Contenu du sommaire : Musique et sciences humaines
Revue | Revue d'histoire des sciences humaines |
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Numéro | no 14, 2006 |
Titre du numéro | Musique et sciences humaines |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Musique, musicologie, sciences humaines : sociabilités intellectuelles, engagements esthétiques et malentendus disciplinaires (1870-1970) - Rémy Campos, Nicolas Donin, Frédéric Keck p. 3-17
- Philologie et sociologie de la musique au début du xxe siècle. : Pierre Aubry et Jules Combarieu - Rémy Campos p. 19-47 Entre 1890 et 1920, la musicologie française se constitue au confluent de la critique d'art, de la philologie, de la sociologie et de l'ethnographie musicale. Pierre Aubry et Jules Combarieu sont deux figures emblématiques de cet avènement disciplinaire. Malgré sa présence au cœur des institutions savantes les plus importantes de la Troisième République – Sorbonne, Collège de France, Ecoles des Hautes Etudes Sociales – la musicologie (qui ne compte guère plus qu'une dizaine de représentants) ne rencontra jamais véritablement les sciences sociales. Son mariage avec les pratiques de concert connut en revanche un succès éclatant, les musicologues produisant non seulement les textes des programmes destinés au public mais aussi les éditions critiques des partitions jouées et jusqu'à certains modes d'intellection des œuvres.Between 1890 and 1920, the French musicology emerged as a discipline, at the junction point of art criticism, philology, sociology and musical ethnography. Pierre Aubry and Jules Combarieu are two emblematical figures of this rising discipline. In spite of its presence in the greatest scholarly institutions of the Third Republic – Sorbonne, Collège de France, Écoles des Hautes Études Sociales –, the musicology (which counted a dozen of members at most) failed in meeting social sciences. However, his association with the concert practices was successful: musicologists were not only writing programme notices but also making critical editions of the performed scores and even the way of listening musical works.
- L'archéologie musicale au xixe siècle : constitution du lien entre musique et histoire - Sophie-Anne Leterrier p. 49-69 Avant de devenir « musicologie » la « science de la musique » s'est définie au xixe siècle comme un champ de l'histoire de la civilisation. Ses liens avec la discipline historique, dans les étapes successives de sa constitution (histoire érudite, historiographie « romantique », « science maîtresse » de l'Université) sont étroits et multiples. Parmi des canaux variés (publications, éditions, concerts), le rôle des institutions, et particulièrement des institutions d'enseignement, est fondamental dans cette genèse, surtout sous la iiie République.The science we call « musicology » appeared during xixth century as a specific field of the « history of the civilization ». The links existing between science of music and history remained numerous and tight during the successive stages of its constitution (erudition, romantic historiography, new paradigm in University). Among various media (publications, editions, concerts) that contributed to the process, the way music was taugt in public schools during the Third Republic played a major part.
- L'ethnologie musicale selon André Schaeffner, entre musée et performance - Olivier Roueff p. 71-100 André Schaeffner a créé et dirigé le département d'ethnologie musicale du Musée d'ethnographie du Trocadéro (1929), puis du Musée de l'homme (1937-1964). L'article interroge la genèse des thèses rassemblées et systématisées dans la somme programmatique qu'il publie en 1936, Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale. En restituant ses expériences de formation, notamment au pôle savant de la nébuleuse intellectuelle catholique, et ses déplacements positionnels, du pôle scholiste puis néoclassique du champ musical jusqu'à la reconversion à l'ethnographie durkheimienne, il s'agit de rendre compte du caractère improbable de son organologie : tournée contre le graphocentrisme « philologique » de l'histoire de la musique et définissant la musique comme performance, elle reste néanmoins tributaire du dispositif de savoir muséal, centré sur la collecte et la classification d'objets. Elle vient ainsi paradoxalement refonder une philosophie essentialiste de la musique, durablement ancrée dans la dissociation « scolastique » entre codes musicaux (approchés par les transcriptions graphiques) et usages instrumentistes (renvoyant à l'inertie raciale ou culturelle des corps musiciens).André Schaeffner was the founder and director of the department of ethnomusicology at the successive Museums of anthropology in Paris from 1929 to 1964. His thesis were gathered and developed in his masterpiece published in 1936, Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale. We explain the singularity of this work by studying Schaeffner's intellectual socialisations, especially in the catholic circles he entered, and the plurality of his positions, from « scholism » to « neoclassicism », as a musical journalist, and then to « durkheimian » ethnology. He defines music as a performance, against the « graphocentrism » of musicology, but remains dependant from the context of knowledge that the museum organizes, centered on gatherings and classifications of material objects. This leads him paradoxically to an essentialist philosophy of music, where musical codes (ie graphic transcriptions) and performers' habits (ie racial or cultural remanences of musicians' bodies) are dissociated.
