Contenu du sommaire : Angoisse
Revue | Tracés |
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Numéro | no 38, 2020/1 |
Titre du numéro | Angoisse |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- De l'individu au politique. L'angoisse comme régime d'expérience - Annabelle Allouch, Christelle Rabier, Clémentine Vidal-Naquet p. 7-28 Alors que l'angoisse comme catégorie est abondamment mobilisée pour désigner une sensation corporelle de mal-être propre à l'individu, ce numéro de Tracés propose de se pencher sur l'angoisse comme régime d'expérience face à l'incertitude, à partir des outils non plus de la psychanalyse mais des sciences humaines et sociales. Les articles du numéro abordent ainsi les logiques qui sous-tendent les modes de manifestation de l'angoisse, en prenant en compte leurs dimensions à la fois corporelle, discursive et esthétique. On revient en particulier sur la question du caractère socialement situé de l'expression de l'angoisse (dépendantes à la fois d'un contexte institutionnel et de dispositions individuelles), mais aussi de leur caractère genré. Toutefois, l'analyse des manifestations de l'angoisse suppose d'abord de s'interroger sur leurs conditions de son objectivation dans le discours médical mais aussi par les sciences humaines et sociales prises dans leur diversité. Si le discours psychanalytique s'est imposé au fil du XXe siècle comme le principal vecteur pour penser l'angoisse comme ontologique et en cela fondamentalement différenciée de la peur (quant à elle toujours rattachée à un objet), l'apport de la philosophie existentialiste (Kierkegaard, notamment) permet de penser l'angoisse comme l'expérimentation par l'homme de l'infinité des possibles. Catégorie savante, l'angoisse est aussi une catégorie ordinaire désignant une émotion qui peut être considérée comme fondatrice autant d'un groupe social que de modes d'action politiques. Alors que l'angoisse tend à être réduite à un processus propre au sujet, le parti pris de notre numéro a donc été de repenser cette émotion à l'aune du collectif, c'est-à-dire d'en faire le signe d'un régime émotionnel partagé dans un espace et à une époque donnée. Si « éprouver de l'angoisse » ressort davantage du corps et de l'incorporé, se dire angoissé reviendrait à bénéficier de catégories d'entendement du monde social, notamment issues de la psychanalyse, qui contribuent non plus seulement à qualifier de pathologique son rapport au monde, mais plutôt à affirmer dans l'espace public (après l'espace privé) la légitimité de la singularité tortueuse et douloureuse de ce rapport.While anxiety as a category is often used to designate a bodily sensation of discomfort peculiar to the individual, this issue of Tracés proposes to look at anxiety as a regime of experience in the face of uncertainty, no longer using the tools of psychoanalysis but those of the human and social sciences. The articles in the issue thus address the logics underlying the modes of manifestation of anxiety, taking into account their dimensions, which are at once corporeal, discursive and aesthetic, in original articles, an interview and a graphic work. The editorial returns in particular to the question of the socially situated nature of the expression of anguish, depending both on an institutional context and individual dispositions, but also their gendered aspect. However, analysing the manifestations of anxiety implies first of all questioning the conditions of its objectivation in medical discourse but also by the human and social sciences in all their diversity. If psychoanalytical discourse has imposed itself throughout the 20th century as the main vector for thinking of anguish as ontological and in this respect fundamentally different from fear (which is always linked to an object), the contribution of existentialist philosophy (Kierkegaard, in particular) allows us to think of anguish as man's experimentation with the infinity of possibilities. As a learned category, anguish is also an ordinary category designating an emotion that can be considered as founding as much of a social group as of political modes of action. While anguish tends to be reduced to a process specific to the subject, the bias of our issue has therefore been to rethink this emotion in the light of the collective, that is to say, to make it the sign of a shared emotional regime in a given space and at a given time. If “experiencing anguish” comes out more from the body and the incorporated, to call oneself anguished would be to benefit from categories of understanding of the social world, notably those coming from psychoanalysis, which contribute not only to qualify its relationship to the world as pathological, but rather to affirm in the public space (after the private space) the legitimacy of the tortuous and painful singularity of this relationship.
