Contenu du sommaire : Statuts et identités dans l'Asie prémoderne (XVIIe-XIXe siècle)

Revue Extrême-Orient, Extrême-Occident Mir@bel
Numéro no 41, 2017
Titre du numéro Statuts et identités dans l'Asie prémoderne (XVIIe-XIXe siècle)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Annick Horiuchi p. 5-12 accès libre
  • I. Où l'identité s'affirme – Asserting Identities

    • La gloire d'un marchand : Enomoto Yazaemon, négociant en sel dans le Japon du XVIIe siècle - Guillaume Carré p. 13-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les écrits autobiographiques du négociant en sel Enomoto Yazaemon sont des documents précieux pour connaître l'existence des marchands japonais dans le Kantō au début de la période d'Edo. Ces archives nous dépeignent un bourgeois qui bataille pour établir sa réputation et son autorité à la tête de sa « maison », une structure familiale au cœur de ses représentations du statut social et des valeurs des commerçants. Son témoignage nous livre le tableau d'une condition marchande en pleine ascension, et qui élabore son propre système de valeurs, dans un climat économique porteur, et grâce à la protection des dirigeants guerriers.
      ‪The autobiographical writings of the salt merchant Enomoto Yazaemon are precious documents for knowing the way of life of Japanese merchants in Kantō at the beginning of the Edo period. These documents depict a bourgeois who is struggling to establish his reputation and authority at the head of his “house,” a family structure at the heart of his representations of the social status and values of merchants. His testimony draws us a picture of a merchant condition in full rise, which develops its own system of values, in a buoyant economic climate, and thanks to the protection of warrior leaders.‪
    • Identité sociale et identité nationale dans Chōnin bukuro et Hyakushō bukuro de Nishikawa Joken - Daniel Struve p. 45-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nishikawa Joken (1648-1724), savant confucéen, moraliste, géographe et astronome de condition marchande de Nagasaki, est, entre autres, l'auteur de deux ouvrages didactiques Chōnin bukuro (« Sac des marchands », 1692, publié en 1717) et Hyakushō bukuro (« Sac des paysans » 1721, publié en 1731), où il définit la place de chacun de ces statuts dans la société de son temps et les règles de comportement qui en découlent. Ces deux recueils de réflexions sans plan déterminé qu'on peut situer dans la riche tradition inspirée par le succès des Heures oisives tout au long du XVIIe siècle, sont une source de première importance sur les représentations sociales dans le Japon de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. À travers une analyse du contenu de ces deux ouvrages, nous cherchons à préciser le lien qui s'y dessine entre les valeurs constitutives assignées à chaque état, celui des bourgeois (chōnin) et des paysans, mais aussi des guerriers, et une réflexion plus générale sur l'histoire du Japon et la place de celui-ci dans le monde.
      ‪Nishikawa Joken (1648-1724), a Confucian scholar, moralist, geographer and astronomer of merchant condition from Nagasaki, is the author of two didactic works Chōnin bukuro (A Bagful of Advice for Merchants, 1692, published in 1717) and Hyakushō Bukuro (A Bagful of Advice for Merchants, 1721, published in 1731), in which he defined the place of each of these two statuses in the society of his time, and the ensuing rules of behavior. These two collections of random thoughts take place within a context inspired by the success the Essays of Idleness (Tsurezuregusa) met throughout the 17th century. As such, they are a source of primary importance when dealing with social representations in Japan of the late 17th and early 18th century. Through an analysis of these two works' content, we try to clarify the link between the constituent values assigned to each status, that of the bourgeois (chōnin) and of the peasants (but also of the warriors) on one hand, and a reflection on the history of Japan and its place in the world on the other.‪
  • II. Où le statut fluctue – Status in Flux

    • Prêtre shintō à l'époque d'Edo : un statut, des réalités - Yannick Bardy p. 69-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Qu'est-ce qu'un « prêtre shintō » pendant la période d'Edo (1600-1868), dans un contexte de syncrétisme shintō-bouddhique ? Pour en discuter, nous montrerons d'abord la diversité des sanctuaires shintō et de leurs prêtres au sein d'un village. Puis nous discuterons de la nature des différents types de prêtres rencontrés et de leur place au sein du sanctuaire et des villages. Enfin, nous traiterons du système de contrôle et d'organisation des prêtres mis en place par le shogunat et de ses limites.
