Contenu du sommaire : Les sciences de l'homme à l'âge du neurone
Revue | Revue d'histoire des sciences humaines |
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Numéro | no 25, 2011 |
Titre du numéro | Les sciences de l'homme à l'âge du neurone |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Les sciences de l'homme à l'âge du neurone
- Les « neurosciences sociales » : historicité d'un programme - Wolf Feuerhahn, Rafael Mandressi p. 3-12
- Dynamique d'un mouvement scientifique et intellectuel aux contours flous : les sciences cognitives (États-Unis, France) - Brigitte Chamak p. 13-33 La dynamique historique du développement des sciences cognitives aux États-Unis et en France a été analysée pour comprendre comment le paysage scientifique et intellectuel s'est modifié durant les cinquante dernières années. Tout en conservant des contours flous, les sciences cognitives ont acquis une forme institutionnelle stable présentant deux grandes orientations dominantes, l'étude de la cognition naturelle via les neurosciences et celle de la cognition artificielle via les sciences et technologies de l'information. La structuration des sciences cognitives a donné lieu à de grands remaniements, a modifié les rapports de force entre disciplines et a changé les modes de production des connaissances. Les outils informatiques ont induit une reconfiguration des savoirs et des pratiques et un nouveau régime d'objectivité qui s'est concrétisé par la création d'un nouveau département scientifique au CNRS, de nouveaux instituts et de nouvelles disciplines telles que les neurosciences sociales et la neuroinformatique.The evolution of a scientific and intellectual movement with blurred boundaries : cognitive sciences (USA/France)The historical dynamics of the development of the cognitive sciences in the United States and France is analysed so as to gain understanding of the way in which the scientific and intellectual landscape has changed over the last 50 years. While they have retained somewhat blurred outlines, the cognitive sciences have acquired stable institutional form, with two main orientations : these are the study of natural cognition by way of the neurosciences, and the study of artificial cognition via the information sciences and technologies. The structuring of these cognitive sciences has been accompanied by major reorganization, it has altered the balance of power between disciplines, and changed the way in which knowledge is produced. Computing tools have led to a reconfiguration of knowledge, know-how and practice, and a new mode of objectivity that has given rise to the creation of a new scientific department in CNRS, to new institutes, and to new disciplines such as social neurosciences and neuro-computing.
- Une nouvelle « lisibilité du monde » : Les usages des neurosciences par les intermédiaires culturels en France (1970-2000) - Sébastien Lemerle p. 35-58 La popularité dont bénéficient en France les neurosciences depuis les années 1980, au travers notamment des figures de Jean-Pierre Changeux, Jean-Didier Vincent ou Boris Cyrulnik, ne peut être appréhendée sans tenir compte de la surdétermination du mot « cerveau » dans l'espace public. L'étude de la diffusion (édition, presse) des discours neuroscientifiques montre que leur visibilité sociale ne provient en effet pas seulement des indéniables avancées de la recherche, mais également d'évolutions idéologiques et sociales plus globales, en particulier au sein des circuits de production culturelle de grande diffusion. La promotion culturelle des neurosciences pourrait avoir ainsi profité de la tendance de certains intermédiaires culturels à aborder le social dans une optique individualisante et psychologisante.A new « legibility of the world » : the uses of the neurosciences by cultural go-betweens in France (1970-2000)Neurosciences have been being very popular in France since the early 1980's, thanks to acclaimed authors such as Jean-Pierre Changeux, Jean-Didier Vincent or Boris Cyrulnik. But this popularity cannot be fully understood if one does not take into account the multiple determination of the word « brain » in the public sphere. The study of the diffusion (through publishing or press) of neuroscientific discourses shows that their social visibility does not only come from the indeniable progress of research, but also from more global ideological and social evolutions, especially within mainstream cultural producers. Thus, the promotion of neurosciences on the French intellectual scene could have taken advantage of the tendency of some cultural go-betweens to consider social issues in an individualizing and psychologizing way.
