Contenu du sommaire : De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalité
Revue | Droit et cultures |
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Numéro | no 69, avril 2015 |
Titre du numéro | De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : De la traduction dans le droit des idées d'égalité/inégalité
- Présentation - Chantal Kourilsky-Augeven p. 11-20
- La dragonne et les seigneurs colorés. Division trifonctionnelle et classes sociales de la Scythie à l'Europe - Jean-Pierre Poly p. 21-54 L'idée que la société est, ou doit être, répartie entre trois conditions sociales, trois « états » (ordines), fut dominante en France durant tout l'Ancien Régime. Pour les Journées Kasra Vafadari, où nous nous efforçons de réfléchir sur les rapports des cultures et des droits d'Occident et d'Orient, la théorie des trois états présente cet intérêt d'être explicite parmi les peuples nord-iraniens, Scythes ou Sarmates, dès le Ve siècle avant notre ère. Georges Dumézil, lorsqu'il le découvrit, s'employa à repérer la structure dans toutes les cultures que la mode intellectuelle de son époque nommait « indo-européennes ». Elle aurait été la structure majeure de leur imaginaire. Georges Duby allait revenir sur cette idée et montrer qu'au Moyen Âge la structure avait bel et bien une fonction sociale, et exprimait les contradictions de la société féodale. Notre étude ici s'efforce d'adapter son analyse au cas des peuples scythiques qu'avait étudiés Dumézil. En laissant de côté les très contestés Indo-Européens, on peut poser la question : la tri-fonctionnalité des Scythes ou des Sarmates n'était-elle qu'une structure mentale ou bien jouait-elle un rôle majeur dans le fonctionnement concret de leur société ? Elle avait été pensée dans un monde largement tribal, où les fonctions sociales n'étaient pas encore bien différenciées. Elle y intervenait, indirectement mais fortement, par le biais de magies chamaniques fonctionnelles dont les sanctuaires et les rites étaient confiés à la garde des grands ensembles tribaux forcément pluri-fonctionnels dans leurs tâches matérielles. Elle maintenait ainsi entre eux un équilibre et une égalité collective. Plus encore : les femmes pouvaient être chamanes dans l'une ou l'autre des trois magies, assumant des rôles considérés ailleurs comme supérieurs et donc masculins. Vint le Moyen Âge. Les groupes scythiques militaires installés comme déditices en Gaule et en Grande-Bretagne se transformèrent en petite noblesse. Les trois fonctions reparurent au IXe siècle, d'abord pour servir la cause de l'unité sociale et de la primauté du clergé, avant de légitimer l'inégalité des classes dans une société qui les redécouvrait.The idea that society is or should be, set in three ranks, three ordines, was preponderant in France all along the Ancien Regime. For the Journées Kasra Vafadari, when we try to consider the relations between cultures and laws of West and East, the theory of the tres ordines is remarkable in that it was voiced amongst the North-Iranian peoples, Scythians or Sarmatians, as soon as the fifth century B.C. Georges Dumézil, when he discovered the fact, worked to spot the structure in all the cultures called, after the intellectual fashion of his time, «indo-european». It was supposed to be the major structure of an indo-european weltanschauung. George Duby was to revisit the idea and to show that, during the Middle Ages, the structure did have a social function, moulding what he called « l'imaginaire du féodalisme ». Our contribution endeavour to adapt Duby's analysis to the case of the Scythic peoples studied by Dumézil. Setting apart the vexata quaestio of the Indo-Europeans, one can ask the question: was Scythian or Sarmatian tri-functionality a mere mental structure, or was it a major component in the material display of their society? It had been conceived in a world still thoroughly tribal, where the production process did not yet much distinguish between social functions. The scheme worked indirectly but strongly through functional shamanisms whose shrines and rituals were granted to great tribal leagues perforce multi-functional in their material tasks. A balance was then kept between them achieving group equality. More than that: women could become shamans in any of the three magics, assuming a role elsewhere held as superior and therefore masculine. The Middle Ages came. The Scythian military groups established as dediticii in Gaul and in Great-Britain became a lesser nobility. The three states were voiced again during the ninth century, first to confort social unity and the lead of the clergy, then to legitimate inequality amongst social classes in a society which was rediscovering them.
