Contenu du sommaire : La justice transitionnelle : enjeux et expériences

L'essoufflement de certains pays francophones (notamment en Afrique) conduit à des dérives de la démocratie voire à de véritables reflux démocratiques matérialisés notamment par des violations des droits de l'homme, des déplacements de populations ou des confiscations de biens. Ces périodes de crises, qui ne se traduisent pas toujours par un changement d'ordre constitutionnel, ont pour effet de déstabiliser politiquement toute une société mais aussi de corrompre le lien national au fondement de toute construction collective. Se crée alors un espace disponible pour installer un certain nombre de processus d'accompagnement de la crise et de la sortie de crise, appelés processus de justice transitionnelle. Concept ambigu, révélant un certain nombre d'incertitudes, la justice transitionnelle contribue cependant à la réinstauration d'une paix durable par l'établissement des vérités par la mise en oeuvre d'un dialogue national.

L'idée selon laquelle il est nécessaire de recourir à des mesures de justice afin de reconstruire les bases d'une société qui a traversé une longue période de violence est une idée désormais largement acceptée et promue. La justice transitionnelle est aujourd'hui étudiée sous des angles multiples et déployée dans des contextes variés. La définition et l'existence même de ce concept suscitent en revanche toujours le débat. Si certains de ces traits caractéristiques peuvent être isolés, son contenu soulève des difficultés consécutives aux désaccords relatifs à ses fondements et ses objectifs.

Si la dimension politique et sociale de la justice transitionnelle doit être reconnue et assumée (en raison de son contexte d'exercice, de ses objectifs et de ses instruments), les risques de politisation participent de sa remise en cause et de son détournement. Processus bien plus réaliste que normatif, la justice transitionnelle est semble-t-il constamment condamnée à évoluer sur cette corde raide qui sépare la crédibilité sociétale de l'instrumentalisation partisane.

En se posant la question de savoir quels mécanismes mettre en place pour « faire face » à son passé, la Tunisie a soulevé des questions fondamentales l'invitant, notamment, à repenser le rapport de l'État au religieux, le mythe fondateur de la lutte pour l'indépendance, et même le système social de redistribution des biens. C'est précisément parce qu'elle engage une réflexion identitaire et mémorielle fondamentale que la justice transitionnelle est le lieu de contestations politiques aussi intenses. Cet article l'analysera non pas comme un effort strictement tourné vers le passé mais bien plutôt comme un élément décisif dans la détermination de la trajectoire et de l'identité de la Tunisie postrévolutionnaire, ayant le pouvoir de réinventer le récit de l'histoire moderne du pays au profit de l'une ou l'autre de ses forces politiques dominantes.

Cet article souligne le rôle des institutions juridictionnelles dans le processus de la transition démocratique dans le cas de la Colombie. En effet, la Cour constitutionnelle de Colombie a exercé son contrôle, en 2013, sur l'acte législatif de 2012 qui prévoit un « cadre juridique pour la paix ». Les aspects les plus importants de cet arrêt sont examinés ici à la lumière des exigences formulées par la Cour interaméricaine des droits de l'homme qui, à plusieurs reprises, a reconnu l'État colombien coupable de violations caractérisées du respect des droits à la vérité, à l'accès à la justice et à réparation intégrale.

Les auditions des commissions de vérité permettent-elles réellement l'établissement des faits, la cicatrisation des blessures, la réparation des préjudices et un nouveau départ ? Au-delà de la grande émotion qu'elles suscitent, quel impact produisent-elles au bout du compte sur les victimes et sur le peuple ? Ne risquent-elles pas plutôt de réveiller les rancoeurs ou de provoquer un nouveau traumatisme chez les victimes ? Comment sont-elles conduites ? À quoi servent les témoignages recueillis ? Que peut-on en attendre ? Face à toutes ces questions et s'inspirant de l'expérience de la Commission vérité, justice et réconciliation du Togo, l'article souligne la complémentarité entre les auditions et les autres phases des commissions de vérité tout en rappelant les conditions de réussite de ce processus.

Cet article rend compte d'un déplacement de la scène pénale qui met en lumière trois traits de la transition démocratique : le procès est d'abord le lieu d'une refondation de la loi sur les ruines d'une loi ancienne et pervertie ; ensuite, en affirmant des valeurs du droit, il contribue à écrire le récit de la démocratie nouvelle ; il engage enfin une recherche de la vérité avec les auteurs et les victimes par-delà leur confrontation dans le prétoire. Ainsi, le procès pénal lui-même peut être une modalité de justice restaurative où se dessine l'identité démocratique d'un peuple.

Cet article aborde l'imbrication des questions de religion et d'environnement dans les procédures judiciaires en Inde. Il examine des cas de figure qui témoignent de la complexité de certains problèmes que les juges ont à trancher. L'approche privilégiée ici est anthropologique plutôt que juridique et l'accent est mis sur la pluralité des dimensions des phénomènes envisagés dans le contexte des transformations que connaît la société indienne. Outre une présentation des cours supérieures de justice en Inde, les auteurs examinent la manière dont les projets de développement susceptibles de porter atteinte à l'environnement sont contestés devant les tribunaux en faisant aussi appel à des arguments religieux.

Ce texte présente une réflexion criminologique qui fait suite aux attentats de Charlie Hebdo et émet l'hypothèse d'une application des méthodes de la justice restaurative aux affaires de terrorisme. Si la priorité est de réparer les dommages causés par le crime, pourquoi en effet ne pas imaginer des rencontres entre des groupes familiaux concernés par ces dérives comme cela se passe dans certains pays ? Cette proposition est mise ensuite en discussion dans le contexte français qui privilégie la réponse pénale sans écarter des options plus préventives comme la déradicalisation.

La grande diversité des systèmes juridiques au sein du Conseil de l'Europe peut parfois représenter un défi pour la prise de décision à la Cour européenne des droits de l'homme. La question de la liberté d'expression constitue un bon exemple de cette réalité. Le présent article entend démontrer comment la Cour parvient à transformer cette difficulté en atout, en tenant compte des différentes cultures juridiques d'Europe et en adaptant son approche à la grande variété des ingérences potentielles dans ce droit.

À titre principal, les membres du parquet général de la Cour de cassation exercent, auprès des chambres de cette cour, les fonctions d'avocat de la loi, activité déconnectée de toute notion d'accusation et ne faisant appel qu'à la stricte analyse juridique. Dans cet exercice, ils sont indépendants. Outre le travail d'examen des pourvois, ils font valoir leurs conclusions et analyses dans divers domaines, par exemple en matière de questions prioritaires de constitutionnalité, de recours en révision ou de demandes de réparation d'une détention provisoire suivie d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.