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Revue | NECTART |
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Numéro | no 10, hiver 2020 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Édito
- À quoi sert un artiste ? - Yvon Le Men p. 3-5
L'invitée
- Barbara Stiegler - Barbara Stiegler, Éric Fourreau, Alain Kerlan p. 12-25
Place des artistes
- « Faire place à ce “peuple qui manque”, celui des invisibilisé.e.s dont les voix étouffées ne demandent qu'à jaillir » - Géraldine Bénichou p. 26-29
Dossier - Éducation artistique et culturelle : les chemins de traverse
- Présentation - p. 30-31
- Sans la pédagogie (différenciée), que de paroles creuses ! - Jean-Michel Zakhartchouk p. 32-39 Alors que revient au plus haut sommet de l'État le discours sur les « fondamentaux », faut-il encore démontrer, en matière d'éducation artistique, l'efficience des principes et des méthodes de l'éducation nouvelle dite « différenciée » ? Ardent défenseur de ce qu'on appelle encore « éducation nouvelle » bien qu'elle ait presque un siècle d'existence, l'auteur propose une réflexion sur le rôle que peut jouer une éducation artistique et culturelle, avant d'exposer quelques pistes pour que cette éducation soit effective et réalisable dans le cadre de l'école, en se démarquant du discours sur les « fondamentaux », entrave à une éducation démocratique. Il mobilise ainsi une pédagogie différenciée qui implique une grande souplesse dans les pratiques, loin de tout dogmatisme ou de toute méthode standard d'enseignement.
- Une approche de l'écologie sonore adaptée à l'école - Pascale Goday p. 40-47 Comme l'air, le son accompagne chaque instant de notre vie, mais trop souvent à notre insu. Les valeurs des sociétés contemporaines conduisent les individus à accepter l'inflation sonore, voire à la rechercher. Face à ces constats, une prise de conscience dès le plus jeune âge par l'éducation semble la voie du bon sens. Visant à former les acteurs d'une société plus « harmonieuse » dans laquelle l'ouïe serait réhabilitée, il semble urgent de promouvoir des valeurs respectueuses des environnements sonores, à commencer par celles inhérentes aux établissements scolaires, et de contribuer ainsi à un meilleur équilibre des relations personne-société-environnement. Cet article s'appuie sur une expérience, « approche de l'écologie sonore adaptée à l'école », pilotée par l'auteure au sein de l'école primaire du Collège international Marie-de-France à Montréal depuis la rentrée scolaire 2017.
- Éducation artistique et culturelle : la force de la danse - Patrick Germain-Thomas p. 48-55 La valorisation des connaissances et pratiques artistiques au sein de l'école se fonde sur une conception des apprentissages réconciliant l'intelligence rationnelle et l'intelligence sensible. Dans ce contexte, la danse occupe une place très significative dans les politiques d'éducation artistique et culturelle construites en France depuis les années 1980. En partenariat avec des enseignants de l'Éducation nationale (en éducation physique et sportive, mais aussi dans d'autres matières), de nombreux artistes participent à des projets chorégraphiques dans les établissements, conjuguant des ateliers de pratique, des présentations d'œuvres et des débats avec les élèves. Ces projets ont largement fait la preuve de leur fécondité, plus particulièrement sur les plans relationnel et cognitif. Ils offrent un potentiel considérable d'amélioration du climat scolaire et de la qualité de l'attention des apprenants. Un développement accru de cette forme d'action supposerait un accroissement important des financements publics, souvent affiché comme une priorité dans les discours mais qui se concrétise beaucoup plus rarement dans les faits.
- De l'autre côté du miroir : l'éducation artistique aux États-Unis - Nathalie Montoya p. 56-62 Peu comparables à l'éducation artistique et culturelle à la française, l'art education et les formes de pédagogie mises en œuvre aux États-Unis insistent sur la valorisation des élèves et l'affirmation individuelle de chacun, comme si, au fond, le développement des aptitudes des élèves primait toujours sur la dévotion due à l'institution et à l'art. À une ambition de démocratisation de la culture par la fréquentation des œuvres et des artistes, les projets américains opposeraient un objectif de transformation des individus par la participation culturelle. L'article s'appuie sur une enquête menée sur des teen programs proposés à des lycéens par de grands musées américains, notamment le MoMA de New York. Là où les projets français déploient une conception charismatique de l'artiste, ces programmes mobilisent des teaching artists recrutés pour leur sens de la pédagogie davantage que pour la qualité ou l'originalité de leurs créations.
- L'art pour sortir de l'échec scolaire - Julie Deborde p. 64-69 Alors que l'école peine à réduire l'échec scolaire et à fournir des réponses adaptées à chacun, des projets partenariaux d'ateliers artistiques menés au sein de certaines classes proposent une alternative dans la remédiation à la grande difficulté scolaire. Les actions artistiques permettent à ces élèves de s'investir dans un domaine où l'échec n'existe pas, de sortir du cadre habituel, et ainsi de faire un pas de côté. Cet article repose sur une enquête menée au sein de La Source, une association créée en 1991 par le peintre Gérard Garouste, qui s'avère être un terrain adapté pour étudier la remédiation scolaire par l'art.
