Contenu du sommaire : 10 ans : Numéro anniversaire
Revue | Métropoles |
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Numéro | Hors-série 2018 |
Titre du numéro | 10 ans : Numéro anniversaire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Stéphane Cadiou, Fabrice Bardet, Hélène Reigner, Julie Pollard
Une revue des études urbaines
- Introduction : 10 ans, mais encore ? - Stéphane Cadiou, Julie Pollard Au-delà de son propos liminaire, cette introduction présente la structuration du numéro, autour de quatre grands axes. Le premier ensemble d'articles situe la trajectoire de Métropoles au regard de l'évolution de ses ambitions et de ses contenus, ainsi que du contexte éditorial. Le deuxième rassemble des enquêtes de terrain, qui interrogent collectivement les conditions d'une critique dans les études urbaines. La troisième partie du numéro s'attache aux enjeux de la métropolisation dans des villes du Sud, en explorant des terrains peu couverts jusque-là dans la revue. Enfin, plusieurs portraits clôturent ce numéro. Ils invitent à repenser les frontières disciplinaires et les interfaces avec le monde social et politique.This introduction presents the structuring of this special issue around four axes. The first set of articles locates the trajectory of Métropoles with regards to the evolution of its ambitions and contents, as well as editorial context. The second set of articles brings together scientific investigations, which collectively question the conditions of criticism in urban studies. The third part focuses on the issue of metropolization in cities in the South, exploring areas that have not yet been adequately covered in the journal. Finally, several portraits close this special issue. They invite the reader to reconsider disciplinary boundaries and interfaces between social and political worlds.
- Métropoles : retour sur une revue originale dans le champ des études urbaines - Christian Lefèvre, Gilles Pinson L'article revient sur les conditions de création de la revue Métropoles, mais aussi sur ce qui fait son originalité. La revue est dès le départ uniquement en ligne et son accès est gratuit. Elle fait du fait métropolitain son objet central à une époque où la question n'est pas au centre des préoccupations politiques ou scientifiques. Elle est conçue dès le départ comme revue pluridisciplinaire. Dix ans après sa création, l'actualité a « rattrapé » Métropoles. La « métropolisation » sous toutes ses formes est au cœur de bien des débats publics, au plan national comme au niveau local. Le paysage éditorial s'est aussi étoffé de nombreuses publications, savantes ou à vocation vulgarisatrices, se saisissant du fait métropolitain. Dans ce paysage changeant, Métropoles a su toutefois gardé son originalité. C'est l'une des rares revues où l'hypothèse selon laquelle les métropoles constituent des environnements susceptibles de secréter des fonctionnements, pratiques et mobilisations politiques spécifiques est prise au sérieux.The article reviews the conditions for the creation of Métropoles, but also looks at what makes its originality. From the very beginning, the exclusively online review and access to its articles has been free. Métropoles made the metropolitan fact its central object at a time when the issue was not at the center of political or scientific concerns. It was conceived from the outset as a multidisciplinary journal. Ten years after its creation, Métropoles has somehow been caught up by history. "Metropolization" in all its forms is at the heart of many public debates, at both national and local level. The editorial landscape has also expanded, with many publications, of an academic nature or oriented towards a broader audience, tackling the metropolitan fact. In this changing landscape, Métropoles has nevertheless kept its originality. It is one of the few journals where the hypothesis according to which metropolises constitute environments that can secrete specific political operations, practices and mobilizations is taken seriously.
- Les études urbaines en pratique - Stéphane Cadiou, Julie Pollard Cet article se propose d'étudier l'évolution et les contours des études urbaines francophones. A partir d'un examen des 21 premiers numéros de Métropoles, il observe la fabrication de ce champ d'étude dans le contexte scientifique français et au regard des dynamiques scientifiques internationales. L'analyse porte tout particulièrement sur quatre dimensions : les équilibres disciplinaires, les objets étudiés, les terrains couverts et les méthodes utilisées. Elle montre l'importance prise par l'analyse de l'action publique qui attire de nombreux auteurs, notamment issus en géographie et aménagement. Si la revue s'est alignée, depuis sa création, sur de nombreux débats et concepts de la communauté anglophone, l'article révèle aussi une place réduite de la réflexion théorique et politique. Il suggère des perspectives de recherche pour enrichir et renouveler les recherches accumulées.This article examines the evolution and the organization of francophone urban studies. Based on a review of the first twenty one issues of Métropoles, the paper examines the construction and development of this scientific field within the French scientific context and in terms of international scientific trends. Four dimensions are proposed in turn: the disciplinary balances, the objects considered, the areas covered and the methodologies followed. The paper reveals the significant place occupied by public policy analysis, which attracts many authors, notably from geography and urbanism. Since its creation, Métropoles has progressively adopted the debates and concepts that mark the English-speaking community. However, this paper reveals a limited interest for theoretical and political reflection. This paper also offers a number of perspectives which might enrich and renew cumulative research.
