Contenu du sommaire : Salaires féminins, le point et l'appoint

Revue Travail, genres et société Mir@bel
Numéro no 15, 2006
Titre du numéro Salaires féminins, le point et l'appoint
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Parcours

  • Dossier  : Salaires féminins  : le point et l'appoint

    • Salaires féminins : le point et l'appoint - Monique Meron, Rachel Silvera p. 27-30 accès libre
    • Salaires et valeur du travail : L'entrée des femmes dans les industries mécaniques sous le sceau de l'inégalité en France et en Grande-Bretagne (1914-1920) - Laura Lee Downs p. 31-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quelles sont les origines du décalage quasi universel entre les salaires féminins et les salaires masculins dans le travail industriel ? Cet article explore cette question à travers une étude comparée de l'entrée massive des femmes dans une industrie masculine – celle de la métallurgie – en France et en Grande-Bretagne à partir de l'automne 1914. L'entrée des femmes a transformé ces usines d'espaces masculins en espaces mixtes, structurés par de nouvelles divisions sexuées de travail et de nouvelles hiérarchies de qualifications et de salaires. À travers l'étude des négociations salariales entre patrons, ouvriers, l'État et les ouvrières, cet article montre l'incapacité de l'État à protéger les ouvrières contre la stratégie patronale d'accorder aux femmes un salaire plus bas pour un travail égal, voire supérieur à celui de l'homme qu'elle remplace. En effet, les bureaucrates de part et d'autre de la Manche furent convaincus que l'infériorité des salaires des femmes était non seulement traditionnelle mais encore quasi naturelle. Les interventions des ministères de l'Armement des deux pays dans les négociations salariales avaient pour résultat une nette amélioration des salaires féminins qui n'étaient souvent que des salaires de famine avant 1917. Or, après toutes ces interventions musclées des deux ministères de l'Armement, le décalage entre les salaires féminins et les salaires masculins pour un même travail, qui était de l'ordre de 50 % au début de la guerre, restait autour de 20 % en France, et de 30 % en Grande-Bretagne en 1918. La main-d'œuvre féminine gardait alors son statut de main-d'œuvre peu cher, et les industriels français et britanniques émergeaient de la guerre fourbis d'une nouvelle arme redoutable dans leur lutte pour faire baisser le coût de la production : la femme métallurgiste, payée selon sa propre échelle de bas salaires pour un travail accompli, auparavant, par un homme.
      What are the origins of the apparently universal inequality between men's and women's wages in industry? This article explores that question by looking at the massive entry of women into an all-male industry – the metalworking trades – in France and Britain from 1914 on. Women's arrival transformed previously all-male spaces into sexually-mixed spaces that were structured by new sexual divisions of labour and new hierarchies of skill and of wages. By examining wage negotia-tions between the state, employers, workers and the new female labour force, this article reveals the state's inability to protect women workers from employers' strategy of paying women a lower wage for equal, if not superior work to the man she replaced. For bureaucrats on both sides of the Channel were convinced that the lower rate of women's wages was not merely anchored in tradition but was in fact, a more or less universal "fact" of nature. The interventions in wage negotiations by the ministries of Munitions in both countries certainly resulted in a clear improvement in women's wages, which, before 1917, were often close to starvation wages. Even after a muscular series of state interventions, however, the gap between men's and women's wages, generally close to 50% in 1914, remained at about 20% in France and 30% in Great Britain in 1918. Women workers thus retained their status as cheap labour, and French and British employers emerged from the war with a new and redoubtable weapon in their struggle to keep production costs low: the woman metalworker, paid according to her own scale of low wages for a job that had former ly been performed by a man.
    • Quand la variable « femme » ne sera plus significative dans les équations de gains... - Dominique Meurs, Sophie Ponthieux p. 51-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la logique de l'analyse orthodoxe des déterminants des salaires, le rapprochement des niveaux d'éducation des femmes et des hommes devrait se traduire par un resserrement de l'écart des salaires. Cette prédiction peine à se réaliser : le niveau moyen d'éducation des femmes qui travaillent est supérieur à celui des hommes, mais leurs salaires restent en moyenne inférieurs. L'avantage éducatif n'est en effet pas de taille face aux différences de structure des emplois et de durée de travail, qui expliquent l'essentiel de l'écart des salaires. Ces différences sont liées à des phénomènes de ségrégation, euxmêmes largement issus des comportements sociaux et de la distribution des tâches domestiques et familiales entre les femmes et les hommes.
      In the logic of the Orthodox analysis of pay determinants, the fact that female and male levels of education are getting closer should result in a narrowing of the salary gap. This prediction, however, is not verified: the average level of education of working women is higher than that of men, but their salaries remain lower on average. The educative advantage does not play a role important enough to counterbalance differences in job structures and in working hours that explain most of the salary gap. These differences are linked to segregation phenomena, which are, in turn, largely the result of social behavior and the distribution of domestic and family tasks between women and men.
