Contenu du sommaire : La scalarité : autant de moyens d'expression, autant d'effets de sens
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 54, 2007 |
Titre du numéro | La scalarité : autant de moyens d'expression, autant d'effets de sens |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I. Articles : Introduction
- La scalarité : autant de moyens d'expression, autant d'effets de sens - Pascale Hadermann, Michel Pierrard, Dan Van Raemdonck p. 7-15 De nos jours, le concept de scalarité surgit dans des études consacrées à des phénomènes très variés dont la quantification, la gradation, la comparaison et l'intensification. La question qui mérite d'être examinée est de savoir si la représentation scalaire peut être posée comme réellement sous-jacente à ces phénomènes et si, dans le cas d'une réponse affirmative, elle permettrait d'unifier le traitement de structures à première vue très divergentes, attestées non seulement en français mais aussi dans une grande variété de langues. C'est à cette question que le présent volume tentera d'apporter des éléments de réponse.Nowadays the concept of scalarity appears in studies on phenomena as varied as quantification, gradation, comparison and intensification. The question, however, of whether this scalar representation can really be considered as underlying these phenomena should be examined further. If this were to be the case, another question would be whether this representation allows for a unified treatment of apparently very different structures, not only in French but also in a large array of languages. This present issue hopes to provide the means to answer these questions.
- La scalarité : autant de moyens d'expression, autant d'effets de sens - Pascale Hadermann, Michel Pierrard, Dan Van Raemdonck p. 7-15
I. Articles : L'approche morpho-lexicale
- Le comparatif nu d'adverbes en -ment - Sunniva Whittaker p. 17-27 Le présent article vise à décrire l'emploi d'adverbes en -ment à la forme comparative nue, c'est-à-dire sans explicitation du comparant, du comparé et du verbe. Ces comparatifs nus ont un emploi différent des adverbes à la forme positive lorsqu'ils ont pour incidence la phrase. Il s'avère également que les adverbes qui sont aptes à remplir la fonction d'adverbial de phrase à la forme comparative ne sont pas toujours les mêmes que ceux que l'on trouve dans cet emploi à la forme positive. Ils contribuent fortement à la cohésion textuelle en vertu de leur double statut d'anaphoriques/cataphoriques et connecteurs. Ils se classent dans deux grandes catégories : reformulatifs et enchérissants.This article aims at describing the use of adverbs with the suffix -ment in a bare comparative form, i.e. comparatives where the two terms of comparison and the verb are implicit. The use of these bare comparatives as sentence adverbials is different from the use of the same type of adverb in the positive form. It is also interesting to note that the adverbs used in the comparative form are not always the same as the ones used in the positive form as sentence adverbials. Bare comparatives play an important role with regard to textual cohesion as they are not only connectors but also anaphoric/ cataphoric expressions. They can be divided into two categories: reformulating expressions and argument strengthening expressions.
- Le monde d'au-delà : une dimension scalaire - Silvia Adler, Maria Asnès p. 29-42 Cet article, qui traite de la préposition au-delà de en tant que marqueur de scalarité, poursuit un autre article décrivant les emplois scalaires possibles de groupes prépositionnels en jusqu'à (cf. Adler & Asnes, 2004) et s'intègre dans un cadre théorique général de degré qui a connu un grand essor ces dernières années (cf. Hay, Kennedy, Levin, 1999 ; Kennedy & McNally, 1999 ; Piñón, 2000 ; Kennedy, 2001 ; Kennedy & Levin, 2002 ; Caudal & Nicolas, 2003). Parmi les nombreux moyens d'expression de la scalarité, c'est surtout l'analyse des modifieurs de degré (beaucoup, peu, très, etc.) et celle des modifieurs comparatifs (plus que, moins que, etc.) qui ont attiré l'attention des chercheurs. Notre étude, qui enquête spécifiquement sur la question de savoir comment un syntagme à tête prépositionnelle est susceptible de mesurer une propriété ou un événement selon une échelle de degré, se propose donc de combler la lacune du domaine prépositionnel.The present paper, dealing with the preposition au-delà de as a scalarity marker, continues a previous study on the possible scalar values of PPs headed by jusqu'à (cf. Adler & Asnes, 2004) and is written within the theoretical framework of degree semantics (cf. Hay, Kennedy, Levin, 1999 ; Kennedy & McNally, 1999 ; Piñón, 2000 ; Kennedy, 2001 ; Kennedy & Levin, 2002 ; Caudal & Nicolas, 2003, among others). Whereas the current research on degree focuses mostly on the analysis of scalar and comparative modifiers, our purpose is to discover what makes a prepositional phrase capable of measuring a property or an event along a degree scale, and thus to fill the gap as far as the prepositional environment is concerned.
