Contenu du sommaire : Les individus font-ils bon ménage ?

Revue Travail, genres et société Mir@bel
Numéro no 26, 2011
Titre du numéro Les individus font-ils bon ménage ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Parcours

  • Dossier  : Les individus font-ils bon ménage ?

    • Les individus font-ils bon ménage ? - Thomas Amossé, Sophie Ponthieux p. 19-22 accès libre
    • Hommes et femmes en ménage statistique : une valse à trois temps - Thomas Amossé, Gaël De Peretti p. 23-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les catégories statistiques participent à leur manière aux représentations sociales. Suivre leur évolution est une façon d'observer les mutations d'une société. À travers celle des notions de « ménage » et d'« individu », nous proposons une histoire en trois temps de la place qu'a accordée la statistique aux catégories de sexe. De l'immédiat après-guerre aux années 1970, les femmes y apparaissent peu visibles, cachées derrière le « chef de ménage » ou assignées à leur rôle de mère et à leur fonction reproductrice. Au tournant des années 1970, la statistique se centre peu à peu sur les individus et dévoile des inégalités entre les hommes et les femmes qu'il faut réduire. Enfin, plus récemment, la question de la place des individus au sein des ménages et de l'articulation des rôles des hommes et des femmes s'impose en sociologie et en économie. Il ne s'agit plus seulement de révéler des inégalités, qui persistent d'ailleurs dans certains domaines, mais de comprendre comment se construisent les différences au sein même des couples. Avec ce troisième temps, la statistique se fait moins normative, les orientations politiques incertaines, les controverses scientifiques vives. Nous n'en sommes encore qu'aux prémices de cette période. En la matière, sans doute le « ménage reste-t-il à faire ».
      Statistical categories participate in social representations in their own way. To follow their evolution is a way to observe transformations of a society. Through the transformation of the notions of “household” and “individual”, we offer a three-part story of the space given to gender categories by statistics. From the after-war to the 70s, women are hardly visible, hidden behind the “head of household” or reduced to their role as a mother and to their reproductive function. At the turn of the 70s, statistics center little by little around individuals and unveil inequalities between men and women that need to be reduced. Finally, more recently, individuals' place within households and how men's and women's roles articulate are debated in sociology and economy. The aim is not only to reveal inequalities, which actually remain in certain areas, but to understand how those inequalities are built within couples. With this third step, statistical science becomes less normative, political orientation more uncertain, scientific controversy more accute. We are only at the premisses of this stage, and there is still quite some "cleaning-up do be done
    • Individus, familles, ménages, logements : les compter, les décrire - Laurent Toulemon p. 47-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis quarante ans, les ménages se sont apparemment simplifiés : taille moyenne décroissante, raréfaction des ménages dits « complexes ». Cependant, certaines situations individuelles ne sont pas repérées par les recensements, qui affectent chaque habitant à un logement et un seul. Un rapide rappel des principales évolutions observées depuis quarante ans est suivi d'une comparaison plus détaillée des situations familiales telles qu'elles apparaissent dans les grandes opérations statistiques de l'Insee : le recensement, l'enquête sur l'Emploi et les autres enquêtes auprès des ménages, qui utilisent toutes un même « Tronc commun » dont la nouvelle version contient des informations très précises sur les relations au sein des ménages et les multi-résidences. Il ressort de ces données que les hommes vivent plus souvent que les femmes dans des situations floues : multi-résidence, couple non-cohabitant, enfants résidant à temps partiel en cas de rupture parentale.
