Contenu du sommaire : L'honneur

Revue Inflexions Mir@bel
Numéro no 27, 2014/3
Titre du numéro L'honneur
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial - Jean-Luc Cotard p. 7-16 accès libre
  • Dossier

    • Qu'est-ce que l'honneur ? - Hervé Drévillon p. 17-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le temps de la chevalerie jusqu'aujourd'hui, le sentiment de l'honneur a toujours structuré la société des gens de guerre. Pourtant, il paraît impossible d'en délimiter précisément les contours, tant ceux-ci paraissent soumis à l'appréciation de chacun. Cette variabilité confère à l'honneur le caractère d'une pratique sociale, plutôt que d'une norme établie. C'est pourquoi, il peut être mobilisé pour justifier des conduites extrêmement variées, qui peuvent aller de l'obéissance absolue à la rébellion. Au lieu d'en affaiblir la force, la labilité de l'honneur, lui confère la force d'une norme intériorisée. Pour les individus qui s'y soumettent, elle trace entre sujétion et autonomie souveraine du sujet, une voie singulière et particulièrement utile dans les sociétés militaires où le sens du devoir ne se réduit à la stricte soumission au règlement.
      From the time of chivalry to the present day, the feeling of honour has always structured societies of men of war. And yet, it appears impossible to define the boundaries of such a feeling with any precision, such is the extent to which they are assessed differently by each individual. This variability makes honour a social practice rather than an established standard. That is why it can be used to justify extremely varied behaviours ranging from absolute obedience to rebellion. Rather than weakening it, the lability of honour gives it the strength of an interiorised standard. For the individuals who bow to it, it cuts a singular path between subjection and sovereign autonomy, that path being particularly useful in military societies in which the sense of duty is not limited to strict submission to the rules.
    • Entre fierté et devoir - Philippe d'Iribarne p. 31-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'honneur méditerranéen, tel qu'on peut le rencontrer en Afrique du Nord ou en Andalousie, accorde une place centrale à la manière de réagir aux affronts subis. Il exige de ne pas tolérer d'être insulté ou traité de haut. Ces exigences sont d'une tout autre nature que celles d'une morale d'inspiration religieuse, appelant à la vertu, qui peut coexister avec une éthique de l'honneur au sein d'une même société. Par rapport à cet honneur, la forme que l'on observe en France est plus composite. On y retrouve bien le refus de plier, de s'abaisser. Mais s'y mêlent des éléments qui, en d'autres lieux, relèveraient plus du registre de la vertu : une exigence de se dévouer à sa tâche, telle qu'elle est définie par la place que l'on occupe dans la société. On a sans doute affaire à une forme de réinterprétation chrétienne de l'honneur.
      Mediterranean honour, as it can be encountered in North Africa or in Andalusia, gives centre stage to the manner in which to react to affronts. It requires people not to tolerate being insulted or being looked down on. These requirements are quite different from those of morals of religious inspiration, calling on virtue, which can coexist with a code of honour within the same society. Compared with such honour, the form that can be observed in France is more composite. Refusal to give in, and refusal to lower oneself are indeed to be found. But also in the mix are elements that, in other places, would come more within the register of virtue : a requirement to devote oneself to one's task, as that task is defined by the place one holds in society. We are doubtless in the realms of a form of Christian reinterpretation of honour.
    • Une anthropologie de l'échange de violence - Audrey Hérisson p. 37-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « montée aux extrêmes » théorisée par Clausewitz se confronte aux réalités de la guerre pour lesquelles l'escalade de violence semble toujours s'enrayer. Même si parfois la violence atteint des degrés extrêmes, le scénario apocalyptique ne se réalise pas. Pour tenter de comprendre pourquoi, un détour par l'ethnologie et l'anthropologie peut être intéressant. Les enquêtes de Pierre Bourdieu en Kabylie et de Raymond Jamous dans le Rif marocain décrivent un système d'échange de violence illustrant ce mécanisme de montée aux extrêmes. L'honneur est au cœur de ce système qui s'articule avec un autre système basé sur le sacré et chargé de stopper l'escalade de violence. Pour René Girard, la logique sacrificielle permet à une société d'évacuer une violence interne qui prend cycliquement des proportions dangereuses pour sa préservation. Dans cette anthropologie « noire », l'honneur oblige au jeu du défi et du contre-défi qui mécaniquement mène aux extrêmes ; seule une autre violence, celle du sacrifice, permet d'enrayer ce mécanisme.
