Contenu du sommaire : Sciences du langage et outils linguistiques
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.15, n°2, 1993 |
Titre du numéro | Sciences du langage et outils linguistiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Sciences du langage et outils linguistiques
Articles
- Avant-Propos - Sylvain Auroux p. 5-6
- Synecdoque et tradition - Bernard Meyer p. 7-37 Cette étude présente les données de la tradition sur les synecdoques. En extension, la catégorie a beaucoup varié d'un auteur à l'autre : elle apparaît comme une nébuleuse de figures dont le nombre, qui tend à augmenter avec le temps, fluctue autour d'un noyau stable formé par les synecdoques de la partie et du tout, et, à moindre degré, du genre, de l'espèce et du nombre. Dans le choix des exemples, en revanche, les rhéloriciens font preuve de beaucoup de stabilité et d'une grande fidélité à leurs devanciers. Les tentatives de définition globale sont rares et floues chez les Anciens, dont l'épistémologie n'exigeait pas, semble-t-il, une grande rigueur logique en ce domaine. Au cours des Temps modernes, les définitions génériques proposées dépendent de principes taxinomiques variables, qui admettent la synecdoque dans un système minimal de quatre tropes, puis de trois, avant de l'évincer au profit du couple métaphore/métonymie.This study presents the data of tradition on synecdoches. The genus has greatly varied in extension from one author to the other : it appears as a nebula of figures, the number of which, lending to increase with time, fluctuates around a stable focus mainly made up of the synecdoches of the part and the whole, and, to a lesser extent, of the genus, the species and the number. On the other hand, as regards the choice of examples, rhetoricians show great constancy in the way they follow their predecessors. The Ancients, whose epistemology most probably did not require much rigour in the matter, only made rare and hazy endeavours to reach a global definition. Generic definitions which have been put forward in modern times follow from variable taxonomic principles which admit synecdoche in a minimal system of four then three tropes, before evicting it in favour of the metaphor/metonymy pair.
- L'origine de la didactique de l'espagnol en France. L'apport des grammairiens espagnols exilés (1600-1650) - Sabina Collet Sedola p. 39-50 La publication des ouvrages destinés à apprendre le castillan aux Français se rapporte essentiellement à deux époques : 1614-1616 et 1659-1660, qui coïncident, respectivement, avec le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche et celui de Louis XIV avec Marie-Thérèse d'Autriche. Auparavant, exception faite pour le traité de N. Charpentier, qui n'eut d'ailleurs aucun retentissement, nous ne rencontrons pas d'exemples de tentatives sérieuses ou systématiques pour introduire l'étude de l'espagnol en France. Ceux qui voulaient l'apprendre utilisaient les grammaires et les vocabulaires publiés en Flandre, dont les plus anciens exemplaires remontent au début du XVIe siècle. Ces ouvrages, qui sont à la base des connaissances théoriques et lexicales que les Français du XVIIe siècle avaient du castillan, seront amplement et définitivement dépassés par l'apport des grammairiens de l'époque de Louis XIII et de Louis XIV. Nos observations se limiteront aux auteurs espagnols qui publièrent leurs traités en France dans la première partie du XVIIe siècle. Nous considérerons successivement les écrits de Ambrosio de Salazar, Lorenzo de Rob les, Juan de Luna, Jerônimo de Tejeda, Alejandro de Luna, cherchant à mettre en évidence les progrès qui se manifestent dans leurs ouvrages ainsi que la méthode d'enseignement choisie par ces interprètes, traducteurs et maîtres de langues, vrais ou improvisés, de l'Ancien Régime.The publication of books designed to teach Castilian to the French occurred mainly at two periods : 1614-1616 and 1659-1660, which coincide respectively with the wedding of Louis XIII to Ann of Austria and with that of Louis XIV to Maria-Theresa of Austria. Before that time, with the exception of N. Charpenlier's treaty, which was in any cas of no consequence, it is impossible to find any serious or systematic attempts to introduce the study of Spanish in France. Those who wished to learn the language used grammar and vocabulary books published in Flanders, the oldest copies dating back to the 16th century. Those works, which formed the basis of any theoretical and lexical knowledge that the French people of the 17th century had of the Castilian tongue, were definitely surpassed by the contribution of the grammarians of the time of Louis XIII and Louis XIV. This paper will consider the works of.... The aim is to show the improvement apparent in these works and to describe the teaching methods used by those authors, translators and language teachers -either genuine or improvised- of the Ancien Regime.
