il peut exister des récits savants dont la thématique est essentiellement populaire. La littérature proposée par Nicholson Baker obéit justement à cette logique : à travers des chronotopes réduits, mais denses, ses romans nous refamiliarisent avec l'infra-ordinaire, l'ultra-populaire, les gestes répétitifs et souvent mécaniques du quotidien, par le biais de récits pourtant sophistiqués –« savants » puisque nécessitant une très bonne culture littéraire – se caractérisant par des écarts formels typiquement post-modernes (notes pléthoriques, logique itérative poussée à l'extrême).This article aims at studying the dynamics of Nicholson Baker's The Mezzanine and A Box of Matches, which is based on a lowbrow/highbrow dialectics, and more precisely on a dialectical tension between a lowbrow subject matter and a highbrow narrative. After addressing the nature of “highbrow culture” through Hilary Putnam's concept of “linguistic division of labor”, we try to show that the very idea of “highbrow literature” does not stem from what the author writes about but from how he writes about it. In other words, a highbrow novel can tackle lowbrow themes. Nicholson Baker's novels corroborate this claim: dealing with extremely limited chronotopes (a few minutes during lunch-time or the same time of the day over and over again), they purport to refamiliarize the reader with “the undocumented texture of our daily lives”, with the supra-ordinary world, with everyday – mostly unconscious – gestures and acts, but they do so by means of particularly sophisticated narratives, “highbrow narratives”, requiring a very good literary background and a knowledge of postmodern narrative disruptions (plethoric footnotes, iterative sequences).
- L'œuvre de Jaime Bayly : littérature ou paralittérature ? - Benoît Defoix Les ouvrages de Jaime Bayly (Lima, 1965) posent le problème de ce que sont réellement la littérature (associée à la culture savante) et la paralittérature (culture populaire). Après avoir exposé ce que regroupe le genre paralittéraire, une définition de la paralittérature est donnée en la confrontant au concept de « littérarité ». Les principales caractéristiques de l'œuvre bayléenne sont alors proposées : traitement des mêmes thématiques, personnages stéréotypés, récurrence des mêmes anecdotes... L'étude de la structure même des écrits, la langue utilisée, le type de narration constituent autant d'éléments qui nous invitent à ranger la production de Jaime Bayly dans le domaine paralittéraire. Mais certaines nuances doivent être apportées : l'héritage et le contexte littéraires, la portée politique, historique et sociale, ainsi qu'une certaine cohérence des thématiques traitées et le lien étroit entre les ouvrages et leur auteur réfutent la vision plutôt simpliste volontiers accordée à la paralittérature. En outre, l'absence de réelle unité, l'évolution constatée tout au long des quinze écrits renforcent le caractère relativement inclassable de la production bayléenne, située entre ces deux domaines aux frontières poreuses et souvent subjectives que sont littérature et paralittérature.The works of Jaime Bayly (born in Lima in 1965) highlight the issue of the genuine nature of literature (associated to academic knowledge), and paraliterature (related to popular culture). After describing the main manifestations of paraliterature as a genre, a definition of paraliterature is given by comparing and contrasting it with the concept of « literarity ». The core aspects of Bayly's work are listed : his resorting to repeated themes, stereotypical characters, the recurring aspect of some of the scenes… The study of the very structure of his writings, the language used, the type of narration all lead to the conclusion that Jaime Baily' s production may belong to to the paraliterary domain. But some aspects come to mitigate this assertion : the literary heritage and context, the political, historical and social reach, as well as an undeniable consistency of the the thematics dealt with and the tight links between the works and their author all come to deny a rather simplistic vision usually attached to paraliterature. Furthermore, the absence of real unity, the evolution that can be noted all along the fifteen works condone the rather inclassifiable aspect of Baily's works, situated somewhere between these two domains whose borders are porous and often subjective : literature and paraliterature.