- Un tournant neurocognitiviste en phénoménologie ? Sur l'acclimatation des neurosciences dans le paysage philosophique français - Wolf Feuerhahn p. 59-79 Le naturalisme érigé au rang d'interdit absolu par Husserl et ses successeurs n'a pas empêché l'émergence d'une « neurophénoménologie ». À travers l'histoire de ce mouvement iconoclaste, dont les premiers promoteurs travaillaient en France, nous tentons d'expliquer de façon plus large le processus d'acclimatation des neurosciences dans le paysage philosophique français. Pour saisir les enjeux de ce mouvement, nous étudions ses rapports complexes avec l'implantation de la philosophie analytique en France puis sa scission en deux groupes adverses : wittgensteiniens d'un côté, néo-naturalistes de l'autre. Apparaît ainsi entre neurophénoménologues et philosophes de l'esprit une ligne de fracture très forte au sein des défenseurs d'une entrée de la philosophie dans l'âge du neurone, dont l'histoire récente du CREA (Centre de Recherche en Épistémologie Appliquée) a été le théâtre.A neurocognitivist turn in phenomenology ? About the acclimatization of the neurosciences in the french philosophical landscapeAlthough, Naturalism was considered as an absolute taboo by Husserl and his successors, this has not hindered the rise of « neurophenomenology ». Through the history of this iconoclastic movement and of its first promoters, most of whom worked in France, this paper tries to explain the process of acclimatization of the neurosciences in the French philosophical landscape ; more particularly, it analyzes how the rise of neurophenomenology was determined by the introduction of analytic philosophy in France and its division in two opposed groups : wittgensteinians on one side, neo-naturalists on the other. It appears that Neurophenomenologists and proponents of the philosophy of mind deeply disagreed as to how to define the neuro-turn they were calling for in philosophy.
- Le tournant cognitif en pragmatique. Un aller-retour transatlantique et ses impacts philosophiques - Bruno Ambroise p. 81-102 Ce texte a pour objectif de retracer une double évolution, historique et conceptuelle, au sein d'un champ disciplinaire récent : la pragmatique. Communément qualifiée « d'étude des effets du langage en contexte », celle-ci est née au milieu du xxe Siècle des réflexions convergentes d'anthropologues et de philosophes sur l'aspect actif du langage, avant de devenir une discipline à part entière en se concentrant plus exclusivement sur les effets de compréhension obtenus par l'usage du langage en contexte. On est ainsi passé d'une considération – assez révolutionnaire – des capacités de modification du monde que le langage pouvait avoir à une étude centrée sur un simple élargissement de ce qu'il donne à comprendre en contexte. Nous soutenons, pour conclure, que cette évolution s'est accomplie au prix d'un oubli de l'activité même réalisée par le langage, qui est dommageable sur le plan conceptuel.The cognitive turn in Pragmatics. Philosophical consequences of a transatlantic round-trip
This paper aims at retracing a twofold evolution, both historical and conceptual, which occurred in a recent scientific field : pragmatics. Often qualified as “the study of what language does in context”, it was born in the middle of the 20th century from the convergent thoughts of some anthropologists and philosophers concerning the actions accomplished by means of language. Then it became an independent academic discipline more exclusively focused on the cognitive effects of the use of language in context. The focus is thus gone from an – quite revolutionary – examination of the capacities language may have to modify states of affairs, to the mere analysis of the content it may convey in context. To conclude, we argue that this evolution took place after sacrificing the consideration of what the language does, which is probably a conceptual loss for the study of language. - Comment la linguistique est (re)devenue cognitive - Jean-Michel Fortis p. 103-124 Cet article décrit la naissance de cet ensemble d'approches que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de linguistique cognitive. Ce mouvement, né aux États-Unis dans les années 1970, a progressivement pris forme dans les travaux de linguistes qui souhaitaient rompre avec la grammaire générative.La grammaire générative avait été initialement perçue par certains linguistes comme une libération, et comme l'occasion de replacer la sémantique et la sémiose au cœur de la linguistique. Il leur apparut, cependant, que l'école chomskyenne n'empruntait pas cette direction. L'approche