Contenu du sommaire : Le goût de la reconstitution
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 47, 2019 |
Titre du numéro | Le goût de la reconstitution |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le goût de la reconstitution
- Introduction : Reconstituer le passé, les enjeux pluriels de pratiques multiples - Philippe Artières p. 9-13
- Thérapeia. Le vocabulaire de la protection des monuments en Grèce et à Rome - Alain Schnapp p. 15-26 La protection et la restauration des monuments sont considérées comme une invention de la Renaissance. À travers quelques exemples et une réflexion sur la notion de monuments et de vestiges, cette contribution entend éclairer l'attitude de l'Antiquité gréco-romaine face aux ruines et ouvrir la voie à une étude comparée des pratiques de conservation et de reconstruction.Thérapeia. The vocabulary of monument protection in Greece and Rome
The protection and restoration of monuments is considered an invention of the Renaissance. Through a few examples and a reflection on the notion of monuments and remains, this contribution aims to shed light on the attitude of Greco-Roman antiquity to the ruins and pave the way for a comparative study of conservation and reconstruction practices. - Revivre ou déjouer le passé ? : Reprendre l'histoire de la Révolution française - Guillaume Mazeau p. 27-38 La Révolution française s'est en partie vécue à travers un rapport particulier au temps historique, fondé sur la volonté de limiter, voire d'abolir, au moins symboliquement, les filtres de la représentation. La volonté de retenir le temps de la Révolution pour qu'elle ne meure jamais a donné naissance, en France, à un régime tout aussi singulier de la conscience historique, dans lequel la reconstitution de la Révolution, depuis les fêtes commémoratives jusqu'au Puy du Fou, s'est imposée comme un des premiers modes de sa transmission, confinant parfois au fétichisme et, paradoxalement, au folklore. Cet article vise à montrer que certains dispositifs, au théâtre ou dans les techniques digitales, peuvent permettre de reprendre une histoire que l'on croyait épuisée, sans céder au mythe de la reconstitution.Relive or replay the past? Resuming the history of the French Revolution
The French revolution has been perceived by its contemporaries through a new conception of historical times. In order to limitate or even abolish every kind of representation, the Revolutionaries imagined they could retain the real spirit of the Revolution by organizing historical reenactments and collective revivals. This belief lasted a long time after the end of the 18th Century: commemorative celebrations, historical narratives and festivals like the Puy du Fou show that in France, a special historical consciousness has transformed the Revolution's memories in a permanent rehearsal, comparable ton a fetishist ritual. In this article, I claim that if the resurrection of the past is clearly impossible, some tools as theatrical improvisation or digital humanities can re-open such old and cold historical cases. - Ursum facere ou le sens reconstitué : Rémanences, résiliences et transformations des fêtes de l'Ours du Haut-Vallespir - Claudie Voisenat p. 39-51 Chaque hiver, dans le Haut-Vallespir, une vallée des Pyrénées-Orientales, de jeunes hommes grimés en « Ours », poursuivis par des « Chasseurs », parcourent les rues des villages pour se saisir des jeunes filles. En dépit de leur ancienneté, ou mieux, en raison d'elle, les fêtes de l'Ours relèvent bien d'une reconstitution : non pas celle d'un passé mis en scène dans sa matérialité, mais celle du sens, perpétuellement reconstruit à mesure que le temps et les transformations sociales viennent l'éroder. Si les gestes et l'expression, « faire l'ours », ursum facere montrent une singulière rémanence, aussi loin que remonte notre documentation, depuis le milieu du xixe siècle au moins, les raisons de le faire n'ont pas cessé d'être réélaborées, restaurant en permanence la cohérence qui donne sens à l'expérience, en permet le renouvellement et la répétition qui lui donne valeur de rite. Réutilisations, emprunts, transferts, sont à l'œuvre, utilisant les recouvrements successifs des discours autochtones par ceux de la religion tout d'abord, de l'érudition locale ensuite, des sciences humaines. Leur récupération, on pourrait dire leur indigénisation récente, par une communauté soucieuse d'énoncer et de valoriser sa propre culture, ne cantonne pas la reconstitution dans la fidélité à une vérité originelle, unique. Reconstituer la cohérence, c'est avant tout orchestrer une polyphonie. On tente ici d'en isoler quelques voix.Each winter, in a valley of Eastern Pyrenees, young men dressed as “Bears”, pursued by “Hunters”, roamed the streets of the villages to seize the girls. In spite of their antiquity, or better, because of it, the Bear festivals are indeed a reconstitution: not that of a past staged in its materiality, but that of the sense, perpetually reconstructed in, as time and social transformations erode it. If the gestures and the expression, “to make the Bear”, ursum facere, show a singular remanence, as far back as our documentation goes, since the mid-nineteenth century at least, the reasons for doing so have not stopped to be re-elaborated, permanently restoring the coherence that gives meaning to the experience, allows its renewal and repetition which gives it ritual value. Reuse, borrowings, transfers are at work, using the successive recoveries of the indigenous discourses by those of the religion first, of the local erudition then, and, last but not least, of the human sciences. Their recovery, one could say their recent indigenization, by a community anxious to enunciate and value its own culture, does not limit the reconstitution in fidelity to an original, unique truth. To reconstitute coherence is above all to orchestrate a polyphony. We try here to isolate some of these voices.
