Contenu du sommaire : Maudite conciliation
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 24, 2010 |
Titre du numéro | Maudite conciliation |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Liliane Kandel, "Génération MLF" - Margaret Maruani, Nicole Mosconi p. 5-24
Dossier : Maudite conciliation
- Maudite conciliation - Hélène Périvier, Rachel Silvera p. 25-27
- Concilier, organiser, renoncer : quel genre d'arrangements ? - Ariane Pailhé, Anne Solaz p. 29-46 Au-delà du débat virulent dans les milieux féministes sur l'utilisation du terme de conciliation, cet article établit un bilan de l'articulation famille-travail. Les arrangements entre famille et travail continuent à reposer majoritairement sur les femmes, de plus en plus au cours du cycle de vie. Les nouvelles organisations du travail et la segmentation du marché du travail entretiennent cette division sexuée. Les employeurs peuvent contribuer à limiter les tensions entre travail et vie familiale, notamment en permettant une organisation du travail plus souple. Mais, quelle que soit leur situation familiale, les travailleurs ne bénéficient pas du même soutien de la part de leurs entreprises : de fortes inégalités selon les secteurs et les types d'emploi persistent.Beyond the scathing debate among feminist circles about the use of the word conciliation, this article assesses the articulation between family and work. Arrangements between family and work continue to mainly weigh upon women, more and more within the life cycle. New work organizations and segmentation of the workplace keep the gendered division going. Employers can contribute to the lowering of the tensions between work and family life, particularly by allowing a more flexible work organization. However, whatever their family status, workers do not all benefit from the same support from their companies: strong inequalities remain accounting to the field of activity and the job category.
- Les limites des politiques publiques de soutien à la paternité - Danielle Boyer, Benoît Céroux p. 47-62 Il s'agit ici de mettre au jour les paradoxes contemporains de la définition sociale de la paternité au regard des modèles prescriptifs de son exercice et des discours portés par les pères sur leur expérience paternelle. La paternité qui s'en dégage semble davantage circonscrite à un acte volontaire plus qu'à une injonction sociale à l'investissement paternel, et les pères n'ont pas tous la même volonté de s'investir auprès de l'enfant. En ce sens, il s'agirait d'une paternité d'intention, que des obstacles de tous ordres empêcheraient certains de rendre effectives. La norme de l'adulte travailleur contribue ainsi sans doute à renforcer l'assignation des hommes dans la sphère professionnelle.The purpose is to unveil contemporary paradoxes of the social definition of paternity with regard to prescriptive models of its exercise and to fathers ' expression of their paternal experience. The paternity that stems from it seems to be more of a voluntary act than a social injunction: fathers do not all have the same will to invest themselves in the child. In that sense, it could be named intentional paternity, one that numerous obstacles would stop some fathers from making real. The norm of the adult worker undoubtedly contributes to reinforce assignation of men to the professional sphere. Recourse to personal commitment by public programs as well as the persistence of a professional norm make up the limits of the efficiency of public support to paternal implication.
- Temps professionnels et familiaux en Europe : de nouvelles configurations - Rachel Silvera p. 63-88 Mieux articuler les temps professionnels et familiaux est un des thèmes majeurs des politiques européennes, qui défendent ainsi le principe fondamental d'égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi des objectifs économiques et démographiques : permettre aux femmes d'être plus nombreuses sur le marché du travail tout en facilitant leur rôle de mères et leur capacité à prodiguer les soins à autrui. L'objectif de cet article est de dresser dans un premier temps un panorama actualisé mais incomplet des dispositifs publics d'articulation des temps en Europe (temps, services, dépenses publiques) et dans un second temps, d'observer ce qui relève de la responsabilité d'autres acteurs en dehors de l'Etat, comme l'entreprise. Ceci nous amènera à retracer l'évolution des modèles européens en matière de « conciliation », selon le rôle de l'Etat, du marché et de la famille. Au-delà des discours, les pratiques sont loin d'être homogènes et ne semblent pas converger vers ce projet commun de « conciliation » et d'égalité soutenu pourtant par les politiques de l'Union européenne.To better articulate professional and family schedules is one of the major subjects of European policies, who thus defend the fundamental principle of equality between women and men, but also demographic and economic objectives: to both enable more women to joint the workplace and make it easier for them to be mothers and to take care of others. This article aims at drawing up an up-to-date, albeit incomplete overview of public policies in the field of schedule articulation in Europe (schedules, services, public expenditure), and consequently observing what is the responsibility of other actors than the State, such as companies. This will lead to recount the evolution of European models in the field of “conciliation”, according to the role of State, market and family. Beyond these words, practices are far from homogenous and do not seem to converge to this common project of “conciliation” and equality that is supported by policies of the European Union.