- Maât, ordre social et inégalités dans l'Égypte ancienne - Bernadette Menu p. 51-73 Le principe de maât, né à la fin du IVe millénaire dans la vallée du Nil, a non seulement nourri le droit égyptien mais a favorisé l'affinement du concept de justice dans sa dualité et a permis d'encadrer les inégalités structurelles dans l'antiquité pharaonique. La maât, enseignée par les prêtres qui étaient considérés comme des philosophes par les Grecs, a nécessairement influencé, par l'intermédiaire de ces derniers, les conceptions abouties de la justice et du droit chez Aristote, puis chez Cicéron, ce que l'article tend à démontrer.The principle of maât, born at the end of the fourth millennium in the Nile Valley, not only nourished Egyptian law but also refined the concept of justice in its duality and allowed the handling of structural inequalities in pharaonic antiquity. Maât was taught by priests, who were regarded as philosophers by the Greeks, through whom they necessarily influenced the polished concepts of justice and law in Aristotle and then Cicero; which is what the article aims to demonstrate.
- Les inégalités sociales en Mésopotamie : quelques précautions de vocabulaire - Sophie Démare-Lafont p. 75-87 Les textes législatifs de Babylonie et d'Assyrie sont longtemps restés notre principale source d'information sur les divers groupes sociaux en Mésopotamie. Plusieurs paragraphes du Code de Hammurabi et des Lois d'Eshnunna (XVIIIe s. av. n. è.) ainsi que du recueil des Lois médio-assyriennes (XIIe s. av. n. è.) détaillent en effet les peines ou les indemnisations prévues à raison de certains délits ou actes dommageables. L'intensité des châtiments ou le montant des réparations à verser varient en fonction du rang ou du statut des protagonistes. Classiquement, les lois distinguent entre les libres et les esclaves pour évaluer la nature du préjudice et déterminer sa sanction et/ou son dédommagement. Mais une troisième catégorie est parfois ajoutée, désignée par le babylonien muškēnum et l'assyrien aššurāiau, termes qui ont été compris en référence à une classe intermédiaire de semi-libres. Leur condition juridique et leur position sociale ont fait l'objet de conjectures reposant sur les données fournies par les sources législatives elles-mêmes, sur la comparaison avec des modèles antiques et enfin sur la valeur dépréciative attachée à l'un de ces deux mots, muškēnum, qui a donné l'adjectif français « mesquin ». Les doutes émis par certains spécialistes à propos de ces interprétations, ont été confirmés par de nouveaux textes, qui ont permis de corriger la traduction de ces substantifs et ont conduit à abandonner l'hypothèse de sociétés tripartites en Mésopotamie.The Babylonian and Assyrian law collections have long been our only sources of information about the various Mesopotamian social groups. Several provisions from the Code of Hammurabi, the Laws of Eshnunna (18th century BCE) and the Middle Assyrian laws (12th century BCE) provide for punishments or damages in case of various offenses, the intensity of which varies according to the status or rank of the protagonists. Along with the classic distinction between free people and slaves as a basis for an assessement of the damage and of its sanction, a third and intermediate category has been added, formed by the so-called half-free persons named muškēnum in Babylonia and aššurāiau in Assyria. Their legal status and social condition have been analyzed in the light of the law collections, of other examples in Antiquity and of the slighting value of the French «mesquin», derived from the Babylonian muškēnum. Thanks to the new material published in the last twenty years, the hypothesis of a tripartite organization of the Babylonian and Assyrian societies has been dropped.
