Contenu du sommaire : La culture gallicane. Références et modèles (droit, ecclésiologie, histoire)
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 226, n°3, 2009 |
Titre du numéro | La culture gallicane. Références et modèles (droit, ecclésiologie, histoire) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Sylvio de Franceschi, Frédéric Gabriel, Alain Tallon p. 291-292
Mémoires et fondations
- Gallicanisme et Réforme : le constitutionnalisme de Cosme Guymier (1486) - Tyler Lange p. 293-313 En précisant les raisons pour lesquelles la France n'a pas suivi la Réforme, on néglige bien souvent les rapports entre l'ecclésiologie et la pensée politique. On voit toujours en Seyssel le représentant du « constitutionnalisme médiéval » et l'on ne rend jamais compte des liens entre le conciliarisme et la politique de l'Université et du Parlement de Paris. Cet article réévalue ce sujet au moyen du commentaire de la Pragmatique Sanction/par Cosme Guymier (1486), décrétiste et parlementaire qui unit la pensée conciliariste à la politique gallicane. Son œuvre est la première d'un mouvement qui allie la monarchie absolue et le Parlement contre les hérétiques, et qui suggère l'inutilité constitutionnelle de la Réforme pour la France.In investigating why France failed to become Protestant, one does not often look at the relation between ecclesiology and political thought. One takes Seyssel to be the exemplar of "medieval constitutionalism" and never accounts for the connection between the ecclesiology and politics of the Parlement and University of Paris. This article will examine this connection through Cosme Guymier's commentary (1486) on the Pragmatic Sanction. Canonist and magistrate, he joined conciliarist political thought to Gallican politics, hinted at the beginnings of what would later unite the absolute monarchy and the Parlement against heresy, and suggested why the Reformation was constitutionally unnecessary in France.
- Papauté, histoire et mémoire gallicane au XVIe siècle - Jotham Parsons p. 315-328 Nonobstant une hostilité marquée envers la papauté, plus ou moins visible selon la conjoncture, les gallicans érudits de la fin du XVIe siècle se sentaient contraints de concéder une place non négligeable au pape dans le catholicisme français. Cette contrainte provenait de la place qu'ils allouaient à la continuité historique comme outil de compréhension et de légitimation d'une monarchie intimement liée avec la papauté depuis ses origines, et qui (pensaient-ils) ne pouvait plus être pensée sans elle. Mais ce modèle provenait aussi du mode de formation de leur propre identité, qui privilégiait la continuité, visible au niveau de la piété développée envers l'Église, le roi et les dynasties familiales.Despite frequent hostility towards the papacy, which waxed and waned depending on circumstances but never vanished, erudite Gallicans of the later sixteenth century felt compelled to accept a major role for it in French Catholicism. This was largely due to the importance they placed on historical continuity as a way of understanding and legitimating a monarchy that had, after all, been intertwined with the papacy since its inception and which (so they believed) could for better or worse no longer be conceived of apart from it. It was also, however, also the consequence of a mode of personal identity that also privileged historical continuity, but on the level of piety towards church, king, and family.
- Tours contre Rome au début du règne d'Henri IV - Marco Penzi p. 329-347 Pendant l'hiver 1589-90, à l'arrivée de la Légation Caetani en France et ensuite à Paris, se déchaîna une guerre d'arrêts entre les parlements ligueurs et royaux. Plus qu'une simple polémique locale entre Catholiques Unis et Politiques, cette guerre d'arrêts marqua le début d'une politique et d'un projet de séparation de l'Église de France de l'Église catholique et romaine.During the winter of 1589-90, at the time of the arrival of the Caetani Legation in France and subsequently in Paris, a battle of legal rulings started between the Parliament of the Catholic League and that of the Politiques. This was not just a moment of controversy between Leaguers and Royals; it also marked the beginning of a political policy and a project of separating the Church of France from the Roman Catholic one.
