Contenu du sommaire : Les imaginaires du canal de Suez
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 48, 2019 |
Titre du numéro | Les imaginaires du canal de Suez |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les imaginaires du canal de Suez
- Introduction - Sarga Moussa, Randa Sabry p. 9-16
« Suez », un récit historique pluriel
- Quand Suez raconte l'Égypte - Caroline Piquet p. 19-32 Cet article propose d'interroger la place du canal de Suez dans l'écriture de l'histoire de l'Égypte contemporaine et ses représentations. Le canal tient, dans l'histoire de l'Égypte, une place particulière : il est à la fois considéré comme le moment fondateur d'une nouvelle Égypte et, en même temps, il s'inscrit dans l'histoire longue du pays, avec les échanges depuis l'Antiquité entre la mer Rouge et la mer Méditerranée. L'histoire du canal est indissociable de celle de l'Égypte, mettant en scène des discours et des imaginaires divers selon les périodes. Le récit de son histoire, raconté au travers des écrits, des réalisations artistiques ou architecturales, alimente, jusqu'à s'y confondre, le récit national de l'Égypte.When Suez narrates Egypt
This paper proposes to question the place of the Suez Canal in the writing of the history of contemporary Egypt and its representations. The canal holds a special place in the history of Egypt: it is both seen as the founding moment of a new Egypt and, at the same time, it is part of the country's long history, with the exchanges since ancient times between the Red Sea and the Mediterranean. The history of the canal is inextricably linked to that of Egypt, staged by various speeches and imaginaries in different periods. The narrative of its history, told through writings, artistic or architectural works, nourishes, to the point of confusing, Egypt's national narrative. - Quand le canal se construit : Visions idéalisantes et résistances à la modernité - Hélène Braeuner p. 33-50 Pendant les dix années du chantier de creusement du canal de Suez sont produites des images et des textes qui interrogent sur les discours traditionnellement partagés autour d'une œuvre jugée utile, voire légitime et envisagée comme un idéal de modernité. Nombreux sont ceux qui applaudissent les progrès techniques apportés par les ingénieurs européens. Dans un imaginaire de tous les possibles qui s'enrichit de créations plastiques et poétiques chantant la réunion des deux mers, les visiteurs du chantier, qui ont remplacé les voyageurs suivant les traces de Moïse, interrogent peu la place de l'Orient tandis que l'Occident se félicite de féconder une terre « infertile ». Mais la région n'offre ni l'Orient ni la modernité complètement. Œuvres peintes et récits de voyage mettent en lumière ces deux réseaux d'attentes et de déceptions. Et ce sont les artistes, même ceux missionnés par la Compagnie universelle du canal de Suez, qui expriment souvent davantage une forme de résistance à la modernité, laquelle ne parvient guère à l'emporter face à ce qui est perçu comme l'immuable de l'Égypte.When the Canal is Built: Idealizing .Visions and Resistance to Modernity
During the construction of the Suez Canal (1859-1869), many pictures and texts are produced: they ask questions about discourses which commonly present the Suez Canal as useful, rightful and even as an ideal of modernity. Many people acclaim the technical progress brought by the European engineers. The visitors of the construction site are not the travellers who followed Moses' tracks anymore. Immersed in an imaginary where everything is possible and which build itself on artworks and poetical representations about the reunion of two seas, they do not question the position of the Orient, while Occident is delighted to fertilize an “unfruitful” area. But the region offers neither the Orient nor modernity altogether. Painted works and travelogues show the two beams of reactions based on expectations and disappointments. Artists, even those who are chosen by the Universal Company of the Suez