      For 40 years, households seem to have become simpler: decreasing average size, depletion of so-called “complex” households. However, certain individual situations are not included in censuses that grant each inhabitant a lodging and one only. A quick overview of the main evolutions observed over the past 40 years is followed by a more detailed comparison of family situations as pictured in the great statistical censuses of the Insee (French national statistical institute): the census, the employment survey, as well as other enquiries among households that all refer to a same core database. The most recent version of this database contains very precise information on relations within households and multi-residence. According to this data, men live more often than women in uncertain circumstances: multi-residence, lat relationships, partial residency of children in case of parental break-up.
    • Approches économiques du ménage : du modèle unitaire aux décisions collectives - Olivier Donni, Sophie Ponthieux p. 67-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose un survol de la façon dont l'approche économique standard décrit le comportement des ménages. Dans un premier temps, le modèle de comportement de l'individu a simplement été transposé au niveau du ménage : c'est ce que l'on appelle l'approche « unitaire ». Cependant, face aux limites de cette manière de procéder, telles que l'absence de justifications théoriques convaincantes de la nécessaire agrégation des préférences individuelles, et au rejet des prédictions générées par celle-ci, les économistes ont développé une approche plus générale, dite « collective ». Basée sur la seule hypothèse d'efficacité de l'allocation des ressources, elle permet de prendre en compte plusieurs décideurs dans le ménage. Les recherches les plus récentes considèrent de nouvelles généralisations dans lesquelles la situation efficace est seulement un cas particulier.
      This article offers an overview of how standard economic approach describes the behaviour of households. First, the individual behavior model was simply transposed to the household: that approach is called “unitarian”. However, economists developed a more general approach called “collective” because of the limits of the Unitarian approach such as the absence of convincing theoretical justifications to the necessary aggregation of individual preferences, and the rejection of the predictions generated by this aggregation. Based on the sole hypothesis of efficiency of resource allocation, the collective approach enables to take into account several decision-makers in the household. More recent studies scrutinize new generalizations in which the efficient situation is simply a particular one.
    • Lorsque seul le ménage compte : Variations autour de la pauvreté des ménages et des individus en Europe - Danièle Meulders, Síle O'Dorchai p. 85-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Notre objectif est de mettre en lumière les hypothèses qui soustendent les analyses relatives à la distribution des revenus et à la pauvreté et de montrer les biais qu'elles entraînent sur les résultats obtenus. Ces hypothèses conduisent à sous-estimer, voire à cacher, les risques de pauvreté des femmes. Ces conséquences sont illustrées à travers trois exemples de « mauvais calculs », qui témoignent d'un aveuglement par rapport à la situation spécifique des femmes. Le premier porte sur l'estimation du risque de pauvreté et montre la variabilité des estimations selon que l'on prend en compte le revenu du ménage ou les revenus individuels. Le deuxième est relatif aux effets d'une rupture sur les revenus des membres du ménage, et montre que les résultats des calculs traditionnels sous-estiment la capacité des femmes à vivre seules. Le dernier s'intéresse aux travailleurs pauvres, souvent des hommes dans l'approche traditionnelle, alors que la situation des femmes sur le marché du travail reste plus précaire.
      Our objective is to shed light on the hypotheses of the analyses relative to income distribution and poverty to show the biases on the results obtained. These hypotheses lead to underestimating, or even hiding, the poverty risk for women. These consequences are illustrated by three examples of “bad calculation”. They testify of blindness to the specific situation of women. The first example is that of estimation of the poverty risk: it shows how variable the results are whether one takes into account household revenue or individual income. The second example is the impact of break-up on the members of a household. It shows that the results of traditional calculations underestimate women's ability to live on their own. The third example is that of poor workers: the traditional approach pictures men whereas women's situation on the labor market remains more precarious.
  • Mutations

