Contenu du sommaire : La grammaire des dames
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.16, n°2, 1994 |
Titre du numéro | La grammaire des dames |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La grammaire des dames. Wendy Ayres-Bennett [Dir.]
Articles
- Avant-propos - Wendy Ayres-Bennett p. 5-7
- La grammaire française dédiée à mes jeunes amies : bibliographie raisonnée de manuels de la langue française à l'usage de la jeunesse féminine (1564-1850) - Gabriele Beck-Busse p. 9-33
- Le rôle des femmes dans l'élaboration des idées linguistiques au XVIIe siècle en France - Wendy Ayres-Bennett p. 35-53 Dans cette contribution nous considérerons les quelques exemples d'ouvrages linguistiques écrits soit par des femmes soit pour les femmes au XVIIe siècle. On conclura que malgré le petit nombre et le caractère généralement marginal de ces ouvrages, les femmes ont néanmoins joué un rôle important dans l'élaboration de la pensée linguistique de l'époque.This paper considers the few examples of works on language either by women or for women in France in the seventeenth century. It will argue that, in spite of the paucity and relative unimportance of these works, women nevertheless had an important role to play in the elaboration of the linguistic thought of the age.
- Les Grammaires des dames en France & l'apprentissage des langues à la fin du XVIIIe siècle - Madeleine Reuillon-Blanquet p. 55-76 RÉSUME : Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle en France, tout le monde, philosophes, littérateurs, femmes, prêtres ou mondains, ne cesse de dénoncer l'éducation frivole et routinière donnée à la jeune fille. Traités et Préceptes qui lui sont consacrés foisonnent, et limitent ou élargissent plus ou moins l'éventail des sciences qu'elle peut aborder. Si la Grammaire est toujours considérée comme indispensable, l'étude des langues, vivantes ou mortes, est très controversée. Les Grammaires à l'usage des Dames ou des demoiselles sont fort nombreuses : peu de grammairiens se consacrent à l'apprentissage des langues. Parmi eux, Bencirechi, Nicolas Adam, ou Levizac, dont les origines et les expériences pédagogiques sont très diverses, offrent des méthodes plus ou moins ambitieuses ou exigeantes dans le but poursuivi.In France, in the second half of the XVIIIth century, philosophers, writers, women, priests and mondains all criticize the frivolous and routine education given to young ladies. Treaties and Precepts devoted to their education are plentiful and, to a greater or lesser extent, reduce or widen the range of subjects they may tackle. Whilst Grammar is still viewed as compulsory, the study of languages, living or dead, remains very controversial. Grammars for ladies, whether young or not, are numerous. Few grammarians devote themselves to teaching languages. Among them Bencirechi, Nicolas Adam and Levizac, whose background and teaching experience are most diverse, suggest more or less ambitious or demanding methods for attaining their desired goal.
- Les « femmes » et les « illitterati »; ou : la question du latin et de la langue vulgaire - Gabriele Beck-Busse p. 77-94 La lecture de quelques préfaces et introductions choisies nous montre qu'au XVIIIe siècle l'emploi des ternies « dames » et « illettrés » présente certains parallélismes. Pour expliquer ce rapport étroit entre les « dames » et les « illettrés » il convient 1. d'éclaircir la notion d'« illettré » et 2. d'esquisser la relation « femmes » — langue vulgaire (volgare) telle qu'on la trouve dans quelques textes exemplaires datant du XIIIe au XVIe siècle.It is clear from reading selected prefaces and introductions that there are certain parallelisms between the use of the terms « women » and « the illiterate » in the XVIIIth century. In order to show this close relationship between « women » and « the illiterate » we shall 1. examine the notion of « illiterate » and 2. outline the relationship between « women » and the vernacular as it is found in certain key texts dating from the thirteenth to the sixteenth century.