- L'usage gallican (1552-1771) de l'Afrique chrétienne tardo-antique : les modalités de l'unité ecclésiale - Frédéric Gabriel p. 349-374 D'emblée, les textes gallicans s'ancrent dans les profondeurs de l'histoire, une histoire qui les conduit jusqu 'aux premiers temps chrétiens où ils puisent une théologie de la tradition qui détermine en aval un droit fidèle à ce moment inaugural. L'Église d'Afrique entre dans ce dispositif d'écriture et constitue un modèle latin et primitif alternatif à la papauté. L'autonomie locale, l'unité episcopate et la procédure d'appel retiennent particulièrement l'attention des gallicans et leur permettent d'élaborer une lecture ecclésiologique qui révoque en doute la primauté juridique du siège romain. L'Église d'Afrique est ainsi un modèle pour penser l'articulation entre épiscopats locaux et unité ecclésiale universelle.From the outset, Gallican texts are anchored in the depths of history, a history that carries them back to the earliest Christian times. The theology of tradition that they draw from this period determines that their laws shall remain ever after faithful to this origin. When the Church of Africa enters into this writing system, it serves as an alternative model, both Latin and primitive, to the papacy. In particular, the Gallicans ' attention is seized by its local autonomy, its episcopal unity and its appeal procedure, and this allows them to develop an ecclesiological reading that casts doubt on the judicial primacy of the Roman See. The Church of Africa is thus a model for understanding the relationship between local bishoprics and universal ecclesial unity.
- La Gallia Christiana (1656) des frères de Sainte-Marthe : une entreprise gallicane ? - Olivier Poncet p. 375-397 La première édition de la Gallia Christiana parue en quatre volumes en 1656, est due aux jumeaux Scévole (ou Gaucher) et Louis de Sainte-Marthe. La conception de cette œuvre, les méthodes de réalisation et le contenu de cette publication amènent à s'interroger sur la place qu'elle a pu occuper dans le paysage gallican de l'époque. Le sourcilleux patronage institutionnel et financier de l'assemblée du clergé de France ne constituait pas en soi un certificat de gallicanisme. En dépit d'une polémique vite éteinte à propos de notices jugées excessivement favorables à Saint-Cyran et à Jansénius, ce travail savant, aussi impeccable que possible pour l'époque, accompagnait le mouvement de conscience unitaire de l'Église de France considérée comme la « pars nobilissima » de la Chrétienté.The first edition of the Gallia Christiana, issued in four volumes in 1656, was produced by the twin brothers Scévole (or Gaucher) and Louis de Sainte-Marthe. The design of this work and the methods of production and content of this publication raise questions about the place it occupied in the Gallican landscape of the time. However, in themselves the institutional and financial patronage of the French clergy did not constitute a certificate of Gallicanism. Despite a quickly extinguished controversy over the notices devoted to Saint-Cyran and Jansenius, this erudite research, as faultless as possible for its time, accompanied the movement towards a unitary consciousness of the Church of France, considered as Christendom's "pars nobilissima".
- Louis Ellies Du Pin (1657-1719), historien de Byzance - Marie-Hélène Blanchet p. 413-428 Louis Ellies Du Pin (1657-1719) est l'un des rares auteurs français de la fin du XVIIe siècle à proposer une vision relativement impartiale de l'histoire byzantine : il relate de manière nuancée les principaux affrontements qui ont opposé l'Eglise byzantine et la papauté entre le vif et le XVe siècle. Il semble que son absence de préjugés et son intérêt pour l'orthodoxie médiévale puisse en partie être mis sur le compte de sa sensibilité gallicane.Louis Ellies Du Pin (1657-1719) is one of the few French authors of the late seventeenth century to offer a relatively unbiased view of Byzantine history: he recounts with subtlety the major clashes between the Byzantine Church and the papacy from the seventh to the fifteenth century. It seems that his lack of prejudice and his interest in Medieval orthodoxy may partly be on account of his Gallican sensibility.
- Dionysisme et gallicanisme : la figure de l'évêque selon Bossuet - Anne Régent-Susini p. 413-428 La valorisation de la figure épiscopale revêt, on le sait, une importance décisive dans le gallicanisme en général, et dans le gallicanisme de Bossuet en particulier. Fortement marquée par le concept dionysien du hiérarque, la pensée de l'épiscopat développée par Bossuet fait cependant subir à cet héritage un infléchissement notable : minoration du rôle joué par les corps intermédiaires (en l'occurrence les prêtres, et surtout les diacres), interprétation de la relation hiérarchique comme une relation d'autorité plus que de transmission d'un savoir, importance accordée au statut paradoxal de l'évêque, oscillant entre force et faiblesse, majesté et humilité.It is well known that the promotion of the bishop figure is of primary importance to gallicanism in general, and to Bossuet's gallicanism in particular. Strongly influenced by Dionysius'concept of hierarch, Bossuet's conception of episcopate shows some remarkable differences with this heritage: Indeed, Bossuet decreases the importance of the intermediate bodies (such as the priests, and most of all the deacons); he views the hierarchy as an authoritative relationship, and not as a transmission of knowledge; and he tends to emphasize the paradoxical nature of the bishop's situation, always oscillating between strengh and weakness.
