Contenu du sommaire : Mobilités sociales
Revue | Politix |
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Numéro | vol. 29, no 114, 2016 |
Titre du numéro | Mobilités sociales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 3-4
Dossier : Mobilités sociales
- Observer les mobilités sociales en train de se faire : Micro-contextes, expériences vécues et incidences socio-politiques - Julie Pagis, Paul Pasquali p. 7-20 Cet article introductif au dossier thématique explicite les principes et les enjeux d'une sociologie soucieuse d'observer les mobilités sociales en train de se faire. Il entend contribuer au renouvellement d'un domaine de recherche classique mais qui reste en grande partie cantonné aux approches quantitatives centrées sur la mesure de la « fluidité sociale ». Soulignant les apports d'une ethnographie longitudinale des trajectoires et des expériences de déplacement social, il défend la nécessité d'usages plus réflexifs des statistiques et catégories analytiques couramment utilisées pour étudier les mobilités sociales. La lecture croisée des articles rassemblés dans ce dossier permet ensuite d'éclairer la diversité des voies par lesquelles s'opèrent les mobilités sociales. L'analyse de mobilités ascendantes qui ne reposent pas (ou peu) sur l'École éclaire ici d'un nouveau jour les travaux plus connus sur le sujet. C'est enfin la question des effets politiques des mobilités sociales qui est posée à travers ce dossier. Les analyses viennent nuancer ou complexifier un certain nombre de résultats antérieurs, notamment sur les préférences partisanes des individus en mobilité ascendante.Observing Social Mobility in the Making
This introductory article explains the principles and challenges of a sociology concerned with observing social mobility in the making. It aims to contribute to the renewal of a classic field of research that remains largely confined to statistical approaches focused on measuring “social fluidity”. Emphasizing the contributions of a longitudinal ethnography of trajectories and experiences of social shifts, it argues for the need for more reflexive uses of statistical and analytical categories commonly used to study social mobility. A cross-reading of the articles collected in this issue then sheds light on the diversity of paths along which social mobilities take place. The analysis of ascending mobility that is not based (or little) on schooling sheds a new light on the best known works on the subject. Finally, the issue of social mobility's political effects is examined. The analyses gathered here nuance or complexify a number of earlier results, especially concerning the partisan preferences of upwardly mobile individuals. - La culture du pauvre : un classique revisité : Hoggart, les classes populaires et la mobilité sociale - Paul Pasquali, Olivier Schwartz p. 21-45 Depuis sa parution en France en 1970, La culture du pauvre a marqué plusieurs générations de sociologues, politistes et historiens. Ses analyses des styles de vie populaires et des expériences des « boursiers » influencent toujours les études françaises des mobilités sociales et des rapports de classe. Paradoxalement, elles n'ont guère fait l'objet en France de débats ou de revisites. Fondé sur des enquêtes récentes et des sources empiriques variées, pour certaines inédites, cet article vise à répondre aux questions suivantes : comment cet ouvrage est-il devenu un « classique » des sciences sociales françaises ? Quels chantiers a-t-il ouverts ou, au contraire, négligés ? Enfin, et surtout, quelle pertinence conserve-t-il pour la société française contemporaine ? En proposant à la fois un détour par l'histoire d'une importation intellectuelle, un retour aux textes et des pistes d'actualisation, il s'agit d'inviter à des usages plus distanciés et mieux armés des analyses hoggartiennes. Cette revisite entend ainsi contribuer à déroutiniser le rapport à Hoggart, en insistant notamment sur la portée et les limites de deux aspects de son livre qui sont encore aujourd'hui souvent utilisés : la structure « eux »/« nous » et l'expérience des « déclassés par le haut ».The Uses of Literacy: A Classic Revisited
Since it was published in France in 1970, La culture du pauvre (translation of The Uses of Literacy) has exerted a strong influence on several generations of social scientists and historians. Its analysis of working-class lifestyles and the experiences of scholarship students still has a significant impact on French studies dealing with social mobilities and class relations. Paradoxically, though, these analyses have rarely been debated or revisited. Based on recent research and various empirical evidence (including unpublished material), this paper aims at answering the following questions: How did this book become a classic in French social sciences? What new perspectives has it afforded, or neglected? Finally, and above all, is it still relevant when looking at contemporary French society? Through the history of this intellectual importation, a close reading of the texts and new leads for some updating, this paper is an invitation to more reflexive and informed uses of the Hoggartian