- Introduction : 10 ans, mais encore ? - Stéphane Cadiou, Julie Pollard
En ville : politiques urbaines et perspectives critiques
- Conversation avec Julie-Anne Boudreau autour des études urbaines et de leurs revues (par Éric Charmes) - Julie-Anne Boudreau, Éric Charmes Cet entretien avec Julie-Anne Boudreau revient sur son expérience éditoriale au sein de l'International Journal of Urban and Regional Research. Sont abordés des enjeux relatifs à l'évolution des études urbaines, aux standards internationaux en matière de publication ou aux règles éditoriales.This interview with Julie-Anne Boudreau covers her editorial experience at the heart of the International Journal of Urban and Regional Research. Some of the themes discussed focus on the evolution of urban studies, international standards of social sciences publication, or official editorial practices.
- Gouvernance urbaine et critique dans les métropoles européennes - Thomas Aguilera L'approche par la gouvernance urbaine a souvent été dénoncée comme faisant le jeu du néolibéralisme par la neutralisation des rapports de pouvoir, des hiérarchies et des effets néfastes de l'intervention des acteurs privés dans la conception des politiques publiques. À rebours de ces critiques, nous défendons dans cet article l'idée que les approches en termes de gouvernance, bien au contraire, s'avèrent particulièrement propices à des recherches portant sur les critiques et les protestations urbaines. Nous défendrons une approche par la gouvernance comme posture méthodologique et non comme résultat : cette approche permet d'explorer empiriquement la complexité des relations entre des acteurs porteurs d'intérêts divergents à des échelles multiples, dans des espaces polycentriques, sans présupposer a priori des hiérarchies entre acteurs et de potentielles situations de domination, mais sans pour autant dépolitiser leurs relations. Cette approche est notamment fructueuse pour penser les effets des protestations sur les politiques publiques. Nous présenterons les modalités de son opérationnalisation par une ethnographie multisituée et comparée des mouvements de squatteurs à Paris et à Madrid. Finalement, l'article avance deux arguments. D'une part, il montre que critique et approche par la gouvernance urbaine ne sont pas incompatibles mais permettent de rendre compte de la complexité des relations entre protestataires et décideurs. D'autre part, il montre l'apport de cette approche à l'analyse des mouvements sociaux, notamment pour penser leurs effets sur les politiques publiques.The urban governance approach has often been denounced as playing the game of neoliberalism through the neutralization of power relations, hierarchies and the detrimental effects of the intervention of private actors in the design of public policies. Contrary to these criticisms, in this article we defend the idea that approaches in terms of governance, on the contrary, are particularly conducive to research on criticism and urban protests. We defend the governance approach as a methodological posture and not as a result: this approach makes it possible to empirically explore the complexity of the relationships between actors carrying diverging interests at multiple scales, in polycentric spaces, without presupposing hierarchies a priori between actors and potential domination situations, but without de-politicizing their relations. This approach is particularly fruitful for thinking about the effects of protests on public policies. We present the modalities of its operationalization with a multi-situated and comparative ethnography of squatter movements in Paris and Madrid. Finally, the article makes two arguments. On the one hand, it shows that criticism and approach by urban governance are not incompatible, but allow the complexity of relations between protesters and decision-makers to be accounted for. On the other hand, it shows the contribution of this approach to the analysis of social movements, especially to think about their effects on public policies.
