Contenu du sommaire : Résister
Revue | Inflexions |
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Numéro | no 29, 2015/2 |
Titre du numéro | Résister |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Jean-Philippe Margueron p. 7-9
Dossier
- La fracture culturelle - Monique Castillo p. 11-20 Résister pour sauver (une civilisation, un régime, une patrie, une histoire…) renvoie, en référence à la Résistance au nazisme, à un engagement moral collectif. Résister pour récuser (une civilisation, un régime, une patrie, une histoire…) signifie, à l'âge postmoderne, l'affirmation de la singularité personnelle contre les contraintes collectives. Une fracture culturelle oppose ainsi deux générations et deux visions du pouvoir. De sorte que le mot « résistance » pourrait bien succomber aux récupérations rhétoriques des luttes partisanes si les deux camps ne se voyaient eux-mêmes contraints de résister à l'indifférence (à la civilisation, au régime, à la patrie, à l'histoire…) qui menace de conduire à un individualisme nihiliste.Resistance in order to save (a civilisation, a regime, one's country, history…), in reference to the Resistance to Nazism, suggests a collective moral engagement. Resistance in order to challenge (a civilisation, a regime, one's country, history…) signifies, in the post-modern age, an affirmation of personal singularity against collective constraints. A cultural divide therefore exists between two generations and two different views of power. The word ‘resistance' could find itself being reclaimed by the discourse of either party, were the two camps not themselves in the position of having to resist indifference (to civilisation, to a regime, to their country, to history…), an indifference that threatens to lead to nihilistic individualism.
- S'engager, un authentique acte de résistance ? - Frédéric Blachon p. 21-25 En vertu de quoi le soldat d'aujourd'hui pourrait-il être considéré comme un « résistant » ? Alors que la condition militaire s'est nettement améliorée depuis les années 1970, que les aspirations d'épanouissement du militaire au travers d'une vie professionnelle et familiale équilibrée ne sont pas foncièrement différentes de celles de ses compatriotes, que sa soif d'aventure ou d'exotisme est partagée par bon nombre de professions, l'acte de s'engager ne semble pas constituer un acte réellement rebelle. S'il convient de se méfier de l'emphase des mots et admettre que le phénomène de banalisation de la vie militaire est un fait sociologique observable, le métier des armes continue néanmoins de faire appel à des valeurs peu valorisées dans une société consumériste et hédoniste. Exercer une profession où l'on peut donner la mort en dehors de toute considération de légitime défense et où la recevoir ne pourra jamais être assimilé à un accident du travail vous range en définitive irrémédiablement dans la catégorie des anticonformistes.On what basis could a present-day soldier be seen as someone who resists? With life in the military dramatically improved since the 1970s, soldiers' hopes for fulfilment through a good work/life balance not vastly different from those of the rest of the population, and their thirst for adventure or the exotic shared by many other professions, enlisting no longer seems to be a real act of rebellion. While not wishing to be too romantic about it, and while accepting that the increasing ordinariness of military life is an observable sociological fact, being a soldier still calls for values that are prized little in a consumerist, hedonistic society. Taking up a profession where you can take life without having to argue legitimate defence, and where your life being taken can never be classed as an accident at work, places you irretrievably in the camp of those who refuse to conform.
- Entre dissidence et résistances. Les officiers face à la défaite de juin 1940 - Rémy Porte p. 27-34 Le faible nombre d'officiers, en particulier d'officiers supérieurs, qui rejoignent le général de Gaulle en 1940 amène à s'interroger sur la capacité d'une institution qui a fait de la discipline l'une de ses valeurs cardinales à se dresser contre l'abandon et le renoncement. Jusqu'à l'automne 1942 et la dissolution de l'armée d'armistice, les ralliements restent extrêmement minoritaires alors même qu'une forme de résistance militaire se développe dans un environnement ambigu en zone « libre », et l'on peut se demander si des caractéristiques « sociales » (âge, situation familiale…) n'influent pas davantage que le statut sur les décisions individuelles.The small number of officers, particularly senior officers, who rallied to General de Gaulle's side in 1940 raises questions about the capacity of an institution that has discipline as one of its cardinal values to prevent people from leaving and rejecting it. Until autumn 1942 and the dissolution of the Army of the Armistice, the number of people joining de Gaulle remained extremely small even though a form of military resistance was developing in an ambiguous environment in the ‘free zone'. One therefore wonders whether ‘social' factors (age, family circumstances, etc.) had more influence than the service regulations on individual decision-making.
