Contenu du sommaire : Les femmes, les arts et la culture
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 19, 2008 |
Titre du numéro | Les femmes, les arts et la culture |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Hommage
- Annie Labourie-Racapé - Jacqueline Laufer, Thérèse Locoh, Margaret Maruani p. 5-18
Dossier : Les femmes, les arts et la culture
- Les femmes, les arts et la culture : Frontières artistiques, frontières de genre - Marlaine Cacouault-Bitaud, Hyacinthe Ravet p. 19-22
- Les vertus de la reproduction : Les peintres copistes en France dans la première moitié du XIXe siècle - Séverine Sofio p. 23-39 Rarement étudiée – et encore moins dans une perspective de genre –, la copie de tableaux s'apparente, à première vue, au travail dévalorisé de peintres débutants, amateurs ou ratés. Elle demeure pourtant, au XIXe siècle, une activité largement pratiquée par des peintres (hommes, mais aussi, pour une grande part, femmes) qui ne correspondent guère à cette idée du copiste « par défaut ». Activité d'autant plus centrale dans les stratégies de carrière qu'elle est alors extrêmement valorisée par le pouvoir politique, la copie reste, pour les peintres des deux sexes, une triple ressource : un revenu non négligeable, un moyen de pénétrer le monde de l'art et une source de légitimité dans les genres picturaux les plus prestigieux. Enfin, en comparant la situation des copistes femmes et hommes sous la Monarchie de Juillet, on s'aperçoit que la copie s'impose alors comme un espace professionnel original, marqué – contre toute attente – par une relative égalité entre les sexes.The copying of paintings is rarely studied (least of all in the perspective of gender). It first appears as the devalued work of starters, amateurs or failures. However, in the 19th century, this activity is largely practiced by painters (men, but also, for a large part, women) and does not correspond to this idea of the copyist “by default”. This activity is all the more central in career strategies as it is extremely valued by political leaders. Copying remains, for painters of both sexes, a triple resource : a valuable source of revenue, a way to penetrate the world of art and a source of legitimacy among the post prestigious pictural genres. Finally, by comparing the situation of female and male copyists under the Monarchy of July, one realizes that copying is recognized as an original professional activity, surprisingly characterized by a relative gender equality.
- Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée : Bref historique d'une longue professionnalisation - Florence Launay p. 41-63 La professionnalisation des musiciennes est un phénomène ancien, qui a vu un développement fulgurant à partir de la fin du XVIIe siècle, avec l'apparition du genre de l'opéra. Le goût du public français, en particulier, pour les voix de femmes et la vérité théâtrale (et donc son refus des castrats) a permis l'apparition de véritables divas, rémunérées en conséquence, peut-être les premières femmes à avoir eu accès aux professions dites de prestige. Le Conservatoire de Paris a été dès sa création, en 1795, ouvert aux deux sexes, permettant à des chanteuses et à des pianistes d'acquérir un diplôme convoité, cent ans avant l'École des beaux-arts et soixante-dix avant les universités. Pour les autres métiers de la musique, l'accès des femmes s'est révélé plus difficile, comme pour les professions considérées comme des « domaines masculins » ; si les instrumentistes solistes ont pu s'imposer au cours des siècles, les instrumentistes d'orchestre, les cheffes et les compositrices, perçues d'abord comme des « exceptions » puis comme des concurrentes, rencontrent encore de nos jours des problèmes de légitimité et de discrimination. La pédagogie de la musique a été par contre investie tôt par les femmes, à cause du poids considérable des « arts d'agrément », passage obligé de l'éducation des femmes de la bourgeoisie, les femmes devant enseigner aux femmes. Les métiers de la musique se révèlent ainsi un champ idéal d'observation de l'historique des discriminations professionnelles par le sexe.Professionalization of musicians is an ancient phenomenon that developed intensely from the end of the 17th century, when the opera genre appeared. The French public's taste for women's voices, particularly, and for theatrical truth (which excluded castratos), gave way to true divas, paid accordingly, maybe the first women to have had access to so-called prestigious professions. The Paris Conservatory of Music has welcomed both genders from its creation in 1795 onwards, enabling female singers and pianists to obtain a much relinquished diploma a hundred years before the School of Arts and seventy years before the university. Women's access to the other professions in music proved more difficult, as was the case for profession considered “male territory” ; if soloist instrumentalists managed to be recognized over the centuries, orchestra instrumentalists, female directors and composers, first perceived as “exceptions”, then as competitors, meet problems of legitimacy and discrimination even today. Women have invested in musical pedagogy at an early stage, though, because of the considerable weigh of recreational art, a necessary step in the education of women from the bourgeoisie, women teaching to women. Musical professions thus turn out to be an ideal observation field of the history of professional discriminations by gender.
- Démocratiser les musées : une profession intellectuelle au féminin - Aurélie Peyrin p. 65-85 Au début du XXe siècle, accompagner les visiteurs dans les musées est une profession d'emblée conçue pour les femmes, et plus précisément conçue par les conservateurs hommes pour écarter les premières diplômées en histoire de l'art des fonctions scientifiques. Cette profession intellectuelle féminine se construit tout au long du siècle sur le mode du travail à la demande, c'est-à-dire à la fois sous la forme d'emplois de courte durée d'activité intermittente. Un siècle plus tard, les caractéristiques de la profession demeurent inchangées, mais elle attire désormais certains hommes, essentiellement des artistes, qui s'accommodent de ces conditions d'emploi flexibles car elles leur laissent du temps libre, nécessaire à leur activité de création. Les chargé-e-s d'accompagnement, quel que soit leur sexe, tendent par ailleurs à « naturaliser » les compétences mises en œuvre dans le métier, et vivent enfin des situations conjugales « typiquement » féminines : c'est sur leur conjoint-e que repose la sécurité des revenus du couple.At the beginning of the 20th century, accompanying visitors in musems is thought of as a female profession from the start by male curators eager to keep the first graduates in art history away from scientific positions. This female intellectual profession evolves throughout the century by adapting to demand through short-term jobs with changing levels of activity. One century later, the characteristics of the profession have remained unchanged, but it now attracts certain men, mostly artists who make-do with these flexible working conditions because they give them time for their artistic creation. Besides, the accompanyers, whatever their gender, tend to "naturalize" the competencies at work in their profession and live matrimonial situations "typically" female : the partner is the one to secure the financial security of the couple.