Canal, express more than anyone else defiance to modernity and are more sensitive to what is perceived as the immutable Egypt. - Un canal pour rire : Le chantier de Suez vu par Le charivari - Sarga Moussa p. 51-66 Le quotidien satirique Le Charivari publia, sous le Second Empire, des textes et des dessins relatifs au chantier et à l'ouverture du canal de Suez. En général favorable à Ferdinand de Lesseps, le journal s'en prend le plus souvent à l'Angleterre et à l'Empire ottoman, longtemps hostiles au projet du creusement de l'isthme. Mais il lui arrive aussi de fustiger la « suezomanie » de Lesseps, et surtout, au moment des fêtes de 1869, il se livre à une critique qui prend également pour cible la bourgeoisie française, à travers la figure du touriste grégaire et envahissant. Amédée de Noé, dit Cham, compte parmi les dessinateurs les plus féconds du Charivari : tout en réactivant un certain nombre de clichés orientalistes, il fustige aussi, dans la lignée du personnage de M. Prudhomme créé par Henry Monnier, la suffisance de certains Européens invités par le khédive Ismaïl pour célébrer le triomphe du progrès « universel », contribuant du même coup à jeter le soupçon sur ce mythe moderne du « mariage » de l'Orient et de l'Occident.A Canal for Laughing. The Construction of Suez as seen by Le charivari
The daily satirical newspaper Le Charivari published under the Second Empire texts and drawings concerning the Suez Canal and the opening ceremonies. Rather supporting Ferdinand de Lesseps, it is frequently critical against Great-Britain and the Ottoman Empire, both of them being for a long time hostile to the digging of the isthmus. But the newspaper happens also to be ironical about the « suezomanie » of Lesseps, and morover, it criticizes during the official festivities of 1869 the French bourgeoisie through the picture of the gergarious and invading tourist. Amédée de Noé, called Cham, is one of the most active drawers regularily working for the Charivari : while reenacting a number of orientalist clichés, he often uses the figure of M. Prudhomme created by Henry Monnier in order to lash the selfishness of those Europeans who, invited by the Khedive Ismail, celebrated the victory of the so-called « wedding » between Orient and Occident.
- Quand Suez raconte l'Égypte - Caroline Piquet p. 19-32
Le canal vu d'Égypte : politique, littérature et cinéma
- Le canal de Suez ou « la perte de l'Égypte » dans les Mémoires de Nubar Pacha - Randa Sabry p. 69-82 Durant la seconde moitié du xixe siècle, Nubar Pacha a joué un rôle crucial dans les Affaires étrangères égyptiennes, notamment lors de la renégociation de la concession accordée par le vice-roi Saïd à Ferdinand de Lesseps. Dans ses Mémoires, c'est sans indulgence qu'il dépeint les divers acteurs impliqués dans la création du canal de Suez et retrace les conséquences désastreuses de ce projet : perte de la souveraineté du pays, corvée imposée aux fellahs, spirale de la dette. Notre analyse de cette vision très critique s'appuie sur deux paramètres qui nous semblent orienter la narration : d'une part, la « logique des faits historiques » qui, concernant l'Égypte au xixe siècle, se résume chez Nubar en un passage de l'indépendance (durant le règne de Muhammad ‘Ali et de Abbas Ier) à la faillite progressive (sous Saïd et Ismaïl Pacha), par la faute du canal. D'autre part l'image magnifiée que se construit Nubar comme instigateur de réformes bénéfiques, dont celle des tribunaux mixtes, œuvre de justice, qu'il présente comme diamétralement opposée au projet néfaste de Lesseps.The Suez Canal or “Egypt's failure” in Nubar Pasha's Memoirs