- Gallicanisme et Réforme : le constitutionnalisme de Cosme Guymier (1486) - Tyler Lange p. 293-313
Figures gallicanes
- Nicolas Bergeron (†1584/1588) et la construction de la culture gallicane - Grégoire Holtz p. 429-443 Les différents modèles convoqués par Nicolas Bergeron dans son œuvre de polygraphe témoignent de la richesse et de la plasticité de la culture gallicane dans la seconde moitié du xvie siècle. Par sa compilation des arrêts de justice favorables aux libertés de l'Église gallicane et par sa réactivation du mythe fondateur de Pierre de Cugnières, Nicolas Bergeron laisse à son descendant Pierre Bergeron, un autre polygraphe, un héritage idéologique considérable. Les réappropriations de ce modèle par Pierre Bergeron mais aussi par Laurent Bouchel révèlent la diversité des écritures possibles d'une mémoire vive du gallicanisme, entre détournement, nostalgie et combat.In his work as a polygraph, Nicolas Bergeron evokes many aspects of Gallican culture, thus revealing its richness and malleability in the second half of the 16th century. By compiling court decisions that guaranteed the liberties of the Gallican Church, and by reviving Pierre de Cugnières' founding myth, he passed on a considerable ideological legacy to his descendant, polygraph Pierre Bergeron. The various ways in which the latter, as well as Laurent Bouchel, appropriate this heritage reveal the diversity of possible approaches to recording a vivid memory of Gallicanism, between reinterpretation, nostalgia, and controversial debate.
- Jacques Leschassier, Senlis et les libertés de l'Eglise gallicane (1607) - Thierry Amalou p. 445-466 Dans le contexte politique de l'Interdit de Venise, Jacques Leschassier, avocat au Parlement et correspondant de Paolo Sarpi, prend la défense des chanoines de Senlis. Ces derniers s'opposent à leur évêque qui, en vertu de la législation tridentine, leur refuse le droit de délivrer des lettres dimissoires. La publication de travaux érudits affirmant reconstituer le code canonique de l'Église primitive accompagne la victoire de l'avocat parisien. Le déroulement du procès et ses enjeux ecclésiologiques éclairent deux aspects de sa réception : la publicité enthousiaste qu'en firent les grands gallicans parisiens ; localement, la signification des libertés gallicanes et les conséquences sociales de l'affaiblissement du pouvoir épiscopal.In the political context of the Interdict of Venice, Jacques Leschassier, parliamentary lawyer and correspondent of Paolo Sarpi, defended the Canons of Senlis. They had opposed their bishop, who, in accordance with Tridentine legislation, had refused them the right to grant dimissory letters. Leschassier's victory was accompanied by the publication of scholarly works claiming to reconstitute the canon code of the primitive Church. The way the trial played out and its ecclesiological stakes help to illuminate two aspects of its reception : the enthusiastic publicity that the major Paris Gallicans made of it and, locally, the meaning of Gallican freedoms and the social consequences of the weakening of épiscopal power.
- Simon Vigor face aux catholiques zélés : le gallicanisme radical du début du XVIIe siècle - Sylvio Hermann De Franceschi p. 467-483 Le présent article analyse la position du juriste et magistrat Simon Vigor (1556-1624) à l'égard de la doctrine romaine et théocratique, telle que le cardinal Bellarmin l'avait en son temps formulée dans ses Disputationes de controversiis christianae fidei (1586-1593) et dans son De potestate Summi Pontificis in rebus temporalibus (1610). En suivant les théories d'Edmond Richer, l'auteur fameux d'un De ecclesiastica et politica potestate liber unus (1611) qui avait provoqué un immense scandale lors de sa publication, Simon Vigor défend en définitive un gallicanisme radical qui rappelle le De Republica ecclesiastica de Marc 'Antonio De Dominis, archevêque apostat réfugié à la cour du roi Jacques Ier d'Angleterre.This article analyzes the position of the jurist and magistrate Simon Vigor (1556-1624) regarding Roman and theocratic doctrine as formulated by Cardinal Bellarmin in his Disputationes de controversiis christianae fidei (1586-1593) and in his De potestate Summi Pontificis in rebus temporalibus (1610). Following the theories of Edmond Richer, the famous author of the De ecclesiastica et politica potestate liber unus (1611) that had provoked a tremendous scandal when it was published, Simon Vigor ultimately defends a radical Gallicanism reminiscent of the De Republica ecclesiastica of Marc Antonio De Dominis, an apostate archbishop who had fled to the court of James I of England.
