Contenu du sommaire : La crise de la zone euro : quels enseignements pour l'europe sociale ?
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 3, juillet-septembre 2015 |
Titre du numéro | La crise de la zone euro : quels enseignements pour l'europe sociale ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier thématique : La crise de la zone euro : quels enseignements pour l'Europe sociale ?
- Présentation du dossier - Jean-Claude Barbier, Arnaud Lechevalier p. 5-31
- La crise européenne ne fait que commencer – Un essai - Steffen Lehndorff p. 33-51 À première vue, les tensions les plus vives liées au processus de crise semblent s'être apaisées. Dans le même temps, pourtant, les politiques d'austérité qui prévalent ont renforcé les problèmes économiques et sociaux dans de nombreux pays. Il y a en Europe une dérive du continent du point de vue du développement économique et social. Il en va de même pour la situation politique. C'est le concept même de construction de l'union monétaire et du marché unique européen, tel qu'il est énoncé dans le traité de Maastricht, ainsi que la mise en œuvre de politiques d'austérité et de déréglementation du marché du travail qui font apparaître, aux yeux d'un grand nombre de personnes, l'Europe comme une menace davantage que comme une réussite. L'argumentaire du présent essai consiste à dire qu'une sortie graduelle de cette crise chronique inhérente à l'Union européenne, plus particulièrement à la zone euro, n'est possible que si un changement de politique est amorcé dans certains pays, provoquant par la suite des réactions politiques en chaîne dans les autres pays et des perturbations au niveau de l'Union européenne. Dans le même temps, un changement de politique au niveau des pays individuels n'est, dans la plupart des cas, plus faisable sans obtenir un feu vert ou tout du moins une approbation au niveau des institutions européennes. Toutefois, ainsi que l'a démontré le conflit concernant la Grèce jusqu'à présent, la route est encore longue et semée d'embûches avant que l'équilibre politique du pouvoir en Europe ne permette une révision de l'approche politique prédominante.Looked at superficially, the most dramatic turmoil of the crisis process seems to have calmed down. At the same time, however, the predominant austerity policies have deepened the economic and social problems in many countries. The economic and social developments across Europe are drifting apart. The same applies to the political situation. It is the very construction of the monetary union and the European Union single market, as rooted in the Maastricht Treaty, and the implementation of austerity and labour market deregulation policies which make Europe appear to many people as a menace, rather than an achievement. The bottom-line of the present paper is that a gradual recovery from the chronic crisis in the EU and particularly in the eurozone is possible only if there is a change of course in individual countries that then triggers reactions in the policies of other countries and perturbations at the EU level. At the same time, a change of course in individual countries in most cases is no longer feasible without a green light or at least toleration from the level of the European institutions. As the conflict over Greece has shown so far, however, there is still a long and bumpy way to go until the political balance of power in Europe allows for a revision of the predominant policy approach.
- La crise économique et les droits collectifs des travailleurs en Europe - Aristea Koukiadaki p. 53-73 La crise de la dette souveraine en Grèce, qui s'est ensuite étendue à d'autres États membres de l'Union européenne, menace les fondements de l'Europe sociale. En réaction à cette crise, les États les plus touchés ont mis en œuvre de vastes programmes d'ajustement économique, ce qui a eu un impact sur un certain nombre de domaines essentiels de la compétence nationale, notamment le droit du travail et la politique sociale. Ceux-ci, en liaison avec l'adoption de nouveaux mécanismes de gouvernance économique, marquent une rupture avec le consensus sur le modèle social européen qui prévalait auparavant et reconnaissait, entre autres, le rôle de la négociation collective dans la réglementation des conditions d'emploi. Notre analyse prend l'exemple de la Grèce pour évaluer de manière critique les stratégies de recours contentieux qui ont été mises en œuvre contre les mesures d'austérité touchant les droits collectifs des travailleurs et en particulier la négociation collective. Nous ferons valoir que la complexité juridique des programmes d'assistance économique, ainsi que la réticence de certains organes judiciaires supranationaux à examiner la légalité des mesures ont considérablement limité les possibilités de recours. Il est crucial de recadrer le débat autour de la crise sous l'angle de la légalité et de la légitimité des mesures liées à la crise, mais cela sera insuffisant sans une remise en cause majeure en Europe. Il est nécessaire d'admettre que les politiques d'austérité ne conduiront pas à la croissance économique et que des garanties juridictionnelles sont nécessaires pour permettre la mise en place de politiques alternatives avec la participation des groupes touchés par les mesures.The Greek sovereign debt crisis of 2010, which then spread to other European Union Member States, has challenged the foundations of social Europe. In response to this, extensive economic adjustment programmes were implemented in those states most affected by the crisis that impacted upon a number of key areas of national competence, including in labour law and social policy. These, in conjunction with the adoption of new economic governance mechanisms, point to a break with the pre-existing consensus on the European Social Model that recognised, among others, the role of collective bargaining in regulating terms and conditions of employment. Using the Greek case study as an example, the analysis critically evaluates the ‘legal mobilisation' strategies that have been developed against the austerity measures affecting collective labour rights and in particular collective bargaining. It will be argued that the complex legal nature of the economic assistance programmes in conjunction with the reluctance of some supranational judicial bodies to consider the legality of the measures have limited significantly the scope for litigation. While it is crucial to reframe the crisis debate along the lines of the legality and legitimacy of the crisis-related measures, this will be insufficient without a major reconsideration in Europe that policies of austerity are not going to lead to economic growth and that procedural safeguards are needed for ensuring the development of alternative policies with the participation of groups affected by the measures.