During the second half of the 19th century, Nubar Pasha played a crucial role in the Egyptian Foreign Affairs, especially when Ismail Pasha charged him with the mission to renegotiate the concession granted by the Viceroy Said to de Lesseps in 1854. In his Memoirs, he violently criticizes the protagonists involved in the construction of the Suez canal and denounces the disastrous consequences of this project: the loss of sovereignty, the forced labor imposed to the peasants, the vicious circle of the debt. Our analysis of this critical vision is based on two parameters underlying the narrative: the “logic of historical facts” that can be resumed, for Nubar, in the drop from independence (during the reigns of Muhammad ‘Ali and Abbas the First) to progressive failure (under Said and Ismail Pasha) because of the canal. And secondly the magnified self-image through which the memorialist depicted himself as the instigator of several beneficial reforms, mainly the reform of the mixed International Courts, a work of justice presented by him as diametrically opposite to the harmful project of de Lesseps. - Représentations de la résistance dans les villes du canal chez Ghitani et Abnoudi - Rania Fathy p. 83-93 Si c'est surtout l'inauguration du canal de Suez et les prouesses technologiques de Lesseps qui inspirent les écrivains européens, du côté égyptien, en revanche, c'est l'histoire façonnée par les guerres qu'a provoquées le canal qui interpelle une littérature placée sous le signe de l'engagement et de la résistance. Le présent article est centré sur les représentations du canal chez deux écrivains : le romancier Gamal al-Ghitani (1945-2015) et le poète ‘Abd al-Rahmane al-Abnoudi (1938-2015), fortement impliqués dans le parcours militant du pays. Ayant séjourné dans les villes du canal entre 1967 et 1973, ils ont présenté des témoignages sur la vie du canal dans une histoire mouvementée, tout en donnant un exemple du double engagement de l'écrivain, du mariage possible entre agir et écrire.Representation of the Resistance in the Canal Cities by Ghitani and Abnoudi
If the inauguration of the Suez Canal and the exploits of Lesseps inspire especially the European writers, on the Egyptian side, it is the history shaped by the wars produced by the canal that marks an Egyptian literature placed under the sign of commitment and resistance. The present work is focused on the representations of the Canal by two writers, the novelist Gamal al-Ghitani (1945–2015) and the poet ‘Abd al-Rahmane al-Abnoudi (1938–2015), who were deeply involved in the country's militant history. Having stayed in the Canal cities between 1967 and 1973, they presented testimonies on the life of the Canal in a turbulent history, while giving an example of the double engagement of the writer and the possible marriage between acting and writing. - L'imaginaire cinématographique de Port-Saïd - Salma Mobarak p. 95-108 Cet article explore l'imaginaire de Port-Saïd dans le cinéma du canal de Suez, dont la naissance et le développement sont étroitement liés à l'histoire de ce dernier. Trois fictions cinématographiques emblématiques de Port-Saïd à l'écran illustrent le topos du voyage envisagé comme dimension structurelle de la ville-port. Itinéraire menant à une extraterritorialité et médiation entre sujets, territoires et cultures, le voyage est pris en charge par des genres, des formes et des motifs cinématographiques qui produisent un imaginaire spécifique de la ville. L'étude poursuit la manière dont le topos du voyage s'inscrit dans quatre figures principales (balnéaire, urbaine, portuaire et guerrière) qui composent l'imaginaire cinématographique de Port-Saïd.The Cinematic Imaginary of Port-Said
This article explores the imaginary of Port-Said in the cinema of the Suez Canal, whose birth and development are closely linked to its history. Three iconic cinematographic fictions of Port-Said illustrate the topos of travel envisaged as a structural dimension of the port city. A journey leading to extraterritoriality, and mediation between subjects, territories and cultures, travel is supported by filmic genres, forms and cinematographic motifs that produce a specific imagination of the city. The study aims to determine the way in which the topos of travel fits into four main figures (seaside, urban, port and warrior) that make up the cinematic imaginary of Port-Said.