Articles
- Angoisse, mélancolie et individuation : une généalogie du sujet moderne entre histoire de l'art et philosophie - Lara Bonneau p. 31-43 En se concentrant sur la question du rapport de l'individu à la forme et aux formes, la science de l'art (Kunstwissenschaft) d'Aby Warburg permet l'élaboration d'une généalogie singulière de l'angoisse, qui souligne le rôle crucial de cet affect pour comprendre la subjectivité moderne. Entretenant un dialogue avec Ernst Cassirer quant à la nécessité d'une philosophie des « formes symboliques », Warburg postule qu'un basculement de la phobie à l'angoisse a lieu par la création artistique ; en ce sens, l'angoisse ne témoigne du rapport du sujet à l'être que parce qu'elle implique plus originairement un rapport du sujet à la forme et à l'informe. C'est depuis une pensée de l'individuation entendue comme prise de forme ontogénétique que l'on se propose d'articuler le rapport à l'être et le rapport à la forme, dans une perspective qui fait droit au devenir. La philosophie de Gilbert Simondon peut alors éclairer l'entreprise warburgienne. L'angoisse apparaît comme un affect particulièrement prégnant, en tant qu'elle marque un coup d'arrêt dans l'individuation du sujet et lui révèle le vertige non du néant de l'être mais de sa propre prise de forme. Simondon indique toutefois de manière énigmatique que l'angoisse peut être « départ de l'être », ce que l'histoire de l'art d'Aby Warburg et la philosophie cassirérienne de la culture peuvent, réciproquement, contribuer à éclairer.By focusing on the link between individuals and forms, Aby Warburg's science of art (Kunstwissenschaft) allows the development of a unique genealogy of anxiety, which underlines the crucial role of this affect in understanding modern subjectivity. Entering into a dialogue with Ernst Cassirer on the need for a philosophy of “symbolic forms”, Warburg postulates that a shift from phobia to anxiety takes place through artistic creation. In this sense, anxiety reflects the subject's relationship to being only because it more originally implies a relationship of the subject to form and to the absence of form. Thus, starting from an understanding of individuation as an ontogenetic taking of shape, we propose to articulate the relationship to being and the relationship to form, from a perspective that gives right to becoming. Gilbert Simondon's philosophy of individuation can then shed light on the Warburgian enterprise. Anxiety appears as a particularly significant affect, as it marks a stop in the individuation of the subject and reveals to him the vertigo not of the nothingness of being but of his own taking shape. Simondon, however, enigmatically indicates that anxiety can mark a new “beginning of being”, an idea that Aby Warburg's art history and Cassirer's philosophy of culture can, in turn, help to clarify.
- « I suppose we will hear more about you, Mr Lee ». Angoisse, politique et trouble colonial dans les dernières années de la Singapour britannique - Thomas Brisson, Camille Noûs p. 45-61 Existe-t-il une forme d'angoisse propre aux dominants ? Si oui, comment peut-on l'appréhender et à quelles configurations politiques peut-on la rattacher ? En partant de ces questions, l'article propose une relecture des mémoires de Lee Kwan Yew, le père fondateur de Singapour, en s'intéressant à la place prépondérante qu'y occupe l'angoisse. Il montre que cette angoisse est propre à la situation (post-)coloniale de la cité-État et à la position désaxée des élites locales qui, comme Lee, sont socialement et économiquement de purs produits de l'occupation britannique, tout en étant politiquement engagées dans le combat pour l'indépendance. Pour ce faire, l'article propose une méthode originale qui consiste à appréhender l'angoisse à partir d'un paradigme indiciaire, proche de celui développé par la microhistoire et la psychanalyse, capable de faire sens d'évènements en apparence banals, de lapsus ou d'actes inconscients.Is there a form of anxiety specific to those who are in power? If so, how can political science account for it? Premised on these questions, the article offers a critical reading of the place of anxiety in the Memoirs of Lee Kuan Yew, the founding father of Singapore. It shows that the anxiety that pervades the book is peculiar to the (post-)colonial situation of the City-State and to the position of the local elites who, like Lee, were pure products of the British occupation, socially and economically speaking, while being politically involved in the struggle for independence. To do so, the article proposes an innovative methodology consisting in understanding anxiety on the basis of an indexical paradigm, similar to that developed by micro-history and psychoanalysis, in order to make sense of seemingly banal events, slips of the tongue or unconscious acts.
