Contenu du sommaire : Les premières grammaires des vernaculaires européens
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.9, n°1, 1987 |
Titre du numéro | Les premières grammaires des vernaculaires européens |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les premières grammaires des vernaculaires européens. Anders Ahlquist [Dir.]
Articles
- Avant-propos - Anders Ahlqvist p. 9-12
- Les premières grammaires celtiques - Pierre-Yves Lambert p. 13-45 C'est en Irlande qu'apparaît une réflexion grammaticale originale, d'abord sur le latin (grammaires hiberno-latines, gloses vernaculaires), puis sur l'irlandais {Auraicept na nÉces, 7e siècle). Les traités bardiques représentent un rajeunissement important de cette tradition. Au 17e siècle, ce sont des franciscains irlandais exilés sur le continent qui rédigent et publient des grammaires afin que les prêtres irlandais exilés n'oublient pas leur langue. On trouve aux 8e et 9e siècles des gloses britonniques. Dès le 14e siècle on rencontre des grammaires bardiques galloises, mais les premières grammaires imprimées de cette langue sont dues à des esprits cultivés, ouverts aux nouveaux courants de la Renaissance. La première grammaire du breton est un imprimé de 1659, dû au jésuite Julien Manoir. L'ère de la comparaison des langues celtiques commence avec l'Archaeologia Britannica de Edward Lhuyd (1707).Ireland is the seat of the emergence of an original grammatical reflection, which first concerned Latin (hiberno-latin grammars and vernacular glosses) and then Irish (Auraicept na nÉces, 7th century). The bardic treatises marked a significant renewal of this tradition. In the 17th Century Irish franciscans exiled on the continent wrote and published grammars to ensure the exiled Irish priests would not forget their language. Brythonic glosses are found in the 8th and 9th century, but the first printed grammars of this language came from cultured minds open to the new trends of the Renaissance. The first grammar of Breton is a printed piece of 1659, written by the Jesuit Julien Manoir. The era of comparative studies for Celtic languages starts in 1707 with Edward Lhuyd's Archaeologia Britannica.
- Anglo-saxon England : Aelfric's « Excerptiones de arte grammatica anglice » - Vivien Law p. 47-71 L'Angleterre est l'un des premiers pays européens à développer un usage littéraire de son vernaculaire. Pourtant c'est l'étude du latin qui domina la formation de la tradition grammaticale anglo-saxonne. La célèbre grammaire de Aelfric (10e siècle), est une grammaire du latin - les Excerptiones de Prisciano - traduite dans le vernaculaire. Nous n'y trouverons donc pas une description du vieil anglais, les formes vernaculaires qui accompagnent les paradigmes latins ont pour seule fonction d'éclairer ces derniers. On trouve évidemment une terminologie grammaticale en anglais, qui provient largement des gloses antérieures. Après la conquête normande, cette terminologie sera totalement oubliée.England was one of the first European countries where the vernacular was used for literary purposes. The study of Latin, however, dominated the formation of the Anglo-Saxon grammatical tradition. Aelfric's famous grammar (ca 1000), is an Old English adaptation of and existing grammar, the Exceptiones de Prisciano. No description of Old English is to be found in this text ; the vernacular forms presented alongside the Latin paradigms only serve to illustrate the latter. One will naturally find a grammatical terminology in English, which, on the whole, derives from previous glosses. This terminology fell into complete oblivion after the Norman conquest.
- The first vernacular grammars in Europe : the Scandinavian area - Even Hovdhaugen p. 73-89 L'islandais est le premier vernaculaire Scandinave à avoir été analysé de façon relativement complète (cf. The first grammatical Treatise, 12e siècle). La grammaire de Jônsson (1651) est cependant le premier travail moderne. C'est seulement au 17e siècle qu'apparaissent les premières études grammaticales du suédois : Tiderus (1626), Vexionius (1650) et Aurivillius (1684). L'étude du danois commence à la même époque, en particulier avec l'œuvre de Pontoppidan (1668). Le norvégien dut attendre l'indépendance du pays, au 19e siècle, pour devenir objet d'études, particulièrement avec la grammaire de Aasen (1848). La langue des isles Féaroé, enfin, n'a pas connu de description importante avant une date très récente.Icelandic was the first Scandinavian vernacular to be analysed in a relatively exhaustive way (cf. The first grammatical Treatise, 12th century). Jonsson's grammar (1651) is nevertheless the first modern work on the topic. The first grammatical studies of Swedish only appeared in the 17th century : Tiderius (1626), Vexionius (1650) and Aurivillius (1684). The study of Danish began in the same period, with Pontoppidan's work (1668) in particular. It was not before Norway's independence in the 19th century that Norvegian became an object of study, with Aasen's grammar (1848), especially. As to the language of the Faroe Islands, we find no important description before a very recent period.
