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Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 168, janvier-mars 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Claude Hauser, Pierre Journoud p. 3-8
- La Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale : réflexion sur un régionalisme asiatique - Franck Michelin p. 9-28 L'expression « Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale » est un slogan destiné à légitimer la mise en coupe réglée de la région Asie-Pacifique par le Japon pendant la Guerre du Pacifique. À partir du mois de décembre 1941, il s'agit pour le Japon de bâtir un bloc économique apte à lui procurer l'autonomie vis-à-vis des États-Unis en matière de ressources naturelles et, ainsi, la capacité de résister à la contre-attaque de ce pays. L'échec militaire est cuisant du fait de son incapacité à protéger une zone trop vaste à partir du moment où il perd la suprématie navale. De plus, il s'agit d'un ordre profondément inégalitaire dominé par le Japon. Néanmoins, la Sphère de coprospérité constitue la première tentative sérieuse de politique régionale étendue à la plus grande partie de la zone Asie-Pacifique, ainsi que le point de départ du mouvement de décolonisation dans la région.The Greater Asia Co-Prosperity Sphere: Reflection on a Region Building Process in Asia
The expression “Greater Asia Co-prosperity Sphere” is a slogan intended at justifying the systematic exploitation of the Asia-Pacific region by Japan during the Second World War. From December 1941 onwards, Japan tried to build an economic bloc to become self-sufficient in terms of natural resources. The aim was to stop depending on US resources and to become able to resist a counter-attack from America. The stinging military Japanese defeat and the loss of its naval supremacy meant that Japan was unable to protect that economic zone. Moreover, the Co-Prosperity Sphere was a deeply unequal system dominated by Japan. Nevertheless, it was also the first serious attempt at a regional policy in the Asia-Pacific region, as well as the starting point of the decolonization process. - De la naissance de l'OTASE à l'accord de paix sur le Cambodge : la France, la Grande-Bretagne et la sécurité en Asie du Sud-Est pendant la Guerre froide - Pierre Journoud p. 29-46 Entre 1954 et 1991, la France et la Grande-Bretagne ont joué un rôle important, bien qu'en partie éclipsé par les États-Unis, dans la sécurité collective en Asie du Sud-Est, au carrefour entre décolonisation, Guerre froide et conflits armés régionaux. Elles se sont impliquées dans des organisations multilatérales à vocation stratégique ; elles ont participé à des négociations délicates et favorisé, malgré bien des échecs, de longs processus de paix. Leurs tentatives communes ou séparées de modérer les États-Unis dans les conflits du Sud-Vietnam et du Laos, particulièrement entre 1954 et 1962, leur capacité à peser dans la résolution de conflits régionaux armés, surtout le conflit cambodgien dans les années 1980, ont conduit ces puissances à renforcer leur dialogue politique bilatéral sur la région, mais aussi à sensibiliser la CEE à la nécessité d'adopter une position commune sur le conflit cambodgien et de renforcer son dialogue interrégional avec l'ASEAN.From SEATO to the Peace Accord on Cambodia: France, Great Britain and Collective Security in Southeast Asia during the Cold War
France and Great Britain played an important role – although overshadowed by the USA – in collective security in Southeast Asia between 1954 and 1991, at the crossroads of decolonization, Cold War and regional armed conflicts. The former were members of multilateral strategic organizations and involved in sensitive negotiations, contributing, albeit many failures, to several peace processes. Their common or separate attempts to moderate the U.S. in South Vietnam and Laos, especially between 1954 and 1962; their ability to weigh in the resolution of regional armed conflicts – above all the Cambodian conflict in the 1980s – led these two powers to increase both their bilateral political dialogue on the region and also awareness among EEC members about the necessity for a common position on the Cambodian issue and a more active dialogue with ASEAN members. - Les études européennes, un outil pour développer les relations entre le Vietnam et l'Union européenne - Pham Quang Minh p. 47-58 Les relations entre le Vietnam et l'Europe remontent à quatre siècles, avec l'arrivée des premiers missionnaires européens dans le pays. Les relations bilatérales actuelles ne reflètent cependant pas cette tradition et sont insatisfaisantes des deux côtés. Où situer ce qui fait obstacle entre ces deux partenaires ? Pourquoi ces malentendus dans leurs relations ? L'article analyse d'un point de vue historique le développement des études européennes au Vietnam à l'aide d'une information vietnamienne de première main. Sa thèse centrale est que, pour promouvoir les relations entre le Vietnam et l'Europe, les études européennes au Vietnam doivent être une priorité sur les agendas de part et d'autre. Le manque d'information et d'instruction adéquate peut influencer considérablement leur coopération. L'article conclut que les relations Union européenne-Vietnam se renforceront à coup sûr, car elles sont une vieille tradition pour le Vietnam, et que les programmes d'études européennes sont un instrument de nature à mieux faire comprendre l'UE dans ce pays.European Studies as a Tool for Promoting Vietnam-EU Relations