analysis. While revisiting Hoggart, our goal is to contribute to an unroutinization of his work, mainly by focusing on the strengths and limits of two important aspects of his book that are still frequently used: the “us” vs. “them” structure, as well as his chapter on “the uprooted and the anxious”. - Les sciences sociales face à la mobilité sociale : Les enjeux d'une démesure statistique des déplacements sociaux entre générations - Cédric Hugrée p. 47-72 Ce texte revient sur deux débats centraux dans les travaux sur la mobilité sociale des dernières années : celui discutant des déclassements des générations les plus récentes et celui interrogeant les échelles d'observation des parcours sociaux entre parents et enfants. Dans un premier temps, l'analyse des destins de la cohorte 1975 conduit à nuancer l'idée d'une banalisation des déclassements de génération en génération et de groupes sociaux en groupes sociaux. On montre notamment que si les enfants des classes moyennes et supérieures nés au milieu des années 1970 connaissent une érosion réelle mais limitée de leurs perspectives, les enfants des classes populaires connaissent de meilleurs destins que ceux estimés, par Louis Chauvel, il y a près de 15 ans. Dans un second temps, le texte revient sur l'intérêt d'une table détaillée de mobilité sociale pour changer l'échelle d'objectivation des déplacements sociaux entre parents et enfants. Cette approche s'avère particulièrement riche pour observer les déplacements de faible amplitude et pour interroger certaines modalités spécifiques de reproduction sociale. On défend finalement l'idée que ce n'est pas tant la mobilité observée, mais bien la mobilité détaillée qui est sans doute « la plus proche de l'expérience sensible qu'ont les individus des phénomènes de mobilités ». Ainsi, loin de fermer la porte à la connaissance ethnographique ou qualitative des déplacements sociaux, ces premiers résultats issus d'exploitations secondaires de grandes enquêtes de la statistique publique les sollicitent et favorisent en retour l'identification de cas, si chers au raisonnement ethnographique.The Social Sciences and Social Mobility
This text deals with two debates on French social mobility that have appeared in recent years. They concern the downward social mobility of recent generations, on the one hand; and on the other, the questioning of the scales of observation of the social trajectories of parents and children. First, we analyze the life courses of people born in 1975. This leads to a nuancing of the idea of a trivialization of successive downward shifts from generation to generation and from one social group to another. It shows in particular that middle and upper class children born in the mid-1970s experienced a real but limited erosion of their prospects. However, working-class children have better social positions today, in 2014, than those estimated by Louis Chauvel, 15 years ago. Secondly, the article examines the benefits of a detailed table of social mobility from parents to children. We propose here a closer look at social mobilities based on scale 2 of the French nomenclature of professions (PCS). This approach is particularly useful for observing small mobilities and querying specific terms of social reproduction. Finally, we argue that it is not so much observed mobility, but rather the detailed mobility that is probably “closest to the concrete experience that individuals have of mobility phenomena”. Thus, far from closing the door to the ethnographic and qualitative knowledge of social mobilities, these first statistical results clearly need to be completed by the ethnographic analysis of social paths. - Des ascensions sociales par un métier commercial : Le cas des agents immobiliers - Lise Bernard p. 73-98 Cet article contribue à l'analyse d'une voie de promotion sociale peu étudiée : il explore les ascensions sociales par un métier commercial. Il s'appuie, pour ce faire, sur des analyses statistiques et une enquête ethnographique sur les agents immobiliers. Il montre que des agents immobiliers sont entrés dans le métier avec un espoir d'ascension intra- ou intergénérationnelle, attirés par des espoirs économiques et des aspirations liées au statut du métier. Il examine ensuite les manières dont les agents immobiliers vivent leur trajectoire et souligne les ressorts de l'ascension sociale subjective. Enfin, il analyse l'évolution des styles de vie des agents immobiliers qui connaissent une ascension intergénérationnelle : il met en évidence l'importance de la dimension matérielle de ces déplacements à travers la consommation, tout en montrant que ces derniers peuvent aussi s'accompagner d'une transformation du rapport au corps, à la culture et au politique.Upward Mobility through a Commercial Business