      The “rise to extremes” theorised by Clausewitz is confronted with the realities of war, the escalation of violence always seeming to be checked for reasons of those realities. Even though violence sometimes reaches extreme degrees, the apocalyptic scenario does not unfold to its conclusion. In attempting to understand why, a detour via ethnology and anthropology can be interesting. The investigations of Pierre Bourdieu in Kabylie and of Raymond Jamous in the Rif in Morocco describe a system of exchange of violence illustrating this mechanism of the rise to extremes. Honour is at the heart of this system that is hinged together with another system that is based on the sacred and that is assigned to stopping the escalation of violence. For René Girard, the sacrificial logic makes it possible for a society to discharge an internal violence that cyclically takes on proportions that are dangerous to its preservation. In this “black” anthropology, honour requires a game of challenge and counter-challenge that mechanically leads to extremes ; only another violence, the violence of sacrifice, makes it possible to check this mechanism.
    • Au nom du nom - Guillaume Carré p. 47-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le sens de l'honneur des samouraïs ou des soldats japonais, que l'on imagine volontiers exacerbé, a pu recouvrir des notions variables au cours d'une histoire marquée durant de longues périodes par la domination de l'aristocratie militaire sur le reste de la société. Alors qu'au Moyen Âge, l'honneur des bushi s'attachait à une renommée acquise par des faits d'armes, à partir du xviie siècle, avec la longue période de paix du régime des Tokugawa, les discours sur « la Voie des guerriers » (bushidô) préférèrent mettre l'accent sur le dévouement envers le seigneur et l'incorporation de valeurs morales liées au confucianisme, tout en régulant la violence potentielle que recelait la défense de leur réputation par les samouraïs. Une partie de cet héritage fut captée après l'ère Meiji pour soutenir la construction d'un État et d'une armée modernes, mais il fallut cependant toute la puissance de la propagande et des médias des années 1930 pour aboutir à l'acceptation par l'ensemble de la société de conceptions de l'honneur et de « l'esprit japonais » intimant à l'ensemble des soldats de l'armée impériale de mourir plutôt que de se rendre.
      The sense of the honour of the Samurai or of Japanese soldiers that we readily imagine to be exacerbated has covered variable concepts down through a history marked for long periods by the domination of the military aristocracy over the rest of society. Whereas in the Middle Ages, the honour of the Bushi was attached to a renown acquired through feats of arms, as from the xviith Century, with the long period of peace of the Tokugawa regime, the line on “the Path of the warriors” (Bushido) preferred to emphasise devotion to the lord and incorporation of moral values related to Confucianism, while also regulating the potential violence underlying the Samurai defence of their reputation. Part of this heritage was channelled after the Meiji era into supporting the construction of a State and of a modern army, but it nevertheless needed the full power of propaganda and of the media in the 1930s to make the whole of society accept the conceptions of honour and the “Japanese spirit” requiring all of the soldiers of the Imperial Army to die rather than to surrender.
    • Crime d'honneur - Françoise Hostalier p. 61-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quelle plus belle valeur que l'honneur ? Ses codes permettent de structurer des codes sociaux au-delà des lois et des structures internationales. L'appartenance à une famille, à une tribu ou à un clan gérés par un code d'honneur peut être synonyme de sécurité, de notoriété ou tout simplement d'existence dans une lignée reconnue. Mais il arrive que le prix à payer soit celui du sang et, en général, du sang des femmes. Depuis l'Antiquité, les crimes d'honneur ont été sublimés et considérés dans l'inconscient collectif comme une catégorie à part : crimes, certes, mais avec des circonstances non seulement atténuantes mais obligatoires. Les temps changent, heureusement, mais lentement, et dans bon nombre de pays, des femmes sont encore victimes de ces pratiques.