- Le canal de Suez ou « la perte de l'Égypte » dans les Mémoires de Nubar Pacha - Randa Sabry p. 69-82
Enjeux idéologiques et discours de domination
- Suez imaginaire : le canal, le capital et les métaphores coloniales - Walid El Khachab p. 111-126 Une étude critique de l'imaginaire généré par les métaphores associées au canal de Suez dévoile les contradictions et apories des discours du colonialisme et du capitalisme. Quatre champs métaphoriques sont retenus. Premièrement, la féminité (et la sexualisation), qui met en scène un colonialisme « masculin » dominant politiquement un canal « féminin » dans un rapport de genre qui présume l'infériorité du féminin. Deuxièmement, la monumentalité : les dimensions bibliques du chantier redoublent un discours glorifiant la « grandeur » du capital. Troisièmement, la liminalité : le canal envisagé comme la frontière de l'Égypte, séparant l'Afrique et l'Asie, légitime l'internationalisation de la voie maritime et renforce l'emprise du colonialisme sur l'Égypte. Quatrièmement, le canal comme lieu de transmission : dans le discours du capitalisme, le canal est une voie maritime accélérant la circulation globale des marchandises. Il est aussi envisagé comme le vecteur de la modernité technique et des lumières de l'Europe vers l'Orient, assurant ainsi l'hégémonie culturelle de l'Occident.Imaginary Suez: The Canal, Capital and Colonial Metaphors
A critical examination of the imaginary generated by the metaphors associated with the Suez Canal unmask contradictions inherent to the discourses of colonialism and capitalism. Four metaphoric fields will be studied. First, the femininity and sexualization which set a masculine colonialism politically dominating a feminine canal in a gender power relation assuming the inferiority of the feminine. Second, monumentality: the biblical proportions of the canal project parallels a discourse about the grandeur of capital. Third, liminality: envisaging the canal as the frontier of Egypt separating Africa from Asia legitimizes the internationalization of the seaway and reinforces colonialism's control of Egypt. Fourth, the canal as a medium of transmission: in the discourse of capitalism, the canal is a seaway which accelerates the global circulation of commodities. It is also envisaged as the vector of technological modernity as well as Enlightenment from Europe to the Orient, thus insuring the cultural hegemony of the West. - Tentatives de réinvention d'une géographie sacrée de l'isthme lors de la création du canal de Suez (1855-1870) - Daniel Lançon p. 127-141 S'appuyant sur les discours des acteurs en présence et leur réception dans une presse française partisane, l'étude montre comment, tout en cherchant à se réapproprier la geste biblique et chrétienne et à l'associer à une entreprise technologique et commerciale, Ferdinand de Lesseps obtient l'assentiment des autorités musulmanes. Il plaide la facilité d'accès à La Mecque pour les pèlerins, s'occupe de restaurer des hauts-lieux, de faire construire des mosquées et de favoriser le culte tout en associant dignitaires musulmans et chrétiens aux bénédictions des travaux et aux fêtes de l'ouverture du canal. Cependant, cette entreprise fait naître une géographie mondialisée de l'isthme, ni conservatoire de l'histoire sainte, ni terre de mission catholique, ni nouvel espace islamique oriental pourtant revendiqué, mais zone de conflits politiques.Reinvention's Attempts of a Sacred Geography of the Isthmus during the Making of the Suez Canal (1855-1870)Based on the speeches of the involved actors and their reception in a partisan French press, the study shows how, while seeking to reappropriate the Biblical and Christian gesture and to associate it with a technological and commercial enterprise, Ferdinand de Lesseps obtains the approval of the Muslim authorities. He pleads the ease of access to Mecca for pilgrims, deals with the restoration of high places, builds mosques and promotes worship while associating Muslim and Christian dignitaries with the blessings of the works and the festivals of the opening of the canal. However, this company gives birth to a globalized geography of the Isthmus, neither conservatory of the Holy History, nor land of Catholic mission, nor new Eastern Islamic space yet claimed, but zone of political conflitcs.
