Contenu du sommaire : Communiquer en URSS et en Europe socialiste

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 56, no 2, juillet-septembre 2015
Titre du numéro Communiquer en URSS et en Europe socialiste
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction. Communiquer en URSS et en Europe socialiste - Kristin Roth‑Ey, Larissa Zakharova p. 253-272 accès libre
  • Foreword. Communications and media in the USSR and Eastern Europe - Kristin Roth‑Ey, Larissa Zakharova p. 273-290 accès libre
  • Les communications entre le public et le privé / Communications between the public and the private sphere

    • Stenography and the public sphere in modern Russia - Stephen Lovell p. 291-326 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La sténographie est à l'origine d'une révolution méconnue dans le monde moderne : pour la première fois, l'écriture pouvait suivre la parole. En Russie, l'adoption de cette technique intervint plus tard qu'en France ou en Angleterre mais elle fut concentrée dans le temps et en lien avec un projet de civilisation particulier, à savoir, dans les années 1860, le lancement des Grandes Réformes, basées sur les valeurs fondamentales de la transparence (glasnost´) et de la publicité (publi©nost´). Au cours des décennies qui suivirent, la sténographie contribua fortement à aider la société russe à se penser. Même si le droit de publier était contesté, la sténographie changea les enjeux et les possibilités du discours politique. Avec la retranscription exhaustive des débats à la Douma, la sténographie entra dans un Âge d'or qui se maintint pendant la période révolutionnaire jusqu'au tout début de l'ère soviétique. Avec la prolifération des institutions et diverses assemblées soviétiques, la demande en sténographes n'avait jamais été aussi grande. À partir du milieu des années 1920, la sténographie fut de nouveau contestée : la question de savoir qui détenait le contrôle de la transcription devenait primordiale. Cependant, même avec le durcissement du système de représentation connu sous le nom de réalisme socialiste, la sténographie conserva beaucoup de son importance en tant que moyen permettant l'enregistrement documentaire de discours publics, du moins jusqu'à l'adoption, dans le milieu des années 1940, d'appareils d'enregistrement du son faciles d'emploi.
      Stenography brought about an unsung revolution in the modern world: for the first time ever, writing could keep up with speech. In Russia, the adoption of this technology came later than in France or Britain, but it was concentrated in time and tied to a particular civilizational project: the Great Reforms launched in the 1860s, with their key values of glasnost´ and publichnost´. Over the decades that followed, stenography would play an important role in helping Russian society to imagine itself. Even if the right to publish was contested, stenography would also change the stakes and possibilities of political discourse. With the exhaustively recorded debates in the State Duma, stenography entered a Golden Age, which continued into the revolutionary and early Soviet periods. With the mushrooming of Soviet institutions and forms of assembly, the demands for stenographers' services had never been greater. From the mid‑1920s onwards, stenography once again became contested territory, as the question of who got to control the transcript became paramount. Yet, even with the tightening of the representational system known as Socialist Realism, stenography retained—at least until the adoption of user‑friendly sound recording technology in the mid‑1940s—much of its significance as a documentary record of public speech.
    • Letters to Stalin : Practices of Selection and Reaction - Oleg Khlevniuk p. 327-344 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine les procédures de sélection des lettres adressées à Stalin émanant de simples citoyens et la façon d'y réagir. En URSS, les lettres adressées au pouvoir en général et à Stalin en particulier représentaient l'un des moyens de communication importants entre l'État et la société. L'auteur analyse les dynamiques de la correspondance épistolaire (y compris le nombre de lettres), les mécanismes bureaucratiques (dont l'implication personnelle de Stalin), les contenus (dont les variations dans les thèmes dominants), et quelques‑unes des conséquences générées par la pratique de la correspondance (tant pour la vie des auteurs des lettres que pour la politique générale stalinienne). L'étude est basée sur des matériaux issus des archives personnelles de Stalin et quelques documents du Secteur spécial du Comité central (CK) du VKP(b).
      This article examines selection procedures for common citizens' letters to Stalin, and the practices of reacting to these letters. Letters to power in general and to Stalin in particular were one of the key channels of communication between state and society in the USSR. The author analyses the dynamics of letter‑writing (including the volume of letters), the bureaucratic mechanisms (including Stalin's personal involvement), the contents of the letters (including changes in dominant themes), and some of the consequences of letter‑writing (for both the authors' lives and wider Stalinist policy). The study is based on materials from Stalin's personal archives and some documents of the Special Sector of the Central Committee (TsK) of the VKP(b).