- Résister à son poste ? - Claude d'Abzac-Epezy p. 35-44 Après novembre 1942, une armée de l'air sans avions est maintenue à Vichy : près de huit cents officiers et quinze mille sous-officiers et hommes de troupe, placés sous l'autorité du général Carayon, sont chargés de la défense aérienne. Sous le commandement opérationnel de la Luftflotte 3 de la Luftwaffe, ils contribuent à lutter contre les bombardements alliés sur tout le territoire métropolitain. Ces officiers ont reçu l'assurance de leurs chefs qu'ils agissaient en accord avec le général Bouscat, commandant des forces aériennes de la France combattante à Alger, et que leur double jeu servirait à maintenir en France une force aérienne prête, le moment venu, à reprendre le combat de la victoire. À travers cet exemple apparaît un aspect important des itinéraires de résistance des officiers : leur volonté de résistance a été canalisée vers un lointain projet de résistance « institutionnelle » qui ne s'est jamais réalisé. On peut alors se demander si leur hiérarchie militaire les a sciemment maintenus dans cette illusion pour éviter qu'ils ne se dispersent vers d'autres mouvements de résistance.After November 1942, an air force with no aircraft was maintained in Vichy: nearly eight hundred officers and fifteen thousand ncos and men, under General Carayon, were given responsibility for air defence. Under the operational command of Luftflotte 3 of the Luftwaffe, they helped to fight against Allied bombing raids throughout the whole of France. These officers had been assured by their leaders that they were acting in agreement with General Bouscat, commander of the French air force fighting in Algiers, and that their double-dealing would serve to maintain an air force in France, which would be ready when the time came to resume the fight for victory. This example reveals an important aspect of the way the officers dealt with resistance: their willingness to resist was channelled towards a distant plan for”institutional” resistance that would never be realised. One wonders whether their military superiors knowingly maintained this illusion to prevent them from scattering and joining other resistance movements.
- Noblesse oblige - François Scheer p. 45-52 Si l'Allemagne n'eut pas jusqu'au désastre final à connaître l'occupation étrangère, elle vit pourtant elle aussi naître dès les années 1930 une résistance intérieure, tout entière attachée à combattre le système totalitaire mis en place à partir de 1933 par le régime nazi. La seule résistance qui constitua pour le pouvoir hitlérien une menace réelle, jusqu'à assembler tous les éléments d'un coup d'État, fut militaire. Et l'attentat du 20 juillet 1944, souvent évoqué, fut en réalité le moment le plus fort, sinon l'aboutissement, d'une résistance longtemps mûrie au sein des forces armées. La « confession d'un officier antinazi », parue en Allemagne en 1976 et dont la traduction française a attendu trente-six ans, est l'occasion de revenir sur cette résistance allemande très particulière.Although Germany did not experience foreign occupation until its eventual defeat, it did witness the development of its own internal resistance in the 1930s, aimed solely at bringing down the totalitarian system established by the Nazi regime from 1933. The only resistance that posed a real threat to Hitler, to the extent that it had everything needed for a coup d'état, was military. The assassination attempt on 20 July 1944, which has been much discussed, was the finest hour if not the fulfilment of a resistance that had been brewing for a long time within the armed forces. The confessions of an anti-Nazi officer published in Germany in 1976, and not translated into French for another 36 years, offer an opportunity to revisit this very particular German experience of resistance.