- Tradition and innovation in the native grammatical literature of persian - Éva M. Jeremiás p. 51-68 Du fait que l'on croit généralement que la grammaire Perse n'a pas été étudiée par les Iraniens, ce domaine de recherche est resté complètement négligé. Selon la tradition indigène, la première grammaire du Perse a été écrite au siècle dernier, en 1846. Dans cet article, je donne une description générale du contenu de cette « première > grammaire et discute en particulier la terminologie linguistique, les principales idées, et les sources. La terminologie et la méthode d'analyse linguistique fut empruntée à l'Arabe, mais en certains cas redéfinie et adaptée à la langue perse, dont la structure est différente. Ma conclusion est que, même si aucune ars grammatica n'a jamais existé en Iran, une tradition grammaticale ancienne et bien enracinée a effectivement existé, intégrée dans la littérature lexicographique et prosodique. Cette tradition s'est au départ développée en étroite relation avec les disciplines scientifiques, mais par la suite, à partir du XVIe siècle, à cause d'une masse toujours croissante de matériaux rassemblés dans les lexiques, le système original s'est désintégré, et les termes linguistiques ont cessé d'être utilisés de manière cohérente.Because of the general belief that Persian grammar was not studied by Iranians this field has remained completely neglected. According to the native tradition the first grammar of Persian was written in the last century, in 1846. In this paper I intend to give an overview of the contents of this « first » grammar and discuss in particular its linguistic terms, ideas and alleged sources. The terminology and the method of linguistic analysis were borrowed from Arabic, but occasionally redefined and adapted congenially to Persian, a language of different structure. My conclusion will be that although no ars grammatica has ever existed in Iran, an old and deeply rooted grammatical tradition did exist embedded in the lexicographic and prosodie literature. This tradition developed in close connection with scientific disciplines at the beginning, but later, from the 16th century on, with an evergrowing amount of material gathered in lexicographies, the original system disintegrated and linguistic terms ceased to be used consistently.
- Processus de littéralisation dans l'« Arte » de José de Anchieta - José Horta Nunes p. 69-95 Cet article analyse la conceptualisation de la lettre et le fonctionnement des règles d'orthographe dans Y Arte de José de Anchieta, première grammaire du tupi au XVIe siècle au Brésil. Une relation est établie entre cette grammaire et celles d'auteurs européens de la même époque. Le processus de littéralisalion chez Anchieta, marqué par l'incidence d'un discours informatif, ethnographique et naturaliste, fonctionne comme un dispositif organisateur des locuteurs dans le milieu multilingue brésilien. Ce processus produit une distinction géographique entre la côte et l'intérieur du pays, qui tend à absorber les différences dialectales du tupi et à ignorer l'existence d'autres peuples et langues indigènes. Les formes d'écriture et de lecture, ainsi que les formes d'interprétation des règles d'orthographe, jouent un rôle considérable dans ce processus.This paper analyzes the conception of the letter and the functioning of orthographic rules in José de Anchieta's Arte, the first grammar of Tupi in sixteenth century Brazil. A relation is established between this grammar and those of European authors of the same period. The « literalization » process in Anchieta, characterized by the incidence of an informative, ethnographic and naturalist discourse, functions as an organizing device of the speakers in Brazil's multilingual environment. The process sets up a geographical distinction between the coastal areas and the internal regions of the country, which tends to erase Tupi's dialectal differences while ignoring the existence of other Indian peoples and languages. The forms of writing and reading, as well as those of interpretation of orthographic rules, play a considerable role in the litteralization process.
- Les premières analyses des particularités morphosyntaxiques du basque au XVIIe siècle - Bernard Oyharçabal p. 97-124 II est bien connu que le basque possède un certain nombre de propriétés morphosyntaxiques que l'on peut considérer comme exotiques dans le contexte linguistique européen, et il est par conséquent intéressant de voir quel regard les premiers grammairiens qui ont essayé de la décrire ont porté sur cette langue. Si la première grammaire publiée — celle de Larramendi — date de 1729, près d'un siècle auparavant A. Oihenart, dans un essai d'histoire publié en 1638, consacra plusieurs pages à une présentation générale de la grammaire du basque : paradigme de déclinaison, système casuel, conjugaison. Le présent article prenant pour principale référence de comparaison la grammaire de Larramendi met en évidence la perspicacité et le caractère précurseur des analyses d 'Oihenart sur ces questions, et notamment en ce qui concerne la morphologie ergative, la déclinaison ; indéfinie, et le système d'auxiliation verbale.It is well known that Basque presents certain morphosyntactic properties that can be considered as exotic within the linguistic context of Europe. Therefore it is interesting to see how the grammarians who first tried to describe this language riewed some of these properties. Larramendi wrote the first published Basque grammar in 1729. However, almost one century before, A. Oihenart had devoted several pages of an essay on history he published in 1638 to the description of Basque grammar : declension paradigms, case system, verb inflection. Taking Larramendi's grammar as its main reference, this paper shows Oeihenart as a precursor in his penetrating analysis of ergative morphology, indefinite declension and auxiliary verbs.