    • Building the idea of the common good in people's democracies : A Case Study of Communist Czechoslovakia in the 1950s - Krakovský Roman p. 345-370 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il est généralement considéré que le concept d'espace public ne s'applique pas aux régimes de type soviétique puisque la propriété privée n'y bénéficiait pas d'une protection suffisante et que le pluralisme politique n'y était pas garanti. Toutefois, même dans ce type de régime, les populations échangeaient sur les sujets d'intérêt général. Cet article analyse les mécanismes de débat public au niveau local. Il s'appuie sur une étude de cas, les délibérations au sein du conseil municipal de Ruzyně, une commune des environs de Prague, dans les années 1950. Il étudie d'abord comment la Seconde Guerre mondiale transforma la nature de la communauté citoyenne et accentua son caractère prolétaire. Ce nouveau contexte contribua à redéfinir l'équilibre entre la sphère privée et la sphère publique et à modifier la façon dont l'intérêt général et l'intérêt personnel se négociaient. Lorsque l'État‑parti acquit une position dominante dans l'espace public, les pratiques de communication évoluèrent et rendirent plus difficile l'élaboration de la notion d'intérêt général.
      The concept of a “public sphere” is generally considered inapplicable to Soviet‑type regimes because they neither extended adequate protection to private property nor guaranteed political pluralism. Nevertheless, even under such regimes, people communicated about issues of the common good. This article analyses the mechanisms for public debate on the local level. It is based on a case study of the city council of Ruzyně, a town on the outskirts of Prague, Czechoslovakia, during the 1950s. First, it considers how the Second World War transformed the very nature of a citizens' community and emphasized its proletarian character. This contributed to a new equilibrium between the public and the private and determined how common and individual interests were negotiated. As the party‑state gained a dominant position in the public sphere, communication practices evolved and made the elaboration of the idea of the common good more difficult.
    • “Dear television workers…” : TV Consumption and Political Communication in the Late Soviet Union* - Kirsten Bönker p. 371-400 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les années 1970, la télévision soviétique est devenue le principal média du pays. Dans quelle mesure a‑t‑elle pu avoir une incidence sur la communication politique et la formation de liens affectifs chez les téléspectateurs ? Quel usage le citoyen soviétique lambda faisait‑il des programmes télévisés ? Prenant pour postulat que le personnel de la télévision, le public et le régime s'engageaient dans un nouveau mode de communication, l'auteur analyse la spécificité du courrier adressé par les téléspectateurs aux départements éditoriaux de la télévision. Ces lettres permettent d'explorer la capacité de la télévision à déclencher un engagement émotionnel chez les téléspectateurs lors de la diffusion d'émissions relatives aux modes de vie, aux valeurs sociétales et à la culture populaire soviétique. L'auteur avance que la majorité du public a émotionnellement accepté le mode de vie soviétique et la façon dont il était présenté dans les programmes de divertissement. En se positionnant constamment au plus près du public, la télévision s'est placée dans le champ de la communication politique en tant que média de loisir mais aussi en qualité d'agent des intérêts sociétaux et du progrès. Le public a réagi à la télévision comme à un intermédiaire influent de la politique et correspondant au nouveau mode de vie consumériste poststalinien. Le courrier adressé à la télévision soviétique suggère que la consommation télévisuelle a connecté la communication publique à la communication privée à partir de la fin des années 1950, et qu'elle les a diversifiées et modifiées. La reconnexion du domaine public et du domaine privé semble avoir déclenché un engagement affectif positif des téléspectateurs envers le régime soviétique.
      In the 1970s, Soviet television was a key medium. This article asks to what extent it engaged its audience in political communication and emotional bonding. How did “ordinary” Soviet citizens make use of television programmes? Assuming that the television staff, the audience, and the regime engaged in a new field of communication, the article examines the specificity of audience letters sent to television's editorial departments. These letters allow us to probe television's capacity to trigger emotional commitment among viewers in its presentation of Soviet popular culture, societal values, and lifestyles. The article proposes that the majority of TV viewers emotionally accepted the Soviet lifestyle and the way television presented the Soviet way of life in entertainment programming. By steadily suggesting close contact with the audience, television positioned itself in the field of political communication not only as a medium of entertainment, but also as an agent of societal interests and improvements. Viewers responded to television as to an influential facilitator of politics and the new post‑Stalinist consumerist lifestyle. Letters to Soviet TV suggest that TV consumption interconnected, diversified, and modified private and public communication after the late 1950s. The re‑connecting of the private and public sphere seems to have triggered a positive emotional commitment among viewers towards the Soviet regime.