- Women and the study of language in sixteenth and seventeenth-century England - Vivian Salmon p. 95-119 La compétence en langues étrangères, soit classiques soit contemporaines, était une acquisition féminine qui, comme on pouvait s'y attendre, variait selon les classes sociales et, dans une large mesure, selon le degré de soutien paternel. Les femmes de la famille royale, au moins au seizième siècle, savaient souvent lire, écrire et parler le latin et le grec et même, de temps en temps, l'hébreu. Les femmes des couches supérieures de la société étudiaient en général les langues à la mode, le français et l'italien, tandis que les femmes des classes laborieuses avaient de la chance si elles apprenaient à lire et à écrire leur propre langue aidées par un curé local qui désirait leur enseigner à lire la Bible par elles-mêmes. Cette contribution tend à décrire la situation générale des femmes linguistes pendant la période et couvre dans plus de détails les réussites de deux femmes, la célèbre institutrice, Bathsua Makin, qui essaya de faireCompetence in foreign languages, classical or contemporary, was a female achievement which, not surprisingly, depended on social class, and to a large extent, paternal encouragement. Royal women, at least in the sixteenth century, were often able to read, write and speak Latin and Greek, and even, occasionally, Hebrew. Women of the upper classes tended to study the fashionable languages, French and Italian, while working women were lucky if they acquired literacy in their own language with the help of a local curate anxious to teach them to read the Bible for themselves. This paper describes the general situation of women linguists in this period, and discusses in greater detail the achievements of two women, the famous schoolmistress Bathsua Makin, who tried to revive in her contemporaries the love of languages which she claimed characterized women of a previous period, and Elizabeth Elstob, whose work on Anglo-Saxon was not, however, published until the early years of the eighteenth century.
- Paradigms for their sex? Women's grammars in late eighteenth-century England - Carol Percy p. 121-141 En se refusant à écrire sa grammaire de vieil anglais en latin, Elizabeth Elstob s'adresse aux besoins typiquement sinon exclusivement féminins. Ses successeurs ont des aspirations moins élevées : les quelques grammairiennes du XVIIIe siècle dont on peut établir sûrement l'identité féminine sont pour la plupart des institutrices qui ont écrit des grammaires anglaises élémentaires dans les années 1780-1790. Les textes destinés à une audience féminine constituent un sous-genre distinct mais mineur ; traditionnels du point de vue du contenu, ils sont presque toujours illustrés d'exemples qui évoquent un monde nettement féminin, un monde limité et concret. Les grammaires contiennent de plus en plus souvent des stratégies pédagogiques telles que la conversation et le jeu ; celles-ci sont souvent ouvertement liées aux responsabilités des femmes quant à l'éducation élémentaire.Elizabeth Elstob addressed characteristically if not exclusively female needs by not writing her Old English grammar in Latin. Her successors had humbler aspirations : the few identifiably female eighteenth-century grammarians were mostly among the many schoolteachers who wrote elementary English grammars in the 1780s and 1790s. Those texts written for a female audience constitute a small if distinct subgenre, traditional in linguistic content, but almost uniformly illustrated with examples invoking a distinctly feminine world, limited and concrete. The grammars increasingly incorporate such pedagogical strategies as conversation and play, often overtly linked to women's increasing responsibility for elementary education.
- Frauen + (viel) Grammatik = (viel) Frauengrammatik ? Zur Verbreitung und Typologie spezieller Grammatiken im 18. Jahrhundert - Edeltraud Dobnig-Jülch, Susanne Staudinger p. 143-168 Bien qu'il y ait eu au XVIIIe siècle une explosion du nombre des grammaires parues dans les pays de langue allemande, il n'existe qu'un petit corpus de Grammaires des Dames et parmi celles-ci une seule publiée par une femme. Néanmoins, on retrouve parmi les ouvrages quelques traits remarquables : la plupart des grammaires enseignent le français, apparaissent après 1790 et s'adressent aussi à un public qui n'est pas exclusivement composé des femmes (mais aussi illettrés, débutants ou ceux qui ignorent le latin). Du fait qu'un grand nombre de grammaires ne sont plus accessibles de nos jours, nous nous sommes concentrées sur l'étude approfondie de sept « Frauengrammatiken », étude qui nous permet d'établir une classification préliminaire en trois groupes : 1) les grammaires pour la conversation parfaite (basée sur des dialogues exemplaires) 2) les grammaires « légères » ou restreinte (pour les « faibles d'esprit ») et 3) les grammaires élaborées ou « fortes » (ouvrant des possibilités illimitées à 1 étude grammaticale). Ainsi, on peut dire que l'histoire de la Grammaire des Dames apparaît comme un reflet de l'histoire générale des femmes au XVIIIe siècle.While the number of grammars produced in German-speaking countries rather exploded in the XVIH^-century, there is only a small corpus of grammars addressed to women and only one by a female author. Foreign language grammars (mainly on French) predominate and most of them appeared after 1790 and are not written exclusively for women, but also for beginners, unlearned persons or those ignorant of Latin. Although problems arise from the fact that many grammars have been lost, the close study of seven « Frauengrammatiken » allows a preliminary classification into 3 groups : 1) perfect « drilling » grammars (mostly by dialogues) 2) restricted or « light » grammars (compensating for mental weakness) and 3) elaborated or « heavy » grammars (allowing for unlimited grammatical insight). Thus, the history of grammars for women could be seen to reflect, in very small part of course, the general history of women in the XVIIIth century.