This article puts the emphasis on how a commercial business can lead to upward mobility – a path that has been partly overlooked. It relies on a statistical analysis and on an ethnography of real estate agents. We show that real estate agents entered this industry because they were expecting some economic success and found the status they would be granted attractive. Then, we look at how real estate agents experience their own mobility and how subjective factors play out during this process. Finally, we describe the evolution of the lifestyles of real estate agents who have been upwardly mobile over one generation. We highlight the material dimension of such a mobility by focusing on their consumption habits and we show that these changes can also be accompanied by a transformation in their rapport with their body, culture, and politics. - Monter en première division : Trajectoires de notabilisation des présidents de clubs de football professionnel (1960-1999) - Manuel Schotté p. 99-120 Majoritairement composée de chefs d'entreprise d'envergure régionale, la population des présidents de clubs de football professionnel français est un cas sociologique particulièrement intéressant. Issus de familles modestes et se caractérisant par la faiblesse de leur diplôme, ces hommes échappent en effet aux modes de (re)production des élites les plus courants. Là où, dans la France de la seconde moitié du vingtième siècle, les voies d'accès aux positions dominantes sont très largement déterminées par l'institution scolaire et/ou par l'héritage familial, ils constituent une population atypique, caractérisée par l'originalité du chemin parcouru par ses membres pour arriver à une position éminente. Alors que la littérature s'est jusqu'à présent focalisée sur les cas de mobilité par l'École, l'article souligne qu'on a affaire à une modalité très différente d'ascension, qui repose sur d'autres atouts et d'autres circuits de légitimation. En montrant que l'accès à la visibilité nationale de ces petits patrons devenus grands procède d'une longue trajectoire de notabilisation fortement ancrée localement, le texte entend tout à la fois rendre compte de formes de mobilité peu étudiées et fournir des éléments de caractérisation d'un groupe délaissé par les travaux, celui de la petite-bourgeoisie d'affaires.Promoted to the Premier League
Composed primarily of regional business leaders, the population of French professional football club presidents is particularly rich for sociological study. Coming from modest families and typified by lower educational levels, these men escape the most common modes of elite social (re)production. While access to dominant positions was overwhelmingly determined by the educational system and/or family legacies in France in the latter half of the twentieth century, they represent an atypical population characterized by the originality of the path its members took to achieve an eminent position. While the literature has thus far focused on cases of social mobility through education, this article highlights another, very different modality of ascension based on other advantages and other circuits of legitimation. By showing that these rising businessmen's access to national visibility results from a long trajectory of increasing notability with strong local rootedness, the article aims to both give an account of little-studied forms of social mobility and provide some elements for characterizing a group that has been overlooked in the literature: the business petite-bourgeoisie. - « Si j'arrête de danser, je perds tout » : Penser les mobilités sociales au regard de la vocation d'artiste chorégraphique - Pierre-Emmanuel Sorignet p. 121-148 Ce papier s'appuie sur une enquête ethnographique de longue durée auprès de danseurs contemporains, notamment des entretiens répétés avec les enquêtés, parfois sur près de quinze ans, et pour certains avec différents membres de leur entourage (parents, conjoints, fratrie, amis proches). Il s'agit de réfléchir aux conditions sociales de possibilité de la vocation artistique de danseurs contemporains d'origine populaire. L'attention est portée sur les ressources qui sous-tendent des trajectoires atypiques de mobilité sociale, d'autant plus fragiles qu'elles sont réversibles. On examine en détail les effets de la mobilité ascendante sur l'évolution du rapport aux proches, familles et amis. On prolonge l'analyse en s'intéressant aux formes de politisation engendrées par l'insertion dans un métier caractérisé par la centralité du capital culturel, qu'il s'agisse des orientations politiques de certains des enquêtés ou de leur engagement dans la défense du statut d'artiste.“If I Stop Dancing, I Lose Everything”This paper draws on a long-term ethnographical survey with contemporary dancers, focusing particularly on repeat interviews with respondents, in some cases over about fifteen years; in other cases, various members of the dancers' circle of acquaintances (parents, spouses, siblings, close friends) were interviewed. The paper considers the social conditions of possibility in the artistic calling of contemporary dancers of working-class origin. We examine the resources which underlie atypical social trajectories of mobility—all the more fragile for being reversible. We look in detail at the effects of ascending mobility on the evolution of relationships with the immediate family and close friends. We extend the analysis by considering the forms of politicization engendered by taking a job to which cultural capital is so central.