- Lévi-Strauss et « la musique ». Dissonances dans le structuralisme - Nicolas Donin, Frédéric Keck p. 101-136 Alors que Claude Lévi-Strauss a construit les Mythologiques sur le modèle de « la musique », et que les compositeurs de musique sérielle ou concrète ont fait référence au structuralisme, il s?est produit un grand malentendu entre l'anthropologie structurale et la musique contemporaine dans les années 1970. L?article expose les raisons de ce malentendu, en proposant une hypothèse historique sur la constitution du structuralisme dans les champs de la musicologie et des sciences humaines en France. Il retrace d?abord les moments de formation de ce paradigme dans les deux domaines, en soulignant ses aspects collectifs et institutionnels, ainsi que ses remises en causes internes et ses itinéraires individuels ; c?est en effet au moment où Lévi-Strauss remet en question le structuralisme computationnel de ses premiers travaux en recourant à sa propre culture musicale qu?il critique la musique contemporaine pour son volontarisme collectiviste. L?article propose ensuite une lecture des textes de Lévi-Strauss consacrés à la musique, en vue d?éclairer les réactions des musiciens et musicologues qui les ont discutés : sont alors dégagées des pratiques de pensée et des pratiques d?écoute qui, formées dans d?autres champs intellectuels ou culturels que celui des musiciens contemporains, ne peuvent se rencontrer. Ce constat d?échec débouche cependant sur une hypothèse au sujet des pratiques musicales qui ont rendu possible le structuralisme, notamment à partir du modèle synoptique de la partition comme mise en visibilité de différences senties.Although Claude Lévi-Strauss has constructed his Mythologiques on the model of « la musique », and even if composers in serial or concrete music have made references to structuralism, a great misunderstanding occured in the 1970?s between structural anthropology and contemporary music. This article explains how and why this misunderstanding took place, through a historical hypothesis on the constitution of structuralism in the fields of musicology and human sciences in France. It traces first the moments of formation of this paradigm in these two domains, stressing its collective and institutional aspects, as well as its inner criticisms and individual itineraries ; indeed, it is when Lévi-Strauss casts a doubt on the computational structuralism of his first work and uses his own musical culture that he criticizes contemporary music for its collectivist voluntarism. The article then proposes a reading of the texts that Lévi-Strauss dedicated to music, so as to cast a light on the reactions of musicians and musicologists who discussed them ; it tries to show practices of thinking and practices of listening which, being formed in other intellectual or cultural fields than that of contemporary musicians, cannot produce an encounter. This failure once noted and partially explained, the article proposes an hypothesis on musical practices that have made structuralism possible, particularly on the synoptic model of the musical score as putting into visibility the differences that are affectively perceived.
Document
- Un outsider de la fondation de l'anthropologie : Georg Forster - Raphaël Lagier p. 137-152 Écrivain, naturaliste, linguiste, ethnographe, Georg Forster (1754-1794) a observé les populations humaines lors du voyage de Cook dans le Pacifique sud (1772-1774). Dans Encore quelque chose sur les races humaines (1786), il critique les hypothèses anthropologiques d'Emmanuel Kant et questionne la théorie de l'unité de l'espèce humaine (monogénisme) dans la mesure où, sous couvert de science, cette théorie se fonde sur des présupposés métaphysiques ou religieux. Le texte mobilise avec compétence non seulement les observations directes de Forster mais aussi l'ensemble des données de l'anthropologie et de l'histoire naturelle de l'époque. Il ouvre ainsi une brèche à l'intérieur du discours anthropologique en cours de constitution. La « querelle du monogénisme et du polygénisme » qui s'ensuit nourrit pendant plus d'un siècle les débats sur l'anthropologie physique cherchant à s'instituer en science positive.A writer, naturalist, linguist and ethnographer, Georg Forster (1754-1794) observed human populations during Cook's journey to the South Pacific (1772-1774). In Something More About Human Races (1786), he criticizes Immanuel Kant's anthropological hypotheses by casting doubt on the « unity of human species » theory (monogenism) insofar as, under the guise of pure science, it lays its foundations with metaphysical and religious postulates. This text skillfully articulates not only Forster's direct observations, but also all the contemporary anthropological and naturalistic data. The subsequent « monogenism versus polygenism » issue has fostered debates about physical anthropology for more than a century while the latter tries to become a positive science.
- Autre chose sur les races humaines - Georg Forster p. 153-171
- Un outsider de la fondation de l'anthropologie : Georg Forster - Raphaël Lagier p. 137-152
Varia
- L'agrégation de sciences de gestion (1976-2005) - Luc Marco p. 173-198 Cet article étudie l'évolution du concours de recrutement des professeurs de gestion dans les universités françaises depuis son origine. Sa genèse législative est tout d'abord retracée en remontant aux concours de droit et d'économie politique. Des statistiques sont ensuite proposées pour comprendre les principaux critères de cette sélection nationale.The paper studies, since its origins, the evolution of a competetitive state examination settled to recruit the full teachers of management in the French public universities. First the legislative genesis is related, while being in relation with the law's and political economy's competitive examinations. Second some statistics are offered in order to understand the main criteria of this national selection.
- L'agrégation de sciences de gestion (1976-2005) - Luc Marco p. 173-198
Note critique
- Le dossier Freud : Enquête sur l'histoire de la psychanalyse - Pierre-Henri Castel p. 199-208
- Merton et la serendipity : à propos d'une publication récente - François Chazel p. 209-217
Livres
- Livres - p. 219-231
- Ouvrages reçus - p. 233