      What finer value than honour ? Its codes make it possible to structure social codes beyond laws and international structures. Belonging to a family, to a tribe, or to a clan managed by a code of honour can be synonymous with security, fame, or quite simply existence in a recognised line. But the price to pay can sometimes be blood, and in general the blood of women. Since Antiquity, honour crimes have been sublimated and, in the collective unconscious, they have become considered to be in a category apart : admittedly they are crimes, but with circumstances that are not only mitigating but mandatory. Fortunately, times are changing, but slowly, and, in a good many countries, women are still victims of these practices.
    • L'ethos chevaleresque dans l'éthique militaire aristocratique - Frédéric Chauviré p. 65-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Formé au cours des XIe et XIIe siècles, le modèle de l'honneur chevaleresque s'est imposé à la noblesse française. Il constitue encore, au début de l'époque moderne, un cadre mental qui conditionne en grande partie les pratiques et les usages guerriers, sur le champ de bataille comme en dehors. Le respect de ce code n'est cependant pas sans limites, comme le montrent les guerres de Religion. D'autre part, l'évolution de l'art de la guerre et l'affirmation de l'État induisent l'émergence d'armes, de tactiques et de valeurs nouvelles. La généralisation du feu, le développement de la culture du service et de la professionnalisation des officiers tendent ainsi progressivement à amoindrir la prégnance de l'honneur chevaleresque dans l'éthique militaire de l'aristocratie.
      Formed during the XIth and XIIth Centuries, the chivalric model of honour imposed itself on the French nobility. At the beginning of the modern era, it still constituted a mental framework that preconditioned to a large extent the practices and customs of warriors, on and off the battlefield. However, compliance with this code is not without its limits, as shown by the Wars of Religion. In addition, developments in the art of warfare and the assertion of the State led to the emergence of new weapons, tactics, and values. Generalisation of firearms, the development of the service culture and of professionalisation of officers thus gradually tended to diminish the importance of chivalric honour in the military ethics of the aristocracy.
    • Leipzig : les perceptions de l'honneur dans la grande armée - Walter Bruyère-Ostells p. 75-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Soldats, que ces aigles soient désormais votre point de ralliement. Jurez de mourir plutôt que de les abandonner, jurez de préférer la mort au déshonneur de nos armes. » Ainsi s'exprime Napoléon la veille de la bataille de Leipzig, le 15 octobre 1813. Mais certains généraux de la Grande Armée estiment que le sacrifice de soi a des limites et que la définition de l'honneur n'est pas incompatible avec une paix de compromis. Pour eux, la préservation de leurs hommes est un souci de plus en plus prégnant, un fondement de leur honneur d'officier. Une idée qui s'enracinera au cours du xixe siècle.
      « Soldiers, let these eagles henceforth be your rallying point. Swear to die rather than abandon them, swear to prefer death to dishonour of our arms. » Thus spoke Napoleon on the eve of the Battle of Leipzig, on 15 October 1813. But certain generals in the Grand Army considered that self-sacrifice had its limits and that the definition of honour was not incompatible with peace through compromise. For them, preserving their men was an increasingly important concern, a basis for their honour as officers. This idea took root during the XIXth Century.
    • « Tout est perdu, fors l'honneur » - Jean-René Bachelet p. 85-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Que commande l'honneur ? Lutter jusqu'à la mort – la sienne et celle de ses subordonnés ? Cesser le combat dès lors que cette mort serait dénuée de sens ? Plus encore, la situation étant à coup sûr sans issue, prendre sur soi cette décision de façon que soit au mieux préservée la vie de ses subordonnés ? La réponse à la question semble évoluer dans l'histoire.