The relationship between Vietnam and Europe can be traced back to four centuries ago when the first European missionaries arrived in the country. However, today's bilateral relationship does not reflect this tradition and is not satisfactory for both sides. Where does the uneasiness in the relationship between the two partners lie? Why is there a misunderstanding in their relationship? This article analyzes the development of European Studies in Vietnam from an historical perspective using firsthand information collected in Vietnam. The main argument of this paper is that, in order to promote the relationship between Vietnam and Europe, European studies in Vietnam must be a priority in the agenda of both sides. Lack of information and inadequate education can greatly influence their cooperation. This paper concludes that the EU-Vietnam relations will certainly be strengthened because of its long standing relationship with Vietnam, and that European studies program will serve as an efficient instrument for better understanding the EU. - Regards français sur la genèse d'un dialogue interrégional, l'ASEM (Asia Europe Meeting) - Laurence Badel p. 59-76 Le 1er mars 1996, le Sommet de Bangkok lance le processus du Dialogue Asie-Europe (Asia Europe Meeting, ASEM) issu à la fois du rapprochement de longue durée de la Communauté européenne avec l'Asie du Sud-Est dans les années 1970 et de la conjoncture de la fin de la Guerre froide. Il permet à certains dirigeants asiatiques d'affirmer une identité asiatique fondée sur des normes politiques, économiques et sociales endogènes et aux dirigeants européens de répondre aux accusations de protectionnisme portées contre la « Forteresse Europe ». Ni organisation internationale, ni structure-cadre de négociation, l'ASEM revendique un caractère sui generis qui n'est pas sans rappeler la novation qu'avait constitué en son temps le format de la CSCE. L'enjeu est ici de conjuguer l'approche de l'« ASEAN Way » en matière de négociation avec les « valeurs et coutumes européennes ».French Views on the Genesis of an Interregional Dialog – the ASEM (Asia Europe Meeting)
ABSTRACT. – On March 1th 1996, the Bangkok Summit launched the process of the Asia-Europe Meeting (ASEM), which resulted both from the long term rapprochement of the European Community with Southeast Asia in the 1970s and the context of the end of the Cold War. It allowed some Asian leaders to assert an Asian identity based on endogenous political, economic and social norms, and European leaders to respond to accusations of protectionism levelled at the “Europe Fortress”. Neither an international organization nor a negotiating framework structure, the ASEM claims a sui generis character which is reminiscent of the innovative character adopted by the CSCE in its time. The challenge of the ASEM is to combine the “ASEAN Way” approach to negotiation with “European values and customs”. - Le dialogue Asie-Europe (ASEM) depuis les années 1990 : plus pertinent, moins intelligible - Bruno Hellendorff p. 77-92 Depuis les années 1990, l'ASEM s'est imposé avant tout autre chose comme un forum diplomatique et un outil de diplomatie publique. À l'aune de développements spécifiques (l'initiative chinoise « OBOR » ou la crise des migrants en Europe), et d'un contexte général particulier (morosité économique en Europe, émergences complexes et disputes maritimes en Asie...), quelle utilité et quel avenir pour un tel format ? L'ASEM est-il un forum dépassé, ou au contraire un outil sous-utilisé ? Afin d'apporter à cette question une réponse, nécessairement partielle, cette contribution s'attache à analyser la contribution spécifique de l'ASEM aux dynamiques plus larges Asie-Europe. Elle met en lumière les limitations les plus évidentes dans le champ de la sécurité, qui représentent le principal défi de « l'institution ASEM », en même temps qu'elle replace la valeur de l'outil diplomatique dans le cadre du projet partagé de renforcement de la « connectivité ». Mis au défi de la sécurité, il ressort de la présente analyse que le format ASEM ne pourra trouver son souffle que dans la connectivité de ses membres et dans l'esprit régionaliste qu'il parviendra à catalyser.The ASEM since the 1990s: the Challenge of Relevance without Intelligibility
