Contenu du sommaire : Le discours : les unités, les relations, les marqueurs.
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 49, 2004 |
Titre du numéro | Le discours : les unités, les relations, les marqueurs. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I. Articles
- Présentation - Corinne Rossari p. 7-8
- Les relations de discours rhétoriques et praxéologiques dans la description des propriétés des constituants parenthétiques - Eddy Roulet p. 9-17 Cet article montre que la prise en compte des relations praxéologiques, en plus des relations rhétoriques traditionnellement étudiées jusqu'ici, permet de décrire non seulement le rôle des constituants non langagiers du discours ou les relations entre les échanges d'un dialogue, mais aussi le rôle des constituants parenthétiques, qui ont résisté jusqu'ici à une analyse syntaxique ou textuelle. Il montre aussi comment, dans une approche modulaire de la complexité de l'organisation du discours, on peut rendre compte de propriétés particulières de constructions problématiques sans recourir à des solutions ad hoc, en exploitant et en combinant des catégories motivées de manière indépendante dans le modèle.In this paper, I argue that it is necessary to take into account rhetorical and praxeological relations in order to adequately describe not only the functions of non-verbal constituents or the relations between exchanges in service encounters, but also the specific features of parenthetical constituents, which have hitherto withstood syntactic or textual analyses. I also show how a modular approach to discourse complexity allows us to describe some problematic constructions without resorting to ad hoc solutions, by using and combining categories that have been independently motivated in the model.
- Jurons et hétérogénéité énonciative - Martina Drescher p. 19-37 Cette contribution se situe à l'intersection des recherches sur les marqueurs de discours d'un côté et l'hétérogénéité énonciative d'un autre côté. Je m'intéresse à des jurons comme putain, merde, mince, etc., et je ferai l'hypothèse qu'ils représentent un type spécifique de marqueur de discours. Il s'agit de formes plurifonctionnelles, à mi-chemin entre la fonction émotive et la fonction discursive du langage – une de leurs fonctions étant de signaler un type particulier de discours rapporté en style direct : l'autocitation, c'est-à-dire la reprise de paroles ou pensées antérieures du locuteur. A l'aide d'exemples provenant d'un corpus de français parlé, je montrerai que les jurons indiquent avant tout l'ouverture du discours direct. Généralement accompagnés d'autres signes de démarcation comme les verba dicendi, ils apparaissent notamment dans le contexte de séquences narratives.This contribution is located at the intersection of research on discourse markers on the one hand, and discursive heterogeneity on the other hand. I am interested in curse words like putain, merde, mince, etc. and will suggest that they constitute a specific type of discourse marker. These curse words are multifunctional forms, halfway between the emotive and the discursive function of language – one of their functions is to indicate a particular type of reported speech in direct style : the self-quotation, that is the reiteration of the words or thoughts of the speaker. Based on examples from a corpus of spoken French, I will show that these curse words signal in particular the start of the reported speech. Generally accompanied by other signs of demarcation like the verba dicendi, they appear above all in the context of narrative sequences.
- La polysémie de l'adverbe toujours - Maj-Britt Mosegaard Hansen p. 39-55 Dans cet article, nous proposons une description sémantique de l'adverbe français toujours. Cet adverbe possède tout un faisceau d'emplois différents, qui du point de vue syntaxique sont tous de nature adverbiale, mais qui, au niveau sémantique, peuvent être vériconditionnels ou non-vériconditionnels, certains pouvant en outre être considérés comme étant de nature connective. Notre approche peut être caractérisée comme « polysémiste », ce qui signifie que nous considérons le lexème toujours comme étant doté d'une structure interne, où certains emplois se laissent dériver de façon motivée d'autres emplois, plus fondamentaux. Nous poserons la lecture temporelle comme le sens de base, dont les autres emplois peuvent être dérivés, et nous esquisserons les processus de dérivation probables (principalement la conventionnalisation d'inférences et la subjectification).In this paper, I propose a semantic description of the French adverb toujours. This adverb has a number of different uses, which, syntactically speaking, are all adverbial in nature, but which, at the semantic level, may be either truth-conditional or non-truth-conditional, and some of which may moreover be considered as being of a connective kind. I take it that toujours is polysemous, and hence possesses an internal structure whereby some uses represent extensions of other, more basic, uses. I argue that the temporal reading of toujours is the basic sense, and I sketch the processes (principally the conventionalization of inferences and subjectification) that are likely to play a role on the derivation of the remaining senses.
- Simplement, seulement, malheureusement, heureusement - Béatrice Lamiroy, Michel Charolles p. 57-79 Les adverbes seulement, simplement, malheureusement et heureusement se prêtent en français contemporain à des emplois où ils commutent avec mais. Dans un premier temps, nous montrons à l'aide d'une série de tests syntaxiques que, dans les contextes "oppositifs", seulement et simplement se rapprochent plus de mais que malheureusement et heureusement. Ces données plaident en faveur de l'idée que seulement et simplement, tout en n'étant pas des conjonctions à part entière, sont plus grammaticalisés que malheureusement et heureusement, qui demeurent des adverbes évaluatifs. Ces hypothèses sont ensuite étoffées et discutées à partir des données obtenues sur un corpus de 100 emplois de chacun de ces adverbes dans la presse actuelle.In modern French, adverbs such as seulement, simplement, malheureusement, heureusement can sometimes be used with a contrastive meaning similar to that of mais. First, we apply a series of formal tests which show that seulement and simplement behave syntactically more like mais than malheureusement and heureusement. This provides evidence for our claim that seulement, simplement are more grammaticalized than malheureusement, heureusement which basically remain evaluative adverbs. In a second part we examine a small corpus consisting of 100 press examples for each adverb, which allows us to further discuss the same hypothesis and to strengthen our claim.