    • Chronique juridique des inégalités de salaires entre les femmes et les hommes - Marie-Thérèse Lanquetin p. 69-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La revendication « à travail égal, salaire égal » est ancienne et a pu être ambiguë. Elle s'est d'abord exprimée dans un contexte de concurrence économique avant d'être reconnue comme un principe de justice puis comme un droit fondamental. La notion de salaire « féminin » a perduré jusqu'à l'affirmation du principe d'égalité entre hommes et femmes. Mais des difficultés se sont maintenues face à la liberté de fixation des salaires par l'employeur au-delà des minima légaux et conventionnels. Des « outils » juridiques et judiciaires existent pourtant, construits d'abord par le droit communautaire afin de renforcer le principe d'égalité de rémunération et de lutter contre les discriminations. La construction du sens et de l'efficacité du principe d'égalité s'est faite par la voie judiciaire. Elle est d'abord l'affaire des acteurs car une loi ne signifie rien par elle-même, elle implique la construction de son sens. Or la lutte contre de telles inégalités de rémunérations est encore faible en France. Pourquoi ?
      The claim "equal pay for equal work" is an old one, and possibly an ambiguous one. It was first voiced in the context of economic competition to be later recognized as a principle of justice. It finally acquired the status of a fundamental right. The notion of "female" salary perpetuated until the assessment of male-female equality as a principle. But difficulties remained, stemming from the freedom of the employer to determine salaries beyond the legal conventional minima. Legal andjudicial tools exist, however, which were primarily built through European law to reinforce the principle of equal pay and fight discriminations. The construction of the meaning and efficiency of the equality principle required recourse to the law. It is first and foremost the actors' construction, for a law has no meaning in itself: the elaboration of its meaning is a necessity. In France, the fight against such inequalities remains weak, for reasons yet to be determined.
    • Un salaire égal pour un emploi de valeur comparable - Séverine Lemière p. 83-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif des politiques de « valeur comparable », ou selon l'expression canadienne « d'équité salariale », est l'application concrète du principe « un salaire égal pour un travail de valeur comparable » destiné à lutter contre la dévalorisation des emplois occupés majoritairement par des femmes. Différentes expériences étrangères ont amené à proposer des critères d'évaluation des emplois. Ces méthodes fondées sur la « valeur comparable » des emplois donnent lieu à de nombreuses controverses.
      The objective of policies of comparable value, or, to use a Canadian expression, of pay equity is the concrete translation of the principle "equal pay for work of comparable value, which aims at fighting against the loss of value of jobs mainly held by women. Various foreign experiences inspired tools to evaluate these jobs. These methods, based on the comparable value of jobs, give way to many controversies.
    • L'argent du « ménage », qui paie quoi ? - Delphine Roy p. 101-119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Loin d'être fondus en un unique « budget du ménage », l'argent de l'homme et celui de la femme restent, dans un couple, différenciés. Une analyse élémentaire des données de l'enquête « Budget des Familles » de l'Insee indique que l'argent des deux conjoints ne sert pas toujours à la même chose : certains postes de dépenses sont clairement sexués. D'un point de vue ethnographique, on observe que l'ampleur et les modalités de la mise en commun des ressources au sein du couple ne vont pas de soi. Le domaine du budget collectif est plus ou moins étendu, et sa négociation explicite, pas toujours possible ni souhaitée. Enfin, dans le cas où la femme gagne moins que l'homme et où il n'y a pas de compte commun, on constate que tous les ménages rencontrés procèdent d'une façon totalement opposée à la notion de « salaire d'appoint » : c'est le « petit » salaire de la femme qui constitue la base de l'argent collectif.
      Far from melting into a unique "household budget", male money and female money remain differentiated inside the couple. An elementary analysis of the data of the survey & Family Budgeting of the Insee shows that the money of each spouse is not always used for the same purpose: some expenses are clearly gendered. From an ethnographic point of view, what is observed is that the scope, terms and conditions of the pooling of resources within the couple are not a matter of course. The collective budget is more or less restricted, and its explicit negotiation is not always possible nor wished. Finally, when the woman earns less than the man and there is no common account, all households proceed in a way that is at the very opposite of what the notion of "supplementary income" would imply: the "small" salary of the woman serves as the basis for collective money.
    • Les paradoxes d'une satisfaction : Ou comment les femmes jugent leur salaire - Christian Baudelot, Delphine Serre p. 121-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lorsqu'on demande aux femmes si elles sont satisfaites de leur salaire, compte tenu du travail qu'elles fournissent, leurs réponses diffèrent à peine de celles des hommes alors que leurs salaires sont inférieurs de 20 %. Le paradoxe s'explique dès lors qu'on prend en compte le poids de la représentation du salaire féminin comme salaire d'appoint et que l'on cherche à comprendre les points de référence qui servent aux unes et aux autres pour évaluer leur salaire. C'est en comparant leurs salaires à ceux de leurs supérieurs immédiats ou de leurs collègues masculins que les hommes expriment leur satisfaction ou insatisfaction, alors que c'est en mesurant le chemin parcouru depuis la génération de leurs mères et en comparant leurs salaires à ceux d'autres femmes souvent moins bien payées que les femmes évaluent le niveau de satisfaction qu'elles retirent de leur travail et de leur salaire.
      When asked if they are satisfied with their salaries given the work they accomplish, women give very similar answers to those of men, whereas their salaries are 20 % lower. The paradox is resolved the moment one takes into account the common representation that the female salary is a supplementary income. The paradox is resolved even further if one tries to understand the references men and women use to evaluate their salaries. Men express satisfaction or dissatisfaction after comparing their salaries to their immediate superiors' or to their male colleagues'. Women, on the other hand, evaluate their satisfaction with their jobs and their salaries by measuring progress since their mothers' generation and by comparing their salaries to those of other women who are often less paid.
  • Mutations