- Women and grammar: the case of Johanna Corleva - Jan Noordegraaf p. 169-190 Dans les années 1740, Johanna Corleva, une sçavante d'Amsterdam, publia deux livres, une grammaire et un dictionnaire. La grammaire, qui parut en 1740, fut la première traduction de la célèbre Grammaire générale et raisonnée (1660). Le dictionnaire Néerlandais-Français de Corleva (1741) fut exécuté « ad modum Lexici Schreveliani Graeci », c'est-à-dire qu'il fut modelé d'après le Lexicon Manuale Graeco-Latinum et Latino-Graecum de Schrevelius, un célèbre manuel Grec qui avait paru pour la première fois en 1654. A cette époque Corleva avait achevé plusieurs autres travaux prêts à être imprimés mais qui ne le furent jamais. Bienqu'elle semble avoir été la premiere grammairienne et lexicographe néerlandaise, ses travaux n'ont pas beaucoup attiré d'attention de ses contemporains ni des savants des périodes ultérieures. Dans cet article sont exposées les données disponibles concernant la vie et les travaux publiés par Johanna Corleva, et en particulier, une étude des caractéristiques didactiques de son approche.In the 1740s Johanna Corleva, an Amsterdam sçavante, published two books, a grammar and a dictionary. The grammar, which appeared in 1740, is die first translation of the Grammaire générale et raisonnée (1660). Corleva 's Dutch-French dictionary, published in 1741, was set up « ad modum Lexici Schreveliani Graeci », i.e. it was modelled after Schrevelius's Lexicon Manuale Graeco-Latinum et Latino-Graecum, a manual of great renown that appeared in 1654 for the first time. In 1741, Corleva had a number of other works ready for the press, which never appeared in print. Although she was presumably the first Dutch woman grammarian and lexicographer, her work failed to attract much attention from contemporaries and later scholars. This paper presents the available data on Corleva's life and her published works. In particular, the didactic characteristics of her approach are discussed.
- Women and their world in Withal's dictionary of 1553 - Werner Hüllen p. 191-212 Se situant dans la tradition des glossaires thématiques et des dictionnaires, le livre de Withals était destiné à venir en aide aux garçons anglais qui étudiaient le latin. L'examen des « dames et du monde féminin » à travers le choix des lexemes consiste à analyser un texte du XVIe siècle sous l'angle d'une préoccupation du XXe siècle ; on pourrait donc considérer cette approche comme un cas d'anachronisme créatif en historiographie. Les lexemes du dictionnaire comprennent l'univers entier selon les principes d'ordre traditionnels. Les entrées qui concernent « les dames et le monde féminin * sont données, leur choix dépendant du fait que le mot « féminin » peut avoir à la fois un sens biologique, grammatical et social. C'est ce dernier sens qui nous intéresse surtout. Les entrées sont comparées à ce que l'on sait sur la (non)-intégration des femmes dans la vie sociale vers la fin du Moyen Ape et pendant la Renaissance. Une attention toute particulière est portée aux métiers, aux vêtements et aux parentés.Withals' book is in the tradition of topical glossaries and dictionaries. It was intended to be a study help for English boys who learned Latin. Investigating « women and their world » in the selection of lexemes means analyzing a XVI^-century text in the light of a XX^-century interest. This can be called a case of « creative anachronism » in historiography. The lexemes in the dictionary cover the whole universe according to traditional principles of order. Entries pertaining to « women and their world » are given, guided by the fact that the word « feminine » can have a biological, grammatical and social meaning. The latter case is the really interesting one. The entries are matched with facts which are known about the non-/integration of women in societal life of the late Middle Ages and the Renaissance. Particular attention is paid to crafts and trades, clothes, and family relations.