      What does honour demand ? To fight to the death – one's own death and the death of one's subordinates ? To stop fighting whenever such death would be devoid of meaning ? Or, going even further, when it is certain that the situation is hopeless, to take it upon oneself to take such a decision so that the lives of one's subordinates can be preserved to as great an extent as possible ? The answer to the question seems to have changed over the course of history.
    • Guerre d'Algérie : l'honneur au risque du désaveu et du déshonneur - André Thiéblemont p. 89-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Durant la guerre d'Algérie, certaines situations ont contraint des hommes d'honneur à des décisions ou à des choix qui les ont conduits à aller jusqu'au bout de leurs convictions et de leurs fidélités, quitte à désobéir ou à se rebeller. Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement de 1958 à 1960 dont l'humanisme évita que le sang coule à Alger durant la semaine des barricades en 1960 et le commandant Georges Robin qui participa au putsch des généraux en avril 1961 furent de ceux-là. Le premier fut désavoué par Paris avant d'être insulté par les Algérois. Le second, comme ses pairs, fut condamné, réprouvé. Mais dans un cas comme dans l'autre, le sens de leur action fut ignoré, incompris. Cet article tente de restituer les situations et les ressorts politiques et moraux qui conduisirent ces deux figures à choisir l'honneur plutôt que les honneurs auxquels ils pouvaient être destinés.
      During the Algerian War, certain situations forced men of honour to take decisions or to make choices that led them to follow their convictions and their loyalties through to very end, even if they had to disobey or to rebel on the way. Paul Delouvrier, Delegate-General of the Government from 1958 to 1960, whose humanism prevented bloodshed in Algiers during the week of the barricades in 1960, and Commandant Georges Robin who took part in the Generals' Putsch in April 1961 were two such men. The former was disavowed by Paris before being insulted by the residents of Algiers. The latter, like his peers, was condemned and reproved. But in both cases, the meaning of their action was not known or was misunderstood. This article attempts to reconstruct the situations and the political and moral motives that led these two figures to choose honour rather than the honours to which they could have been destined to receive.
    • L'honneur de la Légion d'honneur - Jean-Louis Georgelin p. 99-102 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Je veux décorer mes soldats et mes savants », a expliqué Bonaparte en instituant la Légion d'honneur. Il est aisé de percevoir comment un citoyen sous les armes, prêt à faire le sacrifice de sa vie pour la défense de son pays, peut incarner l'honneur et se voir ainsi récompensé. La chose est parfois moins bien comprise dans le cas de mérites émanant de civils. Réflexions du grand chancelier de l'ordre.
      “I want to decorate my soldiers and my scientists & scholars” Bonaparte explained on instigating France's Legion of Honour. It is easy to see how citizens fighting in the armed forces, prepared to make the sacrifice of their own lives in defending their country, can personify honour and be rewarded in this way. It is sometimes less well understood for the merits of civilians. Thoughts by the Grand Chancellor of the Order of the Legion of Honour.
    • Rendre les honneurs - Christian Benoît p. 103-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le cérémonial militaire actuel perpétue un rituel codifié par Louis XIV qui traduit de façon remarquable la pérennité de l'État par-delà les changements de régime. Les honneurs dus au chef de l'État par les armées expriment aujourd'hui l'hommage de la nation à celui qui la représente, comme autrefois ils s'attachaient à celui qui l'incarnait. Ces honneurs sont rendus, dans un mode dégradé selon une échelle graduée, à ceux qui détiennent une part de l'autorité publique ou ont mérité, par leurs actions, la reconnaissance officielle de l'État.
      The current military ceremonial of paying tribute to or honouring perpetuates a rite codified by Louis XIV that translates in remarkable fashion the continuity of the State down through changes in regime. The honouring that is due to the Head of State by the armed forces is today expressed by the tribute that the nation pays to the person who represents it, in the same way as that honouring used to be given to the person who personified the State. Such honouring is given, in degraded mode and on a graduated scale, to those who hold some part of the public authority or who have, through their actions, merited official recognition from the State.