alternative qu'ils proposèrent, la sémantique générative, anticipa et, dans une certaine mesure, prépara la scission de la linguistique cognitive et du paradigme chomskyen. Ce sont ces deux étapes — la période de la sémantique générative et l'avènement de la linguistique cognitive — qui sont retracées ici. Dans la deuxième partie, on décrit les trajectoires de quatre linguistes majeurs, partisans ou proches, à un moment, de la sémantique générative (Chafe, Talmy, Lakoff and Langacker), qui ont tous évolué vers des formes diverses de linguistique cognitive et contribué à sa constitution. La dernière partie montre comment le réveil de la sémantique lexicale et d'une vision empiriste de la cognition favorisèrent l'adoption de la théorie du prototype et créèrent des conditions favorables aux travaux sur la métaphore. Ces deux champs d'investigation ayant des liens avec la psychologie et une forme de gnoséologie, ils fournissent l'occasion de s'interroger sur les liens entre linguistique et sciences cognitives.How linguistics turned cognitive (again)This paper describes the birth of the conglomerate of interconnected views that is known as cognitive linguistics. In today's parlance, “cognitive linguistics” refers to a movement that was born in the United Sates in the 1970s and progressively took shape in the work of linguists who wished to break away from generative grammar.Although generative grammar was initially perceived by some linguists as a liberating new framework, which made it possible again to explore semantic matters and the mapping of meaning to forms, it soon became clear to the same linguists that the Chomskyan school was not taking generative grammar in that direction. The dissident approach which resulted from their alternative point of view, generative semantics, anticipated and, to a certain extent, prepared the split between cognitive linguistics and the Chomskyan paradigm. Both steps, — the generative semantics period and the ensuing move to cognitive linguistics — are retraced here. In the second part of the paper, the move to cognitive linguistics (or various brands of it) is examined in some detail for four linguists who had all at one point views sympathetic to generative semantics and played a major role in the constitution of cognitive linguistics (Chafe, Talmy, Lakoff and Langacker). The last part describes how the reawakening of semantics and of an empiricist view of cognition favored the adoption of prototype theory and promoted metaphor as an important field of inquiry. Since prototype theory and metaphor have been linked to psychology and general views on cognition, it is appropriate at that point to discuss the interactions between linguistics and cognitive science.
- La psychologie cognitive française dans ses relations avec les neurosciences. Histoire, enjeux et conséquences d'une alliance - Régine Plas p. 125-142 La psychologie scientifique a toujours privilégié ses relations avec ce qu'on appelle de nos jours les neurosciences. En France, l'alliance de la psychologie scientifique avec la physiologie nerveuse a longtemps été plus théorique que pratique. Mais les progrès récents des sciences du cerveau et, plus particulièrement, le succès tant scientifique que médiatique de la neuroimagerie ont incité de nombreux chercheurs en psychologie cognitive à collaborer étroitement avec des neuroscientifiques. L'histoire de ces relations depuis la fin du xixe siècle est retracée afin d'éclairer les enjeux de leur évolution récente telle qu'elle apparaît dans les rapports quadriennaux du CNRS. Les conséquences de cette évolution et certaines des critiques qu'elle a suscitées dans la communauté des chercheurs concernés sont examinées1.The French Cognitive Psychology and its Relations with the Neurosciences. History, Stakes and Consequences of an AllianceScientific psychology and what we now call neurosciences have always had a special relationship. For a long time, in France, scientific psychology and physiology of the nervous system have had a more theoretical than practical bond. But recent advances in brain science and, in particular, both scientific and media success of neuroimaging have led many researchers in cognitive psychology to work hand in hand with neuroscientists. The history of these relations since the late nineteenth century is told in order to clarify the stakes of their recent development as reflected in the quadrennial reports of the CNRS (National Centre for Scientific Research). The consequences of this development and some of the criticisms it aroused in the community of researchers involved are examined.