- Jacques Auguste de Thou (1553-1617) : une rupture intellectuelle, politique et sociale - Robert Descimon p. 485-495 Le président de Thou a compté parmi les créateurs de la nouvelle configuration intellectuelle qui domina tout le XVIIe siècle. Tout en se situant dans la tradition des magistrats gallicans, il s'inscrivit dans un mouvement de rupture. Socialement, il rompit les liens de son lignage avec l'ancien patriciat municipal parisien et devint ainsi un prototype des nobles de robe par mimétisme culturel avec la gentilhommerie dite d'épée. Surtout, son œuvre contribua à congédier les savoirs majeurs dont la Renaissance avait hérité : la théologie dogmatique et la science du droit. Le prestige de sa monumentale Histoire, écrite en latin, fonde un espace littéraire européen : sans elle, la littérature n'aurait pu conquérir les pouvoirs qui seront les siens sous le ministère de Richelieu, ni la monarchie la pratique absolutiste de son exercice.The président de Thou was among the creators of the new intellectual configuration that dominated the entire 17th C. Even as he situated himself within the tradition of the Gallican magistrates, he was part of a movement of rupture from it. Socially, he broke off hereditary ties with the old municipal patrician class of Paris and became a prototype of the nobleman of the gown through cultural imitation of the nobles of the sword. Most important, his work contributed to the dismissal of the major fields of knowledge that the Renaissance had inherited: dogmatic theology and legal science. The prestige of his monumental Latin Histoire opened up a new European literary space. Without this work, literature could not have attained the power that it enjoyed under Richelieu, nor could the monarchy have attained the absolutist practice of its own power.
- Un gallican sous la Ligue : Guillaume Du Vair (1556-1621) - Alexandre Tarrête p. 497-516 Guillaume Du Vair (1556-1621), conseiller-clerc au Parlement de Paris, ami de Pierre Pithou, de Nicolas Le Fèvre et de Jacques-Auguste de Thou, manifesta pendant la Ligue un vif attachement à la cause gallicane. Chargé avec d'autres parlementaires d'examiner la recevabilité des décrets du Concile de Trente, il attira l'attention sur les dangers que certains articles faisaient courir aux libertés de l'Église de France. Pamphlétaire engagé en faveur d'Henri IV, Du Vair affirma contre les Ligueurs la prééminence du politique sur le religieux, et préféra les intérêts du Royaume aux injonctions de Rome. Sans être lui-même un érudit ou un théoricien, il a beaucoup fait pour diffuser les thèmes gallicans développés par ses amis les « Politiques ».Guillaume Du Vair (1556-1621), counsellor in the Parliament of Paris during the Catholic League crisis and friend of Pierre Pithou, Nicolas Le Fèvre and Jacques-Auguste de Thou, was strongly engaged in favour of the Gallican cause. He examined the articles of the council of Trent and rejected those contrary to the freedom of the French Church. Defending the legitimacy of Henry IV against the League, he valued Politics over Religion and preferred the interests of the French Kingdom to the injunctions of Rome. Without being himself a scholar or a theorist, Du Vair consistently helped spread the ideas of his friends, the "Politiques".
- L'électron libre du gallicanisme : Jean de Launoy (1601-1678) - Jacques Grès-Gayer p. 517-543 Longtemps considéré comme un gallican extrême, le docteur de Navarre J. de Launoy était surtout un érudit original et indépendant. L'étude de ses écrits, en particulier un recueil thématique de lettres, met en évidence une vision plus classique ; elle établit la spécificité de sa contribution aux débats ecclésiologiques et canoniques du temps. En démontrant de manière scientifique la vérité historique et théologique de la doctrine de France, il affaiblissait les perspectives tridentines et établissait un modèle d'Église apte à satisfaire les aspirations de nombreux chrétiens.Long perceived as an extreme Gallican, the Navarre Doctor J. de Launoy was above all an independent and original scholar. A study of his writings, in particular a thematic collection of letters, exposes a more classical vision of him; it establishes the singularity of his contribution to the ecclesiastical and canonical debates of his time. In systematically proving the historical and theological truths of the Doctrine of France, he weakened Tridentine perspectives and established a model of the Church capable of responding to the yearnings of many Christians.
- Nicolas Bergeron (†1584/1588) et la construction de la culture gallicane - Grégoire Holtz p. 429-443