- L'interprétation des termes d'homme ou de personne en droit savant, source d'inégalité - Élisabeth Schneider p. 89-112 À partir du XIIIe siècle, le terme de persona est employé fréquemment par les civilistes et les canonistes pour désigner les êtres humains, les universitates ou une fonction temporelle ou spirituelle. Les nouvelles expressions de persona vera, persona repraesentata ou persona ficta permettent de déterminer le type de personne dont il est question. Mais en l'absence d'adjectifs qualificatifs ajoutés à persona, les juristes médiévaux sont amenés à interpréter les termes persona, homo, quis et se demandent s'ils doivent comprendre ces termes comme synonymes d'homme, de femme, d'homme libre ou d'esclave ou même une universitas. Il s'agit d'une question importante car en fonction de la qualification retenue, des droits et des obligations différents sont reconnus. Tout d'abord, nous proposons d'examiner les principes d'interprétation en droit savant en montrant que le droit lui-même est compris comme une personne composée d'un corps et d'un esprit, puis, d'analyser la casuistique de l'inégalité des droits et des obligations reconnus aux personnes.Since the XIIIth century, the term persona is frequently used by the jurists of the civil law and the canonists to indicate human beings, universitates or a temporal or spiritual office. The new expressions persona vera, persona repraesentata or persona ficta make it possible to determine the type of person which is the object of discussion. But in absence of adjectives added to persona, the medieval jurists are brought to interpret the terms persona, homo, quis and they wonder if they have to include these terms as synonyms of ‘man', ‘woman', of ‘free man' or of ‘slave' or even of universitas. This is a very important question because according to the reserved qualification, different rights and obligations are recognized. First of all, we suggest to examine the principles of interpretation in medieval law by showing that the law itself is understood as a person consisting of a body and a spirit, then we proceed to analyse the casuistry of the disparity of rights and obligations awarded to the respective persons.
- Ce que le droit fait au genre : les femmes migrantes dans la législation européenne - Isabelle Carles-Berkowitz p. 113-125 Sous la double influence de l'augmentation de la migration féminine et de l'obligation faite aux institutions européennes d'introduire une dimension de genre dans l'ensemble de leurs politiques, les femmes migrantes sont de plus en plus visibles en tant que catégorie dans les discours et les politiques européennes. Cependant le droit européen ne reconnaît pas la singularité des besoins et des expériences vécues par les femmes migrantes et peine à appréhender la diversité de la migration féminine. La perception dominante des femmes migrantes en Europe demeure celle de femmes pas ou peu qualifiées, vues comme dépendantes et victimes à protéger. L'objectif de cet article est de montrer comment le droit européen en matière de migration et d'asile, apparemment neutre, se construit sur la base d'une vision idéologique implicite des femmes et des hommes migrants qui, elle-même, va avoir une influence sur l'égalité de traitement. L'article porte sur l'analyse des lois européennes relatives à l'immigration et l'asile.Migrant women are increasingly visible as a category in public discourse and European policies due to an increase in female migration and the obligation on European institutions to introduce a gender perspective in all policies. However, EU law does not recognise the specific needs and experiences of migrant women. Despite the diversity of female migration, the dominant perception of migrant women in Europe remains low qualified and dependent women needing protection. The purpose of this article is to show how European law on migration and asylum, although supposedly gender-blind, is built on implicit ideological representations of femaleand male migrants. These representations in turn have an impact on the approach to equal treatment, as demonstrated through an analysis of European legislation on immigration and asylum.
