Contenu du sommaire : La scolarisation des élèves migrants en France
Revue | Migrations société |
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Numéro | no 176, avril-juin2019 |
Titre du numéro | La scolarisation des élèves migrants en France |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
La scolarisation des élèves migrants en France coordonné par Maïtena Armagnague, Isabelle Rigoni et Simona Tersigni
- À l'école en situation migratoire - Maïtena Armagnague, Isabelle Rigoni, Simona Tersigni p. 17-31 Ce dossier thématique comprend huit contributions pluridisciplinaires en sciences sociales et du langage ainsi qu'un entretien avec la cinéaste Julie Bertuccelli autour de son expérience et de son long métrage La cour de Babel, tourné au moment de l'application, au sein de l'Éducation nationale, de la circulaire de 2012 instituant des dispositifs « UPE2A » pour les élèves primo-migrants et dits allophones. L'expérience de ces élèves ainsi que celle de leurs enseignants et éducateurs est ici analysée à différentes échelles. Partant du constat d'une occultation de l'enfance et de la jeunesse par la sociologie de la famille et de l'éducation, les auteurs ont veillé à analyser les résistances adulto-centriques qui traversent le champ migratoire français, tout en prenant soin de les contourner pour se situer au plus près des jeunes enquêtés. De plus, questionner le paradigme inclusif aujourd'hui revient également à pratiquer une socio-histoire de l'effacement des avatars de catégories coloniales. Celles-ci se reconfigurent au sein de l'Éducation nationale dans un paradigme implicitement glottophobe lequel nécessite une déconstruction sociologique historiquement ancrée portant simultanément sur des structures expériencielles et pédagogiques à l'origine de la segmentation ethnique et raciale à l'école. C'est à la lumière de ces questionnements que le dossier aborde les politiques éducatives en matière d'enfants migrants en France, sans vouloir imposer une analyse surplombante coupée des expériences des principaux acteurs concernés.
- La « boîte noire » de l'allophonie : la construction d'une segmentation scolaire ethnico-raciale des migrants - Maïtena Armagnague p. 33-47 L'allophonie, comme construction sociale dérivée d'une catégorie d'action publique, est une forme d'altérité scolaire marquée par une segmentation hiérarchisée. Cette hiérarchisation s'organise à partir de l'articulation de dynamiques éducatives néo-coloniales et de la mise en œuvre de l'accessibilité scolaire. Élèves et enseignants participent ainsi à la construction de différentes figures d'allophonie qui sont autant d'illustrations de processus de minorisation par la langue.
- La demande d'asile : impacts sur la scolarisation de l'enfant et rôles de l'enseignant - Catherine Mendonça Dias, Isabelle Rigoni p. 49-63 Cet article propose de faire apparaître certains effets de l'expérience migratoire et de la demande d'asile des parents sur les enfants et, incidemment, sur les enseignants. Nous analysons en particulier le mécanisme de translation des responsabilités d'enseignement vis-à-vis de l'élève vers des responsabilités citoyennes vis-à-vis de l'enfant. Une étude de cas présente comment la situation critique d'un jeune accompagnant un parent en demande d'asile peut conduire le corps enseignant à dépasser ses missions d'enseignement, en accompagnant en dehors de l'école la famille dont la situation se dégrade économiquement, socialement et psychologiquement.
- L'inclusion des enfants primo-arrivants à l'école : l'institution scolaire à l'épreuve - Colette Le Petitcorps p. 65-78 Cet article examine la façon dont le fonctionnement institutionnel de l'Éducation nationale peut retarder ou entraver la mise en œuvre du principe de « l'inclusion scolaire » des enfants primo-arrivants en France, tel qu'il est défini par une circulaire de 2012. La démonstration s'appuie sur les données collectées à partir d'une enquête de terrain réalisée auprès d'inspecteurs de l'Éducation nationale et de formateurs en charge du dossier des élèves allophones, au service compétent du casnav d'une académie. À partir d'un exemple d'élaboration de la carte scolaire des unités pédagogiques accueillant ces élèves, nous confrontons la directive des textes institutionnels à la réalité des procédures bureaucratiques, de l'organisation du travail, des relations interprofessionnelles, des enjeux politiques et des catégories de représentation des acteurs qui produisent la politique de l'inclusion scolaire aux échelles départementale et académique. Cela nous conduit à questionner la relation de l'organisation de la scolarité des enfants primo-arrivants à la gestion répressive et libérale des migrations en France et en Europe.
- L'expérience scolaire d'élèves migrants et descendants de migrants au prisme des choix organisationnels des établissements - Évelyne Barthou p. 79-94 Les choix organisationnels des établissements scolaires, qu'il s'agisse de la constitution des classes ou des dispositifs mis en œuvre à l'attention des élèves migrants ou descendants de migrants, ont des incidences importantes sur les expériences scolaires de ces élèves ainsi que sur les processus de minorisation. Les établissements, à travers leur gouvernance pédagogique, peuvent effectivement renforcer ou bien infléchir les processus d'ethnicisation, bien présents dans l'ensemble d'entre eux et sous des formes multiples et labiles. Nous avons notamment pu noter dans nos enquêtes que les contextes de mixité ethnique et scolaire mettent particulièrement en saillance l'ethnicité et l'altérité, quand les formes de ségrégation scolaire entre établissements semblent protéger les élèves des mécanismes de discrimination directe.