- Évaluation scalaire, identification et intensité : quand vrai n'est pas le contraire de faux - Hava Bat-Zeev Shyldkrot p. 43-56 Cette étude vise à explorer les rapports qui existent entre les concepts d'identité et d'intensité ainsi que leur parcours d'évaluation scalaire, tels qu'ils ressortent de l'analyse de l'item lexical vrai. Le cadre théorique adopté est celui de la polysémie et de la grammaticalisation. Une classification des valeurs sémantiques de vrai est proposée. Les difficultés qui empêchent de cerner le lien entre les notions d'identité et d'équivalence et celles d'intensité sont évoquées. On se concentre, tout particulièrement, sur les occurrences polysémiques. Enfin, on expose le parcours de l'évolution scalaire de l'identité et de l'intensité.This study aims at defining the relationship between the concepts of identity and intensity, and their scalar evaluation as revealed in the lexical entry vrai. The theoretical frames used are polysemy and grammaticalization. A classification of the semantic values of vrai is being proposed. The difficulties to pinpoint the relation between these two concepts are examined. We concentrate mainly on polysemic occurrences. Finally, we show the scalar evolution of identity and intensity.
- Le comparatif nu d'adverbes en -ment - Sunniva Whittaker p. 17-27
I. Articles : L'approche sémantique et cognitive
- Pour une définition générale de l'intensité dans le langage - Clara Romero p. 57-68 L'intensité est un domaine qui a souvent été étudié dans les différentes langues, notamment par les grammairiens, sans pourtant qu'un consensus ne se dégage quant à la définition de ce terme. Nous tentons ici, à travers un panorama de tous les faits linguistiques que peut recouvrir cette notion dans le langage (sous différentes étiquettes, telles que haut degré, mise en relief, etc.), de souligner ce qui en fait finalement l'unité, et qui la définit : l'idée de tension, d'écart que l'on appréhende. Celui-ci peut être d'ordre quantitatif, ce qui renvoie à la scalarité et au degré, ou qualitatif, il peut alors être actuel ou virtuel.Intensity is a field that has often been studied in various languages, notably by grammarians, however without a consensus being ever reached as to the definition of this term. By taking a broad view of all the linguistic facts that may be encompassed (under different labels, such as high degree, emphasis, etc.) by the notion of intensity in language, we attempt to highlight what ultimately unites and defines it: the concept of tension, and/or of gap that may be taken in. This gap can be classified as quantitative, relating to degree and scalarity; or as qualitative, being in such case real or virtual.
- Les comparaisons comme SN exprimant le plus haut degré - Sarah Leroy p. 69-82 Cet article porte sur deux constructions comparatives, comme + SN, Adj comme SN et SN comme SN, qui expriment grammaticalement la scalarité et, de plus, passent, suivant les interprétations, de l'expression d'un degré relatif à un étalon à l'expression d'un degré absolu, du plus haut degré. On montre tout d'abord que l'interprétation intensive d'Adj comme SN relève de la construction elle-même (du type de SN en particulier) et que SN comme SN, toujours intensif, maintient une ambiguïté fondamentale quant à sa référence. On insiste ensuite sur le rôle du SN et sur la charge appréciative qu'il acquiert, et on donne un panorama des niveaux de scalarité des différentes constructions dans leurs différentes interprétations.This article deals with two comparative constructions, comme + SN, Adj comme SN and SN comme SN, which express scalarity grammatically and, furthermore, pass, depending on the interpretations, from the expression of a degree concerning a standard to the expression of an absolute degree, of the highest degree. First of all we show that the extensive interpretation of Adj comme SN results from the very construction (particularly of the type of SN) and that SN comme SN, always extensive, maintains a fundamental ambiguity for its reference. We insist then on the role of the SN and on the appreciative load that it acquires, and we give a panorama of the levels of scalarity of the various constructions in their various interpretations.
- Pour une définition générale de l'intensité dans le langage - Clara Romero p. 57-68
I. Articles : L'approche interprétative et argumentative
- Les indéfinis free choice confrontés aux explications scalaires - Claude Muller p. 83-96 On examine quelques emplois d'indéfinis à polarité et « free choice » du français dans la perspective de la scalarité. Cette investigation montre que le caractère premier de ces séries lexicales est l'indétermination et l'interchangeabilité des référents. Cependant des inférences pragmatiques peuvent orienter vers la périphérie du domaine et donner lieu à des interprétations d'extrémité d'échelle, souvent dépréciatives. Les FC sont en plus utilisables de façon attributive, indépendamment de leur interprétation quantitative, souvent mais pas exclusivement de façon dépréciative. La valeur sémantique de base reste l'interchangeabilité du référent, sans scalarité.We examine polarity and free-choice series in French from the viewpoint of scalarity. We show that the basic feature of these lexical series is unspecification and indiscriminacy of the referents. However, pragmatic inferences can point to the periphery of the domain, giving rise to end-of-scale interpretations, often derogatory. The FC items permit attributive, often derogatory uses, completely separated from their quantificational value, but the basic semantic value remains neutral, without associated scale of quality.