- Figures populaires et formes savantes - Emmanuelle Sinardet Les années trente signifient, en Équateur, une crise sans précédent, économique et politique mais aussi culturelle et identitaire, où l'idéal de nation équatorienne même semble menacé. C'est toute une génération d'intellectuels et d'artistes qui se penche alors sur la question de l'identité nationale, l'équatorianité, pour mener à bien une quête identitaire qui se veut aussi la défense d'un projet de reconstruction de la nation. Le roman d'Ángel Felicísimo Rojas, El éxodo de Yangana, illustre cette démarche. Il valorise les éléments d'une culture populaire présentée comme le support même de l'équatorianité. Mais les figures de cette culture populaire y font aussi l'objet d'une réélaboration complexe, qui permet à la narration d'atteindre une portée universelle relevant d'une culture académique. Le motif de l'exode articule la double dimension populaire et savante. Ce faisant, il contribue à créer un mythe fondateur du nouvel Équateur à construire.During the 1930ies, in the wake of unprecedented economic and political challenges, Ecuador undergoes a crisis of cultural identity, which calls the fundamentals of the country's national self-understanding into question. A young generation of intellectuals and artists struggle for an answer to the question what it actually means to be Ecuadorian – the ecuatorianidad – and look for new concepts to reconstruct the cultural fundamentals of the country's national identity. The novel published by Felicísimo Angel Rojas, El éxodo of Yangana, illustrates this quest for identity as it puts popular culture at the core of the ecuatorianidad. However, the author merges stylistic elements of this popular culture with scholarly style, transcending the narration to a universal meaning. The theme of the exodus therefore articulates a twofold popular and erudite dimension, thus contributing to the founding myth of a new Ecuador.
- « El rastro de tu sangre en la nieve » : ¿ cuento de hadas sombrío o canción kitsch ? - Maryse Renaud Cet article propose une lecture de la nouvelle « El rastro de tu sangre en la nieve » (« La trace de ton sang dans la neige ») de Gabriel García Márquez (Douze contes vagabonds, 1992), en regardant les relations établies par le texte avec différentes formes de la culture populaire. Considérant le contexte du « réalisme magique » où évolue habituellement la production de Garcia Márquez, on étudie dans ce récit les multiples relations intertextuelles avec divers clichés de la culture populaire, des contes de fées ou d'horreur traditionnels, jusqu'à la culture kitsch. On y étudie aussi la relation établie par García Márquez avec le récit d'aventures, dans des modalités comme le road-movie du cinéma contemporain. Le voyage entrepris par les personnages de l'histoire, entre l'Espagne et la France, qui se termine à Paris, met en cause des lieux communs de l'opposition « Civilisation-Barbarie ». Une sorte de révision postmoderne des quelques mythes américaines dans ce retour vers l'Europe ou, d'une certaine façon, une redécouverte.This article proposes an analysis of the short story « The Trail of Your Blood in the Snow » by Gabriel García Márquez (Strange Pilgrims) by looking at the associations the text makes with different forms from popular culture. We will study the short story within the context of Magic Realism, whose framework generally encompasses García Márquez's works, and focus on the various intertextual links with various clichés, from popular culture, fairy tales, and traditional horror stories, to kitsch culture. We will also examine the relationship established by García Márquez with adventure stories, using tropes like contemporary cinema's road-movie. The characters' trip from Spain to France, ending in Paris, calls into question stereotypes about the opposition between « Civilisation » and « Barbarism ». This return voyage to Europe is in fact a sort of postmodern revision of certain American myths – or perhaps, their rediscovery.