- L'utilisation prétorienne des référentiels sociaux dans les droits européens de la concurrence et de la commande publique : analyse des jurisprudences récentes - Dorian Guinard p. 75-88 Les crises de l'euro et des dettes publiques ont généré un certain nombre de questionnements relatifs, notamment, à la dimension sociale de l'Union européenne. Le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne a donc logiquement été questionné et son activité dans le domaine social particulièrement étudiée par la doctrine, afin de déterminer si la crise de l'euro avait eu, ou pouvait avoir, une quelconque influence sur la jurisprudence des juges de l'Union. L'analyse des décisions de la Cour relatives aux activités sociales au sein des droits de la concurrence et de la commande publique fait, dans le contexte de la crise de l'euro, ressortir deux points principaux. Le premier est que cette crise n'a pas modifié la vision prétorienne des activités sociales dans ces deux droits, ces dernières servant dès les années 1990 à différencier, en droit de la concurrence, l'économique du non marchand, et à déterminer notamment, en droit de la commande publique, l'applicabilité des principes cardinaux de ce droit et d'éventuelles dérogations. Le droit positif procède donc de positions jurisprudentielles anciennes et constamment reprises par la Cour. Le second est que la crise de l'euro, qui est postérieure à l'émergence de la catégorie des services sociaux d'intérêt général, n'a pas eu d'incidence juridique empiriquement constatable, ni sur les textes de droit pris par le législateur européen et la Commission européenne, ni sur la jurisprudence de la Cour relative aux services sociaux d'intérêt général, pour des raisons tenant à la fois à la rareté des saisines dont la Cour de justice fait l'objet et à sa volonté de ne pas mobiliser une notion qu'elle n'a pas créée et qu'elle persiste à ne pas expliciter ou préciser.The euro and public debt crises have given rise to a certain number of questions over the social dimension of the European Union in particular. It has therefore been logical to question the role of the Court of Justice of the European Union and its activity in the social sphere has been studied carefully by legal literature, so as to determine whether the euro crisis had, or could have, any influence on the case law of European Union courts. The analysis of the Court's decisions on social activities within the competition and public tendering laws, in the context of the euro crisis, brings two main points to the fore. The first is that this crisis has not changed the antiquated view of social activities in these two laws – with such activities being used since the 1990s to differentiate, in competition law, between the market and non-market sectors and to determine in particular, in public tendering law, the applicability of the cardinal principles of this law and any derogations. Positive law is therefore based on old positions of case law that are constantly being referred to again by the Court. The second point is that the euro crisis – which postdates the emergence of the category of social services of general interest – has not had an empirically observable legal effect on either the legal texts`np pagenum="077"/b adopted by the European legislator and the European Commission or the case law of the Court on social services of general interest, for reasons stemming both from how seldom cases are brought before the Court of Justice and from its resolve not to make use of a notion it has not created and which it still does not explain or clarify in more detail.
