Contenu du sommaire : Le sport et la Grande Guerre
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 251, 2013/3 |
Titre du numéro | Le sport et la Grande Guerre |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Le sport et la Grande Guerre
- Introduction - François Cochet, Paul Dietschy, Bruno Guillotin p. 3-7
- Du champion au poilu sportif. Représentations et expériences du sport de guerre - Paul Dietschy p. 9-23 Durant le premier conflit mondial, le sport a constitué une manière de représenter la guerre et de la vivre. Dès le début du conflit, la presse sportive a mobilisé sa rhétorique emphatique pour décrire la guerre comme un grand match à des fins tout à la fois patriotiques et économiques. Derrière ces discours exaltant le soldat sportif, se cachent souvent les luttes de pouvoir opposant les organisations sportives. Sur le front, la pratique du sport a pu prendre plusieurs formes. S'ils ont été exposés par la presse à la chasse à l'embusqué, les champions ont pu saisir dans le développement de l'aviation de guerre l'opportunité de retrouver un environnement compétitif et athlétique. Plus près des tranchées, l'existence d'un « sport de guerre » incluant boxe, football et athlétisme a été compris, d'après les témoignages de soldats, comme un moyen d'échapper à la contrainte militaire et à la violence de guerre. Loin d'être un adjuvant à l'agressivité du guerrier, le sport a d'abord symbolisé la vie face à une mort omniprésente.During the First World War, sport was a way of both living and representing war. From the beginning of the conflict, the sports press applied its animated rhetoric to a description of the war as a “great game” with patriotic and economic aims. A struggle for power involving sport organizations was often hidden behind discourses glorifying the soldier-sportsman. Near the front line, there were several ways to practise sport. Even though they risked being accused by the press of shirking, champions found in the development of aircraft the opportunity to return to a competitive and athletic environment. Nearer to the trenches, the “war as sport” existence, including boxing, football and athletics, was understood, according to soldiers' testimonies, as a means to escape the constraints of military life and the violence of war. Far from being a stimulant to warrior aggressiveness, sport primarily symbolized the persistence of life in the face of an omnipresent death.
- Les sports aériens : de la compétition sportive à la violence de guerre - Luc Robène p. 25-43 À la veille du premier conflit mondial, l'aviation est encore largement considérée comme un sport. Depuis la fin du XIXe siècle, l'armée française observe toutefois avec un intérêt prudent le développement de cette pratique. Le déclenchement des hostilités amène toutefois à reconsidérer l'utilisation de l'aviation dans les opérations militaires. L'image de l'aviation, sport élitiste en voie de professionnalisation, confère tout d'abord une dimension particulière au combat aérien. La persistance d'une représentation « sportive » de l'aviateur en temps de guerre conduit à la création de la catégorie de l'« as ». Mais si cette nouvelle distinction militaire permet de donner un visage aux héros de la patrie en guerre, le combat aérien se révèle vite fort éloigné de la compétition sportive. De fait, la violence et la mort de masse l'emportent progressivement sur le fair-play sportif, alors que la presse se plaît à propager le mythe de la guerre comme le « grand match ».On the eve of the First World War, aviation was still generally considered a sport. Since the end of the 19th century, the French Army had nevertheless shown a cautious interest in aviation development. The start of the war led the French General Staff to reconsider the use of aircraft in operations. The image of aviation, as an elitist sport turning professional, gave first of all a special dimension to battle in the air. The persistence of a “sporting” aspect of the airman in wartime led to the creation of the “ace”. But if this new military distinction provided a face for the country's war heroes, battle in the air quickly proved to be very different from sports contests. In fact, mass violence and mass death gradually prevailed over fair play, while the sports press enjoyed spreading the myth of war as “the great game.”
