Contenu du sommaire : Jeux de pouvoirs au Maghreb
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 114, automne 2020 |
Titre du numéro | Jeux de pouvoirs au Maghreb |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - Jeux de pouvoirs au Maghreb
- Jeux de pouvoirs au Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) - Haouès Seniguer p. 9-13 « Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir. » (Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, I, 3) « On se soumet à l'autorité et au pouvoir d'autrui pour plus d'un motif : on est conduits par la bienveillance qu'on nous témoigne, par l'importance des bienfaits reçus, par la supériorité en valeur, par l'espoir d'un profit à en tirer, par la crainte d'être portés à l'obéissance, par l'attente d'un don généreux, par les promesses qu'on nous fait, ou enfin, comme il arrive souvent dans notre république, par vénalité. » (Cicéron, Traité des devoirs, II, VI, paragraphe 22)
- Les services de renseignement au Maghreb : un processus de normalisation complexe et inachevé - Flavien Bourrat p. 15-27 Piliers des systèmes étatiques en place depuis les indépendances, les services de renseignement maghrébins, fortement impliqués à l'origine dans des missions relevant de la police politique, ont vu à partir des années 2000 leurs missions réorientées pour une part importante vers la lutte contre le terrorisme. Ce nouvel objectif a nécessité une adaptation des moyens et des méthodes de ces structures sécuritaires pour mieux faire face à des défis sécuritaires alimentés par un contexte régional toujours plus perturbé. La « normalisation » de ces appareils de renseignement, qui suppose d'inscrire leur action dans le cadre de l'état de droit, reste cependant un processus inachevé dans les trois pays, avec toutefois une différence notoire entre le cas algérien où l'opacité reste globalement la règle et le contexte tunisien d'expérimentation de la démocratie.Pillars of the state systems in place since independence, the Maghreb intelligence services, which were originally heavily involved in political police missions, have seen their missions redirected in the 2000s to a large extent towards the fight against terrorism. This new objective has necessitated an adaptation of the means and methods of these security structures to better face security challenges fuelled by an increasingly disrupted regional context. However, the “normalisation” of these intelligence apparatuses, which presupposes placing their action within the framework of the rule of law, remains an unfinished process in the three countries, with a notable difference between the Algerian case, where opacity remains the rule overall, and the Tunisian context of experimenting with democracy.
- Égalité en héritage et rapport entre État et religion selon le président tunisien Kaïs Saied. Au sujet de son discours du 13 août 2020 - Mohamed Chérif Ferjani p. 29-37 Tout en considérant que l'État n'a pas de religion, Kaïs Saïed affirme que l'État doit respecter la religion de la nation et que les finalités de la charia doivent être prises en considération par la législation. Dans ce cadre, la question de l'égalité en héritage entre femmes et hommes étant, selon lui, clairement tranchée dans le Coran, le débat à son sujet n'a pas lieu d'être. Ce serait un faux débat imposé par l'étranger à la société tunisienne qui s'est soulevée pour la liberté, le droit au travail et la dignité et non pour cette « égalité formelle » opposée à « l'égalité réelle » dans le domaine social et économique. L'article, analyse le discours de Kaïs Saied pour en montrer le caractère conservateur et mystificateur.While considering that the State has no religion, Kaïs Saïed affirms that the State must respect the religion of the nation and that the purposes of Sharia must be taken into account in legislation. In this context, the question of equality in inheritance between women and men being, according to him, clearly settled in the Koran, the debate on this subject is not relevant. It would be a false debate imposed from abroad on Tunisian society, which has risen up for freedom, the right to work and dignity, and not for this “formal equality” as opposed to “real equality” in the social and economic field. The article analyses the discourse of Kaïs Saied to show its conservative and mystifying character.
- Un « modèle » en crise face à « la crise ». La pandémie de la Covid-19, un moment de vérité pour le pouvoir - Najib Akesbi p. 39-54 La crise de Covid-19 est un moment de vérité pour l'économie marocaine, ayant mis en évidence ses problèmes aigus, et cependant connus depuis assez longtemps. La crise du « modèle » était bien là, antérieure à celle du coronavirus, reconnue par l'État et débattue dans la société. Au fond, l'échec de la stratégie de développement poursuivie n'est autre que celui des choix fondamentaux qui ont, tout au long des cinq dernières décennies, accaparé les ressources du pays et structuré son économie. Ce sont ces choix qui se sont révélés non pertinents, contreproductifs et générateurs de multiples effets pervers, plombant durablement cette économie. Or, ces choix ainsi que les politiques conduites pour les mettre en œuvre ont été le fait d'un système politique qui ajoute au déficit de démocratie celui de l'efficacité. En ce sens, il est devenu un véritable obstacle au développement du pays.The Covid-19 crisis is a moment of truth for the Moroccan economy, having highlighted its acute problems, and yet known for quite a long time. The crisis of the “model” was indeed there, prior to that of the coronavirus, recognized by the State and debated in the society. Basically, the failure of the development strategy pursued is none other than that of the fundamental choices that have, throughout the last five decades, monopolized the country's resources and structured its economy. It is these choices that have proved irrelevant, counterproductive and have generated multiple perverse effects, durably plaguing this economy. However, these choices and the policies implemented to carry them out have been made by a political system that adds lack of efficiency to the democratic deficit. In this sense, it has become a real obstacle to the country's development.