- Les impasses de la « ville néolibérale » - Clément Barbier Tiré d'une comparaison de deux processus de développement urbain dans les agglomérations de Lille et Hambourg, cet article esquisse une critique de deux écueils que l'on trouve dans certains travaux sur la « ville néolibérale » sur la base de l'analyse inductive des contradictions de deux projets urbains qui peuvent faire écho à ce modèle de gouvernement des villes. Cette contribution traite de la manière dont l'Exposition internationale d'architecture de Hambourg (IBA Hamburg) et le projet de l'Union aux confins des communes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos combinent des objectifs de développement social local et de promotion de l'attractivité territoriale. Dans un premier temps, l'analyse socio-historique des projets permet de mettre au jour comment, en amont de leur lancement officiel, l'articulation de la catégorie de « quartier défavorisé » à celle d'« attractivité métropolitaine » n'a fait qu'infléchir un processus de tri social et symbolique des populations et des acteurs « légitimes » déjà à l'œuvre dans les programmes de géographie prioritaire antérieurs. Dans un second temps, l'étude de la mise en œuvre de l'IBA et de l'Union montre que l'attraction du capital s'est affirmée comme un objectif prédominant qui est néanmoins articulé à d'autres idéaux d'excellence, de bonne gouvernance et de justice spatiale de manière différenciée, selon les rapports de forces économiques, institutionnels et politiques qui structurent chaque champ du pouvoir local.Built on a comparison of two urban development processes in Lille and Hamburg, this article outlines a criticism of two analytical pitfalls that one can find in some research works on the “neoliberal city” based on the inductive analysis of the contradictions of two urban projects that might fit with the image of this model of urban government. This contribution deals with the way the International Building Exhibition (IBA) Hamburg and the Union-project between the municipalities of Roubaix, Tourcoing and Wattrelos combine place-based social development with urban attractiveness. First, the socio-historical part of the analysis shows that the combination of the categories of “deprived neighborhood and “metropolitan attractiveness” has mainly increased a process of social selection that had already begun with the previous programs of neighborhood development. Then, the second part focusing on the implementation of the IBA and the Union-project shows that even if attracting capital turned out to be a predominant objective of both projects, it has been combined with other ideals like excellence, good governance and spatial justice in a very differentiated way, depending on economic, institutional and political struggles that structure each local political scene.
- Le gouvernement métropolitain de la banlieue lyonnaise à l'aune des politiques de transport urbain : sociohistoire d'une relégation - Antoine Lévêque Cet article traite du processus de relégation des territoires accueillant d'importants quartiers d'habitat social à partir de l'étude des politiques de transports urbains menées à une échelle d'agglomération. À mesure que les thématiques de mobilité et d'accessibilité ont été portées au-devant des agendas urbains, figurant désormais parmi les avantages compétitifs des « métropoles », le suivi de l'investissement public des réseaux de transport dessine un développement à géométrie variable de la mobilité au détriment des populations modestes des quartiers d'habitat social.En proposant une sociohistoire des configurations d'action publique, nous analysons trois projets successifs d'infrastructure de transport concernant Vaulx-en-Velin, commune populaire de la première couronne lyonnaise. Depuis la construction des grands ensembles dans les années 1970, ces projets s'inscrivent dans des contextes différents et incarnent ainsi les inflexions dans la définition d'un problème de desserte des banlieues populaires. Ils invitent à comprendre un processus a priori paradoxal : l'éloignement des projets de transport des grands quartiers d'habitat social est concomitant d'une intégration de la municipalité aux institutions intercommunales. Nous proposons d'éclairer ces évolutions en croisant une littérature portant sur les modes de gouvernement « métropolitain » et intercommunaux et des études s'intéressant à la construction du problème des « quartiers » comme fondement des programmes de renouvellement urbain.Studying urban transport policies at the metropolitan scale, this paper sheds light on the processes by which social housing neighborhoods get relegated. As the issues of mobility and accessibility have been brought to the forefront of urban policy agendas – so much so as to be considered as significant competitive advantages of cities – the studying of public investments in the realm of urban transportation shows an unbalanced development at the expense of working class groups. Proposing a sociohistorical approach of local public policies, we analyze three successive transport infrastructure projects targeting the city of Vaulx-en-Velin (Lyon Metro area). Beginning in the 1970s, when public housing was built, these projects take place in different contexts and reflect different ways of trying to solve the issue of connecting the suburbs with the rest of their respective cities. They are a strong incite to analyze what at first sight seems to be a paradox: following integration of the commune with inter-municipal institutions, the projects aiming at building new transport infrastructures inlarge public housing areas weaken. This analysis draws on literature dealing with “metropolitan” and inter-municipal government modes, as well as literature focusing on the ongoing construction of public housing neighborhoods as a public issue linked with urban renewal programs.