- Politiques familiales contre politiques de l'égalité des sexes ? Le cas de l'Allemagne - Mechthild Veil p. 89-110 `titrebRésumé`/titrebEn Allemagne, aujourd'hui, on assiste à une modernisation de la politique familiale, jusqu'alors conservatrice, en vue d'un rattrapage vis-à-vis de la France et de l'Union Européenne. Les deux réformes emblématiques de ce changement sont d'une part l'extension des structures d'accueil de la petite enfance et d'autre part la réforme d'allocation parentale. Cet article vise l'analyse de ces mesures sous différents angles : tout d'abord, il s'agit d'établir une corrélation éventuelle entre les politiques familiales et l'égalité des sexes ; par ailleurs, on observe les transformations en œuvre dans la fameuse « conciliation » à l'allemande ; enfin, on relève les incidences de ces dispositifs sur la natalité, particulièrement basse, notamment chez les personnes qualifiées (dont les universitaires). Les résultats sont mitigés : du côté positif, on peut considérer que la « conciliation » répond davantage aux besoins des mères actives et renforce le rôle des hommes en tant que pères. Mais d'un point de vue plus négatif, on constate une sélectivité des stratégies d'égalité entre les femmes et les hommes, focalisées sur les ménages aisés et bi-actifs, masquant ainsi les inégalités sociales. Finalement, les différents modèles – celui de la mère active qui va de pair avec celui du père « breadwinner » – coexistent de façon conflictuelle. Désormais, « l'indétermination normative » crée une brèche dans le concept d'égalité entre les femmes et les hommes.In Germany today, an adjustment modernization with regards to France and to the European Union occurred in a family policy that was conservative until then. The two reforms that characterize this change – forced extension of childcare equipments and the reform of parental allowances – are analyzed from the angle of a correlation (or not) of family policies and gendered equality on the one hand, and restructuring of the famous “conciliation” on the other hand, and finally from the angle of inspiring birthrate that is notably low among academics. The results are mixed. What is innovative is orientation of “conciliation” towards the needs of active mothers and reinforcement of men 's roles as fathers. Deficits articulate among selectivities of male-female equality strategies, focused on well-off households with two professionally active parents, which conceals social inequalities. In the end, the conflictual mix of various models – the active mother goes along with the father who supports the family – and the “normative indetermination” create a breach in the concept of male-female equality.
- De la conciliation à la resilience : 40 ans d'évolution lexicale aux États-Unis - Ariane Ollier-Malaterre p. 111-128 Alors que la question de la “conciliation” commence à peine à être prise en compte par les entreprises françaises, les employeurs américains développent ces pratiques depuis près de quarante ans. Le choix par les gestionnaires de ressources humaines et les chercheurs du vocabulaire employé pour les désigner, de « work-family » à « work-life », puis à « résilience », reflète à la fois une compréhension plus fine de la question au fil du temps, et les stratégies déployées pour surmonter les obstacles. La perception de cette question comme étant un problème de femmes restreignait l'usage des pratiques proposées par les employeurs et pénalisait les utilisatrices. L'absorption de la conciliation dans le lexique de la santé, du bien-être et de la résilience tente de contourner les stéréotypes liés au genre et pourrait de ce fait assurer une meilleure efficacité des pratiques.While “conciliation” is only just starting to be taken into account by French companies, American employers have been developing those practices for over forty years. The words chosen by the human resources managers and researchers to designate them, from “workfamily” to “work-life”, then to “resilience”, both reflects a more subtle understanding of conciliation with time and the strategies adopted to overcome obstacles. Perception of conciliation as a woman's problem restricted the use of practices offered by employers and penalized female users. The absorption of conciliation in the glossary of health, well-being and resilience is an attempt to by-pass gender stereotypes and could therefore ensure more efficient practices.