- Le mythe de Narcisse dans Le tunnel (1948) d'Ernesto Sábato - Gaëlle Jéhanno Dans son premier roman publié en 1948, Ernesto Sábato (1911-2011) sonde l'âme humaine en explorant la part nocturne de l'existence, laquelle représente un puits sans fond dont la profondeur renvoie immanquablement au thème du miroir. Cet article analyse les concepts d'identité et d'altérité à la lumière du mythe de Narcisse : si le miroir aquatique met en exergue un processus d'identification spéculaire, le Narcisse d'Ovide tente d'accéder à l'authenticité de son être derrière les reflets illusoires, les apparences trompeuses provoquées par la distanciation entre le moi profond et l'image superficielle reflétée dans le miroir. Dans sa quête identitaire, Juan Pablo Castel (narrateur-protagoniste du Tunnel) recherche également l'essence du moi et celle de son amante (María), mû par un désir de fusion ou de communion spirituelle avec elle, à travers la contemplation d'une œuvre d'art peinte par Castel lui-même et révélatrice des mystères de l'inconscient.In his first novel published in 1948, Ernesto Sábato (1911-2011) explores the human mind and the shadowy part of the existence, which is a bottomless pit the depth of which inevitably brings up the motif of the mirror. In the light of the myth of Narcissus, this article provides the reader with an analysis of the concepts of identity and otherness : if the water mirror underlines a process of specular identification, Ovid's Narcissus tries to reach his true self through illusive reflections and deceptive appearances caused by the distance between the deep ego and the shallow image that is mirrored. In his quest for identity, Juan Pablo Castel (the narrator and main protagonist in The Tunnel) also looks for the essence of his own ego and of his lover's (Maria), driven by his desire to merge or commune spiritually with her ; this quest is carried through by contemplating one of his own paintings, which gives an insight into the conundrum of the unconscious.
- El Valle nublado d'Abelardo Bonilla - Mariannick Guennec Abelardo Bonilla participe à la construction de l'identité nationale avec son roman El Valle nublado, publié en 1944. Il y oppose la culture savante, représentée par le protagoniste, membre de l'élite et formé en France, et la culture populaire, que celui-ci découvre lorsqu'il rentre au Costa Rica et qu'il séjourne à la campagne. L'auteur réalise ainsi un travail de collectage. Mais l'opposition permet surtout de valoriser la culture populaire, endogène, et de dénoncer les aprioris de l'élite sur la société costaricienne. L'évolution du protagoniste - tout d'abord critique puis admiratif face aux traditions que la campagne a su préserver - suggère une réflexion que doit mener le lecteur, national ou étranger, sur ses propres préjugés.Abelardo Bonilla participates to the construction of the national identity of Costa Rica in his novel El Valle nublado, 1944. He opposes high culture, represented by the protagonist, a member of the elite who studied in France, and popular culture that the protagonist is discovering when he is coming back to Costa Rica and decides staying in the countryside. The author elaborates a work of recollection. But the opposition enables to enhance popular culture, endogenous, and the denunciation of the prejudices of the elite about Costa Rican society. The evolution of the protagonist - critical at the beginning and later on admiring as far as the maintenance of traditions in the countryside is concerned- suggests a reflexion to the reader, native or from abroad, in relation with his own prejudices.