- L'ambigüité des modèles d'égalité des genres en Russie : famille, droit et idéologie - Chantal Kourilsky-Augeven p. 127-153 Le droit soviétique de la famille avait, à l'origine, tout misé sur l'avenir en voulant réaliser une totale égalité des genres parallèle à l'égalité des travailleurs. Mais la réalisation de ce modèle égalitaire qui supposait, dans l'idéologie engelsienne, le transfert à la société de l'exercice des fonctions familiales, s'est heurtée à des difficultés matérielles considérables. Pour assurer la victoire de l'idéologie, le modèle égalitaire initial fut donc entamé par la création d'une « fonction sociale de maternité » voulue prestigieuse. Ce détournement initial devait par la suite s'accentuer en servant la redéfinition progressive des fonctions familiales – reproduction, éducation, entretien – comme incombant « naturellement » à la femme. Dans le même temps, au mépris de la réalité sociale, l'idéologie de l'égalité ne cessait d'être proclamée comme déjà réalisée. On a pu croire un temps à la réconciliation de la réalité sociale et de l'idéologie à propos du principe de l'égalité puisque la Constitution eltsinienne de 1993, doublée par l'adoption d'un nouveau Code de la famille en 1995, proclamait pour la première fois qu'elle protégeait non seulement la maternité et l'enfance mais aussi la paternité. Elle pouvait ainsi résoudre les contradictions du « modèle matricentré » prédominant même chez les féministes russes puisqu'elles dénonçaient l'irresponsabilité masculine face à la surcharge de tâches pesant sur la femme tout en glorifiant la mère dans ses responsabilités familiales exclusives. Vingt ans plus tard, on assiste en 2013 à un déni plus grave encore de la réalité sociale par l'idéologie poutinienne. Celle-ci, dans un souci d'opposer les valeurs russes aux valeurs occidentales considérées comme un facteur de dégénérescence, fixe un nouvel objectif de « retour » aux valeurs familiales russes traditionnelles inspiré par l'Église orthodoxe. Mais un an plus tard, en 2014, le ministère du Travail de Russie, qui a travaillé sur une réalité sociale concrète, reformule une véritable politique démographique dans le respect de la Constitution de 1993 qui exclut toute obédience idéologique.Soviet family law had originally privileged the future by trying to realize a total gender equality which would parallel gender equality in the labor world. But the realization of this equalitarian model which was supposing, in the Engelsian ideology, the transfer of the exercise of family functions to society, encountered considerable material difficulties. In order to ensure the victory of ideology, the initial equalitarian model was therefore modified by the creation of «motherhood as a social function» presented as a prestigious one. This initial deformation was afterwards to be accentuated by becoming the basis of a progressive redefinition of family functions – reproduction, education, material support – as «naturally» being the women's tasks. At the same time, regardless of social reality, the equality ideology was proclaimed as already realized. The equality principle since the Eltsinian Constitution of 1993 together with the newly adopted Family Code of 1995 was proclaiming for the first time that it protected not only motherhood and childhood but also fatherhood. It was thus solving the contradictions of a «mother-centered model» predominant even among the feminists who were denouncing men's irresponsibility by contrast to women's overloading tasks but were glorifying the Mother in her exclusive family responsibilities. Twenty years later, we observe in 2013 a still more serious denial of social reality by the Putinian ideology. Wishing to oppose Russian values to Western values considered as a degeneracy factor, it defines a new objective consisting of a «return» to Russian traditional family values inspired by the Orthodox Church. But still one year later, in 2014, the Russian Ministry of Labor, who has been working on a concrete social reality, gives a new formulation to a real demographic policy which respects the 1993 Constitution excluding ideological obedience.
- Une condamnation à « l'inexistence » : la « dictature des lois » et l'interdiction de la propagande des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs en Russie - Olga Zdravomyslova p. 155-178 L'auteur analyse deux tendances reliées entre elles qui caractérisent la Russie d'aujourd'hui. La première tendance – qui met l'accent sur le rôle du droit – la « dictature des lois » (selon l'expression poutinienne) définit la stratégie politique qui a remplacé la stratégie de construction d'un État de droit proclamée à la fin des années 1980. La seconde tendance est la recherche de valeurs qui distinguent la Russie de l'Occident. L'ordre et les valeurs spécifiquement russes sont associés à l'adhésion aux normes traditionnelles de comportement consacrées par l'Église orthodoxe. Ces normes sont fixées et renforcées par le moyen d'initiatives législatives de la Douma d'État de la Fédération de Russie telles que la Conception de la Politique Familiale d'État Jusqu'à 2025, la Loi sur l'Offense aux Sentiments