  • Le défi des innovations techniques : Les transformations des systèmes de communication / The challenge of technological innovations: Transformations in communication systems

    • The conflicted origins of soviet visual media : Painting, Photography, and Communication in Russia, 1925‑1932 - Angelina Lucento p. 401-428 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le domaine culturel, la période comprise entre la révolution d'Octobre et la mise en œuvre du Premier Plan quinquennal a été marquée par une série de vifs débats publics sur la fonction des arts visuels et des média dans la toute nouvelle société socialiste. Des théoriciens éminents, tel le commissaire du peuple à l'Instruction publique Anatolij Luna©arskij, et des écrivains affiliés au journal Lef, tels Boris Arvatov et Sergej Tret´jakov, participaient à ces débats au même titre que des artistes modernistes et des peintres réalistes. La photographie était un thème central et, en 1925, la question d'évaluer comment les avancées technologiques en matière de photographie ou de toute autre forme de reproduction mécanique pouvaient changer la nature du visuel s'était imposée comme la plus pressante. Alors que dans tous les débats les factions participantes reconnaissaient l'importance de la photographie, elles admettaient aussi que les composants matériels de la peinture, notamment les couleurs et la texture de la surface, demeuraient essentiels au développement de relations socialistes de bonne camaraderie. Cet article apporte pour la première fois un éclairage sur les aspects de la jeune pensée soviétique sur l'esthétique et la communication qui conduisirent à établir fermement la peinture comme un média visuel essentiel au socialisme. Il démontre en particulier que la matérialité de la peinture et ses traces étaient liées à l'activation et à la transmission des sensations du corps, lesquelles étaient considérées comme nécessaires à la formation de connexions socialistes.
      In the cultural sphere, the period between the October Revolution and the initiation of the first five‑year plan was marked by a series of heated public debates about the function of visual art and media in the new socialist society. Prominent theorists, including the Commissar of Enlightenment, Anatolii Lunacharskii, and writers associated with the journal Lef, such as Boris Arvatov and Sergei Tret´iakov, participated in these debates, as did modernist artists and realist painters. Photography was a central theme, and by 1925 the question of how the advances in photographic and other forms of mechanical reproduction were changing the nature of the visual had emerged as the debates' most pressing problem. While all of the debates' contending factions recognized the significance of photography, they also agreed that the material components of painting—particularly color and surface texture—remained essential to the development of comradely socialist relations. This article brings to light for the first time the aspects of early Soviet thought on aesthetics and communication that led to the firm establishment of painting as a visual medium essential to socialism. It demonstrates in particular that the materiality of painting and its traces were linked to the activation and transmission of the sensations of the body, which were considered necessary for the formation of socialist connections.
    • ВЛАСТЬ И МЕДИА : Визуальная революция шестидесятых - ЕКАТЕРИНА ВИКУЛИНА p. 429-466 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge le rapport entre le changement de régime politique dans les années 1960 et le développement des technologies de l'information, en particulier dans la distribution de masse de la photographie. Sous bien des aspects, ce changement politique est lié à « l'explosion des médias » qui s'est produite à l'époque, avec le tournant général de la culture vers le visuel et la traversée du Rideau de fer par les images populaires occidentales.Les changements dans la représentation du pouvoir devinrent particulièrement notables. À l'époque stalinienne, où préférence était donnée au portrait peint du leader, les photographies devaient imiter les « beaux‑arts » pour neutraliser le danger d'un transfert incontrôlé d'information. Par contre, les années 1960 réhabilitèrent la photographie et les priorités changèrent. Les nouvelles technologies démocratisèrent l'image du pouvoir, qu'elles rendirent compréhensible, familier et quotidien.Outil de contrôle et de propagande, les médias devinrent alors une toute petite ouverture sur le monde capitaliste du rêve et de la liberté sexuelle. Le boum des médias est l'une des raisons supposées du développement dynamique du mouvement dissident des années du dégel. La diffusion rapide de l'information visuelle joua un rôle important car ce procédé, plus ambivalent était, de fait, plus difficile à censurer que du texte. L'apparition d'un grand nombre de photographes et d'éditions illustrées et la montée en puissance du septième art sont indissociablement liées au réchauffement de la politique, qui est basé sur ces phénomènes.