    • À l'affiche - Éric Deroo p. 109-114 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la différence des studios américains, le cinéma français a finalement peu produit de fictions consacrées à la geste militaire nationale. Marquées par les deux guerres mondiales et par les conflits coloniaux, les réalisations françaises s'inscrivent pour la plupart dans une perspective patriotique – grave, exotique, humoristique… – ou au contraire critique. Les productions qui font explicitement référence à l'honneur militaire dans leur titres et contenu n'échappent pas à la règle.
      Unlike the American film studios, the French cinema industry has produced few fictions devoted to national military action. Marked by the two world wars and by the colonial conflicts, the French productions mostly lie within a patriotic perspective - serious, exotic, comic… – or, conversely, critical. The productions that make reference explicitly to military honour in their titles and contents are no exceptions to the rule.
    • L'honneur dans l'œuvre de Pierre Schoendoerffer - Bénédicte Chéron p. 115-124 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il y a comme une évidence à lier l'œuvre de Pierre Schoendoerffer à l'honneur. L'honneur est effectivement un thème qui traverse l'ensemble de son œuvre cinématographique et littéraire, de La 317e section (le roman est publié en 1963 et le film sort en 1965) à Là-Haut (son dernier film, sorti en 2004, adapté du roman du même nom publié en 1981). Le héros « schoendoerfferien » se trouve bien confronté de manière récurrente à la question de sa fidélité à des principes moraux, indispensable pour conserver l'estime qu'il a de lui-même. Au fil de son destin, de la guerre d'Indochine à la guerre d'Algérie, les contours de l'honneur et ses implications pratiques dans la vie des hommes se brouillent pourtant, au point que le cinéaste-écrivain ne parvient totalement à répondre aux questions soulevées sans avoir recours à des références d'ordre spirituel.
      There is something self-evident about linking the work of Pierre Schoendoerffer to honour. Honour is a theme that runs through his entire cinematographic and literary work, from The 317th Platoon (the novel was published in 1963 and the film was released in 1965) to Above the Clouds (his latest film, released in 2004 and adapted from the novel of the same name published in 1981). “Schendoerfferian” heroes are indeed confronted recurrently with the issue of their loyalty to moral principles, essential in keeping the esteem that they have of themselves. As the destinies of these heroes unfold, from the Indochina War to the Algerian War, the outlines of honour and its practical implications in the lives of men become blurred, to the extent that the film-maker and author does not manage to reply fully to the questions raised without using references of a spiritual nature.
    • Un sentiment étranger aux mercenaires ? - Walter Bruyère-Ostells p. 125-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les mercenaires entretiennent un rapport complexe à l'honneur. S'ils méprisent les contraintes éthiques et s'autorisent des pratiques considérées comme déshonorantes (pillage, violence…), ils rejettent surtout le sacrifice personnel ou d'un groupe primaire de combattants sur ordre. En réalité, la construction d'une figure d'honneur est affranchie de l'organisation verticale qui caractérise habituellement un groupe guerrier ; elle l'est également vis-à-vis du devoir de défense d'un territoire (patrie). Sa reconnaissance ne passe que par la valeur individuelle au combat, par le sang-froid face au danger et par la bravoure.
      Mercenaries have a complex relationship with honour. While they show disdain for ethical constraints and allow themselves to perform practices considered as dishonouring (pillage, violence, etc.), above all they reject personal sacrifice or sacrifice of a primary group of combatants to order. In reality, the construction of a figure of honour is free of the vertical organisation that usually characterises a group of warriors ; it is also free of the duty to defend a territory (fatherland). Recognition is only through individual value in combat, through coolheadedness in the face of danger, and through bravery.
