Contenu du sommaire : L'école et les régimes de vérité(s)

L'enseignement des sciences est souvent présenté comme une école de la raison et de l'esprit critique. En France, comme dans d'autres pays, c'est aujourd'hui la démarche d'investigation qui est censée permettre une telle formation. Cette contribution vise à questionner ce qui est souvent présenté comme une évidence. En prenant le cas d'un manuel très répandu et des activités qu'il propose pour l'enseignement de la biologie de l'hérédité en classe de troisième française (grade 9), nous montrons que ces « activités » donnent une idée très déformée du régime de vérité des savoirs scientifiques. Nous en proposons une explication tenant à la fois à l'épistémologie dominante des enseignants, à une généralisation inconsidérée de la démarche d'investigation et au choix des problèmes travaillés. Ce qui nous conduit à proposer des conditions de possibilité d'un enseignement permettant aux élèves des investigations scientifiques.

Dans un contexte de réforme de l'enseignement et de réflexion sur la culture scientifique, cette étude vise à examiner quels aspects des sciences et de l'activité scientifique sont pris en charge par les programmes d'enseignement de deux disciplines scolaires (physique-chimie, sciences de la vie et de la terre), de deux filières (scientifique, littéraire) du lycée en France. Nous présentons l'approche théorique que nous avons adoptée pour caractériser la NoS (Nature of Science) et la mettons en perspective avec celles proposées dans la littérature. Nous présentons la grille d'analyse multidimensionnelle que nous avons élaborée en choisissant une entrée par les pratiques et en nous appuyant sur les différentes études sur les sciences. Nous présentons les principaux résultats et développons quelques points en lien avec les modalités d'élaboration du savoir scientifique et les spécificités des disciplines scientifiques. Nous discutons l'image des sciences susceptible d'être transmise aux enseignants et aux élèves.

Les conceptions de lycéens français sur l'évolution sont analysées à partir de leurs réponses à des questions construites et validées par le projet de recherche Biohead-Citizen. Ces lycéens ont été interrogés dans trois lycées de Lyon et de sa proche banlieue, l'un d'eux comportant une forte proportion de musulmans. Les conceptions des lycéens musulmans sont comparées à celles de leurs camarades (chrétiens ou agnostiques / athées), et à celles d'enseignants musulmans qui avaient auparavant été interrogés en France, en Algérie et au Maroc. Les résultats montrent que les lycéens musulmans sont significativement plus créationnistes que leurs camarades, mais moins que les enseignants marocains ou algériens. Des différences significatives sont aussi observées pour trois des questions sur les connaissances relatives aux processus de l'évolution (rôle du hasard, de la sélection naturelle et du milieu environnant) : les lycéens musulmans reconnaissent moins l'importance de ces processus que leurs camarades, surtout pour le rôle du hasard. L'ensemble montre donc quelques interactions entre les connaissances, valeurs et pratiques religieuses des lycéens.

La question des fondements épistémologiques autour de la vérité et de la réalité s'articule d'un pôle positiviste rationaliste à un pôle relativiste narratif. Est-ce que la prise en compte de cette polarisation permettrait de mieux comprendre les problématiques engageant des concurrences entre les régimes épistémiques lorsque celles-ci s'invitent dans les cours de sciences ou d'éthique à l'école obligatoire ? 81 adolescents du secondaire 1 et 125 jeunes adultes se destinant au métier d'enseignant ont répondu à un questionnaire portant sur leur compréhension des concepts de réalité et de vérité. Cette enquête exploratoire, menée en Suisse romande, rappelle la domination du positivisme dans les rapports aux savoirs notamment scolaires, elle questionne également la légitimité de cette hégémonie, en regard du nombre de connaissances enseignées qui échappent à ce champ paradigmatique.

Le constat du rejet total ou partiel de la théorie de l'évolution au nom de motifs religieux par des élèves dans différents pays amène à s'interroger – plus globalement – sur les facteurs influençant l'adoption ou non-adoption d'une conception sécularisée de la science. Cette recherche vise à examiner, à partir d'un questionnaire à réponses fermées, l'influence de deux facteurs : les convictions personnelles des élèves en matière de religion et la filière d'études (scientifique ou non). L'enquête a été réalisée dans sept pays présentant des caractéristiques différenciées en matière de sécularisation : la Belgique, l'Espagne, l'Italie, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, le Maroc et la Turquie.

Cet article se donne pour objectif d'éclairer les conflits de normes pouvant exister au regard des spécificités contextuelles à Djibouti, symbolisées par la cohabitation du dogme religieux dans la société et de celui de la laïcité et de la science à l'école. En déconstruisant la subalternité des connaissances, l'auteur interroge les formes d'interprétation, d'adhésion, de résistances et de rejet du discours de vérité scientifique. L'analyse des données met à jour trois différents régimes de recherche d'unité de sens, à travers les stratégies de rejet ou d'accommodements opérées par les individus.

Ce texte traite du cours d'Éthique et culture religieuse en vigueur dans les écoles du Québec depuis 2008. Aboutissement du processus de déconfessionnalisation du système éducatif, ce cours représente non seulement un tournant majeur en éducation mais constitue un projet de société : celui de vivre ensemble dans une société pluraliste à travers la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun. Des orientations ministérielles annonçant ce projet de programme, il se dégage une approche éthique et culturelle de l'éducation. Mais qu'en est-il du programme ? Emprunte-t-il la même approche ? Pour répondre à cette question, nous présentons le programme d'ÉCR et identifions les points de convergence et de divergence avec les orientations ministérielles et l'approche éthique et culturelle de l'éducation. Nous en venons à la conclusion que, même si le programme d'ÉCR s'inscrit dans une approche éthique et culturelle, celle-ci s'est affaiblie par rapport à ce qui avait été annoncé. Le dialogue s'avère par ailleurs une voie prometteuse dans la poursuite de la réflexion.