- La fin de l'Europe sociale ? Évaluation du rôle des changements politiques et organisationnels au sein du système politique de l'Union européenne - Paolo Graziano, Miriam Hartlapp p. 89-114 Partant de l'approche du système politique d'Easton, nous considérons les élections européennes de 2004, 2009 et 2014 et la crise économique et financière comme des inputs du système politique de l'Union européenne (UE). Du côté des outputs, la politique sociale ne faisait pas partie des priorités de l'agenda politique de l'UE avant même la crise. Pour comprendre cette discordance entre inputs (les demandes sociales) et outputs (les résultats), nous examinons si et dans quelle mesure les inputs ont modifié les relations de pouvoir entre les principaux acteurs du système politique européen. Nous formulons la thèse selon laquelle si l'on pouvait s'attendre à ce que la crise fasse naître une demande de politiques sociales à l'échelle européenne, les acteurs favorables à un approfondissement de la construction économique et aux politiques d'austérité ont été confortés dans leur action par les résultats électoraux. Nous étayons notre thèse à l'aide de données empiriques originales.Drawing on Easton's political system approach we identify the 2004, 2009 and 2014 European elections and the financial and economic crisis as inputs to the European Union (UE) political system. On the output side, social policy has been substantially removed from the priorities of the EU political agenda already prior to the crisis. To understand this discrepancy between input and output we ask if and how inputs have altered power relationships among core actors in the system. We argue that although crisis-generated demand could have predicted European social policies becoming more relevant in order to cope with the crisis, support in form of election results empowered actors interested in deepening economic integration and austerity policies. We present new empirical data contributing to this argument from different perspectives and sources.
- Les langues et la communication multilingue sont-elles pertinentes dans le cadre de l'Europe sociale ? - László Marácz p. 115-133 L'importance des langues et de la communication multilingue pour les politiques sociales et pour la solidarité nationale est largement reconnue. Cependant, dans le contexte de l'intégration européenne, ce facteur a été sous-estimé et négligé par la recherche en sciences sociales. Cet article considère que les langues et la communication multilingue constituent un élément important pour la définition d'une Europe sociale. Pour soutenir cette hypothèse, l'article se fonde sur le « schéma de la fleur » (floral figuration), un outil analytique proposé par de Swaan (1988). Ce modèle nous permet d'isoler les acteurs sociaux et linguistiques et de localiser des schémas d'exclusion linguistique et communicationnelle dans le système de gouvernance à plusieurs niveaux de l'Europe. Ces schémas se réfèrent également à l'anglais international ou mondial, ainsi qu'à son adaptation bruxelloise, l'« euro-anglais ». Ils apparaissent dans une étude de cas réalisée aux Pays-Bas. Ce pays a récemment commencé à poursuivre des politiques sociales néolibérales et une politique d'assimilation pour l'intégration des immigrés afin de répondre à la crise de la zone euro. On conclut que ces schémas d'exclusion linguistique et communicationnelle doivent être transformés en schémas inclusifs avant qu'une politique sociale européenne ne puisse être réalisée.The relevance of languages and multilingual communication for social policy and solidarity in the context of the nation state has generally been recognized. However, in the context of Europeanization this factor has been underestimated and neglected in scientific research. This paper argues that languages and multilingual communication are relevant for the design of Social Europe. In order to support this hypothesis the paper relies on an analytical tool, the so-called floral figuration model proposed in Swaan (1988). This model allows us to isolate social and linguistic actors and track down complex patterns of linguistic and communicative exclusion in Europe's system of multi-level governance. These patterns also refer to international or global English, or its technically adapted Brussels variety “Euro-English” and appear in a case study on the Netherlands. This country has recently started to pursue a neoliberal welfare policy and an assimilatory policy towards migrants in order to respond to the eurozone crisis. It is concluded that these patterns of linguistic and communicative exclusion must be rendered first into inclusive ones before a European social policy can be realized.