- L'impossible reconstitution du catharisme : la maison Déodat Roché à Arques - Dominique Poulot p. 53-71 Le département de l'Aude se définit officiellement comme « Pays cathare » dans sa communication institutionnelle et ses produits touristiques, pour lesquels il a déposé une marque en 1992. On étudie ici un exemple de cette patrimonialisation du catharisme et ses paradoxes avec le petit musée du village d'Arques, consacré à Déodat Roché (1877-1978), considéré de manière médiatique comme le « pape » du catharisme à la fin du xxe siècle. Le musée d'Arques tente de rendre compte de sa vie et de ses travaux, au centre d'un réseau européen d'ésotérisme religieux, mais se consacre aussi à montrer la mémoire locale autour de cette illustre personnalité locale. L'étude de la muséographie révèle les paradoxes de l'entreprise de contribuer à une identité collective par la mise en valeur d'un revival marginal. L'incarnation d'une mémoire collective dans la reconstitution d'une initiation ésotérique singulière ne va pas sans annexions et réinventions a posteriori.The impossible reconstruction of Catharism: The Déodat Roché house in Arques
The community of Aude—“département”—in South-West France has chosen to be named the “Cathare country” and has built an official brand, in 1992, for a lot of touristic products. This label is put upon every aspect of the local heritage industry, and especially on some museums. We study here the modest museum of the tiny town of Arques, devoted to the so-called “pope” of Cathars during the last decades of the twentieth century, Déodat Roché (1877-1978). This museum tries to explain the life and the works of the illustrious man, who was at the centre of a European network of religious esoterism but above all to display the local memories about him. It exemplifies the ambiguities of revivalism and reconstitution when applied to a sectarian society and to some marginal behaviours that are supposed to be at the centre of a collective identity. The memory of a special mystery tradition is supposed here to be part of a local memory of the community, and this is largely another invention of tradition. - La triple mort ou la condition mineure : Essai sur un Requiem pour quatre mineurs - Noël Barbe p. 73-91 Ce n'est pas de musique mais de théâtre qu'il s'agit. La première de Requiem pour quatre mineurs est donnée à la salle des fêtes de Champagney, en Haute-Saône, le 29 juin 1974. L'histoire minière du bassin houiller de Ronchamp-Champagney est alors terminée depuis près de vingt ans et, dans l'entre-temps, ici comme ailleurs, l'image du mineur a été amplement modifiée. Les cinq actes de la pièce s'ordonnent selon la chronologie d'une catastrophe advenue au puits de l'Étançon, en décembre 1950. Pour autant, le propos n'est pas de reconstitution et les galeries inondées restent invisibles. La fiction produit une autre réalité et tisse son cadre d'analyse où elle convoque humains et choses en situations, elle installe ses modalités de véridiction. Il y est question d'un autre montage de l'histoire et de l'établissement de formes nouvelles de distribution des vies dans le temps, de la fabrication d'esprits assujettis, de la domestication par le travail puis la consommation, de l'exercice de la domination dans une démocratie de marché. Mais aussi d'une échappée possible, l'exercice critique semble emprunter à Sartre, Lefebvre, Ellul ou encore Gorz. Alors, « l'accident de l'Étançon » est autrement présent, au-delà des collections de photos, des coupures de presse, de tous les documents produits comme des monuments à l'activité disparue et aux morts qu'elle a provoquées. Il prend une autre tournure, pour ce qu'il est mais aussi comme une surface de réfraction de la pensée d'une autre catastrophe à l'œuvre, d'un à-venir ou d'un déjà-là.The triple death or the minor condition. Essay on Requiem pour quatre mineurs