- Sans quoi : une procédure de justification a contrario purement anaphorique - Corinne Rossari, Florence Lefeuvre p. 81-93 La mise en relation de deux énonciations (X et Y) par la locution prépositive sans quoi se fait sur le mode d'un procédé anaphorique classique, selon lequel la locution prend comme antécédent l'état de choses évoqué en X et accommode comme antécédent à la proposition exprimée en Y l'état de choses contraire à celui donné en X. Le lien de dépendance qui unit la proposition exprimée en Y à son antécédent accommodé assure la possibilité d'enclencher une lecture a contrario responsable du lien de justification qui va de Y à X.In the structure 'X sans quoi Y', the prepositional phrase sans quoi places two utterances (namely X and Y) in an anaphoric relation. The antecedent of the prepositional phrase is the state of affairs referred to in X ; the opposite state of affairs is accommodated as the antecedent of the proposition given in Y. These two propositions (i.e. the proposition being accommodated and the one conveyed by Y) are interdependent. Their link may give rise to a reading of the type 'a contrario', which makes possible the rhetorical procedure of justification Connecting Y to X.
- Note sur l'abduction - Marion Carel p. 95-113 Cet article est une réflexion sur la bizarrerie que Peirce voit derrière toute « hypothesis ». On propose, sur cette base, de distinguer trois formes d'heuristiques : les heuristiques absolus « C abso A » (Ce misanthrope de Pierre est venu à la fête. Il devait vouloir voir Marie.) dont la bizarrerie est à l'intérieur de C ; les heuristiques relatifs « C rel A » (Jean est sorti donc il doit faire beau) évoquant la bizarrerie qu'il y aurait à « non A pourtant C » ; et les heuristiques causaux « C caus A » (Il fait beau donc Jean doit être sorti) évoquant la bizarrerie qu'il y aurait à « C pourtant non A ». Les propriétés linguistiques propres à chacun de ces types de discours sont alors étudiées.This paper is about the « very curious circumstance » that, according to Peirce, hypothesis tries to explain. Three kinds of hypothesis « C-A » are distinguished according to the link between the « curious circumstance » and the linguistic expression of the hypothesis : what is curious may be the fact C itself, the fact C without its cause A, or the fact C without its consequence A. The properties of the three kinds of discourse are studied.
- Un modèle d'unités discursives pour l'étude de la conversation familière - Elisa Benavent Payà p. 115-131 Cet article présente un système d'unités pour l'étude de la conversation qui a été élaboré à partir d'un corpus d'espagnol quotidien. La nouveauté de ce système, par rapport à d'autres modèles théoriques dont il s'inspire, réside en la conception de la structure conversationnelle en deux niveaux : d'un côté, le niveau structurel, où chaque contribution est hiérarchiquement structurée en unités et sub-unités, et d'un autre côté le niveau social, où l'on tient compte uniquement des contributions qui ont été acceptées par les autres interlocuteurs. De telle manière, les unités basiques traditionnellement appelées tour et alternance de tour se dédoublent : d'une part, on a l'intervention et l'échange au niveau structurel, et de l'autre, le tour et l'alternance de tours au niveau social. Finalement, on considère que le changement d'émetteur est une condition nécessaire et suffisante pour définir l'intervention, tandis que ce changement est une condition nécessaire mais non suffisante pour définir le tour.This paper presents a system of units for the study of conversation, which has been elaborated from a corpus of spontaneous recordings. Although inspired in former proposais, this system sheds a new light on the structure of spontaneous conversations by distinguishing two levels : first, a structural level, where every contribution is hierarchically structured in units and sub-units, and second, a social level, where only contributions accepted by other co-conversationalists are taken into account. As a resuit, the basic units for what is traditionally called turn and tum-taking are doubled : intervention and exchange, at the structural level ; turn and tum-taking, at the social level. The corollary is that a change of speaker is a necessary and sufficient condition to distinguish an intervention, whereas it is a necessary but not sufficient condition to distinguish a turn.
II. Varia
- Les compléments de degré en jusqu'à - Silvia Adler, Maria Asnès p. 133-159 Les compléments de degré en jusqu'à constituent un domaine moins étudié en comparaison avec celui des compléments temporels ou locatifs introduits par cette préposition. Les trois types de compléments traduisent une polarité extrême, mais c'est dans la nature de la culmination que l'on remarque la digression des compléments de degré par rapport aux deux autres types de compléments. Cet article a pour but de relever le noyau d'intensité propre à tous les compléments de degré et absent dans les compléments locatifs et temporels. Il sera pourtant constaté que les compléments de degré ne constituent pas une classe homogène et se distinguent en fonction du type de relation établie par jusqu'à entre les éléments à gauche et à droite de cette préposition. On vérifiera ensuite quel est le rôle de ces compléments dans la structuration de l'aspect.As opposed to temporal and locative complements introduced by jusqu'à, degree complements in the scope of the same preposition constitute a less explored domain. These three types of complements denotate an extreme polarity. However, it is in the nature of culmination that the deviation of degree complements from the other two types is most visible. The purpose of this article is to reveal the intensity nucleus shared by all the degree complements, and absent from the locative and temporal ones. Nevertheless, it will be claimed that degree complements do not form a homogeneous class and can be distinguished by the kind of relation established by jusqu'à between the elements surrounding this preposition. Finally, we will determine the role of these complements in the aspect construction.
- Les compléments de degré en jusqu'à - Silvia Adler, Maria Asnès p. 133-159
III. Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 161-167