- Edmond Michelet, une résistance spirituelle - Nicolas Lemaitre p. 53-64 Edmond Michelet (1899-1970) est un bon représentant d'une génération d'hommes politiques qui se sont engagés dans la Résistance avec efficacité en raison de leur activité au service de l'Association catholique de la jeunesse française. Très tôt sensibilisé par la presse aux dangers des totalitarismes, il a su convaincre ses compagnons de résister alors que la hiérarchie catholique n'y poussait pas. Cet esprit de résistance s'est mué en esprit de miséricorde dans la terrible expérience de la déportation. Revenu par miracle, devenu proche du général de Gaulle, il a entamé une carrière politique pour éviter le retour de la guerre, défendant la réconciliation en France, en Europe et dans le monde par la mise en place de réseaux fraternels dont l'humble action d'explication et de voisinage a facilité l'émergence et le maintien de la culture de la paix. Ses souvenirs de Dachau, Rue de la Liberté (Le Seuil, 1955), révèlent comment le christianisme peut inspirer la résistance à la déshumanisation.Edmond Michelet (1899-1970) is a good example of a generation of politicians who worked effectively in the Resistance through their activities for the French Catholic youth association (Association Catholique de la Jeunesse). Very early on Michelet was made aware by the press of the dangers of totalitarianism, and he persuaded his fellow members to resist even though the Catholic hierarchy was not urging this. This spirit of resistance became a spirit of forgiveness during the terrible experience of deportation. Returning by some miracle, he became a close associate of General de Gaulle, embarking on a political career to prevent the recurrence of war. He championed reconciliation in France, Europe and the world by setting up fellowships whose humble explanatory and neighbourly action facilitated the emergence and maintenance of a culture of peace. His account of his time in Dachau, Rue de la Liberté (Le Seuil, 1955), shows how Christianity can inspire resistance to dehumanisation.
- Résister avec Simone Weil - Martin Steffens p. 65-73 Les contraires de résistance sont, croit-on, l'abandon et l'obéissance. Si, en effet, résister n'est pas abandonner, l'itinéraire de la philosophe Simone Weil (1909-1943) nous montre qu'il n'est de résistance efficace que dans et par l'obéissance. Car, au fond, dans la lutte qui nous oppose au monde, n'est-ce pas lui, le monde, qui commence par nous résister ? La résistante que fut Simone Weil nous aide à comprendre en quoi résister, c'est d'abord se soumettre à la nécessité.We might think that the opposites of resistance are abandonment and obedience. Resisting does mean not abandoning, but the journey of philosopher Simone Weil (1909-1943) shows us that resistance can only be effective in and through obedience. Because ultimately, in the struggle between ourselves and the world, is it not the world that starts by resisting us? Resistance member Simone Weil helps us to understand how we should resist; first and foremost it is by submitting to necessity.
- L'expression ultime de la liberté - Xavier Pineau p. 75-78 En mai 1995, au cours de la crise des otages en Bosnie-Herzégovine, les Serbes encerclent ou saisissent plusieurs postes tenus par les Casques bleus de la Force de protection des Nations Unies. Celui de Krupac, parmi d'autres, résiste aux injonctions des belligérants. Un siège de dix-sept jours commence alors. L'auteur analyse les facteurs qui l'ont conduit à résister à l'ultimatum des Serbes.In May 1995, during the hostage crisis in Bosnia-Herzegovina, the Serbs surrounded or captured a number of posts held by un peacekeepers. The post at Krupac among others resisted the fighters' orders and a 17-day siege began. The author analyses the factors that led to resistance to the Serbs' ultimatum.