- Les neurosciences vues par les « psychiatres d'en bas » autour des années 2000 - Jean-Christophe Coffin p. 143-163 Résumé L'article retrace la réception de la production intellectuelle des neurobiologistes contemporains et des artisans de la philosophie de l'esprit dans la psychiatrie française. Ce travail a été mené à partir de l'étude d'un groupe de neuropsychiatres français formés dans les années 1950 et marqués par l'œuvre du psychiatre Henri Ey (1900-1977). Sans contester l'importance et la nécessité d'une approche biologique des troubles mentaux, ils expriment une certaine interrogation face à l'émergence d'un nouveau réductionnisme qui serait à l'œuvre selon eux dans les débats autour de la conscience et des rapports entre cerveau et pensée. En dépit de la réorganisation des disciplines du vivant et de la psyché, ils pensent nécessaire de défendre une spécificité de la psychiatrie au nom d'une tradition clinique qui serait malmenée et s'interrogent sur l'avenir du dialogue intellectuel avec les sciences humaines. Dans une seconde partie l'article cherche à inscrire ces propos dans les débats de la psychiatrie française des années 1980 aux années 2000. Il semble se dessiner à ce niveau une volonté de pacification des antagonismes sans qu'il soit encore clair de savoir s'il s'agit d'une attitude diplomatique ou d'un accord sur la construction d'un nouveau paradigme autour d'un sujet désormais cérébral.Neuroscience seen by « psychiatrists from below » in the years 2000The article recounts how the intellectual production of contemporary neurobiologists and neurophilosophers was received within the French psychiatry. This work is based on the study of a group of French neuropsychiatrists founded in the 1950's and influenced by the works of psychiatrist Henri Ey (1900-1977). Although the group members do not question the importance and necessity to approach mental diseases from a biological point of view, they are wary about the emergence of a new reductionism which, according to them, is at work in the debates on consciousness and the mindbody issue. In spite of the reorganisation and extension of the biological sciences in the field of psychiatry they think it is necessary to defend the specificity of psychiatry in the name of a long standing practice they feel is being given a rough handling. Also they wonder if the dialogue with the human sciences has any future.In its second part, the article seeks to make these questions fit in with the debates occurring in French psychiatry in the period 1980-2000. There seems to be a will to appease antagonisms, although it is not clear whether the purpose is purely diplomatic or if it is to speak in favour of the design of a new paradigm about a cerebral subject.
- Le temps profond et le temps perdu : Usages des neurosciences et des sciences cognitives en histoire - Rafael Mandressi p. 165-202 De même que dans d'autres sciences humaines et sociales, on a assisté en histoire, au cours de deux dernières décennies, à des tentatives de constitution d'un champ interdisciplinaire sur la base d'un croisement avec les neurosciences et/ou les sciences cognitives. Cette entreprise a donné lieu à la « neuro-histoire », à l'« histoire cognitive », aussi bien qu'à d'autres formes, moins précisément définies, de travail historique attentif aux sciences du cerveau et de l'esprit afin de faire émerger un « nouveau paradigme ». Cet article vise à décrire ce paysage intellectuel et académique en expansion, ainsi qu'à en identifier les principaux domaines et enjeux – neuro-histoire de l'art, histoire cognitive des sciences, histoire des émotions, l'histoire dite « profonde », l'histoire littéraire, entre autres. On indiquera également, pour en proposer une analyse critique succincte, quelques-uns des problèmes théoriques et épistémologiques, non résolus, inhérents à ce type d'approche.Deep time and lost time : uses of neuroscience and cognitive science in history
As in other human and social sciences, the constitution of an interdisciplinary subfield based on the « blending » of history and neuroscience and/or cognitive science has been pursued in the last two decades. These attempts gave rise to « neurohistory », « cognitive history », as well as to other forms, not so precisely defined, of historical work making much case of brain and mind sciences in order to build a « new paradigm ». This article aims to describe this intellectual and academic wide spreading landscape, and to identify its main areas and issues – neuro-art-history, cognitive history of science, the history of emotions, the so-called « deep history », historical literary studies, among others. Some of the theoretical and epistemological unsolved problems inherent to these approaches will also be pointed out and briefly analyzed from a critical point of view. - L'émergence de la neuroéconomie : Genèse et structure d'un sous-champ disciplinaire - Emmanuel Monneau, Frédéric Lebaron p. 203-238 La neuroéconomie est un domaine de recherche récent, encore modeste mais en développement rapide. Il a émergé dans les années 1990, se cristallise