It's not music but theater. The requiem premiere for four miners is given at the village hall of Champagney, in Haute-Saône, on June 29, 1974. Then the mining history of the coalfield of Ronchamp-Champagney is finished for almost twenty years and, in the in the meantime, here as elsewhere, the image of the minor has been greatly modified. The five acts of the play are ordered according to the chronology of a disaster that occurred at the Well of the Étançon, in December 1950. However the point is not of reconstitution and the flooded galleries remain invisible. The fiction produces another reality and weaves its framework of analysis where it summons humans and things in situations, it installs its modalities of veridiction. It deals with another montage of history and the establishment of new forms of distribution of life over time, the manufacture of subject spirits, the domestication through labor and consumption, of the exercise of domination in a market democracy. But also of a possible escape, the critical exercise seems to borrow from Sartre, Lefebvre, Ellul or Gorz. Then, “the accident of the Étançon” is otherwise present, beyond the collections of photos, clippings, all the documents produced as monuments to the disappeared activity and the deaths it caused. It takes another turn, for what it is but also as a surface of refraction of the thought of another catastrophe at work, of a future or of an already-there. - L'histoire plastique, entre standards et braconnages - Manuel Charpy p. 93-121 « Playmobil, En route, on va chercher l'histoire ! » : l'étrange slogan publicitaire de la marque de figurines en plastique dit toutes les ambiguïtés de son rapport à l'histoire. Depuis sa création, en 1974, à Dietenhofen, la marque prend soin de présenter une histoire apaisée, voire de contourner l'histoire. Il faut dire que Dietenhofen est situé à quelques kilomètres de Nuremberg, à la fois capitale du jouet, au moins depuis le début du xixe siècle, et capitale culturelle du IIIe Reich avant de devenir le lieu du procès. Playmobil joue des figures de guerriers, mais se tient avec soin aux histoires lointaines, dans l'espace comme dans le temps : chevaliers du Moyen Âge, Indiens évoquant Winnetou, cow-boys et soldats Nordistes... Alors, pourquoi la firme, qui a vendu environ 2,5 milliards de figurines, publie-t-elle une charte interdisant d'évoquer avec ces jouets des scènes de guerre, en particulier de la Seconde Guerre mondiale ? C'est qu'en réalité, quasiment tous les week-ends de l'année se tiennent des expositions, le plus souvent dans des gymnases de petites villes en périphérie des métropoles. Les « playmodélistes », ces adultes, en général issus des milieux ouvriers, bricolent ces figurines en thermoplastique pour reconstituer des scènes, le plus souvent historiques, dans des sortes de dioramas. Évidente manière de s'approprier ensemble l'histoire et l'industrie, ces pratiques mettent au défi une entreprise qui ne cesse de poursuivre les « playmodélistes ». Mais à leurs yeux, ils ne font que jouer à l'histoire avec des objets dont ils sont détenteurs car venus de leur enfance.The plastic history, between standards and poaching“Playmobil, On the way, we'll get the story!”: The strange advertising slogan of the plastic figurines brand says all the ambiguities of its relationship to history. Since its creation in 1974 in Dietenhofen, the firm is careful to present a peaceful history, even to bypass history. It must be said that Dietenhofen is a few kilometers from Nuremberg, both toy capital at least since the early nineteenth century and cultural capital of the Third Reich before becoming the venue of the trial. Playmobil plays figures of warriors but is carefully with distant stories, in space as in time: Knights of the Middle Ages, Indians evoking Winnetou, cowboys and Nordic soldiers... So why the firm that sold about 2, 5 billion figurines publishes a charter prohibiting to evoke with these toys scenes of war, especially of the Second World War? In fact, almost every weekend of the year, exhibitions are held most often in gymnasiums of small towns on the outskirts of metropolises. The “playmodelists”, these adults, usually from the working class, tinker with these thermoplastic figurines to reconstruct scenes, most often historical, in dioramas. Obvious way of appropriating together history and industry, these practices challenge a company that continues to pursue the “playmodelists”. But in their eyes, they are only playing history with objects they own because they came from their childhood.