Since the mid-1990s, ASEM has crystallized its role as a diplomatic forum and as a public diplomacy tool. In the wake of such large-scale developments (China's “One Belt, One Road” (OBOR) initiative or Europe's migration crisis), and against the background of multiple contextual changes (economic slowdown in Europe, complex emergences and maritime disputes in Asia), what are the prospects of such a format? Is ASEM an obsolete forum or an under-developed instrument? The present analysis addresses this conundrum by scrutinizing the specific contribution of ASEM to the wider fabric of Asia-Europe relations. It sheds light on the most obvious limitations of the “ASEM institution”, which it finds lie in the security realm. It also critically considers the much-vaunted value of ASEM as a diplomatic instrument in the framework of a commonly envisioned reinforcement of “connectivity”. Set against the security challenges of the times, it uncovers that the future of the ASEM format can only be assembled on clear and definite successes in its “connectivity” project and in a distinct regionalist spirit that remains to be built. - Le rôle de la coopération culturelle et éducative au sein de l'ASEM - Simona Picciau p. 93-104 Les relations interrégionales euro-asiatiques telles qu'établies dans le cadre de l'ASEM en 1996 tenaient la dimension culturelle pour un instrument nécessaire à la promotion de la connaissance mutuelle et à l'amélioration de la capacité des deux zones à trouver une nouvelle façon de coopérer. L'institution de l'ASEF représente la volonté concrète de promouvoir une meilleure compréhension entre l'Asie et l'Europe grâce aux échanges entre les intellectuels, les artistes et les individus. La réalisation d'importants projets de coopération montre comment les relations interrégionales peuvent bénéficier de la connaissance mutuelle à travers l'établissement de nouvelles connexions de coopération. Cependant la coopération culturelle reste encore en dessous de son potentiel et nécessite un engagement majeur et des investissements des tous les membres de l'ASEM.The Role of Cultural and Educational Cooperation within the ASEM
The interregional relations between Asia and Europe established with the institution of the ASEM in 1996 have considered the cultural dimension as a necessary tool to increase mutual understanding and improve the ability of both regions to find a new way of collaboration. The institution of the ASEF demonstrated a tangible commitment to promote a better understanding between Asia and Europe through the promotion of exchanges between intellectuals, artists and individuals. The realization of important projects shows how interregional relations can benefit mutual knowledge through the establishment of new connections of cooperation. However the cultural cooperation still remains below its potential and requires a major commitment and investments of all members of ASEM. - Les relations Japon-Europe en Asie, au niveau multilatéral - Hirotaka Watanabe p. 105-130 Les relations entre le Japon, l'Asie et l'Europe ont traversé trois phases après la Seconde Guerre mondiale : dans les années 1970, elles eurent un caractère avant tout commercial ; dans les années 1980, le développement de la coopération économique accompagne des investissements étrangers directs en plein essor ; mais c'est l'époque postérieure à la Guerre froide que nous examinons dans cet article. Dans un contexte de réexamen fondamental des structures internationales qui s'étaient développées autour du conflit Est-Ouest, l'Europe s'est davantage intéressée dans les années 1990 à l'Asie, au Japon en particulier. La signature de la Déclaration de La Haye, lors du premier Sommet Japon-Communauté européenne en juillet 1991, fut une étape importante vers l'établissement de liens plus complets, étendus aux domaines politique, culturel et sécuritaire. Au Sommet Japon-Union européenne de juillet 2000 à Tokyo, le Japon et l'Union ont proclamé conjointement une décennie de coopération à compter de 2001, posant ainsi les bases d'un dialogue politique étroit et actif. Les relations entre le Japon et l'Europe sont à présent étendues et largement diversifiées.Japan-Europe Relationships in Asia at the Multilateral Level