- La corvée lors du creusement de l'isthme : Guerre des discours et représentation romanesque - May Farouk p. 143-155 Pratique ancestrale exercée depuis l'Antiquité, la corvée joua, lors du creusement du canal de Suez, un rôle fondamental que la légende dorée du canal – à bien des égards – tend à minimiser, sinon à occulter. De ce projet pharaonique qui révolutionna la navigation mondiale, une mémoire idéalisante retient, en effet, moins le sacrifice de milliers de fellahs mobilisés sur les chantiers que le génie diplomatique des principaux acteurs (Lesseps, Saïd pacha, Ismaïl pacha, la Compagnie du Canal...) vantant ainsi l'union sacrée des deux mers qui venait de sceller le mariage mythique de l'Orient et de l'Occident. Or, c'est précisément le revers de la médaille, à savoir l'envoi à la corvée de milliers d'ouvriers égyptiens dans des conditions très précaires que nous souhaitons examiner. Un premier détour par l'histoire nous permettra de cerner comment, dans le cadre du percement de l'isthme, la corvée devient un enjeu polémique et géopolitique de taille. Et ce, avant de démonter les rouages d'une guerre des discours qui s'acharne à légitimer la corvée ou au contraire à la condamner dans un élan humaniste qui dissimule mal sa duplicité. Pour illustrer ce processus d'instrumentalisation de la corvée dans le discours propagandiste de l'époque, nous retiendrons notamment les retentissements médiatiques provoqués par la note turque qui stipule, parmi les conditions à la poursuite du creusement, l'arrêt de la corvée sur les chantiers. Enfin, nous tenterons d'analyser comment, en empathie avec les souffrances endurées par les fellahs, des écrivains comme Edmond About dans Le fellah (1869) et Erckmann-Chatrian dans Souvenirs d'un ancien chef de chantier à l'isthmede Suez (1877) ont représenté ce drame humain.The forced Labour during the Isthmus Digging: War of Speeches and Novelistic Representation
Ancestral legacy practiced since ancient times, the forced labour played, during the Suez Canal digging, a fundamental role that the canal golden legend – in many ways – tends to minimize, if not to obscure. This pharaonic project that revolutionized the world navigation, retains in fact less the sacrifice of thousands of fellahs mobilized on construction sites than the diplomatic genius of the main actors (Lesseps, Said Pasha, Ismail Pasha, the Canal Company...) praising up the sacred union of the two seas which had just sealed the mythical marriage of East and West. But it is precisely the other side of the coin, namely the forced labor of thousands of Egyptian peasants in very precarious conditions, that we wish to examine. A first detour through history will allow us to understand how, in the context of the Isthmus piercing, the forced labour becomes a controversial stake and gains a large geopolitical width. And this, before dismantling the wheels of a war of speeches that strives to legitimize the forced labour or on the contrary to condemn it in a humanistic drive that does not hide its duplicity. The Turkish note which stipulates, among the conditions for the digging works continuation, the stopping of the unfree labour on the sites, is part of the contemporary propaganda discourse. Finally, we will try to analyze how, in empathy with the sufferings endured by the fellahs, writers like Edmond About in The Fellah (1869) and Erckmann-Chatrian in Memories of a Former Construction Site Director in the SuezIsthmus (1877) have represented this human drama.
- Suez imaginaire : le canal, le capital et les métaphores coloniales - Walid El Khachab p. 111-126
Lieux et ressources
- La baladodiffusion : de la réécoute à la création sonore de podcasts - Évelyne Cohen p. 159-167 Depuis les années 2000, la diffusion de podcasts sur la toile s'est répandue à l'échelle internationale. Le podcast peut être aussi bien une émission sonore ou visuelle que l'on rediffuse sur la toile qu'une création sonore native. Cette diffusion est aussi bien le fait de radios traditionnelles que de web-radios ou encore d'entreprises privées qui diffusent des sortes de catalogues au travers de portails. Ces podcasts encouragent des modes d'écoute en mobilité, attentifs à la qualité du son. Ils privilégient les contenus sonores et leurs perceptions sensibles dans la perspective du développement d'une culture sonore.Podcasting: From Replay to Creation of Audio Podcasts
Since the 2000s, the broadcast of podcasts on the web has spread internationally. Podcasts can be either an audio or visual programme broadcast on the web or a native audio creation. This diffusion comes from traditional radios, web-radios or even from private companies which broadcast some sort of catalogs through web portals. These podcasts encourage mobile listening, with attention being put on sound quality. They focus on audio contents and their sensitive perceptions in the context of the development of an audio culture.