- Les grammaires des langues finno-ougriennes : esquisse historique - Mikko Korhonen, A. Ahlquist [Trad.], S. Auroux [Trad.] p. 91-110 Les grammaires des langues finno-ougriennes apparaissent à partir du 16e siècle dans le contexte de la Réforme. L'article étudie en premier lieu et principalement le cas du finnois, en particulier les grammaires de Petraeus (1649) et de Vhael (1733). Pour l'estonien, on s'attarde sur le cas de Stahl (1637), qui en a produit la première grammaire. On passe en revue les principaux travaux sur le hongrois, depuis la grammaire de Sylvester (1539), jusqu'à celle de Gyarmathi (1794), inspirée par la grammaire générale et raisonnée de Port-Royal. Pour finir, on évoque rapidement les premiers travaux concernant le lapon, le mordve, le tchémrémisse, le zyriane et le votiak.The first grammars of Finno-Ugrian languages appeared in the 16th century in the context of the Reformation. This article focuses primarily on Finnish and examines in particular the grammar of Petraeus (1649) and Vhael (1733). It then deals with Stahl (1637), who produced the first grammar of Estonian, the main works on Hungarian then survens from Sylvester's grammar (1539) to Gyrmathi's work (1794), which was inspired by the Port Royal's Grammaire Générale et Raisonnée. The paper finally briefly considers works on Lappish, Mordvin, Cheremis, Zyrian and Votyak.
- Die Ausbildung der deutschen Grammatik (einschliesslich der niederländischen) - Heinrich Weber p. 111-133 Dans les pays de langue allemande la grammaire latine a été largement enseignée et diffusée ; cette tradition a fourni une base à l'étude des vernaculaires. Si on trouve des remarques sur l'ancien haut allemand dans les travaux des moines cultivés, on ne connaît par la suite aucun travail grammatical relevant de la période du moyen haut allemand. C'est avec le nouveau haut allemand que la tradition allemande s'est constituée (1350-1650), puis établie, notamment avec l'œuvre de Schottelius, qu'un interprète moderne a pu qualifier de « Chomsky baroque ». L'étude du néerlandais commença, comme celle de l'allemand, par des recherches orthographiques. Mais la véritable tradition de description grammaticale commence avec la grammaire française de Peeter Heyns (1571), inspirée de Meigret et Estienne, qui contient aussi des remarques sur le néerlandais.In German speaking countries, latin grammar was widely spread and taught ; this tradition served as a basis for the study of vernaculars. Some remarks on Old High German may be found in the works of cultured monks ; however there is no trace of any grammatical work bearing on the following period of Middle High German. The German tradition was first formed and then established with the study of New High German (1350-1650), especially with the work of Schottelius, who was characterised by a modern scholar as « a baroque Chomsky ». The study of Dutch - like that of German - arose from research about spelling. But the actual tradition of grammatical description began with the french grammar of Peeter Heyns (1571), inspired by Meigret and Estienne, which also contains remarks on Dutch.
- À l'aube de la grammaire française : Sylvius et Meigret - Michel Glatigny p. 135-155 On a commencé à réfléchir sur le français en même temps qu'on édictait des règles pour son usage. Les deux perspectives - théorique et pédagogique - coexistent de façon variable qu'il s'agisse de la visée surtout pratique de Palsgrave (1530), du désir d'explication chez Sylvius (1531) ou de la recherche de la congruité par Meigret (1550). Dans leur souci de systématiser, les auteurs sont souvent conduits à postuler un parallélisme inexistant entre la marque et la fonction. Si la pression du cadre latin reste forte, on rencontre chez ces premiers grammairiens du français, un embryon de distributionalisme. Leurs efforts ont conduit à expérimenter des procédures et à mettre en place des concepts fondamentaux et des cadres d'analyse qui seront exploités ultérieurement.Theoretical reflection about French began at a time when rules were being pronounced to govern its usage. Both trends - theoretical and pedagogical - are present simultaneously whether in Palsgrave's (1530) essentially pratically-oriented work, in Sylvius' (1531) explanatory impulse, or in Meigret's (1530) search for adequacy. Their desire to provide a systematic organisation often leads them to postulate an imaginary parallelism between form and function. Although the pressure of the Latin framework remains strong, these first grammarians of French present an embryonic distributional system. Their efforts led to experimentation with procedures and the elaboration of fundamental concepts together with analytic Frameworks which were to be exploited later.
- Les premières grammaires vernaculaires de l'italien, de l'espagnol et du portugais - Pierre Swiggers, Serge Vanvolsem p. 157-181 Les traditions grammaticales examinées ici ont en commun deux caractéristiques : une préoccupation normative (la grammatico- graphie se doublant de propositions orthographiques stipulatives) et le désir de montrer que la langue vulgaire, susceptible d'être mise en règles, a droit à des titres de noblesse. Nées dans le contexte de l'humanisme et marquées par la situation sociolinguistique du pays, ces trois traditions témoignent d'une relation ambivalente à l'égard des modèles classiques : les grammairiens italiens, espagnols et portugais adoptent en général le schéma de la grammaire latine, mais le modifient en fonction de leurs points de vue descriptifs ou en fonction des matériaux que fournissent les langues vernaculaires. La part de la réflexion théorique y est encore réduite, vu qu'il s'agit avant tout de codifier un usage : c'est sur le choix de cet usage que roulent les discussions théoriques, surtout en Italie.The grammatical traditions presented here share two basic features : a normative concern (most evident in the orthographical proposals which coexist with the grammatical descriptions), and the explicit aim to show that the vernacular, which can be laid down in rules, is capable of prestige. Arising within the Humanist context and rooted in the socio-linguistic situation of the respective countries, these three traditions manifest an ambivalent relationship to the classical models : the Italian, Spanish, and Portuguese grammarians generally adopt the framework of Latin grammar, but they modify it, either because of their descriptive orientation, or because of the data offered by their vernacular language. Their theoretical contribution is rather modest, due to the fact that their main objective was to codify a particular usage : it was precisely on the choice of the latter that important theoretical debates took place, especially in Italy.