- Les politiques sociales en République tchèque pendant la crise et l'Union européenne - Tomáš Sirovátka p. 135-157 `np pagenum="136"/bLa question qui nous intéresse est la suivante : comment les systèmes de protection sociale peuvent-ils en même temps relever le défi du développement économique sur le long terme, lequel implique de nouvelles dépenses sociales et de répondre à la demande permanente d'austérité ? Cette exigence de contrainte fiscale a encore été accrue récemment par la crise financière et économique. La stratégie d'investissement social peut-elle être une solution ? Cet article examine la stratégie d'investissement social de la République tchèque pendant et après la crise. Nous nous intéresserons aux secteurs les plus pertinents du point de vue des investissements sociaux, à savoir l'éducation, les politiques actives du marché du travail (PAMT), l'accueil des jeunes enfants, l'aide aux familles (y compris la garantie d'un revenu minimum) et le logement. Les travaux montrent que le programme d'investissement social mis en place par l'Union européenne (UE) en 2013 n'a eu aucun effet sur le discours politique en République tchèque. Néanmoins, malgré le rééquilibrage budgétaire et la réduction des dépenses publiques intervenus depuis, on observe des signes de changement dans la conception des stratégies d'investissement social dans ce pays. Parmi les facteurs de ce changement, nous pouvons citer les attentes en matière de productivité, les pressions et les financements de l'UE, ainsi que des changements intervenus dans les politiques nationales.The interesting question is how the welfare states can cope with the long-term developmental challenges which imply demands for social expenditure when facing the permanent austerity fiscal requirements, recently augmented by the financial and economic crisis. Can be social investment strategy a solution ? This paper explores to what extent the social investment strategy has been adopted in the Czech Republic during the crisis and beyond. The following policy fields the most relevant to social investments are considered : education, active labour market policies/activation, early education and child care, family support (minimum income protection to families including) and housing. The findings show that the EU 2013 Social investment package has had no influence on the policy discourse. Nevertheless, in spite of fiscal consolidation and cuts in expenditure there have appeared some indications of the change in approach towards social investment strategy. The ‘productivist' expectations, EU pressures and possibilities given by EU funding, as well as domestic political changes have been the factors behind.`np pagenum="137"/b
- Le système danois de protection sociale : équilibrer solidarité en Europe et immigration en temps de crise - Silvia Adamo p. 159-180 Le système danois de protection sociale (welfærdsystem) a une longue histoire et a la réputation d'être l'un des plus généreux du monde. Cependant, on entend souvent dire que le système universel danois pourrait être remis en cause par les pressions que le droit de l'Union européenne (UE) et l'immigration exercent sur les caractéristiques nationales de ce système. Comment ce système a-t-il répondu aux contraintes du droit dérivé de l'UE dans le domaine de la protection sociale et comment a-t-il réagi dans les périodes de crise ? Le système danois repose, entre autres, sur un principe de solidarité qu'il est difficile d'étendre aux immigrants, bien que le droit de l'UE puisse exiger dans de nombreux cas que ces derniers reçoivent une protection sociale dès le premier jour. Cet article présente les principes et les tendances les plus marquantes de la politique récente au Danemark, en mettant l'accent sur le « tournant libéral » qui a caractérisé ces politiques au cours de la dernière décennie. Il passe en revue certaines des réformes dans le domaine de la protection sociale qui concernent les ressortissants de pays tiers, mais aussi les citoyens de l'Union et visent à limiter l'accès des immigrants aux prestations danoises. À travers l'analyse juridique et politique, l'étude du cas danois permettra d'illustrer un débat plus large sur les relations tendues entre le droit de l'UE et le droit national dans le cadre de la construction de l'Europe sociale ainsi que sur l'impact des attitudes générales à l'égard de l'immigration sur les problèmes de solidarité et de cohésion sociale, particulièrement en temps de crise.The Danish welfare state has a long history and reputation of being one of the most generous in the world. However, the pressures that European Union (EU) law and immigration lay on the national prerequisites for the welfare system are often pointed out as affecting the Danish universal system of benefits. How has the system dealt with EU-derived law constraints in the area of social protection, and how has it responded in periods of crisis ? The Danish welfare state is based on a principle of solidarity, amongst others, which is difficult to bring to life when immigrants enter the country, although EU law may request in many instances that immigrants are given social protection from day one. This article will introduce the rationales and most relevant recent policy trends of the Danish welfare state, focusing on the ‘liberal turn' that has characterised the welfare state policies in the last decade. It will review some of the reforms in the area of social protection that targeted non-EU nationals but also Union citizens, seeking to limit immigrants' access to the Danish welfare state. By analyzing the national legal and policy actions in the area of social protection the case study will serve as an illustration of a broader debate on the tense relationship between EU and national law in the construction of Social Europe, and on the impact of general attitudes towards immigration on issues of solidarity and social cohesiveness, especially in times of crisis.
Points de vue
- L'Europe sociale : une condition sine qua non du projet européen - Bernadette Ségol p. 181-190
- « Les défis sociaux ne peuvent être relevés sans croissance économique » - Thérèse de Liedekerke p. 191-199
- L'impact de la crise financière et des mesures d'austérité sur l'état de santé des Grecs et le système de santé en Grèce - Charalampos Economou p. 200-208