- La baladodiffusion : de la réécoute à la création sonore de podcasts - Évelyne Cohen p. 159-167
Regards croisés
- Les circonvolutions d'une réclame : George Sand, La Presse et la faïence : Une enquête au cœur des commerces médiatiques, littéraires et industriels en 1855 - Sophie Corbillé, Emmanuelle Fantin p. 171-192 Cet article trouve son origine dans une opportunité de recherche relativement rare : la mention épistolaire explicite par George Sand d'une « réclame » qu'elle souhaite voir apparaître rapidement dans La Presse, journal phare d'Émile de Girardin. Publié le 5 juillet 1855, sous le titre « Les maïoliques florentines et Giovanni Freppa », le texte connaît une destinée incroyable, marquée par des duplications de sa publication sous diverses formes pendant les vingt années qui suivent, et pose tout à la fois la question de la généricité des textes médiatiques, littéraires et publicitaires au xixe siècle, de leurs circulations et de leurs régimes d'existence. Si l'étude de la situation communicationnelle de départ – dévoilée par la correspondance entre Sand et Girardin – permet de déterminer la généalogie du texte qui a occasionné sa première publication, elle aiguille surtout l'analyse vers la complexité qui entoure le genre médiatique de la réclame. Il s'agit par ailleurs de comprendre les transactions autour de cet objet médiatique, tout en prenant aussi au sérieux l'« objet réclamé », la faïence, qui, loin d'être banal et anodin, peut, au contraire, être considéré comme l'un des objets emblématiques de la civilisation marchande et industrielle en pleine éclosion au milieu du siècle.The Peregrination of an Advertisement: George Sand, La Presse, and the Faïence. An Investigation at the Heart of Mediatic, Literary and Industrial Trades in 1855This article emerges from a relatively uncommon opportunity of research: in a letter addressed to Émile de Girardin, director of the famous newspaper La Presse, George Sand mentions an advertisement she wrote and that she explicitly wishes to publish quickly. On July 5th 1855, the text is published under the title of « Les maïoliques florentines et Giovanni Freppa ». Its outcome is quite incredible, marked by duplications of its publications under various forms during twenty years, thus questioning the genericity and the circulation of mediatic, literary and advertising texts in the 19th century. The initial communicational situation—unveiled by the correspondence between Sand and Girardin—allows to understand the genealogy of the advertisement, but it also offers the opportunity to analyze the complexity of the mediatic gender of this very specific type of advertisement that was the “réclame” in the 19th century. The article studies the transactions that framed this mediatic object, while also taking seriously the object advertised, the faïence, considered as an emblematic object of the commercial and industrial civilization boom of the mid-century.
- Les circonvolutions d'une réclame : George Sand, La Presse et la faïence : Une enquête au cœur des commerces médiatiques, littéraires et industriels en 1855 - Sophie Corbillé, Emmanuelle Fantin p. 171-192
Trames
- L'échappée belle du roman graphique dans l'édition française - Isabelle Delorme p. 195-216 Le roman graphique francophone s'est développé depuis les années 2000, jusqu'à devenir un genre éditorial reconnu, exporté à l'échelle mondiale et porté par des best-sellers comme Persepolis ou L'arabe du futur. Bien que la définition du roman graphique reste difficile à établir, le genre s'est progressivement imposé dans la bande dessinée en France et dans l'espace européen. Cet article décrit ce processus, résultant de l'action non concertée d'acteurs appartenant à la filière du livre et l'alignement progressif de leurs intérêts parfois divergents. Les auteurs, initiateurs du processus, ont été suivis par des éditeurs motivés par la dimension créative des albums ou par la conquête d'une nouvelle niche éditoriale. Les médias, les librairies et les bibliothèques ont accompagné ce mouvement.The Graphic Novel: A Perfect Gateway in the French Publishing
The French graphic novel has developed since the 2000s, to become a recognized editorial genre, exported worldwide and carried by bestsellers like Persepolis or The Arab of the Future. Although the definition of the graphic novel remains difficult to establish, the genre has gradually become established in the comic strip in France and in Europe. This article describes this process resulting from the uncoordinated action of actors belonging to the book industry and the progressive alignment of their sometimes divergent interests. The authors who initiated this process were followed by publishers motivated by the creative dimension of the albums or by the conquest of a new editorial niche. The media, bookshops and libraries have accompanied this movement.
- L'échappée belle du roman graphique dans l'édition française - Isabelle Delorme p. 195-216
Retours sur...