Religieux des Croyants et la Loi sur l'Interdiction de la Propagande des « Relations Sexuelles non Traditionnelles auprès des mineurs, deux lois adoptées par la Douma d'État et promulguées par le Président russe en Juin 2013. Les trois textes pris dans leur ensemble constituent un discours idéologique qui non seulement tend à dominer dans la sphère publique mais y revendique un monopole. Cependant de telles initiatives législatives qui visent à consolider la société russe sur la base d'idées traditionnelles et à fournir un « modèle pour la réalité sociale » rencontrent une opposition, créent de nouveaux conflits et renforcent les inégalités sociales. L'article examine les traits et caractères principaux du conflit concernant le problème de la discrimination à l'encontre des personnes « d'orientation sexuelle non traditionnelle » et les droits des homosexuels. Lorsqu'ils sont présentés à la discussion publique, ces thèmes provoquent, d'une part, une panique morale et un rejet agressif et, d'autre part, le désir de « clore » la discussion, de soustraire à la sphère publique tant le problème lui-même que la minorité sexuelle qui fait appel au droit et aux représentations de l'égalité. L'auteur soutient que la fonction latente d'une « dictature des lois » est de se mettre l'accent sur la formation d'un modèle de solidarité fondé sur l'exclusion sélective d'individus et de groupes.Two interconnected trends characteristic for today Russia are analyzed. First tendency – emphasizing of the role of Law – the «dictatorship of Laws» (according Putin's expression) which means a political strategy that replaced the strategy of building a rule-of-law state in Russia, proclaimed in the late 1980s. The second tendency – searching for values that distinguish Russia from West. The order and specific Russian values are associated with adherence to traditional norms of conduct, consecrated by the Orthodox Church. These norms are fixed and strengthened by means of law-making initiatives of the State Duma of the Russian Federation such as Conception of the State Family Policy of the Russian Federation until 2025 as well as the Law on Offending Religious Feelings of the Faithful and the Law on the Prohibition of Propaganda of «Non-Traditional Sexual Relations» among Minors – both laws were taken by the State Duma and signed by the Russian President on June 2013. All three documents as a whole constitute an ideological discourse that not only tends to dominate the public sphere but claims a monopoly there. However, such law-making initiatives intended to consolidate the Russian society on the basis of traditional ideas and give a «model for the social reality» are causing opposition, creating new conflicts and strengthening social inequalities. The article examines the main features and characteristics of the conflict over the problem of discrimination against persons of «non-traditional sexual orientation» and of the rights of homosexuals. Presented on public discussion these themes generate, on the one hand, a moral panic and aggressive rejection and, on the other hand, the desire to «close» the debate, to withdraw from the public sphere both the problem itself and the sexual minority appealing to the right and representations about equality. The author argues that the latent function of a «dictatorship of the laws» is its focus on shaping a solidarity model based on selective exclusion of individuals and groups.
- Mariage pour tous et filiation pour certains : les résistances à l'égalité des droits pour les couples de même sexe - Daniel Borrillo p. 179-220 Si la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe constitue une avancée incontestable, elle ne résout pas pour autant la question de l'égalité des filiations. En effet, l'assistance médicale à la procréation (AMP) demeure interdite aux couples de femmes et l'interdiction de la gestation pour autrui (GPA) à l'ensemble des couples, pénalise particulièrement les couples d'hommes. De surcroît, le gouvernement, face aux manifestations des groupes conservateurs, a restreint le projet de loi famille même si l'AMP et la GPA restaient prohibées dans ledit projet. Contrairement aux allégations des opposants, le groupe de travail mis en place par la ministre de la Famille, tentait de modifier substantiellement, dans un sens conservateur, le droit civil de la filiation par l'introduction du droit d'accès aux origines biologiques et la consécutive levée de l'anonymat des donneurs et donneuses de gamètes. En introduisant la vérité biologique comme soubassement de l'ordre des filiations, cette réforme du droit de la famille préparait le terrain dans lequel s'inscrirait non seulement l'homoparentalité mais toutes les formes de filiation non charnelles. Ainsi, se profilait dans la réforme en question une hiérarchie de la parenté au sein de laquelle la reproduction apparaît comme le fondement de la filiation « vraie » à laquelle viendrait s'ajouter les autres formes de filiation « fictives ». Si le gouvernement a renoncé à cette réforme, ces questions sont susceptibles d'être adoptées par le biais d'amendements. À partir de l'analyse historique des