- La gouvernance métropolitaine à l'épreuve de ses marges - Nicolas Raimbault, Hélène Reigner Cet article est une invite à aborder le « chantier de la gouvernance métropolitaine » du point de vue des marges et des franges des métropoles plutôt que de celui des villes-centres. Notre objectif est de caractériser les coalitions d'acteurs qui se structurent dans ces territoires autour d'enjeux souvent considérés comme peu stratégiques à l'échelle métropolitaine. De cette façon, nous proposons d'analyser la gouvernance métropolitaine non seulement en identifiant quelle(s) coalition(s) gouverne(nt), mais quelle(s) coalition(s) gouverne(nt) quel(s) segment(s) du territoire urbain et quel(s) enjeu(x) métropolitain(s). Pour répondre à ces questions, nous mobilisons un matériau issu de recherches offrant deux points de vue « périphériques » complémentaires : les territoires de la politique de la ville et les territoires du développement logistique. Il apparaît ainsi que ceux qui gouvernent les places stratégiques gagnantes ne sont donc pas ceux qui gouvernent les espaces non stratégiques ou banals. Ces clivages spatiaux, c'est-à-dire les profils socio-économiques des territoires, sont plus déterminants que les variables institutionnelle, partisane et corporatiste pour comprendre et expliquer les mécanismes d'agrégation des intérêts « en ville ». Finalement, la perspective sur la gouvernance métropolitaine que nous proposons constitue une autre façon d'aborder le débat entre la thèse de la néolibéralisation des politiques urbaines et celle du « retour des villes européennes » (Le Galès, 2011a). L'existence d'une diversité de coalitions urbaines à l'œuvre tendrait à montrer que le modèle de la gouvernance urbaine pluraliste ne serait qu'un des modes de gouvernance parmi d'autres au sein de la métropole. Ce faisant, cet intérêt pour les marges permet de reconsidérer la gouvernance urbaine et métropolitaine comme un processus multiscalaire qui révèle, reflète et renforce d'intenses hiérarchies entre les territoires infra-métropolitains.This article is an invitation to critically analyze “metropolitan governance” from the point of view of metropolitan fringes and peripheries instead of city-centres. Our aim is to characterize the coalitions of actors built around stakes often considered as non-strategic at the scale of metropolitan policies. In this way, we propose to analyze metropolitan governance not only by identifying which coalition(s) govern, but more precisely which coalition(s) govern which part(s) of the urban space and which metropolitan stake(s). In order to answer these questions, we mobilize materials from two research projects offering two complementary “peripheral” points of view: the territories of urban redevelopment and the territories of logistics development. Thus, it appears that those which govern winning strategic places are not those which govern non-strategic or common places. These spatial divides, that is to say the socio-economic profiles of the territories, are more crucial determinants than the institutional, party-based and corporatist variables to understand and explain the aggregation mechanisms of urban interests. Finally, the perspective on metropolitan governance which we propose constitutes another way of tackling the discussion between the thesis of the neoliberalization of urban policies and the thesis of “the return of the European cities” (Le Galès, 2011a). The existence of a multitude of urban coalitions at stake tends to show that the pluralist urban governance model is only one mode of governance among others within metropolitan areas. This focus on metropolitan fringes and peripheries is thus a way to reconsider urban and metropolitan governance as a multiscale process, which reveals, reflects and reinforces severe hierarchies between sub-metropolitan territories.