      ‪What does it mean to be a “Shintō priest” during the Edo period (1600-1868), in a context of syncretism of Buddhism and Shintō, in theory and in practice? To answer this question, we will shed light on the variety of shrines and priests within a given village and analyze the nature of priesthood and the place of the priests, both in their shrines and their village. Finally, we will discuss the official system established to control these priests and its limits.‪
    • Asservir pour punir : la nature pénale du statut d'esclave dans la Chine des Ming (1368-1644) - Claude Chevaleyre p. 93-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Châtier pour punir » se propose d'explorer l'identité des « esclaves » (nubi 奴婢) en Chine impériale tardive. En s'appuyant sur les sources juridiques et institutionnelles d'époque Ming (1368-1644), cet article examine les caractéristiques intrinsèques du statut d'esclave et s'attache en particulier à mettre en évidence l'existence d'un lien conceptuel fort (et très ancien) entre asservissement et châtiment. Ce faisant, cet article entend contribuer au renouveau des études concernant l'histoire du fait servile en Chine impériale, sujet trop peu étudié par les études chinoises occidentales et dont les aspects conceptuels, pourtant fondamentaux, ont été négligés par les historiens chinois.
      ‪“Enslavement as a punishment” explores the identity of “slaves” (nubi 奴婢) in late imperial China. Based on a close examination of institutional and legal sources promulgated under the Ming (1368-1644), this article proposes a reinterpretation of slaves' status by shedding a new light on the strong (and ancient) conceptual link between enslavement and punishment—in particular on the conception of enslavement as a means to extend incriminations to a criminal's kin and family. In so doing, this article aims at contributing to renew the interest for the social history of slavery in China, a field that has received little attention from Western Chinese studies and the conceptual dimensions of which have been neglected by Chinese historians.‪
    • Le couple dans la famille guerrière durant la seconde moitié de l'époque d'Edo (xviiie-xixe siècle) : la question du mariage et du concubinage - Segawa Yūta p. 119-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'époque Edo, deux formes d'union entre homme et femme coexistent dans la société guerrière : d'un côté le mariage, liant deux époux dans une relation officielle et agréée par les autorités, et de l'autre le concubinage, unissant un maître et une concubine dans une relation strictement privée. Les concubines étant généralement issues d'une classe inférieure, le concubinage constituait dès lors une union qui dépasse les statuts. Cette union résulte d'une intention particulière des deux parties, en lien avec le désir, l'amour, ou l'argent… Nous analysons le couple dans la famille guerrière en lien avec la question du statut social.
      ‪During the Edo period, two forms of the union between man and woman were coexisting within the samurai society: on one side, marriage as an official relation of a husband and a wife sanctioned by the authorities, and the other a strictly private relationship between master and concubine (or mistress). Concubine being generally of a lower extraction, this latter type of union was an “inter-status” connection. Personal intentions on both parts played a role: desire, love, money, etc. In this article, I analyse the couple in samurai families in relation to the question of social status.‪
  • III. Où l'identité prend corps – Shaping Identities

    • Une identité religieuse dans la tourmente : les catholiques face à la politique de proscription des Tokugawa (XVIIe siècle) - Martin Nogueira Ramos p. 153-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'inscrit dans les débats actuels en histoire du Japon sur la perception du catholicisme et le façonnement des identités religieuses au début de l'époque d'Edo. J'apporte d'abord des éléments de réponse aux deux questions suivantes : les Japonais de la première moitié du XVIIe siècle perçoivent-ils le catholicisme comme une religion étrangère ? Établissent-ils des liens entre la pratique religieuse et l'idée qu'ils se font du Japon ? Des recherches récentes, qui se fondent essentiellement sur des textes écrits par les guerriers, tendent à montrer que le catholicisme était souvent assimilé à la figure de l'altérité absolue, voire à ce que l'on pourrait appeler l' « anti-Japon ». J'estime que ce point de vue doit être nuancé, notamment en ce qui concerne les roturiers. Mon propos porte ensuite sur l'attitude des catholiques face à la répression et aux critiques qui leur étaient adressées par le pouvoir. En m'appuyant sur des documents rédigés par les participants à la révolte de Shimabara-Amakusa (1637-1638), je défends l'idée d'une radicalisation de leur identité religieuse qui repose en grande partie sur leur rejet des dieux et des bouddhas.