    • L'alcool donne-t-il un genre ? - François Beck, Stéphane Legleye, Gaël De Peretti p. 141-160 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'étude des comportements de consommation d'alcool et de leur perception par la société est une approche intéressante de la notion de genre, en particulier en France où cette consommation est fortement intégrée aux relations sociales (repas de famille ou entre amis, célébrations en tout genre, etc.) et donc a priori moins stigmatisée que dans certains autres pays. En nous appuyant sur les travaux de Sidsel Eriksen (1999) qui définit l'alcool comme un « symbole » du genre et une exploitation statistique de nombreuses sources récentes (Baromètre santé 2000, Eropp2002), nous montrons que la dichotomieentre genre et perception par la société de la consommation d'alcool qui s'affirme au XIXe siècle se prolonge aujourd'hui. En particulier, bien que la consommation d'alcool reste faible chez les femmes et très inférieure à celle des hommes, le spectre de l'explosion de cette consommation est régulièrement agité comme une réelle menace pour la société.
      The study of alcohol consumption behaviors and of their perception by society is an interesting approach to the notion of gender, particularly in France, where this consumption is strongly integrated to social relations (family meals or meals with friends, various types of célébrations, ...). As such, it is less stigmatized than in other countries. On the basis of the works of Sidsel Eriksen (1999), who defines alcohol as a "symbol" of gender, and of a statistical exploitation of many recent sources (health barometer 2000, Eropp 2002), we will demonstrate that a dichotomy exists between gender and society's perception of alcohol as it took rise in the 19th century and carries on today.
  • Controverse  : "La condition fœtale"

  • Critiques