- La grenade, la batte et le modèle américain. Baseball et acculturation sportive dans la France de la Première Guerre mondiale - Peter Marquis p. 45-58 Cet article dresse un bilan des connaissances sur la diffusion du baseball en France en amont et en aval de la Grande Guerre, et dessine des pistes d'interprétation sur son rôle en terme d'acculturation. Ce sport occupait une place de choix dans la préparation du contingent américain. Une fois en France, appelés et volontaires, pratiquaient le baseball comme un divertissement qui leur rappelait leur pays natal, et comme une continuation de la guerre par d'autres moyens. Par l'entremise des Foyers du soldat, ils furent mis au contact de Français avec qui ils partageaient des temps de détente et des compétitions sportives. La littérature existante considère ces contacts comme des moments d'acculturation, mais ce concept n'est pas approprié. Nous constatons plutôt une transfiguration du baseball en miroir des valeurs civiques de la société américaine, société qui n'est pas encore un modèle pour de nombreux Français de l'entre-deux-guerres.This article draws together the research already undertaken on the introduction of baseball in France before, during and after the First World War in order to examine its role in terms of cultural influence. The sport held a place of choice in US Army training. Once introduced into France, soldiers played baseball for enjoyment, to feel less homesick, and as a metaphor for war. When resting in YMCA-sponsored huts (or “foyers”), US servicemen made contact with French soldiers and civilians with whom they shared leisure time and athletic competition. The existing literature views these contacts as moments of acculturation, but this article argues that the concept is not relevant, since baseball morphed into a mirror-image of American society's civic values. This was lost, however, on the French people of the interwar period who did not yet view the United States as a model.
- Le ballon et les gants de Tommy Atkins. Le sport dans l'armée britannique pendant la Grande Guerre - Tony Mason p. 59-75 Dès les premiers mois de la Première Guerre mondiale, les soldats britanniques ont commencé à pratiquer le sport derrière la ligne de front. Ils furent soutenus par des officiers qui offrirent des trophées et croyaient dans les valeurs viriles du sport, tout en considérant la guerre comme the greatest game. Le spectacle sportif fournit un bon dérivatif à des soldats éloignés de leur patrie et soumis autant à l'ennui de la vie militaire qu'à l'horreur des combats. Le football association, la boxe et le turf constituèrent une trilogie qui leur faisait retrouver les plaisirs et les loisirs de la classe ouvrière britannique. La participation des officiers permettait d'assouplir la discipline et la hiérarchie militaires. Certains champions purent aussi obtenir des traitements de faveur en représentant leur unité dans les championnats militaires mais les compétitions opposant pelotons ou compagnies avaient aussi pour but de développer l'esprit de corps, notamment après la réforme de 1916 établissant le peloton comme unité de base de l'armée britannique.From the first months of the First World War, British soldiers behind the front line began to practise sports. They were encouraged by their officers, who gave prizes and believed in the value of manly sports at the same time that they considered war as “the greatest game.” Sporting events also provided a distraction to the men who were away from home and were either bored by military life or horrified by the violence of combat. Association football, boxing and horse races made up the trilogy that helped the Tommies to rediscover the enjoyment and the entertainment of British working-class life, while the participation of officers in sport served to soften military discipline and reduce the barriers of rank. Some champions were able to gain advantage by representing their units in military competitions, while inter-platoon and inter-company games were designed to develop esprit de corps, particularly after the 1916 reform which established the platoon as the basic tactical building block of the British Army.