- Les islamistes au pouvoir à l'épreuve des libertés individuelles au Maroc - Aziz Chahir p. 55-66 Le parti de la Justice et du Développement (PJD) semble engagé dans un processus réversible de sécularisation qui tend à adapter les intérêts politiques avec les valeurs morales et religieuses. Inspirée de la perspective wébérienne, ma démonstration tente de saisir les tentatives d'intellectualisation et de rationalisation de la question des droits et des libertés individuelles à partir de situations concrètes. Le processus de sécularisation à l'œuvre permet à la monarchie d'opérer une régulation politique qui tend à affaiblir le leadership religieux du PJD et à endiguer les velléités de laïcisation.The Justice and Development Party (JDP) seems to be engaged in a reversible process of secularization that tends to adapt political interests with moral and religious values. Inspired by the Weberian perspective, my demonstration attempts to grasp attempts to intellectualize and rationalize the issue of individual rights and freedoms based on concrete situations. The process of secularization at work allows the monarchy to operate a political regulation that tends to weaken the religious leadership of the JDP and to curb the desire for secularization.
- Retour critique et perspectives futures quatre ans après la « spécialisation » d'Ennahdha - Théo Blanc p. 67-84 La « spécialisation » (takhasus) d'Ennahdha, souvent interprétée comme la sortie de l'islam politique, ne consiste en réalité ni en une rupture idéologique ni en une rupture organisationnelle. Elle constitue avant tout une habile communication politique d'un choix qui s'inscrit dans le temps long du parti et opère une mise en conformité avec la loi. Il s'avère dans ce sens plus pertinent de (re)penser la reconfiguration plutôt que la disparition de l'islamisme. En outre, ce n'est pas la spécialisation mais plutôt le mode de direction autoritaire de Ghannouchi – en particulier sur la question de la réintégration des figures de l'ancien régime – et le bilan socioéconomique négatif d'Ennahdha qui a nourrit la montée d'une double opposition interne et externe (Itilaf al-Karama).The “specialisation” (takhasus) of Ennahdha, often interpreted as the exit of political Islam, in fact consists neither in an ideological nor organisational rupture. It constitutes first and foremost a skilled political communication around a choice resulting from of a long-standing party debate and implementing compliance with the law. It is thus more pertinent to (re)think the reconfiguration rather than the disappearance of Islamism. Moreover, it is not specialisation but rather Ghannouchi's authoritarian decision-making pattern – especially on the issue of reintegration former regime figures – and the poor socioeconomic performance of Ennahdha that nurtured the rise of a twofold internal and external (Itilaf al-Karama) opposition.
- La question laïque au Maroc : religion majoritaire, revendications minoritaires - Badr Karkbi p. 85-95 L'émergence de nouveaux acteurs qui se réclament de la laïcité marque une rupture majeure dans la transformation du champ politico-religieux marocain. L'attention jusque-là focalisée sur le champ religieux officiel (la monarchie), et le contre-champ religieux (l'islamisme), a éclipsé l'analyse d'une nouvelle force ascendante qui se distingue à bien des égards des deux champs précités, soucieuse d'allier une offre universelle (la laïcité) avec une réalité locale. Cette contribution entend combler cette insuffisance à travers une étude diachronique de la laïcité au Maroc, ses acteurs et la gestion du pouvoir de cette nouvelle demande sociétale.The emergence of new actors who claim to be secular shows a significant shift in the Moroccan politico-religious spectrum. The focus on the official religious scene (the monarchy) and the counter-religious scene (Islamism) has overshadowed the scholarly analysis of a new upward force that stands out in many respects from the two aforementioned arenas, eager to align a universal offer (secularism) with a local reality. Musing on the topic, this paper aims to fill this gap through a diachronic study of secularism in Morocco, its actors and the power handling of this new societal demand.