mobilisations des opposants au « mariage pour tous » et des arguments avancés par les opérateurs juridiques (juges, doctrine…) et politiques (experts, politiciens….) contre l'élargissement du ius nubendi et du droit à la procréation pour les unions de même sexe, cet article étudie les stratégies aussi bien savantes que militantes permettant d'esquiver l'égalité et justifiant, par conséquent, les traitements différenciés des couples homosexuels et des familles homoparentales.If the law n°2013-404 of May 17th, 2013 opening the marriage and the adoption to same sex couples constitutes an indisputable progress, the law does not resolve all the question of the equality of the filiations. Indeed, the medical reproduction (AMP) is still forbidden for couples of women and the general prohibition of gestational surrogacy for all couples, is specifically heavy for couples of men. The government, in front of demonstrations of the conservative groups, removed the family bill even if the AMP and the GPA remained prohibited in the aforementioned project. Contrary to the assertions of the opponents, the workgroup set up by the Minister of family, tried to modify substantially, in a conservative sense, the civil law by introducing the right of access to the biologic origins and consecutively raised the anonymity of the donors of gametes. By introducing the biologic truth as the basis of the order of the filiations, this reform of the family law prepared the ground which would join not only the homoparenthood but all forms of not biological filiation. So, was outlined in a hierarchy of the parentship which the reproduction appears as the foundation of the « true » filiation to which would come to add the other « fictitious » forms of filiation. If the government gave up this project, these questions may be adopted by amendments. From the historic analysis of the mobilizations of the opponents in the «marriage for all» and arguments advanced by the legal operators (judges, doctrine) and politics (experts, politicians) against the extension of the ius nubendi and the right for the reproduction for the same sex unions, this article studies strategies both learned and militant allowing to evade the equality and proving, consequently, the treatments differentiated by the homosexual couples and the homoparental families.
Études
- Un vecteur de diffusion des cultures juridiques et politiques françaises au Brésil : O Farol Paulistano (1827-1831) - Oscar Ferreira p. 223-270 Premier journal imprimé de la ville de São Paulo, le Farol Paulistano (1827-1831) profite du vent de liberté accordé par D. Pedro I. Fondé et dirigé par Costa Carvalho, l'un des futurs membres du triumvirat élu afin d'assumer la régence après l'abdication de l'Empereur en 1831, ce périodique secondait la vie parlementaire naissante au Brésil. Son objectif se révéla pourtant plus ambitieux, porté par un discours moralisateur désireux d'amender (mais non de régénérer) l'homme et la femme. Érigeant la presse au rang de moyen de gouvernement placé au service des élites locales, les fameux « barons du café », son propos visait aussi à défendre les libertés publiques et à propager les idées françaises au moyen de traductions régulières. La sélection, effectuée sur la base d'ouvrages importés de France par des libraires français, entérine la thèse de la circulation d'une culture juridique française au Brésil ; mais elle illustre aussi un comportement typique des classes sociales dominantes, à l'origine de l'oligarchie brésilienne, en légitimant leur emprise sur le droit et la confiscation, à leur profit, du pouvoir conservateur refusé au chef de l'État.First printed newspaper published in the city of São Paulo, O Farol Paulistano (1827-1831) takes advantage of the wind of freedom granted by D. Pedro I. Founded and managed by Costa Carvalho, one of the future members of the triumvirate elected to assume the regency after the abdication of the Emperor in 1831, this periodical assisted the rise of the parliamentary life in Brazil. Its purpose was nevertheless more ambitious, trying to convey a moralizing speech, anxious to improve (but not to regenerate) men and women. Introducing the press as a way of government placed under the authority of the local elite, the famous «coffee barons», the periodical also aimed to defend the public freedoms and to propagate the French ideas through regular translations. These translations, made from works imported from France by French booksellers, confirms the theory of a diffusion of the French juridical culture in Brazil; but it also illustrates a typical behaviour of the dominant class, at the origin of the Brazilian oligarchy, striving to legitimate its influence on law and its prise of the conservative power refused to the Emperor.
- Un vecteur de diffusion des cultures juridiques et politiques françaises au Brésil : O Farol Paulistano (1827-1831) - Oscar Ferreira p. 223-270
Lectures : notes et comptes rendus
- « Ce n'est pas un travail de femme ! »1 - Gérard Courtois p. 273-281
- Un père ou un mari pour des orphelins ? Une relecture de la loi iranienne de septembre 2013 - Ramin Namvari, Michel Taube p. 282-284