- Indochine 1948 : la bataille de Phu Tong Hoa - André Thiéblemont p. 79-83 Le terme « résister » ne figure pas dans le langage tactique militaire tant l'attitude ou le comportement qu'il désigne est une condition implicite d'une action défensive et de nombre de missions : interdire, couvrir, tenir une position… Il reste que l'imaginaire militaire est nourri de résistances épiques, plus ou moins connues du grand public. La bataille de Phu Tong Hoa est sans doute l'un des actes de résistance les plus riches du combat moderne, certes bref et circonstancié : une compagnie parvient à tenir un poste face à plusieurs bataillons du Vietminh. L'épisode n'est pas connu hors du cercle légionnaire. Son héros, le sous-lieutenant Bévalot, aujourd'hui âgé de quatre-vingt-treize ans, n'en a guère tiré gloire. Qu'un hommage discret lui soit ici rendu.The term ‘resistance' does not feature in the language of military tactics because the attitude or the behaviour it refers to is an implicit condition of defensive action and of many types of mission: preventing, covering, holding a position, etc. Nonetheless the military imagination is filled with epic tales of resistance, some better known to the general public than others. The battle of Phu Tong Hoa is undoubtedly one of the greatest acts of resistance in modern combat, short but rich in detail: one company manages to hold a position against several Viet Minh battalions. Little is known of the episode outside the French Foreign Legion. Its hero, Sub-Lieutenant Bévalot, now aged ninety-three, has made little attempt to win glory from it. We intend to pay him discreet tribute here.
- Résister à une tentative de dépersonnalisation - Odile Dujon p. 85-95 Le lieutenant Yvan Dujon a été fait prisonnier le 7 mai 1954 et emprisonné à Cho Chu, un camp vietminh situé à une centaine de kilomètres d'Hanoï. Sa fille raconte ici l'humble héroïsme qu'il lui avait fallu déployer au quotidien pour résister à une tentative de rééducation politique cherchant à le déposséder de son identité. Elle dit comment ce père est revenu, vivant peut-être mais désormais doté d'un nouveau moi, inaccessible, autoritaire et sans tendresse, venant masquer et protéger son être profond, trop blessé et trop à vif pour être désormais exposé sans dommage à autrui.Lieutenant Yvan Dujon was captured on 7 May 1954 and imprisoned at Cho Chu, a Viet Minh camp around a hundred kilometres from Hanoi. His daughter recounts his humble heroism on a daily basis, resisting attempts at political re-education intended to strip him of his sense of identity. She tells how her father returned alive, but with a new self that was inaccessible, authoritarian and lacking in tenderness, to mask and protect his deeper being which was too wounded and raw to be exposed without causing damage to others.
- L'entrée en dissidence - Patrick Clervoy p. 97-107 André Zeller et Jacques de Bollardière : deux hommes qui ne se ressemblent pas, deux officiers généraux face à la complexité algérienne des années 1960, deux actes de rupture à des temps distincts. Chacune de ces deux destinées est singulière d'abord en raison de leur personnalité différente, ensuite des enjeux distincts dans lesquels les hommes furent pris. À bien observer cependant, l'entrée de ces deux militaires en dissidence peut indiquer quelque chose de commun dans leur trajectoire.André Zeller and Jacques de Bollardière: two very different men, two army generals dealing with the complexity of Algeria in the 1960s, two dissident acts at different times. These men's destinies differed partly because of their personalities and partly because the situations they were caught up in were different. However, if we look at them more closely, the point where they became dissidents reveals that the trajectories of these two military men may have something in common.
- De l'acte de résistance à l'endurance : l'exemple de la société Néodyme - Jean-Luc Cotard p. 109-113 Il y a dix ans, cinq trentenaires signaient sur le quai de la gare de Tours les statuts d'une nouvelle société spécialisée dans le conseil en ingénierie dans le domaine du risque industriel : Néodyme. Une success story qui commence d'abord par une révolte, un sentiment violent d'injustice et le refus d'accepter les conséquences d'un mensonge. Une révolte qu'il a fallu transformer en endurance afin de ne pas sombrer sur les écueils.Ten years ago, on the platform of Tours station, five thirtysomethings signed the articles of association of a new company specialising in engineering consultancy in the field of industrial risk: Néodyme. It was a success story that began with a rebellion, a strong feeling of injustice and a refusal to accept the consequences of a lie, a rebellion that had to give way to endurance in order not to founder.