- Entre solidarité et défi. Le sport, la guerre, la grande presse - Philippe Tétart p. 77-93 À la Belle Époque, le sport est déjà très présent dans les colonnes de la grande presse française. Dès l'automne 1914, à l'instar des périodiques sportifs, les grands quotidiens relancent leurs rubriques spécialisées, érigent les champions en héros de guerre et organisent des collectes pour envoyer des ballons aux poilus. Toutefois, même s'ils font l'éloge de l'éducation physique et du sport comme propédeutiques à la guerre, les rédactions reviennent vite au tropisme de la compétition, l'un de leurs fonds de commerce d'avant-guerre. Il s'agit pour elles de faire renaître le sport de l'arrière, quitte à oublier parfois l'impératif patriotique. Par-delà la portion congrue réservée à l'information sportive en temps de guerre, l'étude de la presse quotidienne rend bien compte des permanences – l'hégémonie du turf notamment – et des transformations de l'espace sportif pendant le conflit avec, en particulier, le triomphe du football association.By 1914, the French daily press was already giving broad coverage to sport events. Just after the beginning of the First World War, the press elevated French champions to the status of war heroes and organized fundraising in order to send footballs to the troops. However, even though they praised physical education and sport as good training for war, the journalists quickly returned to covering competitive sport, which had been their business in the pre-war period. They wanted to promote the rebirth of sport in Paris and other French cities, even if it sometimes meant downplaying the call of patriotism. Through the study of the daily press, and taking into account the space limits imposed on sports coverage in time of war, one can observe the continuity – in particular the hegemony of horseracing – and the transformation of French sport, especially to the advantage of Association football.
- Culture de paix et culture de guerre. Pierre de Coubertin et le Comité International olympique de 1910 à 1920 - Patrick Clastres p. 95-114 S'il a eu pour projet de reviriliser les jeunes Français, Pierre de Coubertin n'a pas pensé le sport comme un instrument du bellicisme. Bien au contraire, les compétitions sportives doivent aider selon lui à pacifier les relations internationales. Cela ne l'empêche pas de faire preuve d'activisme dès la déclaration de guerre. S'il loue le patriotisme en acte du peuple français, il dénonce le sectarisme de la participation du « camp clérical » à l'union sacrée. Les articles qu'il publie dans la presse sur l'éducation physique et la guerre, l'écriture d'un décalogue patriotique à l'adresse de la jeunesse française doivent contribuer à la victoire finale. C'est la victoire des sports qu'il célèbre en 1918. Des sports qui, à condition d'être diffusés dans les classes populaires, doivent servir de barrière à l'expansion du communisme. Si les premiers jeux Olympiques d'après-guerre (Anvers, 1920) doivent être pour lui ceux de la paix, il n'accepte pas moins l'exclusion provisoire des puissances centrales en prenant bien soin de distinguer le pouvoir impérial de Guillaume II de l'Allemagne et de ses alliés.If Pierre de Coubertin's ambition was initially to make French youth more manly, he did not consider sport as a warmongering instrument. Quite the reverse, sport competitions were to serve the cause of peace. This did not prevent Coubertin from becoming a patriotic activist as soon as the war began. If he praised the patriotism of the French people, he denounced what he considered the “sectarianism” of the clergy in their participation in the “Union sacrée”. His articles on physical education and war, and his patriotic Decalogue to French youth, were his contribution to final victory. In 1918, it is the triumph of sport that he celebrated. In his opinion, the diffusion of sport among the working class could serve as a barrier against communist expansionism. If the first postwar Olympic Games (Antwerp, 1920) were for Coubertin games dedicated to peace, he nevertheless agreed to the provision that temporarily excluded the Central Powers, while making a careful distinction between the imperial power of William II and Germany and its allies.