en domaine de recherche à partir de 2004 pour se constituer progressivement en communauté en 2007-2008 aux États-Unis. La relative faiblesse de ce domaine dans l'espace de production scientifique doit être nuancée par la centralité des supports concernés. En effet, la neuroéconomie est située au cœur des enjeux, notamment épistémologique, de la science économique. Pluridisciplinaire, elle est toutefois doublement dominée par les neurosciences et la science économique. Une enquête sur les revues académiques révèle que l'innovation scientifique s'effectue hors des revues d'économie, qui possèdent davantage un rôle programmatique et de diffusion du domaine au sein de la science économique. Ce sont les revues scientifiques généralistes et les revues de neurosciences qui jouent un rôle d'innovation scientifique. Dans un contexte de domination du champ scientifique mondial par les États-Unis, l'hégémonie américaine en ce domaine n'est pas surprenante, mais la neuroéconomie est déjà très internationalisée. Elle suscite un intérêt relativement important en France, en particulier au sein de la science économique. La France suit cependant le mouvement initié aux États-Unis et ne produit pas ou très peu d'innovation scientifique dans ce domaine. Un processus d'institutionnalisation de la neuroéconomie, moins avancé qu'aux États-Unis, est aussi en cours en France. Il mobilise quelques chercheurs qui s'appuient sur l'économie critique, en essayant de tirer partie des potentialités de la neuroéconomie. La neuroéconomie est susceptible d'impliquer pour la science économique un changement plus ou moins fondamental dans la conception même de la démarche scientifique, pouvant la rapprocher un peu plus des sciences de la nature. Le caractère innovant de la neuroéconomie, dans un contexte où les découvertes en science économique sont rares, attire des entrepreneurs académiques enclins à investir dans ce domaine de recherche émergeant.The emergence of neuroeconomics : structure and dynamics of a scientific sub-field
Neuroeconomics is a recent research domain, which remains still modest in size. It has emerged in the 1990s, has become a research field after 2004 then has been structured as a scientific community in 2007-2008. The relative weakness in quantitative terms inside the space of scientific production has to be nuanced due to the centrality of the journals in which its results are published. Neuroeconomics is situated at the core of the scientific stakes of economics. As a plurdisciplinary field it is dominated by neurosciences and economics.Our survey on neuroeconomics shows that scientific innovation in this field is not published in economic journals, which have more a function as regards research program and dissemination, but in general scientific or neuroscientific journals.In a context of strong global domination of the scientific field by the United States, it is no surprise if neuroeconomics is also dominated by the United States. France can be described as a follower, without a strong impact on scientific innovation but a process of institutionalisation is also taking place in France, though delayed in comparison with the US. À few researchers play a leading role, in relation with heterodox (critical) economics.Neuroeconomics may imply a rather fundamental change for economics, making it closer to the natural sciences. The innovative character of neuroeconomics may also attract scientific entrepreneurs investing in a emerging and probably rewarding field of research. - La neuroesthétique, un esthétisme scientiste - Fernando Vidal p. 239-264 La neuroesthétique a été définie comme la science qui étudie les fondements neurobiologiques de l'appréciation esthétique et de la perception de la beauté, particulièrement dans l'art. Elle aspire ainsi à donner une assise scientifique à des questions « traditionnellement philosophiques ». Cet article étudie la logique interne du projet neuroesthétique, tentant d'expliciter sa structure et ses valeurs, et d'interroger les évidences qui l'animent. Il apporte des éléments historiques, et met la neuroesthétique en rapport avec l'esthétique empirique, les recherches sur la vision et l'ensemble des nouvelles « neuro » disciplines nées depuis la Décennie du cerveau. Il examine enfin comment la neuroesthétique se rattache au domaine des études sur l'art.Neuroaesthetics : A Scientistic Form of Aestheticism
Neuroaesthetics has been defined as the science that studies the neurobiological bases of aesthetic appreciation and of the perception of beauty, particularly in the arts. It thereby aims at giving a scientific foundation to “traditionally philosophical” questions. This article examines the internal logic of neuroaesthetics, with the goal of uncovering its structure and values, and to interrogate truths it offers as self-evident. It outlines some historical elements, establishes links between neuroaesthetics and empirical aesthetics, vision research, and the "neuro" disciplines that emerged since the Decade of the Brain, and finally looks at how the field fits in the broad area of studies about the arts.