- Le musée de demain doit-il être amusant ? - Sébastien Vaissière p. 70-79 La mue des musées entamée à la fin du siècle dernier prend de nos jours un tour inattendu. Dépoussiérés, « ludifiés », digitalisés, les voilà parés des atours de l'époque, pensés pour le partage, accoutumés au selfie, immersifs à l'envi et ludiques à souhait. Les temples de l'art et de la culture ont appris à séduire pour mieux instruire, et à enivrer avant d'émouvoir, aidés en cela par l'intelligence artificielle et le multimédia. Le changement est si profond que la définition même du mot « musée » fait débat au sein du prestigieux Conseil international des musées (Icom). Pendant ce temps, les nouveaux musées du selfie ou de la crème glacée sont pris d'assaut, aux États-Unis, en Europe et en Inde, par une foule de visiteurs avides de pratiques et d'expériences nouvelles.
- L'avenir de la librairie est devant elle - Mathilde Rimaud p. 80-89 Le marché du livre français se distingue de celui d'autres pays par la présence d'un réseau encore dense de librairies indépendantes, dont le nombre diminue régulièrement mais reste néanmoins important, sur un marché du livre par ailleurs atone. Non, la lecture n'est pas morte, différentes études en témoignent ; non, Internet, et au premier chef le dragon Amazon, ne domine pas encore tout le marché, bien que les ventes en ligne bousculent les différents canaux depuis une vingtaine d'années. Comment expliquer la relative résistance des librairies indépendantes, quand on constate par ailleurs les stratégies de fusion des plus grandes structures (Furet du Nord/Decitre, Fnac/Darty…) ou la fragilité de certains groupes (France Loisirs, Virgin, Chapitre…) ? Quelles stratégies développent-elles et quels sont les impacts des aides publiques et du collectif ? À quels enjeux font-elles face aujourd'hui (transmission, fidélisation, différenciation, services…) et avec quels moyens ? Peuvent-elles compter sur un changement de comportement des consommateurs, tel celui qui se manifeste à travers un mouvement comme IndieBound dans les pays anglo-saxons ?
- Manifeste pavillonnaire - Éric Chauvier p. 90-95 Le périurbain pavillonnaire français est régulièrement associé à des territoires sans qualité. On dénonce sa mocheté, son absence de vertu écologique, ses modes de vie standardisés, son aliénation. Ces jugements relèvent cependant davantage d'une attitude urbano-centrée que d'analyses éclairées. Depuis des décennies les expertises des métropoles ont produit des angles morts, des zones définies par défaut : autour de la ville (périurbaine, péri-métropolitaine), après la campagne (post-rurale), au-delà de l'économie (post-industrielle). Il n'existe pas, à proprement parler, d'analyses positives de ces lieux dont les modes d'habiter sont pourtant fortement chargés en imaginaire et propices à la créativité. À force d'immersion, j'y ai découvert que les « périurbains » étaient une fiction de sociologues et de géographes accomplissant le tour de force de constituer un groupe compact et autonome. Si les villes produisent désormais des émotions esthétiques standardisées, les périphéries offrent au contraire des laboratoires d'expérimentations illimitées, où chaque habitant peut projeter ses scénarios sensibles. Bien sûr, ces territoires comportent les traits apparents de l'aliénation (mobilité pendulaire, dépendance à l'automobile et à l'hypermarché, vie sociale stéréotypée par suite d'absence d'espace public), mais ce zoning illimité d'ambiances indistinctes – absence quasi totale de planification urbaine – constitue aussi une puissante réserve poétique.
- Podcast : le grand retour du son - Rémi Bouton p. 96-103 La radio, premier média électrique, premier média en direct, est sans doute le dernier à faire sa révolution numérique. Véritable opportunité, puisque le podcast apparaît comme le grand retour du son. Les jeunes sont chaque année plus nombreux à écouter ces programmes sonores qui n'ont jamais été diffusés à la radio, au point que même les radios se mettent à produire des podcasts pour ne pas les diffuser à l'antenne ! Cette révolution du son, qui concerne également la presse écrite, le livre et dans une moindre mesure la télévision et l'audiovisuel, ouvre grande la porte à l'autoproduction. Tout le monde veut créer son podcast. Difficile de s'y retrouver dans ce brouhaha : il manque encore les outils de mesure, de recommandation, et bien sûr l'économie qui pourra supporter le développement de ce secteur. Reste que le podcast est l'avenir de la radio. Une radio pour chacun plutôt qu'une radio pour tous, interactive et à la demande, ouverte sur une multitude de productions et de producteurs, de créations et de créateurs. Une radio enfin numérique.