- L'Algérie à l'heure du Hirak : quand le pouvoir rentier s'effrite - Nadji Safir p. 97-108 Alors même que le Hirak algérien est fondamentalement politique, puisque né du refus du projet de cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, sa genèse, elle, évolue dans un contexte caractérisé par des enjeux économiques significatifs. Ces derniers sont entre autres liés à la crise affectant, depuis le milieu des années 2010, le paradigme bi-rentier – de nature politique et économique – qui, longtemps, avait assuré au régime politique une assise relativement stable. Cette crise va avoir des conséquences directes, notamment sur la détérioration du chômage des jeunes et l'émergence d'une précarité qui contribueront à la formation de la base sociale du Hirak. Ses dynamiques vont permettre de dévoiler l'étendue du capitalisme de connivence ainsi que l'ampleur des phénomènes de prédation et de corruption qui règnent dans le pays.While the Algerian Hirak is fundamentally political, since it was born from the rejection of the draft fifth term of office of President Abdelaziz Bouteflika, its genesis is evolving in a context characterized by significant economic challenges. These are linked, among other things, to the crisis affecting, since the mid-2010, the dual-income paradigm – political and economic in nature – which, for a long time, had provided the political regime with a relatively stable base. This crisis will have direct consequences, notably on the deterioration of youth unemployment and the emergence of precariousness which will contribute to the formation of the social base of the Hirak. Its dynamics will reveal the extent of complicit capitalism as well as the extent of the phenomena of predation and corruption that reign in the country.
- Les enjeux de la libéralisation et les autorités de régulation économique au Maroc - Rachid El Bazzim p. 109-120 La libéralisation économique au Maroc se conjugue avec la régulation, qui se fonde sur le discours de la transparence et de la bonne gouvernance. Mais ce processus ne signifie pas le dépouillement du Makhzen de sa légitimité et de ses pouvoirs traditionnels. A contrario, ses mécanismes de contrôle se superposant à ceux de la régulation dans sa forme institutionnelle lui permettent de conserver et de détenir les leviers du pouvoir et de la domination socioéconomique.Economic liberalization in Morocco is combined with regulation, which is based on the transparency and good governance speech. But this process does not mean the stripping of the Makhzen and of its legitimacy and traditional powers. On the other hand, its control mechanisms superimposed on those of regulation in its institutional form, allow it to retain and hold the levers of power and socioeconomic domination.
- Pouvoir et minorités : dualité institutions traditionnelles et institutions de l'État à Aylan (Algérie) - Nora Gueliane p. 121-134 Le M'Zab est marqué par la présence d'un ensemble d'institutions traditionnelles. Celles-ci étaient les seules à avoir un pouvoir à l'intérieur des ksour. Avec l'annexion de la région par la colonisation française (1882), puis l'accession à la souveraineté nationale (1962), ces institutions se sont trouvées face à la réalité de devoir collaborer avec les représentants de la République. Il s'agit, dans un premier temps, de revenir sur les institutions traditionnelles du M'Zab, leurs fonctionnements et leurs rôles. Dans un deuxième temps, nous aborderons les rapports qu'elles entretiennent avec les autorités officielles, entre conflit et collaboration, ainsi que les mécanismes adoptés afin de maintenir leur pouvoir face au monopole de l'État. Pour atteindre nos objectifs, nous avons mobilisé, en plus de la recherche documentaire, l'enquête de terrain qui a été entamée au cours des années 2014, 2015 et 2016.The M'Zab is marked by the presence of a set of traditional institutions and the only ones to have power inside the ksour. With the annexation of the region by French colonization (1882), then accession to national sovereignty (1962), these institutions found themselves faced with the reality of having to collaborate with representatives of the Republic. It is a question, first, of returning to the traditional institutions of M'Zab, their functioning and their roles. Then, we'll discuss the relationship they have with the official authorities, bettween conflict and cooperation and elucidate mechanisms adopted to maintain their power against the State monopoly. To achieve our goals, we mobilized in addition to the literature, the field investigation that was initiated during the years 2014, 2015 and 2016.