- Tenter, rentrer, rester : les trois défis des femmes instrumentistes de jazz - Marie Buscatto p. 87-108 À l'aube du XXIe siècle, un « plafond de verre » semble limiter l'accès des femmes aux positions sociales les plus élevées. Le monde du jazz français, monde de l'art très masculin et très sexué, offre un terrain privilégié pour étudier cette question de manière renouvelée. Les femmes constituent 65 % des chanteuses et moins de 4 % des instrumentistes de jazz. Les musiciennes, même les plus reconnues, n'évoluent dans ce monde que de manière marginale. Une enquête ethnographique menée depuis 1998 identifie les différents processus sociaux qui, en se cumulant dans la durée, rendent l'accès et le maintien des femmes instrumentistes dans le monde du jazz particulièrement difficiles. Cette réalité, fruit d'un lent cheminement personnel, se situe au croisement de rapports sociaux plus larges – la définition sociale des divers rôles féminins au fil de l'« âge » – et de normes, réseaux et conventions « masculins » portés par les musiciens.At the start of the 21st century, a glass ceiling seems to limit women's access to the highest social status. The French jazz world, a very male and very gendered art world, offers a field of choice to study that question in an innovative way. Women represent 65% of singers and less than 4% of jazz instrumentalists. Women musicians, even the most reknown ones, are only marginally present in that world. An ethnographic study started in 1998 identifies the social patterns that, when cumulated over time, render access and duration of women instrumentalists particularly difficult in the jazz world. This reality, which results from a long personal evolution, is at the crossroads of broader social links – the social definition of various female roles throughout the “ages” – and of norms, networks and “male” conventions conveyed by musicians.
Mutations
- Les grillons du foyer municipal, les femmes au foyer en politique - Marion Paoletti p. 111-130 La présence des femmes au foyer en politique en tant qu'élues constitue à certains égards une surprise tant l'engagement politique des femmes s'analyse traditionnellement comme encastré dans l'exercice d'une activité professionnelle. La « disponibilité » que recherchent les têtes de liste chez leurs colistières explique en partie la présence affirmée de ces femmes dans la politique municipale, prioritairement en milieu rural. Loin des images véhiculées récemment par les médias des « nouvelles et modernes femmes au foyer », la présence des femmes au foyer en politique peut globalement s'interpréter comme une dimension conservatrice de l'ordre politique, que n'est pas venue perturber la mise en œuvre de la parité en politique depuis 2001.The presence of housewives in politics as elected representatives partly comes as a surprise inasmuch as political involvement of women is traditionally analyzed as a part of the exercise of a professional activity. The "availability" that is sought for by heads of lists among the ones they recruit partly explains the strong presence of women in local politics, primarily in rural society. Far from the image given by the media of "new and modern housewives", the presence of housewives in politics can globally be interpreted as the conservative dimension of the political order, which has not been perturbed by the implementation of equal gender representation in politics since 2001.
- La (re)production des rapports sociaux de sexe : quelle place pour l'institution scolaire ? - Marie Duru-Bellat p. 131-149 L'école joue-t-elle, dans la reproduction des rapports sociaux de sexe, un rôle comparable à celui qu'elle joue en matière de reproduction des inégalités sociales ? C'est la question que pose ce texte. Après avoir rappelé l'impact déterminant des pratiques éducatives parentales, il analysera les différentes facettes potentielles de l'influence de l'école. Nombre de mécanismes mis en avant dans l'analyse de la reproduction des inégalités sociales à et par l'école s'avèrent ici inopérants. De fait, c'est plutôt la passivité de l'institution, face à des élèves et à des situations marquées par les modèles de sexe, qui apparaît essentielle. Ceci laisse ouverte la question de la légitimation des inégalités entre les sexes, dès lors que l'école ne peut la fournir.In the reproduction of gendered social links, does school play a role comparable to the one it plays in the reproduction of social inequalities? After reasserting the crucial impact of parental educational practices, we will analyze the various potential influences of school. A number of mechanisms discovered through the analysis of the reproduction of social classes at and by the schooling system prove inefficient here. Indeed, it is much rather the passivity of the institution, facing its pupils and situations marked by gendered models, that appears to be essential. This does not answer the question of legitimization of gender inequalities when school cannot provide one.
- Les grillons du foyer municipal, les femmes au foyer en politique - Marion Paoletti p. 111-130
Controverse : Flexicurité et genre, un angle mort ?
- Flexicurité et genre, un angle mort ? - Rachel Silvera p. 151-153
- Sécurisation des parcours professionnels et genre : l'écueil de la reproduction des inégalités sexuées - Anne Eydoux, Marie-Thérèse Letablier p. 155-162
- Quand la dimension de genre entrera-t-elle réellement en jeu ? - Maria Jepsen p. 163-169
- Genre, « flexicurité » et « Marchés Transitionnels du Travail » : angle mort ou fenêtre de tir ? - Bernard Gazier p. 170-176
- Pour une autre approche du modèle danois - Nicole Kerschen p. 177-183
- Les enjeux de genre de la décommodification nordique appliquée à la France - Bernard Friot p. 184-188
Critiques
- Critiques - p. 189-226