- Faire du stress son métier : l'anxiété de performance chez les interprètes de musique classique - Cassandre Ville p. 63-82 Au cours de leur formation, les étudiant-e-s en interprétation de musique classique acquièrent une maîtrise instrumentale poussée et de solides connaissances théoriques. Ils et elles sont également amené-e-s à s'entraîner à se produire sur scène au travers de multiples concerts, récitals et auditions. Nombreux sont celles et ceux qui éprouvent de l'angoisse lors de ces événements. Les termes trac et stress sont très répandus pour parler de ces difficultés et la prolifération d'articles et d'ateliers témoigne d'un intérêt croissant pour ce sujet dans le milieu de la musique classique. Dans cet article, nous proposons de réfléchir à la place du stress lié à la performance musicale et à sa gestion par les interprètes. À partir de l'ethnographie d'une faculté de musique classique québécoise, nous analysons les discours et les pratiques qui participent à la définition mouvante du concept même de stress. La manière par laquelle les interprètes expliquent et s'approprient les discours scientifiques sur ce concept révèle une conceptualisation du stress comme étant une composante à part entière de la profession et de fait, inévitable. Défini comme ayant des effets néfastes seulement en l'absence de contrôle sur soi, le stress correspond finalement à une manière de décrire le travail émotionnel que les interprètes doivent effectuer. Cette recherche révèle en outre la construction d'un état physique et mental idéal pour monter sur scène, véhiculant dès lors une injonction à l'excellence ainsi qu'un discours sur l'art et sur la profession. Cet article contribue à mieux comprendre les effets tant normatifs que prescriptifs que peuvent porter en leur sein les angoisses et les peurs sociales lorsque celles-ci sont mises en mots et font l'objet d'une forme d'institutionnalisation.In the course of their training, students of classical music performance acquire thorough mastery of their instruments and solid theoretical knowledge. They are also trained to perform on stage by giving multiple concerts, recitals and auditions. Many of them experience anxiety at these events. The terms “stage fright” and “stress” are widely used to refer to these difficulties, and the proliferation of articles and workshops shows a growing interest in this subject in the classical music community. In this article, we propose to reflect on the place of stress in relation to musical performance and its management by performers. Based on the ethnography of a classical music faculty in Quebec, we analyse the discourses and practices that contribute to the changing definition of the very notion of stress. The way in which performers explain and appropriate the scientific discourse on this notion reveals a conceptualization of stress as an integral and, indeed, inevitable component of the profession. Defined as having harmful effects only in the absence of self-control, stress is ultimately a way of describing the emotional work that interpreters have to undertake. This research also reveals the construction of an ideal state – both physical and mental – for going on stage, thus conveying an injunction to excellence as well as a discourse on the profession and, more generally, on art. This article contributes to a better understanding of normative as well as prescriptive effects that social anxieties and fears can have when they are put into words and subjected to a form of institutionalisation.
- Le désengagement impossible. L'angoisse des professeurs des écoles débutants - Ludivine Balland p. 83-101 L'angoisse des professeurs des écoles débutants s'exprime dans la tension entre des aspirations à être et une position vécue comme intenable. En s'appuyant sur une sociologie de la socialisation et une sociologie des institutions, et à partir d'une enquête de type ethnographique, cet article montre que l'angoisse est un rapport malheureux et socialement situé à une position. Elle peut être reliée à des fondements sociaux et notamment à des dispositions sociales plus ou moins propices à l'expression de crises d'angoisse. Elle relève aussi d'un fonctionnement institutionnel dont la forme s'impose aux corps et vient travailler ces dispositions. Cet article montre aussi l'importance du corps dans ces tensions. Ne pouvant rester ni ne pouvant s'extraire, les débutants expriment par le corps un désengagement impossible.The anxiety of novice schoolteachers is expressed in the tension between aspirations to be and a position experienced as untenable. Drawing on a sociology of socialization and a sociology of institutions, and based on an ethnographic study, this article shows that anxiety is an unhappy relationship that is located in a social position. It can be linked to social foundations and in particular to social arrangements more or less propitious to the expression of anxiety attacks. It also comes from an institutional mode of functioning whose form is imposed on bodies and shapes these arrangements. This article also shows the importance of the body in these tensions. Unable to stay or to get out, novices express an impossible disengagement through the body.