- Œdipe dans les bas-fonds ou les avatars d'un mythe classique dans la prose narrative de Jorge Luis Borges - Rémi Le Marc'hadour L'écrivain argentin Jorge luis Borges (1899-1986) est traditionnellement considéré comme un auteur « savant » car bon nombre de ses textes démontrent son extraordinaire culture et son époustouflante érudition, dans des domaines parfois très spécialisés. Cette culture se manifeste aussi bien dans les Essais que dans l'œuvre poétique, mais aussi fréquemment dans la production narrative. Cependant, l'œuvre littéraire de Borges n'est pas pour autant exempte de figures populaires, telles que le gaucho de la Pampa ou de l'Uruguay, ou bien encore le compadrito, figure emblématique des faubourgs de Buenos Aires. Certaines nouvelles se situent délibérément dans des milieux populaires et campent des personnages hauts en couleurs. Un cas particulier est celui des nouvelles « œdipiennes » de l'auteur, qui mêlent avec bonheur les deux aspects populaire et savant. Situés dans le monde de la « marge » ou de la limite (faubourgs de la capitale argentine ou frontière uruguayo-brésilienne), ces textes reprennent telle quelle une trame classique, immortalisée par Sophocle, et récupérée ensuite par Sigmund Freud en faisant du complexe d'Œdipe l'un des éléments importants de sa théorie psychanalytique.Argentine writer Jorge Luis Borges (1899-1986) is usually perceived as being a “learned” author, as a substantial number of his texts display extraordinary culture and astounding scholarship sometimes in very specialized areas. This culture shows in his essays as well as in his poetical writings but also in his narrative work. However, this is not to say that his literary production is free from popular characters, such as the gaucho of the Pampas or Uruguay, or else the compadrito, a figure symbolical of the outskirts of Buenos Aires. Some short stories are emphatically set in popular surroundings and portray colourful characters. The “oedipal” short stories of the writer are a case in point, combining as they do both sides - the popular and the learned one - to great effect. Set in a “fringe” or border world (the outskirts of the Argentine capital or the border between Uruguay and Brazil), these texts make faithful use of a classical framework which was immortalised by Sophocles and then taken up by Sigmund Freud who was to turn the Oedipus complex into one of the main elements of his psychoanalytic theory.
Comptes-rendus
Littérature
- Nicasio Perera San Martín, Florencio Sánchez, El escritor en su centenario - Anne Gimbert
- Elsa Drucaroff, Los prisioneros de la torre. Política, relatos y jóvenes en la postdictadura - Amelia Royo
- Fernando Vallejo, Almas en pena chapolas negras - Daniel Garcia
- Sarmiento Sandoval Pedro E., La Revista Mito en el tránsito de la Modernidad a la Postmodernidad Literaria en Colombia - Carlos Builes
- Néstor Ponce, Memorias y cicatrices. Estudios sobre literatura latinoamericana contemporánea - Leticia Mora Perdomo
- Liliana Lukin, La Ética demostrada según el orden poético - Claudio Martyniuk
- Florencia Abbate, El grito - Leticia MoraPerdomo
Cinéma
- Helvecio Marins Jr, Clarissa Campolina, Girimunho (Swirl) - Jerôme Baron
Sciences sociales
- Fernando Serrano Mangas, Los tres credos de don Andrés de Aristizábal - Loïc Menanteau
- Eduardo Restrepo y Axel Rojas, Inflexión decolonial - Juan Carlos Valencia
- travesías/revue #2. Cabotage du Chili en Croatie - Maureen Carolina Pineda Catalán Ce compte rendu porte sur le deuxième numéro de la revue travesías/revue #2. Cabotage du Chili en Croatie éditée en co-production par l'association travesías et LENDROIT Éditions. Dans la continuité des centres d'intérêt de l'association homonyme, ce numéro parle de mouvement, de flux migratoires, d'art et d'espace public. Il souligne la manière dont les artistes chiliens se sont approprié ces sujets dans divers contextes politiques, amenant le lecteur dans un périple entre la Croatie et le Chili depuis les années 1930 jusqu'à aujourd'hui. De cette manière, Chantal Bideau donne carte blanche aux chiliennes Paulina Varas (historienne d'art) et Isabel Ribes (artiste visuel) afin d'exprimer en texte et en image cet utopique voyage.This article presents the magazine travesías/revue #2. Cabotage du Chili en Croatie, published in co-production between the association travesías and LENDROIT Éditions. Following the focus of interest of the association, this issue talks about movement, travel, migration, art and public space. The emphasis is on how the Chilean artists have appropriated these issues in different political contexts, taking the reader on a journey between Croatia and Chili from the 1930s to today. Analysing the publishings interventions that Paulina Varas and Isabel Ribes made for the magazine, we see the result of these residences designed for expressing in text and images this utopian journey.
- Bernard Lavallé, Eldorados d'Amérique. Mythes, images et réalités - Grégory Wallerick
Opinion
- Historia editorial con moraleja - José Luis de Diego
Livres reçus