- La scalarité d'indéfinis à sélection arbitraire - Pierre Larrivée p. 97-107 La notion d'échelle est envisagée dans cet article à travers les interprétations à polarité négative et de libre-choix des expressions de sélection arbitraire qui que ce soit et any. Ces interprétations reposent sur un modèle scalaire analogue, ce qui permet d'expliquer qu'elles se trouvent rendues régulièrement par les mêmes expressions à travers les langues. Un modèle scalaire ne semble pas immédiatement tangible dans les problématiques impératives du type Pick any card, où la sélection arbitraire diffère par la valeur existentielle et l'absence de valeur qualitative. Ces différences tiennent cependant à un choix relevant de la liberté de l'interlocuteur sur des occurrences non distinguables. L'ensemble des occurrences étant néanmoins concernées, on est autorisé à conclure que la dimension scalaire de ces cas et d'autres impératives problématiques demeure.This paper looks at the notion of scale through the negative polarity and free-choice interpretations of arbitrary-selection expressions such as any. These interpretations rest on a scalar model, which explains why they often get associated with the same item cross-linguistically. A scalar model does not seem to emerge readily in the problematic imperatives of the type Pick any card, where the arbitrary selection item differs from its other uses by its existential value and absence of qualitative dimensions. These differences come from a choice over non-distinguishable entities left to the interlocutor. Yet, since this choice is exerted against the whole set of contextual entities, a scalar model seems to stand, for this and other problematic imperative uses.
- Comment devenir scalaire - Lucia M. Tovena p. 109-119 Cet article se propose d'examiner des expressions additives en italien. L'idée générale que je défends est qu'il faut distinguer entre la scalarité lexicale des items tels que l'italien perfino et le français même, et la scalarité contextuelle de l'italien neanche, qui possède aussi une lecture purement additive. En plus, il y a des lectures parasitairement scalaires que des expressions additives pures telles que anche en italien et aussi en français peuvent avoir lorsque le domaine se trouve être ordonné. L'idée spécifique que je défends est que (a) les items purement additifs doivent vérifier la présupposition existentielle traditionnellement associée à tous les éléments de la classe, alors que (b) les scalaires lexicalisent l'instruction de l'accommoder (ainsi qu'une contrainte d'ordre) et (c) neanche ne précise pas le choix de la stratégie pour satisfaire cette présupposition et peut ainsi avoir les deux lectures.This paper discusses additive particles in Italian. The general working hypothesis is that these items may trigger scalar inferences lexically or contextually, and that the latter case is not necessarily an instance of order obtained by parasitism. The specific hypothesis I explore is that there is a link between the presence of an order and the way the existential presupposition traditionally associated with additive particles at large is satisfied in context. The option of verifying the presupposition is compatible with pure additive and scalar readings, whereas accommodating it systematically leads to a scalar reading. Leaving the option unspecified opens the way to the possibility of exhibiting the two readings, which is the case of Italian neanche.
- Les indéfinis free choice confrontés aux explications scalaires - Claude Muller p. 83-96
I. Articles : Le concept de scalarité comme instrument méthodologique et/ou comme notion métalinguistique
- Approche comparative de la notion de degré en syntaxe à travers l'opposition entre subordination et coordination - Christophe Benzitoun p. 121-132 Dans cet article, nous comparons deux cadres postulant des degrés d'intégration syntaxique à un cadre se limitant à des relations distinctes non hiérarchisées. À travers la description de de même que, ainsi que et comme, nous tentons de montrer que la conception graduelle des relations syntaxiques résulte de la séparation insuffisante des dimensions de l'analyse et du sens donné aux critères utilisés.In this paper, we compare two frameworks postulating degrees of clause integration with a framework being limited to non hierarchical distinct relations. Through the description of French de même que, ainsi que and comme, we try to show that the gradual vision of syntactic relations results from the insufficient separation of the levels of analysis and the meaning given to the criteria used.
- Les consécutives construites avec tellement ont-elles une syntaxe scalaire ? - Henri-José Deulofeu p. 133-146 Cet article vise à décrire la syntaxe de l'adverbe d'intensité tellement et à démontrer que les constructions dans lesquelles il est impliqué sont des réalisations de modèles syntaxiques très généraux, qui sont autant de cadres distincts possédant chacun leurs caractéristiques formelles et pragmatiques. Ces constructions se répartissent de façon discrète en deux domaines, celui des constructions organisées selon le modèle de la rection (Blanche-Benveniste, 2002) et celui des configurations syntaxiques faisant appel à un autre niveau d'organisation : macrosyntaxe (Berrendonner, 2004 ; Blanche-Benveniste, 1990) ou intégration dans des « discourse patterns » (Mithun, 2005).This article aims at describing the syntax of the adverb of intensity tellement. We show that the constructions in which it is involved are instances of very general syntactic models, which are distinct frames having each one their formal and pragmatic characteristics. These constructions are distributed in a discrete way into two fields, that of the constructions organized according to the “rection” model (Blanche-Benveniste, 2002) and that of the syntactic configurations implying another level of organization: “macrosyntaxe” (Berrendonner, 2004; Blanche-Benveniste, 1990) or integration in “discourse patterns” (Mithun, 2005).
- Approche comparative de la notion de degré en syntaxe à travers l'opposition entre subordination et coordination - Christophe Benzitoun p. 121-132
II. Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 147-148