    • Corps et sexualité chez les romancières tunisiennes : Enjeux de reconnaissance, coûts et effets des « transgressions » - Abir Kréfa p. 105-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une trentaine d'entretiens semi-directifs effectués auprès d'écrivain-e-s tunisien-ne-s contemporain-e-s, ainsi que de l'analyse de romans publiés par des écrivaines, l'article montre comment l'exclusion des femmes de l'espace littéraire ne s'explique pas uniquement par leurs difficultés à concilier charges domestiques et activité créatrice. Alors que l'expression littéraire du corps et de la sexualité figure dans l'horizon d'attente des critiques et des pairs et constitue un critère important d'évaluation d'une « bonne » œuvre, les écrivaines doivent faire face à une censure sociale disséminée, particulièrement forte dans l'espace familial et conjugal. L'accès de certaines romancières à la reconnaissance littéraire est dès lors conditionné par les diverses stratégies qu'elles ont pu mettre en œuvre, aussi bien dans leurs interactions ordinaires avec leur entourage que dans leurs textes romanesques.
      Based on about thirty semi-directive interviews of the contemporary Tunisian writers and the analysis of books published by female writers, the article shows how the exclusion of women from the field of literature cannot be explained only by their difficulties in conciling domestic work and creative activity. While the literary expression of the body and of sexuality is expected from critics and fellow writers and is an important criteria of the evaluation of a “good” book, female writers must face a disseminated social censorship that is particularly acute in the family and the couple. Access of some female writers to literary recognition is thus conditioned by the various strategies that recognition is thus conditioned by the various strategies that they were able to set up, whether in their ordinary interactions with close ones or in their literary productions.
    • Les filles dans les écoles supérieures de commerce en France pendant l'entre-deux-guerres - Marianne Thivend p. 129-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Neuf Écoles supérieures de commerce (esc) de province s'ouvrent aux filles à partir de 1915 et jusqu'aux années 1950, ces dernières forment environ le quart des effectifs des esc mixtes. Cet article cherche à comprendre comment elles furent accueillies dans ces écoles. Quels furent leurs parcours scolaires dans le cadre d'une mixité « bricolée », qui tente d'instaurer des parcours spécifiques pour les femmes (secrétariat de direction) dans le cadre de la formation générale des futurs chefs de service et directeurs d'entreprises. Pour autant, toutes et tous sortent des écoles avec un seul diplôme et les filles, issues en majorité des classes moyennes, provenant des filières post-primaire et du lycée, obtiennent de meilleurs résultats que les garçons. L'usage professionnel qu'elles font de leur diplôme est en revanche plus difficile à définir. D'après les annuaires d'anciens, l'éventail de métiers est moins large pour les femmes que pour les hommes, mais la seule présence de patronnes, de chefs de service et de cadres parmi les anciennes élèves montre que ces parcours sont désormais possibles pour une partie des diplômées.
      Nine business schools outside of Paris open up to girls from 1915 to the ‘50s. Girls make up for about one fourth of all students of those schools. This article investigates how they were welcome in those schools: what their learning paths were in an improvised gender mix, who came up with female-specific paths (the chairman's secretariat) in the general training program of future heads of department and company bosses. All the same, all leave school with one single diploma. Girls, mostly from the middle class and from high school or post-primary school, achieve better results than boys. The professional use of their diplomas is, however, more difficult to grasp. According to these schools' alumni directories, the range of professions is narrower for women than for men. The sheer presence of female bosses, female heads of departments and female managers among ex-students show that these are presently possible for some of the female graduates.
    • Femmes et richesse : au-delà du PIB - Florence Jany-Catrice, Dominique Méda p. 147-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La mesure actuellement la plus utilisée pour recenser la richesse d'un pays est le Produit intérieur brut, qui représente la valeur monétaire des biens et services fabriqués une année donnée. Cet indicateur a été inventé au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Comme tous les indicateurs il est issu de « conventions », parmi lesquelles celle de ne pas considérer comme faisant partie de la richesse nationale les activités réalisées au sein du foyer, qui ont très longtemps été prises en charge par les seules femmes et dont la répartition reste encore aujourd'hui très déséquilibrée entre les femmes et les hommes. L'article vise dans un premier temps à revenir sur les raisons – implicites ou explicites – de cette exclusion. Il présente ensuite une des manières de faire justice à un certain nombre de revendications féministes qui considèrent légitime de prendre au moins la mesure de la contribution de la production domestique à la richesse nationale en réalisant une estimation monétaire de celle-ci. Après avoir envisagé les différentes méthodes d'estimation, jusqu'à la plus récente, proposée par la Commission Stiglitz et l'ocde, ainsi que les avantages et inconvénients de celles-ci, nous analysons dans une dernière partie une autre manière de dépasser les limites intrinsèques au pib : le développement de nouveaux indicateurs plus axés sur la santé sociale, en envisageant, de manière exploratoire, les modalités d'une meilleure prise en compte des inégalités entre femmes et hommes.
      The measure most widely used to express a country's wealth is the Gross National Product, which represents the monetary value of goods and services produced a given year. This indicator was invented in the after-war years. As all indicators, it is the product of conventions, among which that which excludes household activities from national wealth. These activities have long been performed by women only, and their distribution remains very unbalanced between men and women. This article first reconsiders the implicit and explicit reasons of this exclusion. It then shows one of the ways to render justice to a certain number of feminist claims to measure the contribution of domestic production to national wealth by estimating it in monetary terms. After having considered different methods to do so, up to the most recent ones proposed by the Stiglitz commission and the oecd, as well as the advantages and disadvantages of the latter, we finally analyze another way to trespass the intrinsic limits of the gnp: the development of new indicators more focused on social health and the exploration of a way to better take male-female inequalities into account.
  • Controverse  : Le care  : projet égalitaire ou cache-misère ?

  • Critiques