- La fracture culturelle - Monique Castillo p. 11-20
Pour nourrir le débat
- Les canaux de la confiance. La résilience des petits groupes - Vincent Gelez p. 115-123 L'approche de la résilience des petits groupes militaires nécessite d'analyser les mécanismes autostructurants qui accomplissent la cohésion en toute circonstance. Ceux-ci sont à concevoir sous le spectre de l'interaction humaine en tenant compte à la fois du plus subjectif et du plus symbolique. À ce titre, la confiance, sentiment appliqué à un objet, peut-être une piste dans l'économie psychosociale des groupes de petite taille. En effet, elle se comprend à tout niveau : intrasubjectivement par l'estime de soi, entre pairs par le soutien mutuel jusqu'à l'héroïsme, hiérarchiquement par la permanence de la figure d'autorité, collectivement par le partage d'un même ethos civilisationnel. Ces formes de la confiance tissent un maillage en réseau interdépendant, une armature légère, déformable, mais toujours active psychologiquement, qui permet la résilience collective, agir militairement sans jamais se perdre culturellement.Examining the resilience of small military groups means analysing the self-structuring mechanisms that produce cohesion under any circumstances. These mechanisms need to be understood in the context of human interaction by taking account of both the highly subjective and the highly symbolic. Trust, a feeling applied to an object, can be one factor in the psychosocial economy of small groups. It can be understood at every level: within a person (self-esteem), between peers (everything from mutual support to heroism), hierarchically (permanence of an authority figure) and collectively (sharing the same cultural ethos). These forms of trust create a web of interdependence, a light structure that has some ‘give' but is always psychologically active, giving those in the group collective resilience and enabling them to act militarily without ever losing themselves culturally.
- Les OFLAGS, centres intellectuels - Évelyne Gayme p. 125-132 Durant la Seconde Guerre mondiale, vingt-neuf mille officiers français sont retenus captifs en Allemagne. N'ayant pas le droit de travailler, ils trompent leur ennui en se consacrant aux loisirs sportifs et intellectuels. L'organisation intellectuelle dans les oflags prend ainsi rapidement une ampleur étonnante et inattendue : des conférences et des cours sont organisés, des bibliothèques sont constituées. Conférenciers, élèves et professeurs, tous captifs, parviennent à mettre sur pied de véritables universités dont les diplômes furent reconnus après-guerre. Tous les oflags furent des lieux de bouillonnement intellectuel intense. Les conséquences sur la vie quotidienne des captifs ont été multiples, permettant de dépasser la défaite militaire et la capture, de rentabiliser le présent dans le camp et de préparer l'avenir.During the Second World War, twenty-nine thousand French officers were held captive in Germany. They were not allowed to work, so they kept boredom at bay by engaging in sports and intellectual pursuits. Intellectual organisation in the Oflags quickly developed on a surprising and unexpected scale: lectures and lessons were held, libraries were created. Lecturers, students and teachers, all prisoners, managed to set up proper universities, awarding degrees that were recognised after the war. All the Oflags were places of intense intellectual ferment. The impact on the daily lives of the captives was immense, enabling them to move on from their military defeat and capture, use the time in the camp to great benefit, and prepare for the future.