- Tisser des liens pour gérer l'altérité : l'exemple de l'institution scolaire face à la scolarisation de migrants en habitat précaire - Brahim Azaoui, Marion Lièvre p. 95-110 Cette contribution s'intéresse à l'analyse des moyens déployés par l'Éducation nationale, par le biais de certains acteurs de cette institution, pour améliorer la scolarisation des « enfants des bidonvilles » pas ou peu scolarisés, notamment par la création de liens entre l'institution et les familles. Dans cette optique, l'institution encourage une pratique consistant, pour les enseignants et acteurs institutionnels, à « aller vers » les habitations des « enfants des bidonvilles » et met en place un projet institutionnel financé par le Fonds social européen, le projet Connexions, qui mobilise notamment une médiation entre l'institution et les familles. Notre étude repose sur un ensemble de corpus d'entretiens et d'observation participante dont l'analyse met au jour la tension dans laquelle les « enfants des bidonvilles » placent l'Éducation nationale, tiraillée entre une mission de scolarisation et une urgence sociale qui conditionne la scolarisation. Dès lors, les frontières entre les sphères sociales (des enfants et familles) et professionnelles (l'institution) s'avèrent présenter une certaine porosité plus ou moins assumée par les acteurs institutionnels.
- Refuser un « déjeuner sur l'herbe » le premier jour du ramadan : Un micro-évènement comme analyseur de la voix sans parole des élèves dits allophones - Simona Tersigni p. 111-127 Cet article propose d'analyser la relation entre des élèves « allophones » et des élèves de « classe ordinaire » avec leurs enseignants à partir d'une interrogation épistémologique sur le statut des micro-évènements de crise. C'est notamment le refus collectif de la part d'un groupe d'élèves catégorisés en tant qu'allophones de partager un repas commun avec les collégiens de l'établissement visité, lors d'une rencontre scolaire, qui déclenche une réflexion sur la récusation de l'ordre familier du monde, à partir de pratiques de résistance par corps. Les élèves « refusants » ne se contentent pas d'une définition de soi captive de catégorisations institutionnelles centrées sur l'allophonie ainsi que sur leur immigration récente. Les multiples temporalités et expériences de ces élèves dits allophones sont tout à coup mises en scène, mettant en question les pratiques des élèves de classe ordinaire et des enseignants. Loin de constituer un acte subversif au sens d'une déconstruction de la domination, ce refus de commensalité des élèves migrants est cependant perçu comme subversif par les enseignants et par les autres élèves. Construisant une subjectivité partagée et fondée sur un agir minoritaire commun, ce micro-évènement peut contribuer à une reconfiguration de la relation avec les autres élèves de classe ordinaire et de la relation pédagogique, pouvant produire un dépassement de la perception des « allophones » attachée aux nécessaires apprentissages en français scolaire.
- Quand récits migratoires et pratiques scolaires se croisent : Parcours d'adolescents à Maripasoula en Guyane - Grégory Beriet, Alexandra Vié p. 129-144 Notre article prend appui sur une étude sociologique réalisée en Guyane dans la commune de Maripasoula, située au cœur de l'Amazonie à la frontière entre le Suriname et le Brésil. L'étude de la scolarisation des enfants et adolescents sur ce territoire apparaît intéressante à plus d'un titre : implantation tardive de l'école publique, part significative de la jeunesse, fort taux d'immigration, précarité et importance de l'échec scolaire. En analysant les relations entre les récits migratoires et les pratiques scolaires des élèves, nous cherchons à mettre en lumière les difficultés des enfants et de leurs familles à s'inscrire dans une scolarisation dont la langue institutionnelle, le français, reste bien souvent méconnue des populations, qu'elles soient étrangères ou françaises. Ce faisant, nous essayons de démontrer que l'attention portée aux parcours biographiques des élèves reste une condition centrale pour comprendre les difficultés de ces derniers à satisfaire à la fois aux attentes familiales et à celles de l'institution scolaire.
- Accueillir l'inattendu au sein d'un lieu refuge : La Cour de Babel (2014) - Julie Bertuccelli, Simona Tersigni, Eva Debray p. 145-159
- Bibliographie sélective - p. 161-164
- À l'école en situation migratoire - Maïtena Armagnague, Isabelle Rigoni, Simona Tersigni p. 17-31
Varia
- L'accueil des exilés hongrois en France après les évènements de 1956 - Dominique Baillet p. 165-178 Cet article s'intéresse à la situation des exilés hongrois après les évènements de Budapest de 1956, dont l'exode a été rendu possible par la mobilisation de la communauté internationale (pays « occidentaux » et organismes internationaux). Nous nous focalisons plus précisément sur la façon dont s'est déroulé l'accueil de cette population en exil sur le sol français. Nous montrons ainsi que des contingences économiques favorables, des impératifs politiques et la nature même des réfugiés hongrois ont permis un consensus favorable à leur accueil en France, qui s'est matérialisé à travers différents dispositifs d'accueil à l'échelon national et local, portés par les pouvoirs publics mais aussi par la société civile française.
- L'accueil des exilés hongrois en France après les évènements de 1956 - Dominique Baillet p. 165-178
Note de lecture
Nouveautés documentaires du CIEMI
- Nouveautés documentaires du CIEMI - p. 185