    • « Si vous voyez quelque chose, dites quelque chose. » Edward Snowden et l'État de sécurité nationale - John Christopher Barry p. 135-147 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      « Pour trouver l'aiguille dans la meule de foin, il faut prendre toute la meule », dira le général Keith Alexander directeur de la nsa de 2005 à 2014. Le rêve de la nsa de pouvoir collecter, traquer, espionner la moindre communication électronique à l'échelle planétaire est une ambition visant à éliminer toute notion de communication confidentielle et trahit la volonté d'instaurer le premier État de surveillance globalisée de l'histoire. Elle sera dénoncée par Edward Snowden comme « une architecture de l'oppression » qui rejoint ce rêve d'omniscience que le panoptisme de Jeremy Bentham, il y a plus de deux siècles, avait dessiné. « Je ne veux pas vivre dans un monde où tout ce que je dis, tout ce que je fais, toute personne à qui je parle, toutes mes expressions de créativité, d'amour ou d'amitié sont enregistrés. Ce n'est pas quelque chose que je suis prêt à soutenir, ce n'est pas quelque chose à quoi je veux contribuer et ce n'est pas quelque chose à quoi je veux assujettir ma vie. […] Quiconque s'oppose à ce genre de monde a une obligation d'agir. » En dévoilant des milliers de documents de la nsa, Edward Snowden a voulu nous alerter du danger. Quand l'État de droit démocratique s'efface derrière l'État d'exception et la tyrannie, il reste encore à l'individu son refus catégorique de l'inacceptable, son honneur et son estime de soi. Snowden, par son geste téméraire, nous l'affirme.
      “You need the whole haystack to find the needle,” asserts director of the nsa, general Alexander (2005-2014). The nsa's urge to collect, track, spy, target, monitor every bit of electronic communication on the face of the earth is an ambition to eliminate any notion of private communication, and betrays the aim to build the first global surveillance state in history. Snowden will denounce it as “an architecture of oppression” that revives Jeremy Bentham's panopticon, an omniscient dystopian fantasy of two centuries ago. « I don't want to live in a world where everything that I say, everything I do, everyone I talk to, every expression of creativity or love or friendship is recorded. And that's not something I'm willing to support, it's not something I'm willing to build, and it's not something I'm willing to live under. So I think anyone who opposes that sort of world has an obligation to act in the way they can. »By revealing thousands of nsa documents, Edward Snowden wanted to alert us to the danger that lurks. When democratic rule of law recedes in favor of tyranny and its state of exception, what remains within the individual's grasp, is flat refusal of the unacceptable, and one's honour and self-esteem. Snowden's bold gesture asserts this.
    • L'honneur de la vérité - Edgar Morin, Didier Sicard p. 149-157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1948, à un moment où quitter ou être exclu du parti communiste apparaissait comme le suprême déshonneur, Edgar Morin a mis la vérité sur ce qui se passait en Union soviétique devant son intérêt personnel, devant l'obligation de fidélité à un engagement politique, de solidarité, de respect aveugle de la discipline. Il revient pour nous sur cet épisode de sa vie.
      In 1948, at a time when leaving or being excluded from the communist party would have appeared to be the ultimate dishonour, Edgar Morin put the honour of the truth about what was going on in the Soviet Union before his personal interest, before the obligation to be loyal to a political commitment, to show solidarity, and to comply blindly with discipline. He returns to this episode of his life for us.
  • Pour nourrir le débat

    • Avoir été, être et devenir : l'expérience du temps de commandement - Frédéric Gout p. 159-173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le colonel Frédéric Gout livre un témoignage sur sa vision de son expérience d'un temps de commandement d'une unité opérationnelle de l'armée de terre, le 5e régiment d'hélicoptères de combat. Il explique notamment que le rôle du chef de corps s'inscrit avant tout dans le temps long et que ses décisions doivent tenir compte d'un contexte, du passé, sans jamais obérer l'avenir. Trois domaines sont plus particulièrement prégnants : la préparation opérationnelle et les opérations, le rayonnement de son unité y compris au sein de la cité et la prise en compte de tous les aspects humains des plus graves aux plus heureux. Cet article décrit chacun de ces aspects en tentant d'en tirer quelques conclusions pour l'héritage confié par un chef de corps à son successeur.