- Minorités et politique de la reconnaissance en Algérie. La Kabylie et le Mzab - Ratiba Hadj-Moussa, Mohand Tilmatine p. 135-147 La question des minorités linguistique et religieuse demeure un sujet quasi tabou en Algérie. La mise sous silence des langues berbères et la marginalisation des religions minoritaires sont remarquables par leur durée et leur constance. Cet article analyse certaines réponses des acteurs minoritaires de la Kabylie et du Mzab face aux politiques restrictives des gouvernements algériens successifs. L'analyse s'intéresse aux modes d'inclusion/ exclusion de ces minorités dans la nation et des formes de demandes de reconnaissance. En particulier, le processus de patrimonialisation focalise des enjeux politiques et symboliques autour desquels l'État et les minorités s'affrontent.The question of linguistic and religious minorities is a quasi-taboo subject in Algeria. The silencing of the Berber languages and the marginalization of minority religions have been constant and lasting. This paper focuses on the responses of minority actors from Kabylia and Mzab to the restrictive policies of successive Algerian regimes. Of interest are the modes of inclusion/exclusion of these minorities into the Algerian nation and their claims for recognition. A particular attention is given to the process of heritagization which appears to be the terrain of political and symbolic stakes around which the State and the minorities confront each other.
- Le pouvoir de l'allégeance au Maroc : rhétorique d'un rituel politique - Sara Mejdoubi p. 149-161 Le pouvoir met en place un ensemble d'outils utile à son maintien et à sa pérennité. Ce travail vise à aborder le rituel de l'allégeance comme l'un des outils du pouvoir monarchique au Maroc. Considérée comme un système de signes, l'allégeance est soumise à une analyse sémiologique afin de rendre manifestes les signes et leur dimension signifiante en relation avec des imaginaires sociaux nécessaires à l'identité et à l'intercompréhension. Cette démarche tend ainsi à expliciter le fonctionnement du pouvoir de l'allégeance en définissant le plan de dénotation et le plan de connotation des signes affichés lors de ce rituel.Power uses a variety of tools for maintaining control and sustainability. In this work, we revisit the ritual of the allegiance as one of the tools of the Monarchical power in Morocco. We perform a semiotical analysis of the allegiance, considered as a sign system, in order to uncover the numerous signs and the relationship between its dimensions and the imaginaries that are necessary to identity and Intercomprehension. We make explicit the functioning of the power of the allegiance by defining the plan of denotation and the plan of connotation of the exposed signs during this ritual.
- Le rôle du Hirak à l'étranger : une renaissance de la diaspora algérienne ? - Hayette Rouibah p. 163-175 L'histoire de la diaspora algérienne est étroitement liée à l'immigration en France. Cette dernière s'est caractérisée par une conscience nationale dans le sillage de la guerre de libération nationale. Après l'indépendance, le profil de l'immigration algérienne a changé, mais les liens sont restés solides avec le pays des ancêtres. Le mouvement populaire (Hirak) qui a commencé le 22 février 2019 a donné les prémices d'une nouvelle organisation et une consolidation de ces liens. En effet, les Algériens de l'étranger se sont organisés dans des collectifs et des associations pour mieux soutenir « la révolution du sourire », participer à la transition démocratique et au changement (encore incertain) de système. Pour ce faire, un vrai travail de sensibilisation est mis en œuvre, des débats, des marches hebdomadaires, des rassemblements, sont régulièrement organisés devant les instances et organismes internationaux, et témoignent de la ferveur de cette nouvelle dynamique. Le Hirak a ainsi réussi à rassembler les Algériens de l'étranger sur le même objectif : la construction de la 2e république.The history of the Algerian diaspora is linked to the Algerian immigration in France. It was characterised by a national consciousness during the national liberation war. After the Algerian independence, immigration profile has changed, but the bounds with the homeland have remained strong. The popular movement since February 22nd, 2019 (Hirak) gave the beginning of a new reorganization and a consolidation of those links. Indeed, the Algerian community have organized itself into collectives and associations in order to give its support to the popular movement and participate in the Algerian system change. So, real awareness-raising work was carried out. Hirak has succeeded in bringing Algerian community together for the same objective: the construction of the 2nd republic.
- Les mobilisations des associations de familles et proches des disparus de la décennie noire en Algérie - Soraya Laribi p. 177-188 Durant les années 1990 en Algérie, période communément appelée « la décennie noire », plusieurs violences commises dans le cadre de l'affrontement entre les groupes islamistes armés et les agents des services de sécurité de l'État aboutissent à des disparitions forcées. Les familles et les proches des victimes vont d'emblée former des associations et se mobiliser afin de réclamer à l'État algérien des informations, constituer les dossiers individuels des disparus, puis vont se tourner vers les institutions internationales. Limités par la loi de 2012 sur les associations, les familles et les proches dont les actions, les rassemblements et les rituels de deuil sont bien souvent prohibés, deviennent des acteurs essentiels du Hirak qui commence en février 2019.During the 1990s in Algeria, a period commonly referred to as the ‘‘Black Decade'', several acts of violence committed in the context of the confrontation between armed Islamist groups and State security forces resulted in enforced disappearances. The families and relatives of the victims immediately began forming associations and taking action to demand information from the Algerian State, compiling individual files on the people who had disappeared, and subsequently turning to international institutions. Limited by the 2012 law on associations, families and relatives, whose actions, gatherings and mourning rituals are often prohibited, have become essential protagonists of Hirak, which began in February 2019.