- Intelligente autrement : de la « Smart city » à la « Fab city » - Yannick Rumpala La smart city serait-elle le seul modèle de ville « intelligente » ? Pas nécessairement, si l'on considère l'espace ouvert par le projet de la fab city, qui reprend l'esprit des fab labs pour l'élargir et presque constituer un modèle alternatif de fonctionnement urbain. La production y est remise à l'échelle de la ville, à proximité des habitants, avec la promesse de pouvoir assurer certains besoins basiques, notamment grâce à des ateliers de fabrication implantés dans les quartiers et mettant des machines relativement avancées à disposition des communautés. Les tenants de la fab city promeuvent une ville où les citoyens (re)deviennent fabricants et ressaisissent leurs propres besoins, en se réappropriant des technologies de manière collaborative et en contribuant à une maîtrise des divers flux (matériels, énergétiques, etc.) qui conditionnent les situations écologiques urbaines. Dans l'idée d'évaluer dans quelle mesure ce projet peut constituer une « politique urbaine alternative », cette contribution commence donc par étudier les conditions d'émergence et les logiques sur lesquelles il a été construit, de façon également à mieux repérer la vision ainsi portée et les dimensions sur lesquelles elle est déployée. La contribution spécifie ensuite les enjeux qui sont ainsi ressaisis et les implications stratégiques qui en découlent, ce qui permet de montrer comment cette approche tend à déplacer les schémas d'appréhension des villes et de leur fonctionnement.Is the "Smart City" the only "smart" city model? Not necessarily, if we consider the space opened by the "Fab City" project, which expands the model of fab labs and seems to constitute an alternative model of urban functioning. In this model, production is returned to city level, close to the inhabitants, with the promise of being able to provide some basic needs, notably through manufacturing workshops that are located in the neighborhoods and that put relatively advanced machines at the disposal of local communities. Proponents of the "Fab City" promote a city where citizens become (again) manufacturers and take possession of their own needs, reclaiming technologies collaboratively and contributing to a control of various flows (materials, energy, etc.) which condition urban ecological situations. In order to evaluate to what extent this project can constitute an "alternative urban policy", this contribution begins by studying the conditions of emergence and the logics on which it was built, so as to better identify the vision it rests on and its embedded socio-technical dimensions. The contribution then specifies the issues that are reframed and the strategic implications that result from them, demonstrating how this approach tends to displace ways of considering cities and their functioning.
- Le stade ultime du néolibéralisme ? De l'économie politique des stades à la sociologie de la critique des équipements de spectacle sportif - Sébastien Ségas Pour de nombreux travaux, inspirés par l'économie politique urbaine, le mouvement de construction de stades et d'arénas en Amérique de Nord constitue l'une des manifestations concrètes du néolibéralisme urbain. Si ces recherches permettent de mettre en lumière des mécanismes de domination et d'aliénation, elles laissent généralement peu de place aux controverses liées à ces projets, si ce n'est pour souligner leur absence d'effet. Cependant, l'analyse de cas français nous amènera à montrer comment les disputes qui accompagnent ces projets de stades ou d'arénas, ou, de façon plus subtile et indirecte, l'anticipation de ces controverses, affectent ces projets et contribuent à donner naissance à des formes urbaines hybrides qui donnent à voir un néolibéralisme aménagé.For many studies, inspired by an urban political economy approach, the construction movement of stadiums and arenas in North America is one of the concrete symbols of urban neoliberalism. While these studies highlight mechanisms of domination and alienation, they do not pay much attention to the controversies that these projects generate (or, when they do, they emphasize their lack of impact). In that regard, the analysis of French stadia and arenas conducted in this paper shows that the controversies linked to these stadia or arenas (or, in a more subtle and indirect way, the anticipation of these controversies) affect these projects and contribute to the advent of hybrid urban forms of neoliberalism.
- Une durabilité sous conditions ? La production des écoquartiers français, révélatrice d'une doxa néohygiéniste du développement durable - François Valegeas Cet article propose une analyse des présupposés de conception des écoquartiers français, notamment au travers du « projet social » de ces opérations, incarné par un appel au « vivre ensemble ». Sa mise en œuvre s'appuie sur une combinaison de dispositifs et de récits, dont cet article démontre la charge normative. L'ambition du « vivre ensemble » dans ces projets a évolué dans le temps, passant d'un objectif de réponse à des risques de spécialisation sociale de ces quartiers à la diffusion de modes d'habiter spécifiques. L'analyse de deux cas, à Rennes et Auxerre, met en évidence comment cette conception d'un « vivre ensemble » se traduit par des « normes d'habiter » écologiques. Ce travail empirique permet de souligner la diversité des pratiques et des effets que les récits sur le « vivre ensemble » produisent. Finalement, la conception des écoquartiers révèle une doxa néohygiéniste du développement durable, basée sur des normes sociales, des règles morales et un discours valorisant la responsabilité écologique individuelle. La production de cette ville durable participe ainsi aux rapports sociaux de domination.This article proposes an analysis of the design assumptions of the French eco-districts, especially through the “social pillar” of these operations embodied by a call for “living together”. This article reveals the normative charge of the combination of devices and accounts on which the implementation of this project is built. The ambition of “living together” in these projects has evolved from being a response to the risks of eco-gentrification to spreading ecological ways of living. The analysis of two specific cases in Rennes and Auxerre shows how this approach of “living together” leads to ecological “living standards”. This empirical work highlights the diversity of practices and the effects that accounts of “living together” produce. Finally, the conception of eco-district reveals a neohygienist doxa of sustainable development based on social standards, moral rules and discourses valuing individual ecological responsibility. Hence, the production of this sustainable city contributes to social relations of domination.