- La musique est beaucoup plus riche que la parole - Vladimir Cosma, Frédéric Sojcher, Dimitri Vezyroglou p. 219-235
Actualité
- Les subalternes peuvent rêver : Mary Sibande et la résistance des domestiques sud-africaines - Caroline Ibos p. 239-254 Dans sa série de sculptures Long live the Dead Queen, l'artiste Mary Sibande représente les femmes de sa famille, travailleuses domestiques qui, comme de nombreuses femmes noires sud-africaines, ont servi des familles blanches. Si le corps des statues, moulé sur celui de l'artiste, semble réaliste, leurs costumes déploient les rêves de puissance qui ont permis aux ancêtres de Sibande de résister à l'oppression. Proposant une lecture politique de cette œuvre dans un contexte postcolonial, l'article se saisit du concept de subalternité, tel que, d'Antonio Gramsci à Gayatri Spivak, il fut élaboré dans la théorie critique pour saisir les « traces de résistance » (Gramsci), les « voix étouffées » (Spivak) ou les capacités d'action de groupes maintenus dans la subordination et sur lesquels pèse une présomption de passivité sociale.The Subaltern can Dream. Mary Sibande and the Resistance of South African Domestic Worker
In her series of sculptures Long Live the Dead Queen, the artist Mary Sibande represents the women of her family who, as many black South African women, have served white families. If the body of the statues, molded on the body of the artist, seems realistic, their costumes unfold the powerful dreams that allowed the ancestors of Sibande to resist oppression. Proposing a political interpretation of this artistic work in a postcolonial context, the paper takes up the concept of subalternity such as from Antonio Gramsci to Gayatri Spivak, it was developed in critical theory. “Long Live the Dead Queen” captures the “traces of resistance” (Gramsci), the “stifled voices” (Spivak) or the agency of a social group maintained in subordination and on which weighs a presumption of passivity.
- Les subalternes peuvent rêver : Mary Sibande et la résistance des domestiques sud-africaines - Caroline Ibos p. 239-254
Grand entretien
- Éthique et politique de la restitution des biens culturels à l'Afrique : les enjeux d'une polémique - Maureen Murphy, Bertrand Tillier p. 257-270
Hors cadre
- « Rire À la baïonnette !, trembler de peur des baïonnettes » : Violence(s) et contagion émotionnelle dans les pages satiriques d'un périodique de l'hiver-printemps 1915 - Laurent Bihl p. 273-297 La Baïonnette peut être considérée comme le titre le plus emblématique de la presse satirique de la Première Guerre mondiale, tant la violence des dessins correspond à une diffusion large, destinée au grand public. Fondé le 23 janvier 1915 par Henri Maigrot, dit « Henriot », le titre exact est, à l'origine, À la Baïonnette !, et demeure sous cette facture originelle durant 23 numéros. Ce journal incarne également les débuts de la mise en scène graphique par la presse satirique, comme si les divisions nationales inscrites dans les divergences nationales devaient disparaître d'un seul coup dans une sorte de synthèse iconique. La tendance s'intensifie lors de la Première Guerre mondiale, lorsque la mobilisation patriotique, physique et symbolique, se tourne vers la capitale à la fois point de convergence des recrues, et cible principale de l'ennemi déferlant.« Laughing with À la baïonnette! Quaking in Fear of Bayonets ». Violence(s) and Emotional Contagion in the Satirical Pages of a Winter-Spring Periodical 1915La Baïonnette can be considered as the most emblematic title of the satirical press of the First World War, so much the violence of the drawings corresponds to a wide diffusion, intended for the general public. Founded on January 23th, 1915 by Henri Maigrot, known as “Henriot”, the exact title is, originally, À la Baïonnette !, and remains under this original bill for 23 issues. This newspaper embodies the inception of similar graphic productions in the satirical press. It is as though the national divisions inscribed in the pre-war divergences had to suddenly disappear in a sort of iconic synthesis. This tendency to monumental allegory intensifies during World War One, when the patriotic, physical and symbolic mobilization turns towards the capital—both the point of convergence of recruits and the main target of the surging enemy.
- « Rire À la baïonnette !, trembler de peur des baïonnettes » : Violence(s) et contagion émotionnelle dans les pages satiriques d'un périodique de l'hiver-printemps 1915 - Laurent Bihl p. 273-297