Mutations
- Allaiter et travailler : puisqu'on vous dit que c'est possible - Hugues Bardon p. 129-149 Le discours de promotion de l'allaitement maternel semble avoir évolué depuis une vingtaine d'années, affirmant aujourd'hui la compatibilité entre cette pratique et une activité professionnelle. Cependant, à y regarder de plus près, cette évolution n'est en réalité que purement rhétorique, s'articulant notamment autour de la notion de conciliation, entre maternité et vie professionnelle. Un travail de déconstruction de l'argumentaire qui y est développé montre qu'il vise et énonce parfois même clairement une réduction, voire l'arrêt, de l'activité professionnelle des femmes au profit du maintien inconditionnel de l'allaitement. L'analyse de ces discours révèle l'existence d'une formation discursive prescriptive d'un ensemble de conduites et de comportements normalisés et dresse un modèle de mères, en jouant sur des ressorts tels que la culpabilité pour s'assurer l'adhésion de celles-ci.Publicity for breastfeeding seems to have evolved over the past 20 years, now affirming that this practice is compatible with a professional activity. However, a closer look reveals that this evolution is purely rhetorical, based on the notion of conciliation between maternity and professional life. Deconstruction of the line of argument shows that it aims at, and sometimes even states, a reduction, or even the end, of female professional activity to the benefit of unconditional maintaining of breastfeeding. Analysis of these views reveals the existence of a discursive training prescribing a number of normalized conducts and behaviors, teaching maternal models by resorting to guilt feelings so as to ensure mothers' joining-in.
- Antiféminisme et féminisme élitiste en Allemagne : les termes du débat - Elisabeth Klaus p. 151-165 Longtemps stigmatisé dans le discours social en Allemagne, le féminisme a récemment connu un renouveau : il a été utilisé dans des contextes politiques jusqu'alors inhabituels et en relation avec de nouvelles positions idéologiques. Le nouveau débat féministe fut promu par une célèbre ex-présentatrice du journal télévisé quand elle publia un bestseller accusant le féminisme de presque tous les maux sociaux auxquels la société allemande est confrontée aujourd'hui. L'article révèle des indicateurs du fait que l'attaque d'Eva Hermann contre les mouvements féministes des années 70 n'est qu'une partie d'un vaste réseau anti-féministe organisé efficacement et qui utilise la nouvelle technologie des media à son avantage. De nombreuses voix de protestation se sont élevées contre les opinions très traditionnelles de l'ancienne présentatrice. Les media ont apposé le label passe-partout de « nouveau féminisme » sur ces voix. Toutefois, un examen plus attentif de la non-fiction la plus populaire publiée dans ce contexte révèle un fort conservatisme qui se rapproche dangereusement des, et parfois touche les positions antiféministes. Il y est affirmé que « le féminisme conservateur » a quatre caractéristiques : la distanciation avec un féminisme plus ancien et sans doute dépassé ; l'auto-célébration néolibérale ; l'absence d'analyse critique sociale ; une orientation sexuelle invariablement hétérosexuelle.Feminism, for a long time the „F-word“ in the social discourse in Germany, has recently seen a revival and has been used in as yet unfamiliar political contexts and with regard to new ideological positions. The new feminism debate was pushed by a well-known former news-anchor, when she published a bestseller blaming feminism for almost all of the social ills facing the German society today. The article brings forth some indicators that Eva Hermann's attack on the women's movements of the 1970's is part of a wider anti-feminist network, that is effectively organized and uses new media technology to its advantage. Many voices of protest have been raised against the very traditionalist opinions of the former news anchor. The media has imprinted the multi-faceted label of “new feminism” on them. However, a closer look at some of the most popular non-fiction published in this context reveals a strong conservatism that borders on and sometimes touches antifeminist positions. It is argued that “conservative feminism” is characterized by four defining features: firstly by distancing itself from an older and presumably outdated feminism, secondly by a neoliberal self-celebration, thirdly by the lack of a critical social analysis and finally by an invariably heterosexual orientation.
- Allaiter et travailler : puisqu'on vous dit que c'est possible - Hugues Bardon p. 129-149
Critiques
- Critiques - p. 167-233