- Conversation avec Julie-Anne Boudreau autour des études urbaines et de leurs revues (par Éric Charmes) - Julie-Anne Boudreau, Éric Charmes
La métropolisation à l'ordre du jour mondial
- Métropolisations en Afrique subsaharienne : au menu ou à la carte ? - Sylvy Jaglin, Sophie Didier, Alain Dubresson Cet article présente et discute certains enjeux de la recherche sur les grandes villes africaines. D'abord exclues, dans la littérature sur la mondialisation urbaine, par l'hégémonie accordée aux fonctions de commandement et de contrôle des villes dites globales, elles ont été réintégrées, depuis une décennie, dans les comparaisons et les débats au prix d'un opportunisme d'usage justifiant l'idée de métropolisation « à la carte ». Aujourd'hui, en résonance avec les courants dits postcoloniaux, un travail de reconceptualisation de la métropolisation et des métropoles d'Afrique subsaharienne, prenant en compte l'ambivalence des processus en cours, est amorcé. Nous interrogeons d'abord la manière dont ces grandes villes ont été appréhendées, en rappelant l'évolution des usages terminologiques dans le temps et ce qu'elle révèle des priorités de la recherche et des visions qui les animent. Puis nous mettons l'accent sur les formes et politiques urbaines en questionnant l'existence d'un urbanisme métropolitain dans un contexte d'hétérogénéité des socio-systèmes métropolitains subsahariens. L'idée centrale ici défendue est celle d'une nécessaire conceptualisation du caractère composite et ambivalent, à la fois formel et informel, de la production, du fonctionnement et des ressorts de croissance des grandes villes d'Afrique subsaharienne, dont aucune théorie urbaine existante issue des Nords ne permet de comprendre l'ensemble des processus et des formes.This paper presents and discusses some of the issues regarding research on large African cities. At first excluded from literature on the urban dimension of globalization due to the hegemony granted to the command and control functions of so-called Global Cities, they have been reintegrated for a decade into international comparisons and debates. This reintegration can be viewed at times as purely opportunistic, justifying the idea of an 'à la carte' process of metropolization. Today, in tune with postcolonial positionings, a reconceptualization of the metropolization and of the metropolises of sub-Saharan Africa is taking place to capture the ambivalence of the processes currently developing. In the paper, we first examine the ways in which these large cities have been apprehended, recalling the evolution of the terminology over time and what it reveals in terms of the research priorities and the visions that drive them. Then we focus on urban forms and policies, questioning the existence of a specifically metropolitan urbanism in a context of major heterogeneity of the sub-Saharan metropolitan socio-systems. The central idea defended here is that of a necessary conceptualization of the composite and ambivalent character, both formal and informal, of the production, the functioning and the origins of the growth of large cities in sub-Saharan Africa. Lastly, this broad issue acknowledges the core problem that no existing urban theory allows us to properly understand the totality of the processes and forms at stake.