Les travaux empiriques des dernières décennies en sciences cognitives et en psychologie morale ont permis d'identifier des processus qui s'enclenchent automatiquement et qui ont un effet direct et instantané sur le comportement humain et sur le jugement moral. Ce discours constitue un défi pour les démarches d'éducation morale qui proposent des apprentissages qui font surtout appel à des processus conscients. On trouve chez Paul Ricœur une phénoménologie du volontaire et de l'involontaire ainsi qu'une phénoménologie de l'homme capable qui peuvent aider les éducateurs à relever ce défi. En prenant appui non seulement sur la théorie de Ricœur sur l'attestation de la capacité éthique mais aussi sur deux modélisations issues de la recherche empirique en sciences cognitives et en psychologie morale, il devient possible de proposer de nouvelles stratégies pour enrichir les pratiques d'éducation morale.

Le développement de l'approche par les compétences dans l'enseignement favorise la réflexion sur la conception et la mise en œuvre de situations dites « complexes » associées à des situations plus « ciblées ». Cette étude de cas longitudinale vise à analyser l'activité d'un enseignant d'éducation physique et sportive et d'élèves engagés dans une démarche d'enseignement articulant ces deux types de situations. D'un point de vue théorique, elle s'appuie sur une conceptualisation de l'enseignement établie à partir d'un programme de recherche en « anthropologie culturaliste » inspiré de la philosophie analytique de Wittgenstein (2004). À partir de données d'enregistrement de leçons et d'auto confrontations de l'enseignant et d'un élève, les résultats tendent à montrer que la complexité de ce qui se joue dans l'activité réellement déployée par l'enseignant et les élèves en classe est irréductible à la formalisation de situations définies a priori comme « ciblée » ou « complexe » et permettent en ce sens de venir discuter la notion même de complexité.

Cette étude visait à comprendre ce que recouvre la coopération entre élèves au sein d'un groupe en termes de processus de partage de connaissances et de construction d'un référentiel partagé qui accompagne les interactions entre partenaires. Elle a été réalisée au cours d'un cycle d'arts du cirque. Il s'agissait plus précisément d'identifier le contenu et la dynamique de partage des connaissances entre les élèves et de proposer des pistes d'investigations favorisant la construction d'un référentiel commun entre les élèves. Cette étude a été conduite en référence au programme de recherche du « cours d'action » (Theureau, 2006). Trois élèves se sont portés volontaires pour participer à l'étude. Les résultats pointent deux types de contenus des connaissances partagées : des connaissances relatives à la tâche vs. aux partenaires. De plus, ils mettent en évidence un partage de connaissances non homogène entre les élèves qui rend compte de la formation de « réseaux de coopération » au sein même d'un groupe.

Cet article présente les résultats d'une recherche-intervention portant sur les apports d'un jeu sérieux mené en équipe sur l'engagement des étudiants dans un dispositif de formation universitaire. Celle-ci a été réalisée auprès de 103 étudiants de Licence 3 au sein du département de Langues Étrangères Appliquées (LEA), dans le domaine du management de projet. Elle retrace la création d'un dispositif évolutif et bi-dimensionnel intégrant un jeu sérieux de gestion de projet, combinant virtuel et présence. Nos résultats illustrent un niveau de satisfaction important des étudiants et surtout un changement de regard sur la matière enseignée et leur mode d'apprentissage. Nos résultats confirment un fort engagement chez les étudiants associé au travail collectif. Plus étonnant, ils attestent d'un renforcement des compétences comportementales plus que des compétences spécifiques en management de projet.

Cet article a pour objet la comparaison des principes et pratiques d'évaluation des écoliers et collégiens en France et au Japon. Il repose sur les textes réglementaires, recherches et rapports relatifs aux modalités des évaluations scolaires dans ces deux systèmes éducatifs. À l'école primaire, il existe des proximités dans les pratiques évaluatives propres à chaque pays, différenciées toutefois par l'existence du redoublement des écoliers français. Au collège, les pratiques d'évaluation sont différenciées même si elles tendent à se rapprocher. Au Japon, le livret scolaire impose une évaluation par compétences alors que, dans le collège français, jusqu'à la rentrée 2016 au moins, l'évaluation par compétences demeure encore largement incomplète. Les différences entre les deux pays tiennent notamment à la réforme japonaise de 2001 des pratiques d'évaluation, et à l'échec relatif d'une telle réforme en France depuis 2005.

Être tuteur à distance est maintenant possible par le biais des technologies nouvelles, ce qui n'élude pas le problème de la distance sociale existant entre les acteurs. Cette note de synthèse examine la question par le biais de comparaisons entre tutorat en présentiel et tutorat à distance, au regard d'éventuelles complémentarités existant entre l'un et l'autre. Après avoir étudié la stratégie de l'effacement progressif, il s'agit de voir comment les tuteurs peuvent intervenir à distance, comment il est possible de faire qu'ils se montrent proches de leurs tutorés, compris et acceptés de ces derniers. D'où des glissements de rôles possibles chez les tuteurs tout comme il peut en exister chez les tutorés impliqués dans une relation d'aide à distance. Pour finir, distance physique et distance sociale entre les acteurs méritent d'être examinées en simultané, ce qui est le cas dans cet article à l'appui de travaux portant principalement sur le tutorat à distance dans l'enseignement supérieur.