As regards the Euro-Asia-Japanese relations after WWII, the historical development went through three stages. First, the 1970s were a period of growing commercial activity. Second, the 1980s were a decade during which economic cooperation developed with direct booming foreign investments. Third, the 1990s which constitute the last stage of this historical process will be under scrutiny in this article. In the 1990s, in the context of a necessary reconsideration of the international structures developed in the framework of the West-East confrontations, Europe was further interested in Asia, and particularly in Japan. The Hague Declaration of July 1991, at the time of the First Japan-European Community Summit, represented an important step towards links extending to the political, cultural and security dimensions. During the Tokyo EU-Japan Summit in July 2000, Japan and the EU jointly proclaimed a decade of cooperation starting from 2001, laying the foundations of an intimate and active political dialogue. Today, the Japan-Europe relations are much diversified and have been extended to a variety of different areas. - L'ASEM : le début d'un (mini-)pivot européen vers l'Asie-Pacifique ? - Christian Lechervy p. 117-130 Conçu comme devant être « LA » plateforme de dialogue Europe – Asie, l'ASEM est un forum des relations bilatérales parmi bien d'autres. L'ASEAN en demeure un des pivots même si numériquement les États membres de l'Association ne représentent plus qu'un membre asiatique sur deux. Élargi au-delà de l'Union Européenne à l'Ouest et de l'« ASEAN + 3 » à l'Est, l'ASEM recherche encore sa configuration géographique optimale. Doit-elle s'ouvrir à de nouveaux partenaires en Asie centrale, en Asie du Sud, parmi les États insulaires du Pacifique ou encore vers les cinq États des Balkans occidentaux non-membres de l'Union européenne ? En développant une vision « continentale » des relations euro-asiatiques, l'ASEM et ses États membres européens seront mieux à même de définir leurs attentes vis-à-vis de la Chine, des États-Unis et des autres institutions trans-asiatiques (APEC, EAS...).The ASEM and the Start of a European (Mini) Swivel towards the Asian-Pacific Area
Designed as being “THE” European platform for the Asia-Europe dialogue, ASEM still remains a forum amongst many others. Yet the ASEAN is still one of the key forums, even if, in terms of statistics, Association State members no longer represent only one Asian member in two. The ASEM has expanded beyond the European Union towards the West and beyond the “ASEAN +3” towards the East, but it is still in search of its optimal geographic configuration. Should it be open to new partners in Central Asia, South Asia, among the Pacific island countries, or to the five non-member States of the Western Balkans? By developing a “continental” vision of Euro-Asian relations, the ASEM and EU member States will be better able to define their vis-à-vis expectations of China, the United States and other trans-Asian institutions (APEC, EAS...). - Vingt ans de dialogue entre l'Asie et l'Europe - Claude Blanchemaison p. 131-134
- Réflexions conclusives : l'ASEM dans les relations entre l'Europe et l'Asie - Hugues Tertrais p. 135-142
- « La fin des chasses gardées » : l'Alliance atlantique et la « guerre froide latino-américaine » (1959-1973) - Rafael Pedemonte p. 143-160 La Guerre froide ne s'est pas exprimée de manière homogène sur l'ensemble de la planète. Si certains pays du Tiers monde semblent émerger sur la scène internationale après la conférence de Bandoeng (1955), l'insertion définitive de l'Amérique latine dans la logique Est-Ouest ne survient qu'après la révolution cubaine. L'OTAN réagit au virage à gauche du régime castriste et met en place en 1961 un groupe d'experts destiné à évaluer la situation latino-américaine. Les rapports biannuels de ce comité montrent que l'action de La Havane ainsi que la présence croissante de l'URSS et de la Chine inquiètent profondément les autorités. Les craintes envers Cuba entraînent aussi un intérêt spécial à l'égard d'autres pays, notamment le Chili, où le pouvoir instaure un projet « marxiste démocratique » en 1970. Loin de créer un consensus, ces questions font l'objet de débats et reflètent les divergences stratégiques des pays occidentaux – notamment le Royaume-Uni et la Belgique – qui ne partagent pas toujours la ligne dure de Washington.“America's backyard no more”: the Atlantic Alliance and the Latin American Cold War (1959-1973)
The Cold War did not spread evenly across the world. Some countries emerged on the international scene after the Bandung Conference (1955), but the definitive insertion of Latin America in the East-West confrontation became visible only after the Cuban Revolution. NATO reacted to the leftist turn of the Castro regime and created a group of experts on Latin American affairs. The bi-annual reports of this new committee show that the authorities were deeply concerned about the policies of Habana, as well as the growing presence of the Soviet Union and China in the continent. Fears concerning Cuba generated a special interest in other Latin American countries, particularly Chile, where a “Marxist democratic” project came to power in 1970. Far from establishing a consensus, those questions were constantly debated – especially by the United Kingdom and Brussels, which did not share the hard line of the United States –, reflecting strategic divergences within the Western camp. - Notes de lectures - p. 167-177