- L'amélioration du transport public et de la mobilité, catalyseur de changement dans les métropoles d'Amérique latine - Catherine Paquette Vassalli Les métropoles d'Amérique latine ont connu depuis le début des années 2000 des avancées importantes dans le domaine du transport public et de la mobilité, en particulier autour de l'introduction de lignes de bus à haut niveau de service. Cette réforme a signifié le début de reprise en main par les gouvernements locaux d'un secteur tout à fait stratégique pour les villes. Son impact va également au-delà, puisqu'elle a ouvert la voie à des améliorations possibles dans d'autres champs de l'aménagement urbain, en particulier en matière d'espaces publics. Si les bus rapid transit ont eu des effets très positifs pour les métropoles d'Amérique latine, il convient toutefois de ne pas se méprendre sur leur portée. Le début de réforme du secteur du transport public et de la mobilité possède ainsi des limites importantes. La principale d'entre elles, rarement mise en avant, a trait à l'absence de lien avec l'urbanisme. Ce secteur de l'action publique urbaine est pour l'instant resté en marge des avancées dans la région, de même que celui des politiques du logement, qui constitue sans doute aujourd'hui l'un des chantiers prioritaires pour améliorer les métropoles de la région. À l'instar de ce qui a été initié en matière de mobilité et de transport, les politiques dans ce domaine devront être profondément repensées afin d'intégrer elles aussi des innovations, de nouveaux acteurs et de nouveaux modes d'action.There have been significant improvements in public transportation and urban mobility in Latin-American metropolises since the beginning of the 2000s, especially around the implementation of Bus Rapid Transit systems. Local governments began to re-seize control over a strategic area for the cities. In addition, the reform paved the way for possible improvements in other fields related to urban development, especially public spaces. Although Bus Rapid Transit Systems have had very positive effects in Latin American metropolises, there should be no mistake about their impacts. The reorganization of public transportation and urban mobility has got several limitations. The most important one, hardly ever mentioned, is the lack of a link with the field of urban design. This area has remained until now at the margins of the breakthroughs of the region in urban issues. This is also the case for housing policies, which are nowadays one of the top priorities in order to improve metropolises. As it happened for public transportation and mobility, public policies in this specific field must be profoundly rethought in order to incorporate, too, innovations, new stakeholders and new ways of proceeding.
- Villes chinoises, compressed urbanisation et mondialisations - Laurence Roulleau-Berger Nous traiterons dans cet article du processus de compressed urbanisation en Chine par la contraction des temporalités et des espaces urbains, une très grande rapidité de développement et un processus de démultiplication de villes de taille différenciée, la création de villes nouvelles dans des zones rurales, l'apparition de zones de transition urbaine entre des grandes villes et des campagnes, la cohabitation de dispositifs biopolitiques et de formes de démocratie participative, les mondialisations intermédiaires dans les villes chinoises. Nous distinguerons quatre régimes de compressed urbanisation qui informent les dynamiques sociales, économiques, politiques, culturelles des villes chinoises et définissent une expérience chinoise.In this article, we will discuss the process of compressed urbanization in China by the contraction of temporalities and urban spaces, a very rapid development and a process of multiplication of Cities, the creation of new ones in rural areas, the emergence of urban transition zones between mega-cities and countryside, the coexistence of biopolitics and participatory forms of democracy, intermediate globalizations in Chinese cities. We will distinguish four compressed urbanization regimes that inform the social, economic, political and cultural dynamics of Chinese cities and define a Chinese experience.
- Quel Nouvel Agenda urbain pour les quartiers précaires ? - Valérie Clerc, Agnès Deboulet Depuis une quarantaine d'années, la communauté internationale s'est emparée de la question de l'urbanisation galopante du monde, tout en restant impuissante à endiguer la croissance massive du nombre de personnes vivant dans des quartiers précaires et sous-équipés. Cet article analyse les processus menant à la conférence internationale Habitat III à Quito en 2016. Il présente la mise à l'agenda international de l'habitat précaire par l'ONU et les continuités et ruptures avec les conférences Habitat I (1976) et Habitat II (1996). Ce texte montre la diversité grandissante des acteurs et des idées mobilisées, l'internationalisation des gouvernements locaux, des professionnels de l'urbain et des mouvements sociaux, et les luttes d'influence pour la production des recommandations internationales de l'ONU, dans un contexte de désengagement des États du financement direct du logement et de l'avènement de la ville financiarisée. Ce faisant, les auteures analysent la complexité de la production d'un discours officiel négocié, compromis politique au final réducteur, composite et contradictoire. À mesure que les espaces métropolitains concentrent les convoitises, des institutions internationales et des gouvernements nationaux et locaux, dorénavant poussés par des réseaux professionnels et des mouvements sociaux globalisés, tentent de contrecarrer ce vent libéral en promouvant le « droit à la ville » ou, à défaut, l'inclusion sociale. Au-delà de leur opérationnalité problématique, ces conférences sont aussi des incubateurs de concepts et d'innovations sociales à l'échelle globale.In the last four decades, the international community has embraced the issue of rapid urbanization but still remains disempowered when facing the necessity to contain the growing number of dwellers living in precarious or under-equipped neighborhoods. This article questions the processes leading to the international Habitat III conference in Quito in 2016. Precarious housing has gained prominence in the UN's international agenda, which allows the exploration of both continuities and ruptures with the previous Habitat I (1976) and Habitat II (1996) conferences. Drawing on the growing diversity of actors and ideas in use, this paper highlights the internationalization of local governments, urban professionals and social movements in line with the influence struggles for the production of international UN-Habitat recommendations. This is not to forget the general context of state cuts to the housing sector which goes recently along with the financiarization process of the city. Thus, both authors consider the complexity of an official negotiated discourse, the outcome of political compromise which is finally reductive, composite and contradictory. As metropolitan spaces are over time more and more coveted, international institutions and local and national governments – driven by professional networks and global social movements - are attempting to address this neo-liberal turn by promoting “the right to the city” or, failing that, social inclusion. Beyond their weak capacity of enforcement, these conferences also appear as incubators of both concepts and social innovations at the global scale.