- Jeux de pouvoirs au Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) - Haouès Seniguer p. 9-13
Variations
- Mobilisations ouvrières et syndicalisme indépendant en Égypte après le soulèvement de 2011 - Françoise Clément p. 191-207 De 2011 à 2014, les pouvoirs successifs - Conseil Suprême des Forces Armées, Présidents Morsi puis Sissi - ont œuvré à faire cesser les grèves, limiter l'influence des nouveaux syndicats indépendants et réduire les droits des salariés, particulièrement dans les entreprises passées sous contrôle de l'Armée. Ils ont également réprimé les militants et avocats défendant les salariés. Grâce aux aides suivant sa dévaluation de moitié de la Livre en 2016 et à sa gestion pragmatique des émeutes dues aux hausses de prix, Sissi a pu contenir la grogne sociale. L'échec relatif des syndicats indépendants peut être recherché tant dans la division entre leaders concurrents que dans le chantage à l'union sacrée, exigée par l'Armée comme par les Frères, au nom du respect des martyrs et de la reprise économique. Plus profondément, la « révolution » de 2011 n'a pas ébranlé le paternalisme du Pacte social hérité du Nassérisme : le travail restant dévalorisé, ses organisations doivent servir la société avant les travailleurs.From 2011 to 2014, The Supreme Council of Armed Forces as well as the President Morsi and Sissi, worked hard to put an end to the strikes, to limit the impact of the new independent unions and to restrain the workers rights, especially in firms that had come under the control of the Army. They have also repressed lawyers and human rights activists defending the workers. Thanks to aids following the 50 % depreciation of the Pound in 2016 and its pragmatic management of the riots due to rpice increases, Sissi was able to contain the social protest. The relative failure of the independent unions can be seen both in the division between competing leaders as well as in the blackmail of the sacred union, claimed both by the army and the Muslim Brothers, in the name of the martyrs and the economic revival. More profoundly, the 2011 “revolution” has not shaken the paternalism of the Social Pact inherited from Nasserism: since labor remains devalued, its organizations must serve society before the workers.
- Quel monde d'après pour l'Union européenne ? - Jean-François Coustillière p. 209-222 Les États-Unis ont, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, imposé leur imperium au monde occidental, voire à la planète, usant intelligemment de la crainte inspirée par le pouvoir soviétique et profitant de l'effondrement des empires européens, qu'ils savaient aussi exploiter et même soutenir dans leurs revendications indépendantistes. Les relations internationales s'inscrivaient alors dans un environnement bipolaire Est-Ouest. Avec l'effondrement de l'URSS, de bipolaire le monde est devenu multipolaire. Les États-Unis se sont alors convaincus qu'ils avaient la charge de la direction de ce nouveau monde et devait en être les gendarmes, imposant leurs choix et leur façon de vivre. Le XXIe siècle a vu émerger de nouvelles puissances, la Chine et d'autres, qui remettent en question cette vision. Dans ce nouveau monde, aux prises avec la violence et les conflits, l'Union européenne doit, pour sa survie même, faire des choix afin de défendre ses intérêts et ses valeurs, de façon autonome. La pandémie que nous subissons tout autant que les crises qui agitent la Méditerranée, tant centrale qu'orientale, illustrent l'urgence qu'il y a à créer les outils de cette indépendance qui dépend de nos capacités économiques, diplomatiques et de défense.Since the end of the World War II, the United States has imposed its imperium on the Western world, indeed on the planet, intelligently using the fear inspired by Soviet power and taking advantage of the collapse of European empires, which it also knew how to exploit and even support in its independence claims. International relations were then part of a bipolar East-West environment. With the collapse of the USSR, the world went from bipolar to multipolar. The United States then became convinced that it was in charge of leading this new world and should be its policeman, imposing its choices and way of life. The 21st century has seen the emergence of new powers, China and others, which are challenging this vision. In this new world of violence and conflict, the European Union must, for its very survival, make choices to defend its interests and values autonomously. The pandemic that we are experiencing as much as the crises that are shaking the Mediterranean, both central and eastern, illustrate the urgency of creating the tools for this independence, which depends on our economic, diplomatic and defence capabilities.
- Mobilisations ouvrières et syndicalisme indépendant en Égypte après le soulèvement de 2011 - Françoise Clément p. 191-207
- Notes de lecture - p. 224-235