- Face à l'angoisse écologique : stratégies émotionnelles et engagements épistémiques en sciences de l'environnement - Lucas Brunet p. 103-122 Alors que les connaissances sur la crise écologique s'accumulent, les écologues s'angoissent, attristés par les destructions d'espaces naturels, impuissants face à un futur qui échappe à leur contrôle et qui fait redouter des malheurs graves. À la croisée de la sociologie des affects et des émotions, de la sociologie des sciences et de la sociologie des mobilisations, l'article étudie les chercheurs ayant travaillé sur les notions de services écosystémiques et de compensation écologique. Il montre que ces écologues, ainsi que leurs collègues qui étudient la protection de la nature, font l'expérience de l'angoisse écologique de différentes manières et qu'ils développent des stratégies variées pour gérer cette angoisse. Pour ce faire, une définition opérationnelle de l'angoisse écologique ainsi qu'une méthode d'analyse de son expression et de sa gestion sont proposées. En mobilisant la notion d'engagement épistémique, l'article propose de concevoir le travail de production de certaines connaissances comme un engagement éthique et politique à part entière et documente comment le travail des chercheurs permet (ou non) de répondre à l'expérience désagréable de l'angoisse. Selon leurs engagements épistémiques, les chercheurs impliqués dans les situations étudiées peuvent : i) relativiser leur angoisse écologique en soulignant le dynamisme des écosystèmes ; ii) reconvertir leur angoisse écologique en espoir de réconcilier l'économie et l'écologie ; iii) partager et extérioriser leur angoisse par l'intermédiaire de dispositifs de sensibilisation. L'adoption de ces stratégies reflète l'affinité des chercheurs pour certaines politiques de conservation de la nature.While knowledge about the ecological crisis is increasingly detailed, ecologists are anxious, saddened by the destruction of natural areas, and powerless in the face of a future that they cannot control and which makes them fearful of serious tragedies ahead. At the crossroads of the sociology of affects and emotions, the sociology of science and the sociology of mobilisations, the article studies the scientists who have worked on the concepts of ecosystem services and ecological offsetting. It shows that these ecologists, as well as their colleagues who study the protection of nature, experience ecological anxiety in different ways and that they develop various strategies to manage this anxiety. An operational definition of ecological anxiety, as well as a methodology for analysing its expression and its management, are presented to this end. Drawing on the notion of epistemic commitment, the article proposes to conceive of knowledge production as an ethical and political commitment, and documents how scientists' work enables them (or not) to respond to the unpleasant experience of anxiety. According to their epistemic commitments, the scientists involved in the situations investigated can thus : i) put their ecological anxiety into perspective by emphasising the dynamism of ecosystems; ii) convert their ecological anxiety into a hope of reconciling economy and ecology; iii) share and express their anxiety through awareness-raising schemes. The adoption of these strategies reflects the affinity of scientists for specific nature conservation policies.
- Angoisse, mélancolie et individuation : une généalogie du sujet moderne entre histoire de l'art et philosophie - Lara Bonneau p. 31-43
Dessin
- L'autre côté - Claire Le Men p. 125-128 Un chat réagit devant une porte fermée…A cat reacts in front of a closed door…
- L'autre côté - Claire Le Men p. 125-128
Traduction
- Angoisse : genèse d'un récit - Anthony Stavrianakis, Laurence Tessier p. 131-138 Angoisse. Histoire du parcours d'une mourante (1970) est une illustration de la grounded theory (théorie ancrée) déjà travaillée par les sociologues Anselm Strauss et Barney Glaser dans Awareness of Dying (1965) et Time for Dying (1968). Plus rarement citée que ces deux derniers, Angoisse est le récit des deux derniers mois de vie de Mme Abel, mourant d'un cancer dans un service hospitalier entre la fin de l'automne 1963 et l'hiver 1964. Nous nous intéressons particulièrement à deux aspects de ce texte. Comme un document d'abord, qui nous offre de précieux détails sur un moment historique caractérisé par une réflexion nouvelle de la part de cliniciens et de chercheurs sur la manière dont la mort arrive à l'hôpital. Nous soulignons ensuite les problèmes méthodologiques et éthiques soulevés par le récit d'Angoisse dans lequel Glaser et Strauss nous racontent l'histoire de Mme Abel à partir des discussions que Strauss a eues avec les deux infirmières chercheuses Shizuko Fagerhaugh et Shirley Teale, qui ont pris soin de la patiente. L'écart qui existe entre, d'une part, l'expérience effective du « cas » par les deux infirmières et, d'autre part, le récit et l'analyse qu'en font les deux sociologues pose des questions aux chercheurs en sciences sociales sur la manière d'aborder l'angoisse et la mort qui arrive comme objets d'observation et de réflexion.Anguish: The Case History of a Dying Trajectory (1970) is an exemplification of the grounded theory approach already developed by the sociologists Anselm Strauss and Barney Glaser in Awareness of Dying (1965) and Time for Dying (1968). A work less commonly cited than the two earlier books, Anguish tells the story of the last two months in the life of Mrs. Abel, dying of cancer on a hospital ward between late autumn in 1963 and the first months of 1964. We take a particular interest in two aspects of the work: first as a document that offers precious details of a historical juncture characterised by medical practitioners and researchers thinking in a new way about the occurrence of death in hospitals. Secondly, we underline the methodological and ethical issues raised by the narrative of Anguish, in which Glaser and Strauss tell us Mrs. Abel's story based on a series of interviews between Strauss and the two nurse researchers, Shizuko Fagerhaugh and Shirley Teale, who took care of her. The distance of Glaser and Strauss from the case, mediated through a ready-made theoretical apparatus, and the thoughtful interpretations of the two nurse researchers pose questions for social science researchers about how to approach anguish and dying as objects of observation and thought.