- Métropolisations en Afrique subsaharienne : au menu ou à la carte ? - Sylvy Jaglin, Sophie Didier, Alain Dubresson
Chemins de traverse
- « La ville par ses marges : une approche anthropologique de la ville » - Michel Agier, Florence Bouillon Cet entretien avec Michel Agier revient sur son approche anthropologique de la ville. Michel Agier s'intéresse aujourd'hui aux situations de transit ou de fixation de migrants entre Afrique, Proche-Orient et Europe. Il dirige le programme de recherche « Babels. La ville comme frontière » financé par l'Agence nationale de la recherche ; et il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages et de très nombreux articles, traduits en plusieurs langues.This interview with Michel Agier grasps his anthropological approach to the city. Michel Agier is currently working on the transit and settlement of migrants between Africa, the Near East and Europe. He directs the research program "Babels. The city as a frontier" funded by the French National Research Agency (ANR). He is the author of fifteen books and numerous articles, translated into several languages.
- « Territoires et systèmes productifs : un regard de chercheur, une expérience d'aménageur » - Pierre Veltz, Alexandre Blein, Ludovic Halbert Cet entretien avec Pierre Veltz explore les thèmes développés dans son ouvrage La société hyper-industrielle. Le nouveau capitalisme productif (Seuil, 2017). Sont abordés un ensemble d'enjeux relatifs aux mutations des systèmes productifs, aux recompositions géographiques et aux enjeux induits en termes de développement territorial.This interview with Pierre Veltz examines the issues investigated in his book “The hyper-industrial society. The new productive capitalism” (Seuil, 2017). Some of the themes discussed focus on changes in productive systems, territorial recompositions and challenges in terms of territorial development.
- « Les villes à l'ère du numérique » - Antoine Picon, Fabrice Bardet, Yasser Wahyuddin Les travaux les plus récents d'Antoine Picon portent sur les relations entre révolution numérique, villes et architecture. Cet entretien avec Antoine Picon permet de revenir sur l'histoire de la thématique de la « ville intelligente » et en particulier sur ses rapports avec le champ des sciences humaines et sociales.Antoine Picon's most recent work focuses on the relationship between digital revolution, cities and architecture. This interview with Antoine Picon explores the history of the theme of the "smart city" and in particular its relation to human and social sciences.
- Une modernité politique métropolitaine ? - Alain Faure L'exercice du pouvoir dans les métropoles évoque immédiatement des symboles de domination et de coercition, bref une certaine forme de désenchantement du monde. En étudiant ce que disent deux élus métropolitains à Angers et à Tokyo sur les motifs sensibles de leur engagement, on entrevoit aussi une forme souterraine de modernité métropolitique, dans la douceur pour le premier, dans la transgression pour la seconde. L'auteur de l'article suggère que ces deux promesses politiques méritent exploration.The exercise of metropolitan power immediately evokes symbols of domination and coercion, that is to say a certain form of world disenchantment. By studying what two elected metropolitan officials in Angers and Tokyo say about the sensitive motives of their engagement, we also catch a glimpse of an underground form of modernity, in gentleness for the first, in transgression for the second. The author of the article suggests that these two political promises deserve exploration.
- « La ville par ses marges : une approche anthropologique de la ville » - Michel Agier, Florence Bouillon