      The article discusses the relationship between the change in the political regime in the 1960s and the development of informational technology, particularly in mass distribution of photography. In many ways, this change was related to the “media explosion” that occurred at the time, with the general turn of culture towards the visual and Western popular images crossing the Iron Curtain. Changes in the representation of power became particularly noticeable compared with the Stalin era, when preference was given to painted portraiture of the leader. Then, photography had to imitate the “fine arts” so as to neutralize the danger of uncontrolled transfer of information. On the other hand, the 1960s rehabilitated photography, and priorities changed. New technologies democratized the image of power, made it understandable, familiar and ordinary. The media turned from a means of control and propaganda into a loophole‑like opening on the capitalist world of dreams and sexual freedom. The media boom is one of the supposed reasons for the dynamic development of the dissident movement in the years of the Thaw. The rapid spread of visual information played an important role here because it was more ambivalent and therefore harder to censor than text. The appearance of an army of photographers, a large number of illustrated editions, and the heyday of cinematography are inseparably linked with the “warming” in politics, which is based on these phenomena.
    • La reconfiguration des réseaux de communication dans la nouvelle Ukraine d'après‑guerre (1944‑1952) - Larissa Zakharova p. 467-494 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine les modalités de la reconfiguration des réseaux de communication dans l'Ukraine agrandie à la fin et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Celles‑ci témoignent de la nouvelle vague de centralisation fédérale. Le choix fait en faveur des lignes téléphoniques directes entre la capitale de l'URSS et les grandes villes ukrainiennes traduit la volonté de contrôle de la part de Moscou qui passe outre le gouvernement de la république. L'impératif de contrôle et de lutte contre la résistance couplé aux objectifs de l'éducation politique de la population et de la collectivisation des territoires annexés détermine un « traitement privilégié » des régions occidentales en ce qui concerne la fourniture des techniques et des équipements qui ont par ailleurs connu des innovations importantes pendant la guerre. Les pratiques de ponction concomitantes à l'inclusion des pays de l'Europe centrale et orientale dans la zone d'influence soviétique n'apparaissent pas en Ukraine occidentale. Les dirigeants cherchent à y préserver les héritages matériels et techniques d'avant‑guerre, mais aussi à enrichir les parcs d'équipements grâce aux techniques les plus modernes. Cela est censé asseoir l'autorité politique soviétique dans ces régions tout en préservant une image de « prospérité » aux yeux des habitants.
      This article examines the modalities of the reconfiguration of communication networks in enlarged Ukraine at the end and in the immediate aftermath of the Second World War. These modalities are indicative of a new wave of federal centralization. The choice of direct telephone lines between the capital of the USSR and large Ukrainian cities overrode the republican government and revealed Moscow's will for control. The imperatives of control and struggle against resistance coupled with the planned political education of the population and collectivisation in the annexed territories entailed “privileged treatment” for the western regions whereby they were provided with communication techniques and equipments that knew considerable developments during the war. The plundering that accompanied the inclusion of Central and Eastern Europe in the Soviet bloc did not occur in western Ukraine. The rulers not only sought to preserve pre‑war material and technological heritage but also to enrich equipment stocks with the latest modern techniques. This was meant to tighten Soviet political authority in these regions while preserving the image of their “prosperity” among the population.
    • Electronic battlefields, visions of progress and computer networks in state socialist poland - Patryk Wasiak p. 495-516 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la façon dont les représentations du progrès scientifique, économique et social ont influencé le développement des réseaux informatiques de télécommunication en Pologne socialiste. L'auteur avance que les tentatives d'établir des réseaux de communication entre ordinateurs étaient interdépendantes de l'image de la communication électronique en tant que vecteur de progrès scientifique et économique. Tout en analysant le développement de systèmes particuliers de télécommunication tels les réseaux informatiques académiques et les ordinateurs privés, l'auteur démontre comment une telle représentation, juxtaposée à une vision de ce qu'on appelle le « champ de bataille électronique », influença la compréhension publique des réseaux informatiques. Fondé sur des documents d'archives, des actes législatifs et des périodiques informatiques, cet article montre comment les informaticiens, les décideurs politiques et la communauté scientifique influencèrent la construction sociale des réseaux informatiques en tant que vecteurs de modernité et de développement social et scientifique.