      Colonel Frédéric Gout gives his vision of his experience of a time for which he was in command of an operational unit of the French Army, the 5th Regiment of Combat Helicopters. He explains, in particular, that the role of the commander slots into a long time frame and that his decisions need to take account of a context, of the past, and without ever threatening the future. Three areas are particularly important : operational preparation and operations ; the influence of his unit including among the “city” at large ; and taking account of all human aspects from the most serious to the happiest. This article describes each of these aspects while attempting to draw some conclusions for the heritage left by a commander to his successor.
    • Saint Maurice, soldat au service du prince - Esther Dehoux p. 175-184 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il y a mille cinq cents ans, le roi burgonde Sigismond fondait une abbaye sur le lieu du supplice de saint Maurice. Il était le premier prince à manifester son attachement au légionnaire venu de Thébaïde, en Égypte, et mort en martyr à Agaune. Après lui, d'autres empereurs, rois ou ducs ont honoré le saint soldat car celui-ci incarne un modèle qui valorise le service du prince et l'obéissance. Les images consacrées à saint Maurice, dans le royaume de France comme dans l'empire, insistent sur ces caractéristiques, mais l'exemple du Thébain peut aussi servir à exhorter le monarque, à lui rappeler qu'il doit veiller à la nature des ordres qu'il donne, à avertir aussi les grands laïcs qui pouvaient être tentés de rejoindre le pape, et même à dénoncer les décisions et volontés du pontife romain.
      1500 years ago, the Burgundian King Sigismond founded an abbey on the place of execution of Saint Maurice. He was the first “prince” to show his attachment for the legionnaire who came from Thebaid in Egypt and died a martyr's death in Agaune. After him, other emperors, kings, or dukes honoured the soldier saint because he personified a model that gave importance to service to the prince and to obedience. The images devoted to Saint Maurice, in the Kingdom of France and in the French Empire, emphasized these characteristics, but the example of the Thebian can also serve to exhort the monarch, to remind them that they should also be watchful about the nature of the orders that they give, and to warn secular leaders who might be tempted to join the Pope, and even to denounce the decisions and wishes of the Roman Pontiff.
    • La Grande Guerre en chansons - Jean-Baptiste Murez p. 185-192 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Qu'elles soient des images vivantes de la vie du soldat, de son quotidien, des souffrances de l'arrière, des rappels de terribles batailles ou des dénonciations du carnage, les chansons de la Grande Guerre sont des témoignages primordiaux pour une meilleure compréhension du conflit et méritent d'être redécouvertes à l'heure du centenaire.
      Whether they be vivid images of a soldier's life, his daily experience, the suffering of the rearguard, reminders of dreadful battles or denunciations of the carnage, songs from the Great War are vitally important as they bear witness to situations that help us better understand the conflict, and so are worth rediscovering in this centenary year.
  • Translation in English

    • The honour of the truth - Edgar Morin, Didier Sicard p. 193-203 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1948, à un moment où quitter ou être exclu du parti communiste apparaissait comme le suprême déshonneur, Edgar Morin a mis la vérité sur ce qui se passait en Union soviétique devant son intérêt personnel, devant l'obligation de fidélité à un engagement politique, de solidarité, de respect aveugle de la discipline. Il revient pour nous sur cet épisode de sa vie.
      In 1948, at a time when leaving or being excluded from the communist party would have appeared to be the ultimate dishonour, Edgar Morin put the honour of the truth about what was going on in the Soviet Union before his personal interest, before the obligation to be loyal to a political commitment, to show solidarity, and to comply blindly with discipline. He returns to this episode of his life for us.
  • Comptes rendus de lecture