- Mobilités sociales et rapports au pouvoir institutionnel : une élite du hip-hop en banlieue rouge - Pauline Clech p. 149-175 À la fin des années 1980, le hip-hop est devenu une contre-culture juvénile et banlieusarde qui a constitué un important lieu de socialisation, à côté de la famille et de l'école, au sein de groupes de pairs à base locale. En analysant les trajectoires post-adolescentes d'enquêtés socialisés au sein de cette contre-culture et cherchant à se maintenir, une fois adultes, durablement dans cette voie, cet article montre qu'une jeunesse s'y est forgé un capital culturel illégitime. Ce capital culturel est à la fois une capacité de repérage au sein d'arts encore peu institutionnalisés, un ethos spécifique issu en partie de la « culture des rues » et une politisation sous forme de conflictualité et de revanche sociale, ainsi qu'une méfiance vis-à-vis de toute forme de pouvoir institutionnel. L'acquisition de ce capital culturel a des conséquences sur la position sociale atteinte à l'âge adulte. Deux types de mobilité sociale sont repérables : des enquêtés d'origine populaire connaissent une ascension sociale, là où d'autres, issus des classes moyennes, parviennent à conjurer un déclassement probable. Ce capital culturel a besoin d'espaces d'actualisation pour être socialement efficace : s'il reste largement illégitime au sein de la société, nous montrerons les liens dialectiques qui se sont noués au cours du temps entre ce capital culturel, la mobilité sociale et le pouvoir institutionnel local.Social Mobility and Relationships with Institutional Power: The Case of Hip-Hop Elites in French Communist MunicipalitiesBy the end of the 1980s, many young people living in the Parisian working-class suburbs identified hip-hop as their counter-culture. Along with family and school, this peer culture has constituted an important socializing space. Analysing the social trajectories of some of these youths into adult life, this paper shows that they have acquired an illegitimate form of cultural capital. This cultural capital consists in a familiarity with weakly institutionalized art forms, a specific ethos, and a politicization marked by a strong sense of conflict and of social revenge, as well as a deep mistrust towards the establishment. The possession of such a cultural capital has consequences on the social position these youth reach once they become adults. Two kinds of social mobility can be distinguished: interviewees from a working-class background experience upward social mobility, while those from a middle-class background manage to avoid a likely loss of social status. Overall, this form of cultural capital constitutes a socially effective resource only in a limited number of social spaces. We study dialectical links between this type of cultural capital, social mobility, and local institutional power.
- L'engagement des « transfuges coloniaux » en Guyane française : genre, relations coloniales et mobilité sociale - Stéphanie Guyon p. 177-201 À partir d'une enquête ethnographique au sein du mouvement amérindien de Guyane française, cet article appréhende les liens entre mobilités sociales et engagement en articulant relations postcoloniales, classe, genre et génération. L'article met en évidence la sexuation des trajectoires de mobilité ascendante : les hommes amérindiens connaissent une réussite scolaire supérieure à celle des femmes, accèdent à des positions de professions intermédiaires, bénéficient d'une mobilité géographique en métropole jusque-là réservée aux créoles et héritent bien souvent de leurs aînés de responsabilités militantes. Si l'école, qui favorise une relative autonomie à l'égard des assignations sexuées traditionnelles, joue un rôle indéniable dans la promotion sociale des femmes amérindiennes, celles-ci bénéficient aussi de dynamiques de socialisation au milieu d'accueil qui se produisent en dehors de l'institution scolaire et, de manière plus informelle, dans l'intimité des couples. Leur mariage avec des hommes créoles ou métropolitains leur fournit ainsi les ressources nécessaires à leur engagement associatif et/ou politique. Cet article montre aussi ce que l'engagement fait à la mobilité en termes d'opportunité de rattrapage scolaire ou de reconversion professionnelle. Là aussi, les chances de reconversions promotionnelles du militantisme sont supérieures pour les hommes que pour les femmes. Toutefois, depuis la réforme paritaire, les femmes ont comme les hommes des opportunités d'entrée en politique au niveau local.The Involvement of “Colonial Defectors” in French Guiana. Gender, Colonial Relations and Social MobilityBased on long-term ethnographical fieldwork in the Amerindian movement in French Guiana, this paper examines the links between social mobility and activism by articulating post-colonial relations, class, gender and generation. It highlights gendered ascending trajectories: Amerindian men succeed better at school, reach middle management positions, benefit from a geographical mobility in mainland France hitherto enjoyed only by Creoles, and very often inherit activist responsibilities from their elders. School encourages a relative autonomy towards traditional gender assignations and plays an undeniable role in the social advancement of Amerindian women, but the latter also benefit from the dynamics of socialization to the host group outside the school institution and in a more informal way, through belonging to a couple. Marriage with Creole or metropolitan men supplies them with the resources necessary for their associative and\or political involvement. This article also shows what activism does to social mobility in terms of opportunity of academic up-grading or vocational retraining. Here too, the chances of promotional retraining through activism are superior for men than for women. However, since the parity law, women have opportunities, as men do, to enter into politics at the local level.