      This essay discusses how imageries of scientific, economic, and social progress influenced the development of computer‑based telecommunication networks in state socialist Poland. The author argues that attempts at establishing communication networks between computers were interdependent with imageries of electronic communication as a vector of economic and scientific progress. While discussing the development of particular telecommunication systems such as academic computer networks and privately owned personal computer modems, the author shows how such imagery, juxtaposed with a vision of the so called “electronic battlefield,” influenced public understanding of computer networks. Based on archival documents, legislative acts and computer periodicals, this article shows how computer professionals, policy makers, and the scientific community influenced the social construction of computer networks as vectors of modernity and social and scientific development.
  • Média, informations et émotions / Media, news and emotions

    • To flee or not to flee : The conflicting messages of Soviet wartime propaganda and the Holocaust, 1941 - Kiril Feferman p. 517-542 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après le déclenchement de la guerre germano‑soviétique, les institutions médiatiques soviétiques remplirent leur rôle principal d'avant‑guerre d'outil de propagande. La description des politiques anti‑juives allemandes entra pour une large part dans le champ de leurs fonctions, ne serait‑ce que parce que de tels rapports ne pouvaient pas être authentifiés tant que les territoires soviétiques resteraient sous domination ennemie. Par conséquent, il est probable qu'ils étaient considérés par nombre de Soviétiques simplement comme une nouvelle manipulation de la part de la propagande soviétique, parmi eux les Ginsburg, une famille juive, originaire de Rostov‑sur‑le‑Don, ville du sud de la Russie.Les médias soviétiques peuvent être crédités dans une grande mesure d'avoir informé et sensibilisé le public sur les véritables intentions des Allemands envers les juifs, ce qui finit par trouver écho auprès des Ginsburg, incitant les uns à évacuer pendant que d'autres songeaient à partir. Toutefois, l'information cruciale sur la proximité des forces allemandes était souvent indisponible ou déformée. L'impact des messages émanant des médias soviétiques dépendait de leur adéquation avec la mentalité de leur public, tels les Ginsburg, et de la possibilité ou du souhait de ce public de vérifier les contenus auprès d'autres sources, principalement par le biais de la rumeur colportée par les réfugiés. Prenant en considération la peur que la famille avait des censeurs soviétiques et le désir de ses membres de ne pas s'inquiéter mutuellement, on peut dire que la pénétration des notions des médias soviétiques est notable en 1941.
      After the outbreak of the Soviet‑German war, Soviet media institutions fulfilled their major prewar role as a propaganda tool. The portrayal of German anti‑Jewish policies fell largely within their functions if only because such reports could not be authenticated as long as the enemy remained in control of Soviet territories. Therefore, they were likely regarded by many Soviet people as merely one more Soviet propaganda spin. Among them was a Jewish family, the Ginsburgs, from the South Russian city of Rostov‑on‑Don. Soviet media can be credited in no small measure with disseminating awareness of the Germans' real intentions towards the Jews that ultimately reverberated to the Ginsburgs and incited some of them to evacuate while others considered leaving. However, the critical information on the proximity of the German forces was frequently unavailable or distorted. The impact of the messages emanating from the Soviet media depended on whether they accorded with the mindset of their consumers, such as the Ginsburgs, and whether these consumers were able and willing to verify media content from other sources, mainly rumors coming from refugees. In cognizance of the family's fear of Soviet censors and their desire not to upset each other overall, one can say that the penetration of Soviet media notions is noticeable in 1941.
    • The “soviet way of life” as a way of feeling : Emotion and Influence on Soviet Central Television in the Brezhnev Era - Christine Evans p. 543-570 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article décrit l'émergence du « mode de vie socialiste » en tant que catégorie majeure dans la propagande soviétique à la fin des années 1960 et pendant les années 1970, catégorie qui place au premier plan les qualités émotionnelles et spirituelles, caractéristiques essentielles de la nouvelle personne soviétique et de la civilisation socialiste soviétique à l'ère du « socialisme avancé ». Alors que les recherches récentes mettent l'accent sur l'importance des promesses matérielles faites à la population soviétique à l'époque poststalinienne, le cas de la Télévision centrale suggère la centralité des attraits affectifs et moraux des émissions soviétiques. En regardant la programmation d'« émissions émotion » de la Télévision centrale et Ot vsei duši, le talk show mélodramatique de Valentina Leont´eva, show télévisé le plus représentatif du « mode de vie socialiste » et de l'émotivité de l'ère brejnévienne, l'article démontre comment le contrôle affectif, incluant la création et la préservation d'un climat de bonne humeur chez les téléspectateurs soviétiques, est devenu l'une des stratégies mobilisatrices les plus importantes. Au centre des nouvelles « structures de sentiment » subventionnées par l'État et produites pour ce show et pour d'autres shows télévisés de l'époque brejnévienne (et toujours très présents dans les médias publics contemporains) se trouvaient des rôles féminins fortement genrés, une intense surveillance de l'État, le souvenir de souffrances collectives situées dans un passé héroïque et un nationalisme pan‑slave circonscrit.