- L'incarnation du temps dans la chose et le verbe : F.W.J. Schelling et Gustave Guillaume - Françoise Daviet-Taylor p. 125-136 A la question « Qu'est-ce que le temps ? », F.W.J. Schelling et Gustave Guillaume ont apporté des réponses qui présentent, par-delà les différences de préoccupation propres au philosophe et au linguiste, une affinité dans l'approche, dont le présent article tente d'éclairer plusieurs aspects. Ainsi les deux penseurs dénient-ils au temps le caractère de « construit », de « produit ». Tous deux considèrent le temps comme une force affirmative, une puissance. Les figuresTo the question « What is time ? », F.W.J. Schelling and Gustave Guillaume responded in ways that reveal affinities in their approach, beyond the differences characteristic of a philosopher's and a linguist's respective preoccupations. This article seeks to shed light on several of these affinities. The two thinkers viewed time not as a « construct » or a « product », but rather as an affirmative force, as a potentiality. They both rejected the image of a river or a Une, in favor of a vertical figure representing time descending from above and existing only insofar as it comes to be each time. For Schelling, time is thus considered an affirmative force that embodies itself in things. In this respect, Guillaume's linguistic reconstruction of how the time-image is formed during chronogenesis, with its two vectors — verticalization and horizonlalization — parallels Schelling's philosophical analysis.
- Le problème du langage chez Pareto - Francesco Aqueci p. 137-154 Parmi les pères de la sociologie, Vilfredo Pareto (1849-1922) est le seul dont l'élaboration théorique ait été influencée en profondeur par une réflexion sur le langage. Cette influence apparaît notamment dans le rôle qu'il assigne à la rhétorique dans la vie sociale. A cet égard, sa célèbre et controversée théorie des résidus et des dérivations peut être considérée comme une grammaire des discours sociaux. Mais Pareto s'intéresse aussi au langage d'un point de vue épis- témologique, et manifeste une étonnante curiosité pour les aspects grammaticaux des langues. Le présent article expose et illustre ces différents aspects de l'intérêt de Pareto pour les faits de langage. Il montre également que cette question est étroitement liée à la biographie même de Pareto.Of the fathers of sociology Vilfredo Pareto (1849-1922) is the only one whose theoretical elaboration has been deeply influenced by a reflection upon language. This influence is particularly visible in the role that he assigns to rhetoric in social life. In this respect his famous and controversial theory of residues and derivations may be considered a grammar of social discourse. However Pareto is also interested in language from an epistemological point of view and shows a surprising curiosity about the grammatical aspects of language. This article illustrates these different aspects of Parelo's interest in the facts of language. It also shows that this question is closely linked, to Pareto's biography itself.
- Syntaxe, discours. Du point de vue de l'analyse du discours - Jean-Marie Marandin p. 155-177 L'auteur examine à partir de l'évolution contemporaine de la linguistique la problématique de la syntaxe mise en jeu dans le modèle linguistique initié par M. Pêcheux sous le nom d'analyse du discours. Il rappelle tout d'abord le statut de la syntaxe dans ce modèle : elle est l'outil essentiel d'un observatoire des discours. 11 examine ensuite la notion de préconstruit dont il montre qu'elle ne peut être limitée au plan syntaxique en prenant un exemple dans le domaine de l'anaphore. Enfin, il considère différentes conceptions d'analyse syntaxique.Against the background of the evolution of contemporary linguistics, the author examines the view of syntax exhibited in the model which M. Pêcheux created under the name of discourse analysis. First, the status of syntax in the model is stated : syntax is the essential tool of an < observation-post » for discourses. Next, the concept of preconstruction is considered and it is shown to extend beyond the limits of syntax. This is illustrated by an example in the field of anaphora. Finally, several viewpoints on parsing are examined.