- Sortir de la honte - Carole Thibaut p. 104-110 Le viol et les agressions sexuelles n'épargnent pas, loin s'en faut, le monde culturel, encore largement gouverné, sur ces sujets, par la loi du silence qui ajoute une autre violence à celle déjà subie. Se vivant et étant regardé comme hors du commun, le milieu culturel partage pourtant les visions les plus rétrogrades et destructrices qui circulent dans la société française. Comment comprendre, accepter que dans les milieux culturel et artistique cette parole soit à ce point censurée, foulée aux pieds, méprisée et violentée ? On ne peut plus continuer à se bercer de l'illusion que les mondes de l'art et de la culture en France échappent aux tendances générales de la société.
- Pass culture : faire du neuf avec du vieux, les valeurs en moins ! - Jacques Bonniel p. 112-119 Le pass Culture est présenté comme un avatar du renouveau des politiques culturelles et symbolise la « culture » du nouveau monde. S'il est encore trop tôt pour faire le bilan de ce qui est encore une expérimentation, on peut toutefois légitimement s'interroger sur le sens de cette supposée innovation. Des questions se posent en effet à plusieurs niveaux : les valeurs qui sont censées être au cœur de ce dispositif, la conception conventionnelle et datée (malgré le tropisme technologique) de la « culture » où se mêlent des relents malruciens, le jeunisme languien et la fascination européenne pour les industries culturelles et créatives. Mais c'est également au plan opératoire que des interrogations se font jour : l'introduction dans le secteur culturel du new public management et ses effets sur la définition et la construction des politiques culturelles, la place des opérateurs privés, le statut et le périmètre des « acteurs culturels », et in fine la conception même du destinataire de cette démarche, le jeune de 18 ans, envisagé moins comme un « usager du service public de la culture » (référence en voie d'obsolescence) que comme un consommateur libre de ses choix individuels. Derrière l'invocation rituelle à l'« épanouissement » et à l'« autonomie » du jeune, c'est bien la contribution de la « culture » à des formes de socialisation démocratiques qui est en jeu.
- Recompositions intercommunales : vers des « projets culturels de territoire » ? - François Pouthier p. 120-129 À l'inverse d'une « réconciliation » peut-être insoluble entre démocratisation et démocratie culturelles, les territoires intercommunaux via les EPCI sont en mesure de participer au réenchantement de nos politiques culturelles en proposant une autre manière de conduire l'intervention culturelle territoriale pour de nouvelles formes d'aménagement d'espaces à habiter et à vivre. Ils s'abordent en inter-sectorialité entre les différents segments de l'action publique ; en inter-territorialité avec les différents niveaux de collectivités et la société civile ; en interculturalité avec les personnes qui habitent ces espaces. Ces inter sont situés. Ils posent la nécessité d'une co-production entre les acteurs publics et les personnes dans de nouvelles formes de gouvernance localisées. Voilà qui demande une hybridation entre les pratiques dans une autre égalité et une autre réciprocité des relations. Voilà comment le développement culturel territorial pourrait passer de la différence à la diversité et d'une entité statique à un processus dynamique d'hybridation qui proposerait un projet culturel de territoire sans cesse à réinterroger.
- Le biomimétisme : révolution dans l'architecture ? - Natasha Chayaamor-Heil p. 130-137 Les architectes se sont toujours inspirés de la nature, généralement pour imiter la beauté de ses formes. Les progrès techniques d'observation à très petite échelle permettent aujourd'hui d'avoir une connaissance plus approfondie du fonctionnement de la nature et offrent une source de connaissance et d'inspiration nouvelle pour l'architecture. Le biomimétisme cherche essentiellement à s'inspirer de la nature pour inventer des solutions écologiques. Dans le domaine de la construction, il peut dorénavant s'appliquer à l'architecture à tous les niveaux : matériaux auto-guérisseurs, ventilations passives, systèmes d'auto-régulation, façades bioclimatisées, villes régénératives, etc. Le biomimétisme pourrait offrir une nouvelle voie, très prometteuse, à l'architecture. Laquelle ne donnerait plus uniquement forme et mesure à l'espace, mais pourrait relier le bâti à son environnement, et contribuer ainsi à la résilience de notre civilisation.
- La restitution du patrimoine culturel africain, une chance à saisir - Kassoum Batjeni Soro p. 138-147 Le discours d'Emmanuel Macron sur la restitution du patrimoine culturel africain a donné un nouvel espoir aux Africains dans la quête de restitution de leur patrimoine. Mais pour que la promesse faite par la France ne reste pas lettre morte, les pays de l'Afrique subsaharienne doivent organiser les modalités pratiques de cette opération et opter pour une restitution partielle et progressive. Ils devront s'appuyer sur la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, adoptée le 24 juin 1995 à Rome, qui règle juridiquement cette question. Puis organiser des missions d'expertise et d'inventaire afin de dénombrer avec exactitude les biens. Il faudra ensuite consolider les infrastructures, former les personnels et envisager un certain nombre d'actions tant au niveau régional qu'international. L'enjeu est crucial : reconnaître aux Africains la capacité de conserver leur patrimoine par eux-mêmes.
- Je vais vous raconter… : Mind the Gap ! Pour concilier et réconcilier culture et éducation - Emmanuel Pidoux p. 160-162