- Performer les mémoires. La reconstitution selon Massimo Furlan - Massimo Furlan, Philippe Artières p. 123-133
Lieux et ressources
- Exposer le comique à l'époque communiste : la Maison de l'humour et de la satire de Gabrovo (Bulgarie) - Zinaïda Polimenova, Bertrand Tillier p. 137-154 Dans la Bulgarie communiste des années 1970, une Maison de l'humour et de la satire est fondée à Gabrovo, sous l'autorité du pouvoir central et des autorités locales. L'article analyse les ambitions locales, régionales, nationales et internationales assignées à cette institution culturelle et touristique, dans le cadre de la planification soviétique. Les auteurs présentent l'histoire et la teneur des fonds et collections de ce lieu total qui a survécu à la chute du communisme et qui existe encore aujourd'hui. Ils en montrent les ambiguïtés et les arrangements idéologiques, autour d'un objet matériel et immatériel – le comique – et de questions aussi complexes que sensibles : comment et pourquoi patrimonialiser, conserver et exposer le rire dans un régime totalitaire, puis à l'heure de la démocratie ?Exhibiting comedy from the communist era: the House of Humour and Satire in Gabrovo (Bulgaria)In socialist Bulgaria of the 1970s, the House of Humour and Satire is founded in Gabrovo, under the authority of the central power and the local authorities. The article analyses the local, regional, national and international ambitions assigned to this cultural and tourist institution, as a part of the Soviet planning. The authors present the history, the contents and the collections of this total place that survived the fall of communism and that still exists today. They show the ambiguities and ideological arrangements around a material and immaterial object—the comic—and around complex and sensitive questions : how and why patrimonialize, preserve and expose the laughter in a totalitarian regime, and then at the time of democracy?
- Exposer le comique à l'époque communiste : la Maison de l'humour et de la satire de Gabrovo (Bulgarie) - Zinaïda Polimenova, Bertrand Tillier p. 137-154
Regards croisés
- Presse engagée, presse du nu et La Bonne Presse : Amédée Vignola ou le parcours d'un atypique - Manon Lecaplain p. 157-175 Caricature politique, livres de nus et films de pastorale catholique : il est des itinéraires pour le moins déconcertants. Celui d'Amédée Vignola est de ceux-là. Au tournant des xixe et xxe siècles, Vignola résume toutes les contradictions d'une société en pleine mutation. Dans une France profondément divisée, à la veille du nouveau siècle, il se range du côté des antirépublicains et antidreyfusards, en fournissant aux feuilles satiriques des illustrations parfois violentes. Mais déjà, au moment de la promulgation de la loi sur la séparation de l'Église et de l'État, il s'est tourné vers la production d'ouvrages de nu, grand succès de ce début de siècle. Finalement, et contre toute attente, il se lance en 1907 à corps perdu dans l'œuvre de La Bonne Presse, devenant l'un des producteurs de films de pastorale catholique les plus prolifiques. Son parcours, a priori déconcertant, se révèle en réalité celui d'un homme qui n'aura d'autres guides que ses convictions spirituelles.Political press, nude press and La Bonne Presse. Amédée Vignola, or an atypical itinerary
Political caricature, nude books and pastoral movies, there are some disconcerting careers; Vignola's is one of them. Around 1900, Vignola symbolizes all the contradictions of a changing society. In the divided France fin-de-siècle, his beliefs lead him to make numerous violent illustrations for the antirepublican and antidreyfusard press. But soon, while the separation between State and Church is pronounced, he has already entered into the production of nude books —great success of the time. Finally, and against all expectations, his last adventure will be with La Bonne Presse, this productor of catholic pastoral movies. His itinerary, far from being illogical, is the history of a man above all guided by his spiritual convictions.
- Presse engagée, presse du nu et La Bonne Presse : Amédée Vignola ou le parcours d'un atypique - Manon Lecaplain p. 157-175
Trames
- La transgression au compte-fils : Cécile Reims, doublure de Hans Bellmer - Emmanuel Pernoud p. 179-194 La grande majorité des gravures signées par le surréaliste Hans Bellmer ne furent pas réalisées par lui-même mais par la graveuse Cécile Reims. Gardé secret, ce doublage finit par être révélé et valut à la « main » de Bellmer d'être reconnue comme auteure des gravures. Le présent article entend retracer les étapes de ce dévoilement et en comprendre le mécanisme, en le replaçant dans le contexte du marché de l'estampe où les pratiques du métier contredisent l'échelle des valeurs artistiques dominantes et doivent, en conséquence, rester confidentielles ou entourées de brouillard. À la faveur de cette étude de cas, il s'agit également de montrer comment peut s'établir une forme de relation créative entre l'auteur et sa doublure qui prend le contre-pied de l'esthétique autonomiste et émancipatoire héritée des avant-gardes, en misant sur une dépendance mutuelle dont Cécile Reims a su admirablement déchiffrer le fonctionnement.The transgression to the linen tester. Cécile Reims, Hans Bellmar's understudy
The large majority of engravings signed by Surrealist artist Hans Bellmer were done not by him but by printmaker Cécile Reims. Initially kept secret, her role was ultimately revealed, and Bellmer's “surrogate” was thus recognized as the true maker of the engravings. This article seeks to retrace the stages of this revelation and to explain the general mechanism by re-situating things in the context of the print market, where trade practices are at variance with dominant artistic values and therefore must remain private or shrouded in mist. This case study will also show how a kind of creative relationship can be established between an artist and his or her surrogate, running against the totally independent, emancipatory aesthetics inherited from the avant-garde by relying on a mutual dependence that functions in ways admirably grasped by Reims.