Varia
- Une résistance silencieuse : la Délégation française auprès de la Commission italienne d'armistice avec la France (Turin, 27 juin 1940 – 8 septembre 1943) - Romain H. Rainero p. 115-141 Dans l'histoire récente des relations entre la France et l'Italie, il existe un aspect qui a été presque gommé, surtout de la part des historiens français, c'est-à-dire la phase intermède de la Deuxième Guerre mondiale qui a été au cœur des activités de la Commission Italienne d'Armistice avec la France. Aucune publication officielle française n'a été faite sur les activités de la Délégation Française auprès de cette Commission à Turin. Et il y a à souligner, à cet égard, la différence dont l'autre Commission d'Armistice, celle avec l'Allemagne, a joui car, sur ses activités, le gouvernement français a publié, dès 1947, cinq volumes qui illustrent, d'une manière efficace, l'entière période de son existence et fournissent à tous les chercheurs les éléments indispensables à leurs analyses. Rien, n'a fait écho à la longue période de la présence française à Turin du 27 juin 1940 au 8 septembre 1943, et surtout à son principal acteur, l'amiral Émile André Henri Duplat. Et donc, l'action des délégués français, qui a été une longue bataille en défense des intérêts de la France, et non certes, d'obéissance permanente aux requêtes de Rome, a été oubliée. Duplat proteste, ne se soumet point et, très souvent, obtient gain de cause. En effet, d'après les documents émanant, soit des délégués italiens, soit de ceux français, il apparaît évident que cette présidence française a eu une importance capitale, durant les mois qui ont suivi la ‘victoire' de l'Italie, dans une action qui a épargné à la France beaucoup de conséquences négatives.In current historiography of relations between Italy and France, one aspect has been completely overlooked, especially by French historians. That aspect concerns the activities of the Italian-French Armistice Commission in the intermediate phase of the Second World War. No official French publication exists on the activities of the French delegation to this Commission in Turin. On this point it should be emphasized that the other Armistice Commission, the German-French, has indeed been the subject of abundant attention, for the French Government has published, since 1947, no fewer than five volumes that cover, with precision, the entire period of its existence and provide researchers with the source references that are indispensable for their analysis. Nothing similar has been produced on the long period of the French presence in Turin from 27 June 1940 to 8 September 1943, and especially in reference to the principal actor on the scene, Admiral André Henri Duplat. Equally overlooked has been the activities of the French delegates, who waged a long battle in defence of French interests and who certainly did not comply very often with the requests from Rome. Duplat would protest, would refuse to submit, and very often would win his argument. Indeed, according to documents emanating from both the Italian and French delegates, it is evident that the president of the French delegation achieved a signal success, in the months that followed Italy's “victory” of 1940, in sparing France many a negative outcome.
- L'engagement de troupes nord-africaines et coloniales dans le Sud-ouest de la France en 1944-1945 - Stéphane Weiss p. 143-161 Etabli à partir de fonds conservés par le Service historique de la Défense, cet article porte sur l'engagement de troupes nord-africaines et coloniales dans le Sud-ouest de la France au cours des mois suivant la Libération en 1944-1945. La perception gouvernementale de cette région libérée sans l'intervention de troupes régulières conduit cet engagement à répondre davantage à des fins sécuritaires qu'à un besoin militaire vis-à-vis des garnisons allemandes restées sur le littoral atlantique. Cet engagement de troupes nord-africaines et coloniales, y compris des bataillons formés avec d'anciens prisonniers de guerre détenus sur place depuis 1940, donne également lieu à l'expression de revendications identitaires de la part d'officiers issus des Forces françaises de l'intérieur, des rangs de la France libre ou de l'ex-Armée d'Afrique restée fidèle au gouvernement de Vichy en 1940-1942.Based on archives conserved by the Historical Section of the French Ministry of Defence, this article examines the engagement of French North-African colonial troops in operation in southwest France in the months following the Liberation in 1944-1945. The government's perception of this region, which had been liberated without the intervention of regular troops, resulted in giving this force more responsibility in the area of security than in military action against the German pockets on the Atlantic coastline. In assigning to this task not only colonial troops but also battalions made up of former prisoners of war who had been held captive since 1940, it provided opportunities to officers in the French Forces of the Interior, the Free French, and the former Army of Africa that had remained loyal to Vichy to make claims and basically to reinvent themselves.
- Une résistance silencieuse : la Délégation française auprès de la Commission italienne d'armistice avec la France (Turin, 27 juin 1940 – 8 septembre 1943) - Romain H. Rainero p. 115-141
Témoignage
- De Gaulle et la fin de la guerre d'Algérie - André Nouschi p. 163-170