      This article describes the emergence of “the socialist way of life” as a central category in Soviet propaganda during the late 1960s and 1970s, one that put emotional and spiritual qualities forward as the defining features of both the new Soviet person and Soviet socialist civilization in the era of “developed socialism.” While recent research has emphasized the importance of material promises to the Soviet population in the post‑Stalin era, the case of Central Television suggests the centrality of affective and moral appeals in Soviet broadcast communications. By looking at “emotion talk” across Central Television's programming desks and at the television show most associated with the “socialist way of life” and Brezhnev‑era emotionality, Valentina Leont´eva's melodramatic talk show, Ot vsei dushi, the author shows how affective management, including the creation and preservation of a “good mood” among Soviet TV viewers, became one of Central Television's most important mobilizing strategies. Central to the new, state‑sponsored “structures of feeling” produced on this and other Brezhnev‑era television shows (and still highly relevant on contemporary Russian state media) were strongly gendered roles for women, intense state surveillance, memories of shared suffering in a heroic past, and a circumscribed, pan‑Slavic nationalism.
    • The fog of stagnation : Explorations of Time and Affect in Late Soviet Animation - Anna Fishzon p. 571-598 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article pose qu'une « temporalité étrange » s'est fait place pendant l'époque de la stagnation : le passé staliniste était innommable et le futur reporté ou interdit. En réponse à l'horizon limité du « socialisme avancé » – la perte de la cohérence narrative et de la futurité, la promesse communiste qui n'arrive jamais – un éternel présent riche en possibilités et en sentiments fut mis en place dans les films d'animation, fournissant un temps et un espace où le désir était encore possible. Ëžik v tumane [Un hérisson dans le brouillard, 1975] de Jurij NorÒtejn, les films de Vinni‑puh (1969‑1972) de Fëdor Hitruk et Bremenskie muzykanty [Les musiciens de Brême, 1969] ont ravivé le désir et modifié l'imaginaire non pas, comme on aurait pu s'y attendre, en rétablissant un temps linéaire, mais en réimaginant la stagnation comme un domaine d'explorations passionnantes et non téléologiques. Là où le brouillard dans Ëžik v tumane provoque un manque et met la libido en marche, Vinni‑puh apporte une solution partielle à la crise du désir de l'époque brejnévienne en mettant en scène une perversité polymorphe et un « temps de cuisine » élastique ; quant aux Bremenskie muzykanty, ils sont allés plus avant dans le développement des nouvelles sociabilités, des amours et des formes de plaisir induites par cette temporalité étrange. Les fossés, les espaces magiquement intimes, les personnifications bizarres et le temps défiguré étaient rendus par le cadre diégétique autant qu'instanciés par le film en tant qu'objet, invitant les spectateurs à examiner de façon ludique les impasses du socialisme tardif et à imaginer une vie à la libido saturée, riche en promesses.
      This article argues that a queer temporality emerged during the era of Soviet Stagnation: the Stalinist past was unspeakable and the future postponed or foreclosed. In response to the limited horizon of “developed socialism” – the loss of narrative coherence and futurity, the never‑to‑arrive communist promise – an expanded present rich in possibility and feeling was brought into being in animated films, providing a time and space where one could desire again. Iurii Norshtein's Ëzhik v tumane (Hedgehog in the Fog, 1975), Fëdor Khitruk's Vinni‑pukh films (1969‑72) and Bremenskie muzykanty (Bremen Musicians, 1969) activated desire and altered fantasy not, as one might expect, through a reestablishment of linear time, but a reimagining of stagnation as a domain of thrilling, non‑teleological explorations. Where the fog in Ëzhik v tumane precipitated a lack and set the libido in motion, Vinni‑pukh provided a partial solution to the Brezhnev‑era desire crisis by staging polymorphous perversity and an elastic “kitchen time”; and Bremenskie muzykanty further developed the new socialities, loves, and forms of enjoyment communicated by such queer temporality. Gaps, magically intimate spaces, queer embodiment, and disfigured time were performed within the diegetic frame as well as instantiated by the film‑as‑object, asking spectators to playfully examine the impasses of late socialism, and imagine a libidinally saturated life, abounding with potentiality.