- La transgression au compte-fils : Cécile Reims, doublure de Hans Bellmer - Emmanuel Pernoud p. 179-194
Retours sur...
- Traits d'humour, ou l'ironie du trait chez André Franquin, Marion Montaigne et Christophe Blain - Pascal Robert p. 197-214 Comme il y a une ironie du sort, il y aurait une ironie de l'objet voire une ironie du trait, une véritable ironie graphique. Les choses se renversent, se tortillent, s'enroulent, font des nœuds ou font retour et cela se voit parce que le trait le donne à voir. Franquin en est l'un des maîtres : son coup de crayon (mais aussi de pinceau ou de plume) n'est pas neutre en l'affaire. Pas plus qu'il ne l'est chez Marion Montaigne ou Christophe Blain. Je voudrais montrer ici, sur le corpus a priori quelque peu arbitraire de ces trois auteurs, que le dessin est porteur lui aussi, en tant que tel, c'est-à-dire au-delà ou en deçà même du scénario, d'une aptitude à produire de l'humour, notamment grâce à une logique de l'ironie qui lui est propre et qui engendre un véritable trait d'humour. Chacun de ces trois auteurs permettra d'en décliner une version différente dans la perspective d'une sémiotique de la matérialité, attentive au geste même du dessin.Traits of humour, or the irony of the trait among André Franquin, Marion Montaigne et Christophe BlainAs there is an irony of fate, there would be an irony of the object or even an irony of the line, a real graphic irony. Things turn upside down, twist, roll up, tie knots or turn around and you can see it because the line shows it. Franquin is one of its masters: his pencil stroke (but also his brush or pen stroke) is not neutral in this case. Nor is he at Marion Montaigne or Christophe Blain's. I would like to show here, on the somewhat arbitrary corpus of these three authors, that drawing also carries, as such, i. e. beyond or below the scenario, an ability to produce humour, in particular through a logic of irony that is specific to it and that generates a real « trait d'humour ». Each of these three authors will allow us to develop a different version of them from the perspective of a semiotics of materiality that is attentive to the very gesture of the drawing.
- Traits d'humour, ou l'ironie du trait chez André Franquin, Marion Montaigne et Christophe Blain - Pascal Robert p. 197-214
Actualités
- Hommage à Pierre Albert, historien de la presse - Laurent Bihl, Annie Duprat p. 217-221
Grand entretien
- L'Allée du roi : un texte et son interprétation - Dominique Blanc, Myriam Tsikounas p. 225-234
Hors cadre
- Enseigner la bande dessinée : le cas de l'atelier d'illustration de l'École des arts décoratifs de Strasbourg - Benjamin Caraco p. 237-259 L'enseignement de la bande dessinée s'est fortement développé ces dernières décennies, en particulier via la création d'écoles spécialisées. La bande dessinée a pourtant fait l'objet d'enseignements dès les années 1970, à l'image des cours proposés par l'atelier d'illustration de l'École des arts décoratifs de Strasbourg, fondé en 1972 par Claude Lapointe, et dont plusieurs anciens élèves sont devenus des auteurs de bande dessinée reconnus. L'analyse de l'histoire de l'atelier, du cursus et des principaux professeurs – tels que Joseph Béhé – est révélatrice de l'évolution du statut de la bande dessinée au sein d'une école d'art, ainsi que de la relativité des frontières entre bande dessinée et illustration en tant que pratique professionnelle.The teaching of comics has developed strongly in recent decades, particularly through the creation of specialized schools. Comic strip was however taught as early as in the 1970s, for instance in the illustration workshop of the Strasbourg decorative arts school, founded in 1972 by Claude Lapointe. Several of its alumni became famous comics authors. A study of the history of the workshop, its curriculum and its main professors —such as Joseph Behé— reveals the evolution of the status of comics in an art school, as well as the relativity of boundaries between comics and illustration as a professional practice.
- Enseigner la bande dessinée : le cas de l'atelier d'illustration de l'École des arts décoratifs de Strasbourg - Benjamin Caraco p. 237-259