- Angoisse. Extraits - Anselm Strauss, Barney Glaser p. 139-151 Angoisse. Histoire du parcours d'une mourante (1970) est issue des discussions entre le sociologue Anselm Strauss, Shirley Teale et Shizuko Fageraugh, toutes deux infirmières et chercheuses de terrain, à propos de l'histoire d'une femme, Mme Abel, se mourant à l'hôpital et accompagnée lors des deux derniers mois de sa vie par les deux infirmières-chercheuses. Barney Glaser et Anselm Strauss nous présentent ces discussions, comprises et analysées grâce à la grounded theory (théorie ancrée) développée par les deux sociologues. La mise en récit s'effectue selon trois niveaux : l'histoire de Mme Abel mourant d'un cancer dont la douleur et l'angoisse devant la mort se mêlent à une prise en charge troublante de la part du personnel médical ; l'observation et l'interprétation par les deux infirmières-chercheuses de la souffrance d'une patiente dont elles ont aussi pour mission de prendre soin ; enfin c'est à un niveau sociologique l'occasion d'une réflexion sur la manière dont les chercheurs prennent la souffrance des autres comme objet d'enquête et de réflexion.Anguish: The Case History of a Dying Trajectory (1970) presents discussions between two women, Shirley Teale and Shizuko Fagerhaugh, both nurses and researchers, and the sociologist Anselm Strauss, about the story of a woman, Mrs. Abel, dying in the hospital and accompanied by the two nurse researchers in her last months. Strauss presents the discussions with his collaborator Barney Glaser, within the framework of the grounded theory approach they developed. It is a story that operates on at least three levels: the story of Mrs. Abel as a woman dying of cancer in 1963-1964, whose pain, concerns and anguish are enfolded within a troubling configuration of medical attitudes towards her experience; on a second level it is the story of the two nurses who endeavour to observe and interpret the suffering of someone they are charged with caring for; and finally on a sociological level, a question is posed as to why and how researchers take the pain of others as an object of inquiry.
- Angoisse : genèse d'un récit - Anthony Stavrianakis, Laurence Tessier p. 131-138
Entretien
- Accompagner des mineur-e-s transgenres et leurs parents. Manifestations et clinique de l'angoisse - Agnès Condat, Annabelle Allouch, Nicolas Rabain p. 155-171 Comment la psychanalyse et la psychiatrie définissent-elle l'angoisse et accompagnent-elles les personnes et leur entourage ? À partir du cas des parcours de transition des mineur-e-s transgenres et de leurs parents, l'entretien avec la Dre Agnès Condat permet de mettre en lumière les manières dont des services hospitaliers accompagnent les individus dans leur démarche de transition, mais également les institutions qui les socialisent – comme l'école. Au-delà, l'entretien revient sur le travail d'identification et d'accompagnement des manifestations de l'angoisse chez les familles comme chez les personnels soignants. L'article souligne enfin comment le travail psychanalytique peut s'emparer des sciences sociales, notamment sur la question du genre.How do psychoanalysis and psychiatry define anxiety and support patients and those close to them? Based on the case of the transition paths of transgender minors and their parents, the interview with Dr. Agnès Condat sheds light on the ways in which hospital services assist individuals in their transition process, but also support the institutions that socialize them – such as schools. Beyond that, the interview focuses on the work of identifying and assisting with the manifestations of anxiety in families and caregivers. Finally, the article underlines how psychoanalytical work can make headway in the social sciences, particularly on the question of gender.
- Accompagner des mineur-e-s transgenres et leurs parents. Manifestations et clinique de l'angoisse - Agnès Condat, Annabelle Allouch, Nicolas Rabain p. 155-171