- Observer les mobilités sociales en train de se faire : Micro-contextes, expériences vécues et incidences socio-politiques - Julie Pagis, Paul Pasquali p. 7-20
Varia
- Entre stratégie et moralité : Des migrants chinois en situation irrégulière face à la « clause de maladie » - Simeng Wang p. 205-227 L'objet de cet article est d'appréhender les dimensions stratégique et morale des usages sociaux du droit par les migrants en situation précaire, à travers le cas de parents chinois d'enfants malades, demandeurs de régularisation pour raison médicale. En s'appuyant sur une enquête ethnographique menée auprès des deux côtés de la « clause de maladie » – médecins comme parents demandeurs de titre de séjour –, l'article montre d'abord que ce qui est stigmate peut devenir ressource dans l'accès au droit de ces migrants irréguliers. Du fait de l'anticipation dans les usages du droit par ces migrants, ces derniers sont parfois considérés comme « tacticiens » par des psychiatres, qui effectuent au fil du temps un travail d'évaluation à la fois médical, moral et politique. Le suivi des familles sur une relative longue durée, à la fois dans leur itinéraire de soin et dans leur projet migratoire, a permis d'analyser l'évolution temporelle des enjeux moraux liés à la régularisation pour raison médicale. Chez les parents concernés, il existe un processus d'appropriation de l'usage du suivi médical de leur enfant comme une ressource administrative. Au croisement de l'incertitude médicale et de l'incertitude migratoire, certains parents sont capables de passer d'une décision de régularisation pour raison médicale à celle de retour au pays également pour raison médicale. Lorsque ces familles sont gérées par des médecins « gardiens des frontières », elles sont capables d'autogérer leur rapport aux frontières, entre le pays d'origine et le pays d'accueil.Between Strategy and Morality
The purpose of this article is to analyse the social uses of law by migrants living in a precarious situation, through the case of Chinese parents of sick children, applying for regularization for medical reasons. Based on an ethnographic survey conducted on the two sides of the “illness clause” in the management of applications for residence permits – doctors as well as applicant parents – the article first shows that what is considered as stigma can become a resource for irregular migrants to facilitate their access to legality. Because of the anticipation that these parents will make use of the law, they are sometimes considered as “strategists” in the eyes of child psychiatrists, who evaluate the situation medically, morally and politically over time. After following these migrants in their care itinerary and migration trajectory over a relative long period of time, the ethnographic work has enabled me to analyze the temporal evolution of the moral issues involved in regularization for medical reasons. Among the parents concerned, there is an appropriation process of using a child's medical monitoring as an administrative resource. At the intersection of medical and migration uncertainties, some parents are able to move from a regularization decision for medical reasons to a return to their home country, likewise for medical reasons. When those families are managed by “border guard” doctors, they are able to self-manage their relation to the borders between their countries of origin and their host countries.
- Entre stratégie et moralité : Des migrants chinois en situation irrégulière face à la « clause de maladie » - Simeng Wang p. 205-227
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 229-246