- Les « soldats de Dieu ». Quelle place pour les aumôniers militaires ? - Axel Gougelet p. 133-139 Grâce à leurs racines historiques très profondes, les aumôneries militaires en France conservent une légitimité importante. Les « soldats de Dieu » remplissent, indépendamment de leur culte, des missions variées d'écoute et de conseil qui concourent tant à la cohésion qu'au bien-être des soldats. Une intégration dans la structure militaire qui leur vaut de vivre les transformations de la Défense au même titre que ces derniers, tout en étant l'objet d'attentes importantes de la part de leurs frères et sœurs d'armes. De par cette proximité avec les soldats, ils restent une composante indispensable des armées, à même de faciliter le quotidien et de servir de passerelles entre les différences, qu'elles soient internes ou externes au service des armes.Because their historical roots go back a very long way, military chaplains in France continue to have a high degree of legitimacy. Regardless of their religion, ‘God's soldiers' fulfil varied roles as listeners and counsellors who contribute both to soldiers' cohesion and to their well-being. The fact that they have a place in the military structure means that they have lived through the same changes to defence as the soldiers themselves, though at the same time much has been expected of them by their brothers and sisters in arms. Because of their proximity to the soldiers, they continue to be an essential component of the armed forces, capable of making daily life easier to bear and bridging differences, whether inside or outside the forces.
- Les canaux de la confiance. La résilience des petits groupes - Vincent Gelez p. 115-123
Translation in English
- The cultural divide - Monique Castillo p. 141-150 Résister pour sauver (une civilisation, un régime, une patrie, une histoire…) renvoie, en référence à la Résistance au nazisme, à un engagement moral collectif. Résister pour récuser (une civilisation, un régime, une patrie, une histoire…) signifie, à l'âge postmoderne, l'affirmation de la singularité personnelle contre les contraintes collectives. Une fracture culturelle oppose ainsi deux générations et deux visions du pouvoir. De sorte que le mot « résistance » pourrait bien succomber aux récupérations rhétoriques des luttes partisanes si les deux camps ne se voyaient eux-mêmes contraints de résister à l'indifférence (à la civilisation, au régime, à la patrie, à l'histoire…) qui menace de conduire à un individualisme nihiliste.Resistance in order to save (a civilisation, a regime, one's country, history…), in reference to the Resistance to Nazism, suggests a collective moral engagement. Resistance in order to challenge (a civilisation, a regime, one's country, history…) signifies, in the post-modern age, an affirmation of personal singularity against collective constraints. A cultural divide therefore exists between two generations and two different views of power. The word ‘resistance' could find itself being reclaimed by the discourse of either party, were the two camps not themselves in the position of having to resist indifference (to civilisation, to a regime, to their country, to history…), an indifference that threatens to lead to nihilistic individualism.
- Is enlistment a genuine act of resistance? - Frédéric Blachon p. 151-155 En vertu de quoi le soldat d'aujourd'hui pourrait-il être considéré comme un « résistant » ? Alors que la condition militaire s'est nettement améliorée depuis les années 1970, que les aspirations d'épanouissement du militaire au travers d'une vie professionnelle et familiale équilibrée ne sont pas foncièrement différentes de celles de ses compatriotes, que sa soif d'aventure ou d'exotisme est partagée par bon nombre de professions, l'acte de s'engager ne semble pas constituer un acte réellement rebelle. S'il convient de se méfier de l'emphase des mots et admettre que le phénomène de banalisation de la vie militaire est un fait sociologique observable, le métier des armes continue néanmoins de faire appel à des valeurs peu valorisées dans une société consumériste et hédoniste. Exercer une profession où l'on peut donner la mort en dehors de toute considération de légitime défense et où la recevoir ne pourra jamais être assimilé à un accident du travail vous range en définitive irrémédiablement dans la catégorie des anticonformistes.On what basis could a present-day soldier be seen as someone who resists? With life in the military dramatically improved since the 1970s, soldiers' hopes for fulfilment through a good work/life balance not vastly different from those of the rest of the population, and their thirst for adventure or the exotic shared by many other professions, enlisting no longer seems to be a real act of rebellion. While not wishing to be too romantic about it, and while accepting that the increasing ordinariness of military life is an observable sociological fact, being a soldier still calls for values that are prized little in a consumerist, hedonistic society. Taking up a profession where you can take life without having to argue legitimate defence, and where your life being taken can never be classed as an accident at work, places you irretrievably in the camp of those who refuse to conform.
- The cultural divide - Monique Castillo p. 141-150
Comptes rendus de lecture
- Comptes rendus de lecture - p. 157-174