      ‪This article is in accordance with the current debates in Japanese history about the perception of Catholicism and the formation of religious identities in the beginning of the Edo period. First, the analysis aims to answer the two following questions: Do Japanese of the first half of the 17th century perceive Catholicism as a foreign religion? Do they make links between religious practice and their idea of Japan? Recent studies, which are mostly based on texts elaborated by warriors, tend to show that this religion was often assimilated to an absolute otherness, or even to an enemy of Japan. In my view, this approach needs to be qualified, particularly concerning the commoners. Second, I focus on the behavior of the Catholics toward the suppression and the critics directed to them by the authorities. To this end, I examine documents written by the participants to the revolt of Shimabara-Amakusa (1637-1638). I argue that the religious identity of the Catholics became more radical during the first decades of the ban and that this shift mostly rested on the rejection of Gods and Buddhas.‪
    • Les « gens du milieu » en quête d'une identité dans la société du Chosŏn au XIXe siècle - Kim Daeyol p. 179-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les chungin apparaissent comme une couche sociale dans la société du Chosŏn vers le XVIe siècle, à la suite de leur discrimination par les lettrés fonctionnaires « nobles ». Cette couche sociale est limitée dans son recrutement et sa promotion au sein de la bureaucratie. Parmi eux se trouvent les fonctionnaires aux postes techniques ou spécialisés. Leurs métiers deviennent ainsi quasi héréditaires. Ils jouissent pourtant de la même culture avec la classe supérieure. Cette contradiction est l'une des origines principales de leur sentiment de frustration. Au milieu du XIXe siècle, dans une nouvelle donne sociopolitique de la société coréenne, ils développent divers mouvements sociaux pour défendre leur intérêt commun et rétablir leur identité sociale.
      ‪The chungin come into view as a social stratum delineated on the basis of ascribed social status in 16th century Chosŏn Korea in the aftermath of their discrimination by the aristocratic literati officials. This social stratum faced restrictions placed on bureaucratic eligibility. Among them are those who take government posts as experts in technical fields. They however enjoy the same culture with the upper class. This contradiction is one of the main sources of their sense of frustration. In the middle of the 19th century, in a new situation of Korean society, they develop various social movements to defend their common interest and restore their social identity.‪
    • Domination et dépendance : l'évolution du statut des chefs aïnous en Asie orientale (XVIIe-XVIIIe siècle) - Noémi Godefroy p. 207-240 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir du XVIIe siècle, l'île d'Ezo (actuelle Hokkaido) devient une zone-frontière entre les populations japonaise, aïnoue et russe. Les rapports intra- et interethniques dans cette « zone médiane » (middle-ground) s'insèrent dans un système complexe de dépendances croisées économiques et politiques entre les différents acteurs régionaux. Ces rapports d'interdépendance sont matérialisés par la création de ce que Fredrick Barth appelle des « statuts ethniques dichotomisés », des distinctions ethniques figées sous-tendant une altérité irréductible, garants du maintien de relations stables, et par la mise en place de protocoles de légitimation mutuelle, de plus en plus codifiés, lors de cérémonies de remise de tribut.À travers l'étude de ces cérémonies, organisées par les Japonais, en territoire domanial (uimam) et en territoire aïnou (umsa), on observera l'évolution du statut des chefs aïnous à l'intérieur de cette société pluriethnique, et on verra dans quel sens cette évolution reflète les changements dans l'équilibre des pouvoirs régionaux au XVIIIe siècle.
      ‪From the turn of the 17th century, the island known as Ezo (present-day Hokkaido) becomes the locus of the border between the Japanese realm and the Ainu lands, beyond which lie Russian settlements. The intra- and interethnic relations in this new “middle-ground” can be seen through the prism of an intricate web of economic and political interdependencies between the different regional actors. These relations are materialized by the creation of what Fredrick Barth coined as “dichotomized ethnic statuses” and by increasingly codified mutual legitimization protocols, involving tribute-offering ceremonies. The study of these ceremonies, organized both in the Matsumae domain (uimam) and in Ainu territory (umsa), described in Japanese and Ainu sources, brings to light the evolution of the statuses of the Ainu chieftains within this multiethnic system, and to what extent this evolution reflects the changes in the regional balance of power during the 18th century.‪
  • IV. Regard extérieur