Varia
- La production doctorale de la doctrine juridique : division du travail académique et politisation des thèses en droit sur les modes de scrutin (1885-1923) - Thomas Marty p. 265-291 Les thèses de droit soutenues entre 1885 et 1923 sur la représentation proportionnelle comme mode de scrutin des élections législatives forment un ensemble de connaissances qui permet de juger la part prise par le droit constitutionnel dans une controverse tout autant académique que politique. Les professeurs de droit constitutionnel, tant à Paris qu'en province, délaissent cette expertise malgré quelques entreprises militantes éparses (Saleilles, Villey, etc.). Leurs étudiants formulent alors un savoir académique vite enserré par les contraintes des compositions récurrentes des jurys de thèse. La politisation rampante de ces thèses s'exprime de trois manières : un premier ensemble de thèses tente de rechercher dans les origines juridiques et philosophiques de la représentation proportionnelle des garanties supplémentaires de son opportunité politique ; d'autres thèses relatent des exemples étrangers d'application de la représentation proportionnelle et en font des modèles à suivre pour la France ; enfin, ces travaux se calquent la plupart du temps sur la chronologie et les contingences proprement parlementaires de la question.The Doctoral Contribution to Juridical Thought. Academic Working and Political Interests in Ph. D Thesis about Electoral Systems (1885-1923)Between 1885 and 1923, Ph. D thesis on proportional representation (PR) and electoral reform have been main constitutional corpus to follow this intellectual and political controversy. In Paris and in Province, professors desert this part of doctrine in spite of some militant activities (Saleilles, Villey). Students had produced their thesis under constraint because the boards of examiners were always the same. Firstly, some of these thesis have tried to find in philosophical and juridical aspects of PR the justification in order to introduce it in electoral law. In other thesis, the PR was justified simply because some european countries had used this electoral system. Last type of these printed thesis are bound by parliamentary calendar of electoral reform. In conclusion, the political interests and the scientific knowledge seem to be also important in study of electoral systems.
- De Chicago à São Paulo : Donald Pierson et la sociologie des relations raciales au Brésil - Christophe Brochier p. 293-324 Ce texte étudie le parcours professionnel du sociologue américain Donald Pierson au Brésil et revient en détail sur sa conception de l'analyse des relations raciales. On montre que Pierson a essayé d'importer au Brésil un schéma d'étude emprunté à son maître Robert Park. La manière d'envisager les relations raciales ainsi que les résultats auxquels parvenait Pierson se sont cependant dès l'origine heurtés à une opposition forte à São Paulo, notamment en raison de débats tournant autour de l'œuvre de Gilberto Freyre et de la réévaluation de la place des Noirs dans la société brésilienne. Par la suite, après les travaux de Bastide et Fernandes sur le sujet, « l'école de São Paulo » a réussi à imposer des idées et des méthodes opposées à celles de Pierson, rejetant le travail et les idées de l'Américain dans l'oubli ou l'incompréhension.From Chicago to São Paulo : Donald Pierson and the sociology of race relations in Brazil
This paper examines the career of the American sociologist Donald Pierson Brazil and studies in detail his conception of the analysis of race relations. We show that Pierson has tried to import in Brazil a study design borrowed from his master Robert Park. The way of thinking about race relations and the results which have reached Pierson, from the beginning faced strong opposition in Sao Paulo, particularly because of discussions around the works of Gilberto Freyre and the revaluation of place of Blacks in Brazilian society. Subsequently, after the work of Bastide and Fernandes on the subject, “the school of Sao Paulo” was able to impose ideas and methods contrary to those of Pierson, leaving the work and ideas of the American in oblivion or misunderstanding.
- La production doctorale de la doctrine juridique : division du travail académique et politisation des thèses en droit sur les modes de scrutin (1885-1923) - Thomas Marty p. 265-291
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